Interview de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, à RTL le 25 février 2020, sur l'évolution du coronavirus en France et le maintien des événements collectifs.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ALBA VENTURA
Bonjour Olivier VERAN.

OLIVIER VERAN
Bonjour.

ALBA VENTURA
J'aime autant vous dire que votre parole est très attendue, tant l'inquiétude monte ; quasiment plus aucun pays n'est à l'abri du virus, la psychose a gagné nos voisins italiens. Le directeur de l'OMS a parlé de ce virus comme l'ennemi public numéro un. Il parle désormais d'une pandémie à l'échelle mondiale. Olivier VERAN, vous êtes là, ce matin, ici, pour nous rassurer, pour nous alerter ou pour nous demander d'être vigilants ?

OLIVIER VERAN
Je suis ici pour vous donner les informations dont je dispose en toute transparence, c'est mon rôle comme ministre des Solidarités et de la santé, je le fais chaque jour, ainsi que le directeur général de la santé, pour que les Français puissent être à la fois vigilants et rassurés quant aux informations dont nous disposons aujourd'hui. Ces informations, quelles sont-elles ? Il n'y a pas aujourd'hui, à l'heure à laquelle je vous parle, il n'y a plus de malades en circulation en France, il n'y a plus de malades hospitalisés, le dernier patient est sorti guéri hier de l'hôpital de Lyon.

ALBA VENTURA
Alors, nos confrères de France Bleu nous parlent d'un cas suspect détecté dans l'Indre qui a été transféré au CHU de Tours, et qui rentrait du carnaval de Venise, il présente les symptômes du coronavirus.

OLIVIER VERAN
Il y a eu hier un grand nombre d'alertes, et c'est pour ça que nous avons mis en place un dispositif d'alerte, il y en a eu à Lyon, il y en a eu à Calais, il y en a eu dans les Alpes-Maritimes, il y en a eu en Haute-Savoie, il y a de grands nombres d'alertes, c'est le processus de vigilance qui fonctionne. Je vous confirme qu'à l'heure à laquelle je vous parle, aucun patient ayant bénéficié du dispositif d'alerte n'a été testé positif pour le coronavirus…

ALBA VENTURA
On ne peut pas dire qu'il soit malade ?

OLIVIER VERAN
Ah non, je n'ai pas encore les résultats du test, ce qui est sûr, c'est… quel est le processus, quelqu'un qui revient d'une zone italienne à risque, notamment de Lombardie ou de Vénétie, et qui présente des symptômes d'une maladie et qui est en circulation sur le territoire français fait le 15, le SAMU intervient, pose des questions à la personne, on se rend compte qu'il vient d'une zone à risque et qu'il présente des symptômes infectieux, il est immédiatement transféré dans des conditions sanitaires extrêmement exigeantes dans un hôpital adapté, il est placé en isolement, des tests sont réalisés, dont nous avons les réponses au bout de deux ou trois heures, parfois, s'il y a un doute, les tests sont renouvelés, si ces tests sont positifs, le patient est déclaré malade, il est placé en isolement en milieu hospitalier, tout le personnel soignant est alors équipé de tout le matériel nécessaire pour éviter de transférer la contamination virale, et si, à l'inverse, les tests sont négatifs, eh bien, ça veut dire que le patient présente une grippe, il y a aussi l'épidémie grippale en ce moment en France ou d'autres maladies qui peuvent donner de la fièvre, et il est traité pour sa maladie, et il peut ensuite repartir chez lui. Nous avons – je le disais – beaucoup d'alertes, et c'est tout à fait normal, puisque l'épidémie est à nos portes, puisqu'il y a un certain nombre de cas en Italie du Nord…

ALBA VENTURA
On va revenir…

OLIVIER VERAN
Et que l'Italie du Nord est proche de la frontière…

ALBA VENTURA
On va revenir sur toute la procédure, Olivier VERAN. D'abord, dites-nous, est-ce qu'on parle d'épidémie chez nous ?

OLIVIER VERAN
Non, alors, une épidémie sans malade, c'est encore plus compliqué que lorsqu'il y avait quelques malades hospitalisés, par contre, nous nous préparons, nous préparons l'ensemble des dispositifs de veille sanitaire et d'intervention en ville, comme à l'hôpital, dans l'hypothèse où l'épidémie viendrait, parce que si l'épidémie arrive, ce n'est pas le moment de se préparer, donc nous sommes dans l'anticipation, nous sommes dans l'adaptation, nous sommes dans la concertation des professionnels…

ALBA VENTURA
Et chez nos voisins italiens, est-ce qu'on parle d'épidémie chez nos voisins italiens ?

