Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, à BFM Business le 20 janvier 2020, sur l'attractivité de la France et la programmation pluriannuelle de l'énergie.

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Intervenant(s) : 
  • Emmanuelle Wargon - Secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire

Média : BFM

Texte intégral

HRISTOPHE JAKUBYSZYN
L'enjeu écologique sera l'un des thèmes de Davos, vous y serez, Hedwige CHEVRILLON, à partir de demain, pour BFM Business, et justement, vous recevez Emmanuelle WARGON, la secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire.

HEDWIGE CHEVRILLON
Emmanuelle WARGON, bonjour.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour.

HEDWIGE CHEVRILLON
Merci d'être avec nous effectivement. On voit bien que le risque climatique, c'est la priorité des entreprises, en tous les cas, un forum de Davos, mais aussi à l'occasion de ce Choose France, avec ces 200 grands patrons étrangers qui font une escale à Paris et à Versailles du moins. On va y revenir parce que c‘est quelque chose qui vous tient à cœur, mais peut-être aussi une question sur la radicalisation à laquelle on assiste avec cette réforme des retraites qui rend un petit peu tout inaudible. Si je vous pose la question, c'est qu'il y a un an tout juste, c'était le début du grand débat suite aux gilets jaunes, et vous en étiez la co-animatrice avec Sébastien LECORNU. Est-ce que, aujourd'hui, eh bien, tout est un peu inaudible en effet ?

EMMANUELLE WARGON
Eh bien, c'est vrai que j'ai vécu ça au moment du grand débat, et surtout de toutes les rencontres avec les gilets jaunes, il y a maintenant un an, et qu'on retrouve une forme de violence, de colère, de défiance vis-à-vis des dirigeants, tous types de dirigeants confondus, qui est inquiétante. On a la nécessité, elle est portée par le président de la République, de produire des résultats pour les Français, que les choses que nous faisons se voient, que ce soit du concret, que ce soit mieux…

HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, mais ils se sentent inaudibles, parce qu'on voit bien que sur le plan économique, nous, on en parle souvent ici, la France va mieux, l'attractivité de la France – on va en dire un mot – elle résiste, elle est toujours très forte aux yeux des investisseurs étrangers. Et pour les Français, on est dans cette espèce de radicalisation, ces mouvements, qui empêchent le président de la République par exemple d'aller au théâtre.

EMMANUELLE WARGON
Enfin, c'est pour un petit nombre de Français que la question se pose. Mais pour ces Français-là, qui n'ont plus confiance en rien, qui ne nous croient pas, qui ne s'informent plus que sur des boucles Facebook, qui n'entendent que ce que leur disent les gens qui pensent comme eux, on a du mal à retrouver les conditions du dialogue et du respect mutuel. Et moi, j'ai abordé le grand débat et la relation avec les gilets jaunes dans ce sentiment de respect, il faut que le respect soit des deux côtés, il faut absolument qu'on arrive à retrouver une manière de parler à ces Français…

HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, mais enfin, on n'y arrive pas, est-ce que vous faites un lien entre justement la radicalisation d'une frange de certains syndicats et les gilets jaunes, on voit bien que, aujourd'hui, un an après, il y a un point de rencontre…

EMMANUELLE WARGON
Mais il y a une forme de recoupement, parce que d'ailleurs, maintenant, dans les manifestations, ce sont des manifestations contre les retraites, mais contre le gouvernement, mais pour le pouvoir d'achat, mais contre le malaise, en fait, un peu contre tout, donc on sent qu'il y a un noyau de personnes qui ne croient plus en rien, qui sont inquiets pour eux, pour leur avenir, qui ne croient plus que les acteurs publics sont là pour l'intérêt général, c'est ça qu'il faut qu'on arrive à remettre ensemble.

HEDWIGE CHEVRILLON
A dénouer, et c'est toute la difficulté. Choose France, alors, on parle des choses positives quand même avec ces… entre 150 et 200 – et le chiffre varie – de grands patrons étrangers, qui font une escale à Versailles, est-ce que c'est… on est un peu étonné de voir que l'attractivité de la France, elle reste toujours aussi forte pour les chefs d'entreprise étrangers, les investisseurs…

EMMANUELLE WARGON
Alors l'attractivité de la France en ce moment, c'est une réussite, c'est le résultat d'années et d'années de travail, de politique industrielle, de politique d'attractivité des investissements en France, on voit maintenant les résultats arriver, on est maintenant parmi les pays les plus attractifs, et Choose France, c'est un rendez-vous que le président de la République a souhaité installer, qui se met en place juste avant Davos, 150-200 patrons. Moi, j'y serai aujourd'hui pour rencontrer des investisseurs dans les énergies renouvelables, dans la transition écologique, et en particulier, le plus près possible des quatre territoires où on ferme des centrales à charbon pour qu'on puisse tenir la promesse, là encore, faire ce qu'on a dit, produire des résultats pour avoir de nouveaux emplois, de préférence dans l'énergie ou dans l'écologie, en Moselle, où on ferme une centrale, à côté du Havre, où on en ferme une, etc, etc.

HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, mais même vous, lorsque vous avez été à la signature justement, de cette convention territoire, vous avez eu du mal à vous faire entendre, parce qu'il y avait, là encore, des manifestants qui étaient là pour protester…

EMMANUELLE WARGON
Eh bien, en fait, c'était différent selon les centrales, en Moselle, à côté de Saint-Avold, j'ai pu voir, non seulement les organisations syndicales, celles qui sont vraiment représentatives, et aussi des salariés eux-mêmes, j'ai échangé avec une soixantaine de salariés, à Nantes, j'ai rencontré une délégation syndicale de tous les syndicats, y compris la CGT, j'avais proposé de rencontrer les salariés, ils ne l'ont pas souhaité, voilà, évidemment, je respecte, mais non, le dialogue n'est pas rompu, et puis, surtout, là encore, des résultats, des emplois, du concret, donc plein de rendez-vous à Choose France, et j'espère être convaincante.

HEDWIGE CHEVRILLON
On reviendra là-dessus, justement, est-ce que vous comptez sur les acteurs étrangers, sur les grands énergéticiens, sur les investisseurs, les investisseurs pour investir dans la transition écologique en France, parce qu'on voit que les entreprises et la transformation numérique, elles ont du mal à s'y mettre, elles s'y mettent quand même un peu, transition écologique, on en est encore très loin ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, bien sûr qu'on compte d'abord sur les grandes entreprises françaises, et aussi sur les grandes entreprises internationales pour investir dans la transition écologique…

HEDWIGE CHEVRILLON
Et de quelle manière ?

EMMANUELLE WARGON
Eh bien, il y a la partie énergétique, avoir des sites de production pour les éoliennes, on a SIEMENS GAMESA qui s'est installée, enfin, qui s'installe actuellement au Havre, pour la production de pales et de nacelles d'éoliennes, retrouver de la production pour des panneaux solaires, avoir des projets autour de l'hydrogène, les combustibles solides de récupération pour faire de la chaleur, récupérer ce qu'on appelle la chaleur fatale, c'est-à-dire la chaleur industrielle, dans le seul champ de l'énergie, il y a énormément de projets et d'investissements possibles pour qu'on soit au rendez-vous de notre trajectoire énergétique, plus de renouvelables, fini le charbon dans l'électricité, et progressivement, du gaz de plus en plus vert…

HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, mais est-ce qu'il ne faudrait pas un grand plan, comme par exemple ce que fait MICROSOFT, qui vient d'annoncer mille milliards d'investissement pour être à un bilan carbone négatif en 2030, est-ce qu'il ne faudrait pas dire aux grandes entreprises ou aux entreprises, même aux PME, leur dire : eh bien, voilà, mettez des panneaux solaires sur vos entrepôts, sur vos usines, mais il faudrait mettre un grand plan d'investissement ?

EMMANUELLE WARGON
Mais bien sûr que si, il faut que toutes les entreprises s'y mettent, mais c'est d'abord aussi la responsabilité des entreprises, on parlait de Davos, je sais que les sujets climatiques vont être…

HEDWIGE CHEVRILLON
La priorité…

EMMANUELLE WARGON
Très largement évoqués, il faut que les entreprises fassent leur propre révolution culturelle, il faut qu'elles comprennent que leur propre responsabilité, c'est de produire en respectant les limites de la planète, donc ça veut dire se poser des questions sur l'énergie qu'elles utilisent, sur les rejets qu'elles font dans la nature, sur la manière dont elles consomment…

HEDWIGE CHEVRILLON
Il ne faudrait pas un grand plan pour les aider, pour les inciter ?

EMMANUELLE WARGON
Mais sur l'énergie, on a ce qu'on appelle la programmation pluriannuelle de l'énergie, en France, c'est la programmation de nos investissements, vous savez, c'est un document qui a fait l'objet de beaucoup d'étapes de…

HEDWIGE CHEVRILLON
Eh bien, qui est rendue publique, là…

EMMANUELLE WARGON
Elle est rendue publique aujourd'hui, donc on y arrive, on investit 7 à 8 milliards par an dans les énergies renouvelables entre maintenant et 2035, on donne la vision, nos objectifs en matière d'éolien, en matière de solaire, donc on a cette grande vision, après, il faut vraiment que le modèle économique change, les entreprises le disent depuis déjà un certain temps, elles ne le font pas encore beaucoup…

HEDWIGE CHEVRILLON
Il faut passer à l'acte…

EMMANUELLE WARGON
Ni sur la partie énergie, ni même sur la partie modèle de consommation. Quand vous vendez des biens de consommation aujourd'hui, il faut vous demander, qu'est-ce qu'il y a de soutenable là-dedans, quelle est la consommation soutenable, c'est un vrai changement de vision qu'on a besoin d'avoir et vite maintenant…

HEDWIGE CHEVRILLON
Et il y aura quoi dans cette PPE, parce que je ne sais pas… enfin, j'imagine que vous avez suivi la déclaration d'Emmanuel MACRON, qui a reconnu qu'il y a une réticence des Français par rapport à l'éolien terrestre, donc ça doit changer, la PPE, non, vous en avez tenu compte dans votre programmation pluriannuelle ?

