Interview de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à LCI le 21 février 2020, sur la politique agricole commune, le report de l'interdiction du glyphosate et l'agriculture biologique.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELISABETH MARTICHOUX
Didier GUILLAUME, qui est au coeur de l'actualité, bonjour Monsieur le ministre de l'Agriculture.

DIDIER GUILLAUME
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'être ce matin sur LCI. Demain vous vous installez au Salon de l'agriculture à Paris, vous posez les tentes du ministère pour tout le marathon. Emmanuel MACRON, s'il est libéré de Bruxelles, sera pour l'inauguration demain, il va encore faire justement lui aussi un marathon, il avait fait 14 heures l'année dernière, il va être plus sobre ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, je crois que l'heure n'est pas à la durée, mais à la qualité du message qu'il passe, la rencontre avec le monde agricole, et voilà, essayer de se comprendre, de montrer que le président de la République est un vrai défenseur et un vrai promoteur de l'agriculture française, c'est tous ces sujets qui seront abordés demain, oui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, il y a des sujets qui fâchent, les agriculteurs sont en colère sur plusieurs dossiers, on va aller prendre avec vous. Il y a un risque de perturbation de la visite présidentielle, clairement ?

DIDIER GUILLAUME
Non, de perturbation je ne crois pas, je pense que les agriculteurs sont conscients de la réalité. Vous savez, ce salon il est organisé par les agriculteurs, et on a rarement vu des organisateurs de salon perturber leur propre salon, mais maintenant il y a toujours des discussions, il y a toujours un peu de mouvements au Salon de l'agriculture, bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous leur dites ne sabotez pas la visite du président demain.

DIDIER GUILLAUME
Non, je leur dis ne sabotez pas votre salon, ne sabotez pas votre plus belle vitrine de l'année, au moment où il y a une coupure, très forte, entre le monde urbain et le monde rural, où il y a une coupure excessivement importante entre l'agriculture, et les citoyens, et la société, faisons en sorte justement de propager, d'expliquer des bonnes pratiques de tout ce qui se passe en agriculture, l'agriculture nous fournit une alimentation de grande qualité, profitons-en.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, grande interview du président ce matin dans la presse régionale. Sur ce salon, il y avait urgence à faire baisser la tension, quand même, on le sent.

DIDIER GUILLAUME
Oui, mais il y a d'abord urgence faire baisser la tension, il y a urgence à parler, puis il y avait urgence à ce que le président de la République évoque un certain nombre de sujets. Il a reçu, en ma présence, toutes les organisations syndicales agricoles la semaine dernière, pour aborder tous les dossiers, Emmanuel MACRON aime les agriculteurs et aime l'agriculture. Il est là, à Bruxelles, il va passer deux jours, deux nuits, peut-être d'ailleurs, si les débats se poursuivent à Bruxelles, il ne sera pas là demain matin pour l'inauguration, pour défendre le budget de la PAC. Il a dit très clairement, dans les médias à Bruxelles, comme dans l'interview, que la priorité de la France, pour le budget européen, c'est la PAC. Bien sûr qu'il y a d'autres sujets, il y a les fonds de cohésion, il y a la recherche, il y a les réfugiés, mais enfin, si l'Europe ne met pas un budget de la PAC suffisant, mais c'est la fin de notre modèle agricole. Et les Européens, permettez-moi de terminer en une phrase, les Européens continueront à manger, mais si ce n'est pas de la nourriture produit par nous, ce sera des produits qui viendront d'ailleurs, qui seront moins tracés, avec des OGM, alors je ne sais trop quoi, donc il faut cette autonomie alimentaire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, parlons-en-parlons-en quelques instants de la PAC, puisque vous venez sur ce terrain. Ça se joue dans les heures qui viennent, vous dites c'est tellement important, d'ailleurs Emmanuel MACRON ratera peut-être l'inauguration du Salon demain. Quelle est la probabilité, Didier GUILLAUME, pour que l'enveloppe, qui est dévolue aux agriculteurs français, l'enveloppe de la PAC, 9 milliards par an, soit ou non… reste intacte, pardon, reste intacte, quelle est la probabilité dans un contexte où le budget global de la PAC, lui, va baisser, c'est sûr ?

