Déclaration de Mme Florence Parly, ministre des armées, sur la coopération de défense entre la France et l'Allemagne, à Strasbourg le 5 février 2020.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Audition devant l'Assemblée parlementaire franco-allemande

Texte intégral

Madame la ministre, chère Annegret,
Messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs les députés,


C'est aujourd'hui un honneur, de pouvoir m'exprimer devant vous, et ce, aux côtés d'Annegret Kramp-Karrenbauer. Devant vous, devant cette assemblée parlementaire binationale et unique au monde, qui incarne toute la force et la vigueur des relations franco-allemandes.

C'est un honneur de pouvoir échanger avec vous ici, au Parlement européen dans ce bâtiment portant le nom inspirant de Louise Weiss et dont la première présidente fut Simone Veil. Deux femmes de conviction qui firent de l'Europe un combat, un combat dont les espoirs de victoire reposaient sur une idée, sur un idéal : celle de la France et de l'Allemagne avançant main dans la main.

J'espère qu'elles auraient été fières de nous voir ici aujourd'hui ; deux femmes, allemande et française, face à vous avec une volonté profonde : approfondir notre partenariat et notre coopération de défense au profit d'une Europe plus forte.

Cette volonté, insufflée et affirmée par le Président de la République et la Chancelière fédérale dès 2017 a pris corps, notamment avec la signature du traité d'Aix-la-Chapelle il y a tout juste un an.

J'aimerais commencer par rappeler les termes de ce traité. Il nous engageait : à nous concerter étroitement au seins des instances multilatérales et internationales ; à renforcer encore la coopération entre nos forces armées ; et enfin, à investir ensemble dans le domaine capacitaire.

Et qu'avons-nous fait depuis ? Je n'aurais ni la prétention, ni l'imprudence de dire « tout », mais je dirais que nous avons fait beaucoup, que nous faisons beaucoup et que nous ferons plus encore. Car ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons véritablement renforcer la sécurité de l'Europe avec ses deux piliers : l'Europe de la défense et l'OTAN, tous deux indispensables.

Ce n'est qu'ensemble que la France et l'Allemagne seront en mesure d'agir sur la stabilité de notre voisinage. C'est la raison pour laquelle nos deux pays sont fortement engagés, ensemble, sur les grandes crises susceptibles d'affecter la sécurité de l'Europe. Je ne les citerai pas toutes, mais je tiens néanmoins à souligner quelques exemples qui montrent notre détermination commune à aborder ces problèmes ensemble.

Ces derniers mois, nos efforts conjoints ont notamment porté sur la relance du processus de paix dans le Donbass et nous pourrons envisager une nouvelle phase de dialogue entre l'Ukraine et la Russie avec la rencontre qui aura lieu à Berlin en mars 2020 dans la continuité de celui de Paris en décembre.

Au Sahel, l'engagement de nos deux pays se poursuit sur le terrain : c'est l'ambition du Partenariat pour la sécurité et la stabilité du Sahel, annoncé par le président de la République et la Chancelière fédérale lors du sommet du G7 à Biarritz, et qui s'intègre dans la coalition pour le Sahel que nous souhaitons lancer. Pour être plus efficace, la réponse à la menace terroriste au Sahel doit en effet être plus ciblée, mieux coordonnée, et savoir agir à la fois sur le plan opérationnel, sur le renforcement des capacités des forces armées locales, sur la gouvernance et sur le développement. Ce sont les quatre piliers de la coalition pour le Sahel. Et face à la dégradation de la situation sécuritaire, nos deux pays ne peuvent pas rester sourd à l'appel que nous lancent nos partenaires sahéliens. Nous y répondons, ensemble. C'est notre responsabilité.

Au Levant, la France et l'Allemagne participent à la Coalition internationale contre Daech. Je tiens à profiter de cette occasion pour saluer la reprise des missions de reconnaissance et de ravitaillement en vol de la Luftwaffe aux côtés de l'armée de l'air française. Elles jouent un rôle déterminant dans la lutte contre le terrorisme.

Cette coordination stratégique que nous mettons en oeuvre sur les plans politique, diplomatique et opérationnel, doit se retrouver sur le plan capacitaire.

Nous avons depuis 2017 un objectif extrêmement ambitieux : doter nos armées respectives de moyens de combat de nouvelle génération, dans le domaine terrestre et dans le domaine aérien. Il s'agit des projets – bien connus - de système de combat aérien du futur (FCAS) et du char de combat du futur (MGCS) qui verront le jour entre 2035 et 2040 - autrement dit, c'est demain.

Ces projets avancent bien : nous sommes engagés depuis début 2019 dans une étude d'architecture, qui va nous permettre de préciser les grandes dimensions du SCAF - dont le démonstrateur doit voler en 2026 - le nombre de drones d'accompagnement, le cloud de combat. Pour le char, une telle étude d'architecture devrait pouvoir être engagée très prochainement cette année.

Nous avons conçu ces projets selon des lignes directrices très claires : ces coopérations sont des coopérations entre égaux.

Pour autant, une coopération entre égaux ne veut pas dire une coopération sans pilote, où l'on mettrait de côté les compétences particulières qui ont été développées pendant des décennies des deux côtés du Rhin. Il faut capitaliser sur ces compétences existantes. Ces projets ont donc été conçus avec un partage industriel équilibré entre la France et l'Allemagne, que ce soit sur le SCAF ou sur le char.

Ces projets, ce sont bien sûr des équipements dont nos armées ont besoin, un besoin impérieux. Ce sont aussi des projets industriels, de dizaines de milliards d'euros, des dizaines de milliers d'emploi, avec des perspectives à l'exportation. Mais ce sont d'abord des projets politiques : et nous avons collectivement une responsabilité, c'est de construire cette Europe de la Défense que nos deux pays appellent de leurs voeux.

C'est pourquoi, mesdames et messieurs les parlementaires du Bundestag, votre vote dans quelques jours sur le démonstrateur du SCAF, aura une importance décisive, et enverra un signal politique fort, sur la volonté de nos deux pays de construire l'Europe de la défense.


Je vous remercie.


Source https://www.defense.gouv.fr, le 28 février 2020