OLIVIER VERAN
Non plus. Qu'est-ce que c'est qu'une épidémie ? L'épidémie, c'est quand vous dites : le virus circule, on n'arrivera pas à l'enrayer. C'est quand vous dites : on n'identifie pas tous les malades, on voit des poches de contamination dans différents endroits du pays…

ALBA VENTURA
Quand on ne contrôle pas la situation…

OLIVIER VERAN
Voilà, l'épidémie, c'est en gros : le virus, de toute façon, va circuler, maintenant, on va traiter les malades, et ça va circuler. Là, nous sommes au stade avant l'épidémie, c'est ce qui a été fait remarquablement en France, à Contamines-Montjoie, lorsqu'il y a eu une famille d'Anglais qui était malade, l'épidémie, ça aurait été, si cette famille avait contaminé d'autres personnes sur son passage, qu'on n'arrivait pas à retrouver tout le monde et qu'on se rendait compte que, finalement, il y avait des centaines, des milliers et des dizaines de milliers de malades en France, là, on aurait parlé d'épidémie, on enraye l'épidémie quand on traite les malades et quand on les empêche de contaminer d'autres personnes.

ALBA VENTURA
En Italie, j'ai bien compris qu'on ne sait pas qui est le patient zéro, donc ça veut dire qu'on ne connaît pas l'origine, donc comment on peut contrôler ?

OLIVIER VERAN
Alors, il y a deux localisations géographiques au sein desquelles on trouve la quasi-totalité des malades aujourd'hui, il n'y a pas de trace de virus circulant en dehors de ces zones, par exemple, à Rome, il n'y a pas aujourd'hui de malade, ce n'est pas une zone qui est considérée en situation d'alerte sanitaire…

ALBA VENTURA
Vous y allez tout à l'heure…

OLIVIER VERAN
Je m'y rends d'ailleurs tout à l'heure, j'y serai cet après-midi…

ALBA VENTURA
Avec vos homologues…

OLIVIER VERAN
Avec mes homologues européens, pour que nous abordions, parce que, moi, je souhaite vivement que nous ayons une réflexion à l'échelle européenne sur ces questions, mais une réflexion qui ira au-delà de la crise épidémique, c'est comment nous développons des partenariats pour faire face aux risques émergents, qui nous nous permettra aussi demain de parler santé environnementale, comment nous réimplantons une industrie de fabrication de médicaments en Europe, pour éviter que nous soyons complètement dépendants de la Chine, de l'Inde pour la production…

ALBA VENTURA
Tout à fait, on va en reparler. Monsieur le Ministre, l'Italie est si proche de nous que ça pose de nombreuses questions, d'abord, est-ce qu'il y a des mesures pour les passagers en provenance d'Italie, les enfants qui rentrent d'un voyage scolaire, est-ce qu'ils doivent être mis en quarantaine ?

OLIVIER VERAN
Alors, non, toute personne qui rentre d'Italie n'est pas systématiquement en quarantaine, toute personne qui rentre d'une zone à risque en Italie, elle, est appelée à être surveillée, à réduire ses déplacements, à prendre sa température deux fois par jour. Un courrier est parti en direction des écoles, des parents d'élèves, des élus locaux de l'ensemble des professionnels de santé de ce pays pour rappeler ces consignes, et nous avons multiplié les sites d'information, par exemple, entre l'Italie et la France, nous passons par les sociétés d'autoroutes, pour que sur les panneaux, ces informations soient rappelées…

ALBA VENTURA
Des messages…

OLIVIER VERAN
Nous passons par les radios autoroutes, nous avons multiplié les panneaux dans les aéroports, dans les gares il y a tous les dispositions mis en place…

ALBA VENTURA
Donc on ne ferme pas la frontière…

OLIVIER VERAN
Non, alors, mais ça, pardon, dans l'espace Schengen, avec des frontières européennes ouvertes entre différents pays, si je vous disais : on ferme la frontière entre la France et l'Italie, bon, quelqu'un qui veut passer, il va passer par la Suisse, d'ailleurs, les Suisses seront présents en Italie cet après-midi, il peut passer par l'Autriche, il peut passer par l'Espagne, il peut décider… je veux dire, on ne va pas bloquer toutes les routes d'accès, le tunnel du Mont-Blanc, le tunnel… surtout, nous ne fermons pas les frontières, non pas parce que nous ne saurions pas le faire, mais parce que ça n'aurait pas de sens, à ce stade, il n'y a pas lieu d'envisager la fermeture des frontières. Et je note, pardon, que l'Italie est le seul pays européen à avoir empêché les avions chinois d'atterrir sur son sol, et que c'est le pays le plus touché aujourd'hui malgré tout.

ALBA VENTURA
Pour les rassemblements humains, je pense au match qui va se jouer demain soir, à Lyon, OL-Juventus, en Ligue des champions, il y a 3.000 supporters qui sont attendus de la Juve, ça, c'est un sujet d'inquiétude ?