DIDIER GUILLAUME
Alors, évidemment, c'est impossible que le budget de la PAC reste au même niveau qu'il l'était, compte tenu du départ des Britanniques.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça globalement, oui.

DIDIER GUILLAUME
Oui, mais c'est important de le dire…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et même des priorités d'ailleurs.

DIDIER GUILLAUME
Non, mais c'est important de le dire, parce qu'à partir du moment où les Britanniques partent, le budget de la PAC baissera. Ce que nous souhaitons, et la position française, et la volonté du président de la République, c'est qu'il ramène un budget de la PAC équivalent à ce qu'on appelle Union européenne 27, c'est-à-dire sans le Royaume-Uni. Aujourd'hui nous avons gagné la première bataille, la Commission avait fait une proposition qui n'était pas tolérable, nous nous sommes…

ELIZABETH MARTICHOUX
Qui était une baisse de combien ?

DIDIER GUILLAUME
15% ; nous nous sommes battus, nous avons vraiment bataillé pour dire nous sommes opposés à cette proposition de la Commission.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce sera 14 ?

DIDIER GUILLAUME
Non, non, mais je vais vous dire ; aujourd'hui la proposition de la Commission était, alors je vais donner trois chiffres, à 370 milliards d'euros, 370 milliards d'euros, pour nous ce n'est pas acceptable, puisque nous avons, jusqu'à maintenant, dépensé 375…

ELIZABETH MARTICHOUX
Contre 383 !

DIDIER GUILLAUME
380, inscrits, et la précédente programmation c'était 375 milliards, eh bien nous avons déjà obtenu, le président de la République a déjà obtenu les 375 milliards, c'est-à-dire que, aujourd'hui, je peux vous dire que nous avons un budget de la PAC qui est au niveau de ce que nous avons dépensé dans le précédent mandat.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous nous dites 375 milliards pour la PAC, ça s'est garanti déjà.

DIDIER GUILLAUME
Tant que l'accord n'est pas acté ce n'est pas garanti, mais nous l'avons obtenu, et c'est ce qui a été dépensé par l'Europe dans la précédente PAC, c'est une très grande victoire, mais nous voulons aller plus loin, parce qu'on ne peut pas demander des transitions aux agriculteurs, on ne peut pas leur demander toujours plus, sans leur donner les moyens, et c'est ce que nous sommes en train de faire. La Politique Agricole Commune se base sur deux orientations, ce qu'on appelle des piliers, le premier pilier ce sont les aides directes, et pour la premières fois…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce que touchent les agriculteurs.

DIDIER GUILLAUME
Ce que touchent les agriculteurs, pour la première fois nous allons rentrer là-dedans, la transition agro-écologique, ce qu'on appelle les éco-schémas, qui seront obligatoires pour tous les Etats, et puis il y a ce qu'on appelle le deuxième volet, deuxième pilier, qui est là les orientations pour l'installation des jeunes agriculteurs, pour l'aide aux territoires en difficulté, voilà.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors attendez, parce que c'est un peu technique pour tous ceux qui nous suivent, mais le plus important c'est les aides directes, vous dites, si je comprends bien, vous dites on se bat pour que là ça ne bouge pas, mais ce sera conditionné à des engagements de verdissement…

DIDIER GUILLAUME
Bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça sera plus conditionné que ça ne l'était, c'est ça qu'il faut comprendre

DIDIER GUILLAUME
Exactement

ELIZABETH MARTICHOUX
Si on obtient, finalement le statu quo, il faudra aussi le payer sous forme de conditions ?

DIDIER GUILLAUME
Mais non, mais c'était déjà le cas aujourd'hui, aujourd'hui il y avait…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais encore plus. Il faut bien, quand même, que vous donniez quelque chose à la Commission si elle vous…

DIDIER GUILLAUME
Non, mais c'est ce que je vous dis, aujourd'hui tout le monde a bien compris, tous les agriculteurs sont dans la transition agro-écologique, tous les agriculteurs veulent sortir des pesticides, tous les agriculteurs veulent produire autrement, mais en même temps il ne faut jamais oublier que nous sommes en autosuffisance alimentaire, que l'agriculture française nourrit nos concitoyens, les Françaises et les Français, avec des produits sains et de qualité.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'y a pas d'importations.