EMMANUELLE WARGON
Eh bien, c'est surtout un sujet sur lequel, avec Elisabeth BORNE, on travaille depuis maintenant plusieurs mois, moi, vous savez, quand je me déplace très souvent, je tiens des débats avec des citoyens des Français qui viennent, c'est ouvert, c'est public, c'est facile, sur les énergies renouvelables, on parle toujours d'éoliennes, vous avez toujours l'association qui vous dit : l'éolienne, ça ne va pas, ça pose problème, etc.…

HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, oui, il y a une réticence des Français…

EMMANUELLE WARGON
Moi, je pense que c'est possible de continuer le développement de l'éolien terrestre en France, j'en ai aussi parlé avec beaucoup d'élus, avec Xavier BERTRAND, avec Dominique BUSSEREAU…

HEDWIGE CHEVRILLON
Mais est-ce que dans votre PPE, là, que vous publiez aujourd'hui, est-ce que vous tenez compte de ce qu'a dit Emmanuel MACRON ?

EMMANUELLE WARGON
Dans la PPE, on a toujours – et c'est nécessaire – un objectif de développement de l'éolien terrestre, mais nous avons installé un groupe de travail il y a quelques semaines pour voir comment on peut trouver un développement plus harmonieux, qui s'intègre mieux dans les paysages, qui tienne compte de la saturation ou du fait qu'on a des territoires qui sont déjà très, très fortement couverts. Donc, dans le comment, on a largement de quoi trouver le bon équilibre de politique publique pour atteindre les objectifs de la PPE, et bien sûr, on en tient compte dans la manière dont on va appliquer cette grande programmation.

HEDWIGE CHEVRILLON
Alors, ça peut paraître un peu forcé ce que je vais dire, mais c'est vrai que beaucoup disent : mais, en fait, eh bien, l'énergie la plus bas carbone, c'est le nucléaire est-ce que est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, c'est ce que dit l'Agence Internationale de l'Energie, l'AIEA. La France dit simplement : 72%…

HEDWIGE CHEVRILLON
Mais est-ce que vous, vous le dites, Emmanuelle WARGON ?

EMMANUELLE WARGON
Moi, ce que je vous dis, c'est : 72% de nucléaire dans l'électricité, c'est trop, donc on n'a pas dit qu'on sortait du nucléaire, on a dit qu'on réduisait la part du nucléaire…

HEDWIGE CHEVRILLON
Avec fermetures de centrales…

EMMANUELLE WARGON
Notre objectif, c'est 50% en 2035, et la fermeture de Fessenheim, qui était un engagement politique français vis-à-vis des Français eux-mêmes et aussi vis-à-vis de l'Allemagne, c'est un engagement qui avait été pris il y a longtemps, et c'est ce gouvernement qui le tient, puisque nous avons travaillé aussi sur le projet de territoire de Fessenheim et qu'on ferme définitivement le premier réacteur dans un mois, fin février, ensuite, on a 12 fermetures de réacteurs prévues d'ici à 2035, qui nous amènera à 50%. Donc on ne dit pas : c'est fini, on dit simplement, il faut un équilibre plus diversifié…

HEDWIGE CHEVRILLON
Mais on repousse quand même la construction d'EPR à après les élections présidentielles ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, c'est un choix très, très…

HEDWIGE CHEVRILLON
Voilà, à la fois très scientifique et très technique et très politique. Et le président de la République a dit : ce choix, ce sera aussi un des éléments de la campagne du débat des présidentielles de 2022, et donc on n'a pas besoin de décider plus tôt, mais vous savez que, Elisabeth BORNE a demandé à EDF un scénario 100% énergies renouvelables, et donc voilà, toutes les options sont sur la table pour l'après 2035.

HEDWIGE CHEVRILLON
Un mot sur la convention pour le climat avec une possibilité de référendum, est-ce que le gouvernement, l'exécutif, le président joue sa crédibilité écologique avec cette convention pour le climat, avec ces citoyens tirés au sort ?

EMMANUELLE WARGON
Le gouvernement veut vraiment avancer sur les sujets écologiques, on avance par nous-mêmes dans tout ce qu'on fait, secteur par secteur, la rénovation du bâtiment, les transports, l'énergie, à un moment, les citoyens sont là pour nous aiguillonner encore plus, c'est la première fois qu'on fait cet exercice complètement inédit, 150 personnes qui travaillent. Le référendum, à mon avis, c'est une bonne idée, ça va dépendre de leurs propositions…

HEDWIGE CHEVRILLON
Merci beaucoup, toutes les propositions sont sur la table…

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous…

HEDWIGE CHEVRILLON
Merci beaucoup Emmanuelle WARGON d'avoir été avec nous…

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous


source : Service d'information du Gouvernement, le 23 janvier 2020