DIDIER GUILLAUME
Il y a des importations, bien sûr, mais nous sommes en autosuffisance, et ça c'est très important.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et par ailleurs, alors ce que vous appelez le deuxième pilier, c'est-à-dire les aides à l'installation, là, eh bien il faudra peut-être un peu rogner, en revanche !

DIDIER GUILLAUME
Non, non, pas du tout, parce que là nous travaillons avec les régions, c'est ce qu'on appelle du cofinancement, donc ça c'est la règle, avec un fonds qui s'appelle le FEADER, et donc ces aides-là, sur l'installation, les aides sur par exemple un système assurantiel, lutter contre les aléas climatiques, le fait de travailler dans des zones difficiles…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc ?

DIDIER GUILLAUME
Non, mais je vous dis que pour l'instant ce que nous avons obtenu c'est le montant.

ELIZABETH MARTICHOUX
Je repose ma première question, quelle est la probabilité pour que l'enveloppe, qui est dévolue aux Français, au titre de la PAC, reste intacte, vous dites, ce matin, la proportion ?

DIDIER GUILLAUME
Elle est forte. Elle est forte.

ELIZABETH MARTICHOUX
Elle est forte ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, je ne peux pas vous en dire plus, le président négocie.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous l'avez eu au téléphone, il vous a dit c'est bien parti ?

DIDIER GUILLAUME
Aujourd'hui, ce que je vous dis, c'est que pour l'instant nous avons obtenu le même montant que ce qui a été dépensé dans la précédente programmation, franchement, moi je n'y croyais pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est déjà une victoire.

DIDIER GUILLAUME
Franchement, je n'y croyais pas, maintenant, je croise les doigts, rien n'est signé, donc attendons….

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour l'instant c'est bien parti, 375 milliards, c'est ce que vous nous dites ce matin.

DIDIER GUILLAUME
Parce que le président de la République s'est fixé la PAC comme priorité, il se bat avec ses collègues.

ELIZABETH MARTICHOUX
Avec, j'allais dire, ses petits poings de président français face aux 26 autres.

DIDIER GUILLAUME
Oui, oui, il a des gros poings, il a des gros poings.

ELIZABETH MARTICHOUX
Avec des gros poings. Dans l'interview présidentielle, en tout cas, il y a plusieurs points, notamment il y a le glyphosate. Il avait promis, on rappelle, la fin du glyphosate en 2021, il dit cet objectif ne sera pas tenable sur la totalité des exploitations, voilà, cet objectif ne sera pas tenable sur la totalité des exploitations. Bon, il rectifie sa promesse !

DIDIER GUILLAUME
Non, mais c'est ce que nous avons dit déjà à plusieurs reprises, il avait eu l'occasion de le dire à l'occasion du grand débat, il y a un objectif, c'est la sortie du glyphosate, mais bien au-delà, le glyphosate c'est devenu un totem, bien au-delà, c'est la fin de la dépendance aux produits phytopharmaceutiques ce qu'il faut faire. Il avait dit fin du glyphosate en 2021, mais nous savons très bien que c'est impossible, impossible parce que…

ELIZABETH MARTICHOUX
Eh bien il ne fallait pas le dire alors, pardon !

DIDIER GUILLAUME
Bien sûr que si…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il ne fallait pas faire une promesse dont on n'avait pas mesuré le risque qu'elle ne soit pas tenue.

DIDIER GUILLAUME
Absolument pas, il fallait écouter la deuxième partie de la phrase, nous ne laisserons aucune filière, aucun agriculteur, sans solution. Or, aujourd'hui, la recherche avance, les instituts travaillent, l'INRA, qui est le plus bel Institut du monde, le meilleur institut du monde, qui est français, en recherche sur les sols… avance, mais pas assez vite.

ELIZABETH MARTICHOUX
Attendez, le gouvernement, dit le président, et vous allez nous expliquer ça, parce que c'est un peu obscur pour nous, le gouvernement a saisi l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité, alimentation, environnement, travail, l'ANSES, et l'INRA donc, pour identifier les alternatives viables et pour organiser une sortie du glyphosate sur des bases objectives. Mais ça, ils le font depuis le début, depuis le début de la promesse, qu'est-ce qu'il y a de nouveau là-dedans ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, mais là nous avons passé la surmultiplier, nous avons demandé à l'ANSES et à l'INRA, dans les semaines qui viennent, de nous donner des dates, de nous donner des objectifs, de nous donner des orientations. Aujourd'hui il ne s'agit pas de remplacer une molécule chimique par une molécule chimique…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais de nous dire quoi, quel produit pourra remplacer quel produit.

DIDIER GUILLAUME
C'est exactement ça. Il y a des réponses. Par exemple pour remplacer le glyphosate dans la vigne, qu'est-ce qu'on peut faire ? Alors il y a des techniques alternatives et puis il y a des secteurs pour lesquels on ne peut pas…

ELIZABETH MARTICHOUX
Par exemple ?

DIDIER GUILLAUME
Je vais vous citer un exemple. On parle beaucoup de l'agriculture de conservation des sols qui est une pratique vertueuse, agroécologique. Qu'est-ce que c'est ? On sait maintenant que si on veut protéger les sols, garder du carbone dans les sols, lutter contre le réchauffement climatique, il faut avoir des couvertures de sol. Il faut arrêter ces grands champs labourés vides dont tout sort. Il faut capter l'azote, le carbone donc on fait de la couverture des sols. C'est reconnu dans la transition agroécologique. Pour faire cela, il y a besoin de glyphosate. Je crois que c'est un litre de glyphosate par hectare. S'il n'y a pas de glyphosate, l'agriculture de conservation des sols ne peut pas se faire. Eh bien moi je préfère…

ELIZABETH MARTICHOUX
Jusqu'à ce qu'on trouve un produit de substitution.

DIDIER GUILLAUME
Jusqu'à ce qu'on ait un produit alternatif qui peut arriver dans les mois qui viennent. Eh bien moi ma position, elle est claire. On va continuer l'agriculture de conservation des sols…

ELIZABETH MARTICHOUX
Avec du glyphosate.

DIDIER GUILLAUME
Avec du glyphosate. Je prends un deuxième exemple. Aujourd'hui, on en parlera peut-être, il y a des zones de non-traitement. Il faut aller traiter…

ELIZABETH MARTICHOUX
Les ZNT.

DIDIER GUILLAUME
Les ZNT.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un sujet très irritant chez les agriculteurs.

DIDIER GUILLAUME
Ah mais c'est le plus irritant. Je les comprends.

ELIZABETH MARTICHOUX
On le rappelle : c'est la distance qui sépare une surface agricole traitée avec des produits chimiques des riverains.

DIDIER GUILLAUME
C'est ça. Alors ça malheureusement, c'est le Conseil d'Etat qui a condamné la France et qui nous l'a imposé. Je veux le dire à votre antenne…

ELIZABETH MARTICHOUX
Attendez. Vous subissez ça, c'est-à-dire que ce qui est demandé par tous les écolos comme étant mais vraiment le b.a-ba de la protection des riverains de la population, vous vous dites : on le fait sous la contrainte.

DIDIER GUILLAUME
Mais pourquoi vous dites le b.a-ba ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Eh bien parce que ça permet de protéger les riverains qui…

DIDIER GUILLAUME
Mais les protéger de quoi ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Des produits chimiques qui sont dans les sols.

DIDIER GUILLAUME
Là aussi, il faut objectiver les affaires. Je vais vous expliquer très clairement. Aujourd'hui nous notre travail, c'est de protéger les Français. Nous sommes là pour protéger les Français. Bon. Mais quand vous êtes malade…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais les écolos disent : vous ne le faites pas assez.

DIDIER GUILLAUME
Oui, mais les écolos…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et les agriculteurs.

DIDIER GUILLAUME
Mais malheureusement, il y a certaines associations qui ont tendance à aller vers l'obscurantisme, qui ne s'appuient pas sur la science. Nous, nous nous appuyons sur la science. Vous êtes malade, le docteur vous donne des antibiotiques. Ce n'est pas automatique mais ça vous soigne, mais vous n'en prenez pas plus qu'il n'en faut. Là aujourd'hui, il y a des situations où il y a des autorisations de mise en marché. Il y a des produits chimiques qui sont autorisés. S'ils sont autorisés, on peut les épandre. On nous dit : il faut mettre une distance de sécurité. Il y a deux solutions : soit on fait comme le maire de Langouet ou d'autres pour faire de la politique politicienne et dire « moi je veux 150 mètres, pourquoi… »

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est lui qui avait pris un arrêté qui a été contesté sur le plan juridique.

DIDIER GUILLAUME
Oui, et qui a été battu au tribunal. Qui a été attaqué par l'Etat français. Soit on dit c'est la science et donc l'ANSES nous dit : pour certains produits, il faut mettre à 10 mètres, 5 mètres, 3 mètres ou 0 s'il y a une façon de faire avec des chartes de riverains. Eh bien nous allons dans cette direction, c'est la science qui nous importe. Or aujourd'hui, les agriculteurs sont dans une insécurité juridique, et moi je veux les aider à sortir de cette insécurité juridique. Pourquoi ? Parce qu'on dit, voilà…

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors vous allez les aider comment ?

DIDIER GUILLAUME
Il y aura des distances de sécurité mais tous riverain peut attaquer un agriculteur en disant : mais mets tel ou tel produit. Même les bios parce que quand on fait de l'agriculture biologique, on traite. On traite avec des produits qui sont aussi dangereux.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Et pour éviter ça ?

DIDIER GUILLAUME
Pour éviter ça, nous avons décalé la mise en place de ces zones de traitement au 1er août, à la fin des semis de printemps parce qu'ils sont en train de semer et ils disent : qu'est-ce que je sème ? Je sème jusqu'où etc ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ils peuvent semer sans avoir peur juridiquement d'être attaqués, malgré l'arrêté de décembre.

DIDIER GUILLAUME
Je veux travailler sur leur sécurité juridique afin qu'ils ne soient pas attaqués nonobstant le fait qu'il faudra mettre ces zones de traitement que le Conseil d'Etat nous impose, et parallèlement, il faut…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais plus tard.

DIDIER GUILLAUME
Non, non. Elle démarre mais il n'y aura pas de contrôle dans les six mois qui viennent.

ELIZABETH MARTICHOUX
Après. C'est ce qu'on appelle la campagne.

DIDIER GUILLAUME
Après la campagne. Parce que, vous savez Elizabeth MARTICHOUX, la transition agroécologique, son rythme, ce n'est pas au rythme des tweets ou des impulsions sociétales. C'est au rythme des campagnes, c'est au rythme des semis, c'est au rythme des récoltes. Et c'est ça que moi je veux dire aux agriculteurs français : soyez rassurés, le gouvernement vous aide à faire cette transition au rythme des semis. Vous savez que pour la première fois, nous avons dépassé le seuil de 10 % des exploitations qui sont en bio. Nous sommes à plus de 7,5% de la superficie agricole.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il y en a combien qui se passent de glyphosate d'ailleurs dont on parlait tout à l'heure ? Il y a combien de…

DIDIER GUILLAUME
Il y a 10 000 aujourd'hui exploitations.

ELIZABETH MARTICHOUX
Quel pourcentage ?

DIDIER GUILLAUME
Il y a 10 000 exploitations agricoles qui n'utilisent pas de glyphosate parce qu'elles sont en bio et puis il y a plein d'exploitations, je ne peux pas répondre à cette question…

ELIZABETH MARTICHOUX
On n'a pas un pourcentage ? 50, 60, 70% ? Parce qu'il y a en beaucoup qui sont…

DIDIER GUILLAUME
Mais il n'y a pas que le glyphosate. Il y a plein d'autres substances, plein d'autres molécules. Nous ce que nous voulons, c'est remplacer toutes ces molécules chimiques par d'autres molécules.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors ce que vous nous dites donc, décalage du calendrier, indemnisation dit aussi le président pour ceux qui sont obligés de renoncer à des parties produites, cultivées.

DIDIER GUILLAUME
Mais vous vous rendez compte ? Vous vous rendez compte ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous mettez 25 millions sur la table pour ne pas qu'ils perdent.

DIDIER GUILLAUME
Pour l'instant, pour l'instant, nous mettons 25 millions sur la table.

ELIZABETH MARTICHOUX
Quand ? Il y aura plus quand ?

DIDIER GUILLAUME
Dès qu'on saura ce qu'il en est. Pour l'instant, nous ne connaissons pas totalement la surface. Pourquoi ils sont en insécurité juridique ? J'ai ma parcelle, je dois laisser 3 mètres ou 5 mètres ou 10 mètres ? Ça, tant que ce n'est pas calé, je ne peux pas savoir quelle est la surface. S'il faut mettre plus, nous mettrons plus. Peut-être d'ailleurs dans des aides de la PAC parce qu'il est important que nous le fassions. S'il n'y a pas de glyphosate, ça peut être ce qu'on appelle des surfaces d'intérêts écologiques qu'il faudra aussi traiter. Le paysan… Hier j'avais au téléphone à un responsable agricole qui loue sa terre et puis il travaille sa terre. Il dit : mais moi, je vais avoir 3, 4% de ma superficie que je ne pourrai pas traiter. Je paye l'allocation mais je ne pourrai pas exploiter cette partie-là. Reconnaissons quand même que c'est croquignolesque.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc là, vous allez aider.

DIDIER GUILLAUME
On va essayer de les aider et d'indemniser ceux-là. C'est absolument indispensable.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Eh bien ce n'est pas simple, cette affaire de ZNT.

DIDIER GUILLAUME
Vous savez, quand je vous disais la coupure entre le monde urbain et le monde rural, nous avons besoin de faire comprendre à nos concitoyens que l'agriculture française est une agriculture vertueuse, qu'elle évolue énormément. Faire comprendre aux agriculteurs qui sont en pleine évolution qu'il faut évoluer, faire évoluer les pratiques vers la transition agroécologique et que tout ce petit monde arrive à se parler. C'est pour ça que nous avons voulu faire des chartes de riverains, des chartes de bon voisinage qui permettront de se rapprocher. Par exemple, je traite ma parcelle…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il faut qu'on parle d'autre chose.

DIDIER GUILLAUME
Attendez, s'il y a un mur, il n'y a pas de risque avec les riverains donc je peux aller jusqu'au bout. L'insécurité juridique, il faut la lever.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Parfois l'écologie, ça commence à bien faire.

DIDIER GUILLAUME
Non, pas du tout. Non mais pas du tout.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, c'était la phrase marquante de Nicolas SARKOZY.

DIDIER GUILLAUME
Je m'en rappelle très bien. Non, ce n'est pas "l'écologie, ça commence à bien faire", c'est « le dogmatisme, je n'en peux plus. »

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous, le ministre de l'Agriculture, vous dites : le dogmatisme de certains qui défendent l'environnement, vous n'en pouvez plus.

DIDIER GUILLAUME
De certains. Mais dans tous les sens, dans tous les sens.

ELIZABETH MARTICHOUX
Les agriculteurs…

DIDIER GUILLAUME
Non. Pas qui défendent l'environnement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ils défendent quoi ?

DIDIER GUILLAUME
On défend tous l'environnement. Le président de la République a lancé une grande…

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors ils défendent quoi eux ?

DIDIER GUILLAUME
Ils défendent un type de société.

ELIZABETH MARTICHOUX
Une religion, une nouvelle religion ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, un peu ça. Quant à l'Assemblée nationale il y a des groupes politiques qui disent : il faut arrêter aujourd'hui immédiatement par une loi les produits phytosanitaires, c'est un tiers des paysans français qui sont par terre. Et on continuera à manger, on achètera des produits traités encore plus au glyphosate, encore plus au chlore, encore plus OGM. Donc il faut être pragmatique. Moi je veux l'agriculture du pragmatisme.

ELIZABETH MARTICHOUX
Encore des questions et des réponses brèves parce que vous avez beaucoup de sujets. Le virus de la tomate circonscrit dans le Finistère. Il y a eu d'autres exploitations qui ont été identifiées ?

DIDIER GUILLAUME
Oui. Il y a trois exploitations qui ont été identifiées, qui ont des mesures de confinement et de vérification.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc il y a trois autres en tout ?

DIDIER GUILLAUME
Non, non, non. Il n'y a qu'une exploitation dont les tomates ont été touchées, mais il y a trois exploitations qui ont acheté les mêmes plants au même endroit, donc nous faisons de la prévention. Qu'est-ce que c'est ce virus de la tomate ? On connaît ça depuis 2018, plusieurs pays ont été touchés. Depuis novembre 2019, on a mis en place un protocole en place. C'est des semences qui sont achetées aux Pays-Bas, qui sont plantées au Royaume-Uni et qui arrivent en France. Ce virus ne se transmet pas à l'homme mais la tomate pourrit sur pied. L'exploitation qui a été touchée est traitée, confinée, nous allons détruire…

ELIZABETH MARTICHOUX
Elle est sous séquestre. Les serres sont…

DIDIER GUILLAUME
Ah, bien sûr. Ça, c'est obligatoire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et il y a trois autres exploitations qui ont reçu ces plants.

DIDIER GUILLAUME
Voilà. Nous regardons ce qu'il en est.

ELIZABETH MARTICHOUX
Elles sont sous contrôle.

DIDIER GUILLAUME
Pour l'instant, c'est négatif.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour l'instant c'est négatif, c'est ce que vous nous annoncez. Trois autres exploitations qui sont sous surveillance. Allez, un mot de politique parce que vous êtes un, politique, dans ce gouvernement. Le 49-3, vous en avez parlé au Conseil des ministres mercredi ?

DIDIER GUILLAUME
Les retraites, nous en parlons depuis un an.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, non, mais en ce qui concerne la réforme des retraites, l'usage du 49-3, il faut que ça passe par le Conseil des ministres, il faut un délibéré.

DIDIER GUILLAUME
Non, non. Ça n'a pas été évoqué.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça n'a pas été évoqué ? Ça le sera peut-être mercredi prochain ? L'opposition vous pousse à la faute ?

DIDIER GUILLAUME
C'est-à-dire que l'opposition ne nous pousse pas à la faute. L'opposition veut faire de l'obstruction.

ELIZABETH MARTICHOUX
Elle le fait.

DIDIER GUILLAUME
L'opposition, notamment la France Insoumise et les communistes, ne cherche pas à améliorer le texte. Ils cherchent à faire péter le système et donc à nous forcer à ce que le texte ne soit pas voté avant l'été. Nous, nous souhaitons qu'il soit voté avant l'été. Nous aurons tout le temps, samedi et dimanche compris. S'il faut supprimer les vacances parlementaires des députés, nous les supprimerons pour que le texte soit voté. Il n'y a aucun problème. Et puis que veut faire Jean-Luc MELENCHON ? Il le dit : nous empêcher de le faire voter pour nous obliger à passer en 49-3 et pour dire : vous voyez, le gouvernement n'accepte pas la discussion.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Mais on peut l'éviter le 49-3 ? Vous pouvez l'éviter le 49-3 ?

DIDIER GUILLAUME
Ecoutez, on va voir. Pour l'instant, l'objectif ce n'est pas le 49-3.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc il est évitable pour vous.

DIDIER GUILLAUME
C'est de faire voter la réforme des retraites. L'objectif, nous, nous nous intéressons par exemple aux agriculteurs, aux petites retraites, aux commerçants, aux artisans. La France insoumise elle ce qui l'intéresse, c'est de faire un combat politique, c'est de faire un fric-frac en fait.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous l'avez dit, de faire péter le système.

DIDIER GUILLAUME
Oui. C'est de récupérer dans ce débat parlementaire ce qu'ils ont perdu dans les urnes. Ils n'ont toujours pas digéré, digestion difficile, ils n'ont toujours pas digéré d'avoir été battus aux élections, d'avoir un groupe de 17 membres. Le 49-3, à quoi sert-il ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour conclure.

DIDIER GUILLAUME
Il sert à mettre au pas la majorité. La majorité, elle est solide, elle est prête à la voter. C'est l'opposition qui empêche mais on va empêcher l'opposition d'empêcher.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Digestion difficile de Jean-Luc MELENCHON, c'est ce que vous nous dites ce matin.

DIDIER GUILLAUME
Oui, et des oppositions, oui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Didier GUILLAUME d'avoir été ce matin sur LCI.

DIDIER GUILLAUME
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 février 2020