OLIVIER VERAN
C'est un sujet de vigilance, mais nous nous sommes posé ces questions-là, faut-il arrêter les événements collectifs, faut-il arrêter la Fashion Week, faut-il arrêter les matchs, faut-il fermer les universités ? La réponse est non, à ce stade, il n'y a aucun argument…

ALBA VENTURA
Le Salon de l'agriculture, c'est 600.000 personnes attendues, et le Salon de Barcelone sur le mobile a été annulé, on se pose des questions, Olivier VERAN…

OLIVIER VERAN
Il n'y a aucun argument… mais je me pose aussi la question, Alba VENTURA, heureusement d'ailleurs. Il n'y a aucun argument scientifique et médical aujourd'hui qui nous conduise à arrêter des événements collectifs de cette nature, 1°) : parce que le virus n'est pas circulant en France, 2°) : parce que les cas sont aujourd'hui circonscrits en Italie, il n'y a pas lieu de penser… vous savez, on est à 220 malades identifiés en Italie, 20 patients en réanimation, 7 décès, c'est beaucoup. Mais l'Italie aujourd'hui est en train de circonscrire les zones et a mis en quarantaine les zones dans lesquelles il y a des malades, et n'a pas identifié de nouveaux clusters, de nouvelles zones. Ce que je peux vous garantir, c'est que nous suivons la situation heure par heure, jour et nuit, la cellule…

ALBA VENTURA
Tous nos hôpitaux sont prêts ?

OLIVIER VERAN

Oui, nos hôpitaux sont prêts…
ALBA VENTURA
L'hôpital de Nice, le personnel dit qu'il manque des moyens, du personnel.

OLIVIER VERAN
Non, mais la question du manque de moyens et de personnels à l'hôpital en général est une question que j'aborde, et que je prends à bras-le-corps dans mon ministère, nous pourrons en parler si vous le souhaitez. Ce que je peux vous dire, c'est que tous les hôpitaux, y compris l'hôpital de Nice, disposent d'unités hospitalières avec des lits qui sont préparés et du personnel qui est formé, et je remercie le personnel…

ALBA VENTURA
Mais est-ce qu'on est sûr à 100 %, Olivier VERAN, qu'on ne passe pas à côté d'un cas, je ne sais pas, il y a des tas de gens réanimation, est-ce que vous faites le tour des hôpitaux pour voir s'il n'y a pas un patient malade ?

OLIVIER VERAN
Vous posez une bonne question, signe avec vous êtes dans la même logique que celle des équipes qui travaillent dans les cellules de crise sanitaire à mon ministère, nous avons fait le tour des réanimations pour vérifier qu'aucun malade par exemple en réa avec des troubles respiratoires et un syndrome fébrile non identifié ne puisse présenter le coronavirus, on les teste, on les dépiste ; vous posez la question du risque zéro, est-ce qu'on est sûr à 100 % qu'il n'y a pas un malade contaminé sur le territoire national, je ne peux pas vous répondre, ce que je peux vous dire, c'est que nous avons une obligation de moyens, et que nous les mettons en oeuvre, et que jusqu'à présent, sous l'action remarquable d'Agnès BUZYN, et que je salue ici, parce que je peux vous garantir que si la France aujourd'hui en est où elle en est, c'est parce que, Agnès BUZYN a une attitude remarquable depuis le premier jour, et qu'elle a pris le dossier à bras-le-corps, c'est parce que la France a un excellent système sanitaire, et ce n'est pas le ministre qui est excellent, c'est les soignants, les médecins, les infirmières, les kinés, les pharmaciens…

ALBA VENTURA
Je n'en doute pas. Mais vous savez qu'on entend dire qu'il y a des malades qui n'ont pas de symptômes, que tout le monde ne développe pas cette maladie de la même manière, d'abord, on ne sait même pas quel moment on est contagieux…

OLIVIER VERAN
Si, on sait quand même des choses, à mesure que les données nous reviennent des pays étrangers, on sait que 80 % des formes sont des formes sans gravité, 15 % des formes sont considérées comme sévères, c'est-à-dire avec une forte fièvre et des troubles respiratoires, 5 % des formes sont dites réanimatoires, c'est-à-dire que 5 % des malades contaminés par le virus vont faire un séjour en réanimation…

ALBA VENTURA
Pour comparer par rapport à la grippe saisonnière, c'est plus sévère, là, en ce moment ?

OLIVIER VERAN
C'est plus sévère que la grippe saisonnière, notamment, la mortalité et le risque de complications graves est multipliée selon les études que nous avons d'un facteur 4 à 10 à peu près par rapport à la grippe, c'est moins sévère que le SRAS en termes de mortalité, moins sévère que le MERS, vous savez, c'était cet autre virus chinois qui avait circulé il y a quelques années, où la mortalité était très nettement supérieure. Par contre le virus du coronavirus est plus contagieux que les autres virus.

ALBA VENTURA
Je vais peut-être dire une bêtise, mais est-ce que, par exemple, en France, la douceur des températures est de nature à calmer la virulence du virus ?

OLIVIER VERAN
Non, la douceur des températures n'est pas de nature à calmer la violence d'un virus…

ALBA VENTURA
C'était une bêtise…

OLIVIER VERAN
Ce n'est pas une bêtise, c'est une question que les gens se posent, pour les données dont nous disposons aujourd'hui, il n'y a pas lieu de penser que le climat soit en jeu.

ALBA VENTURA
Olivier VERAN, est-ce qu'il n'y a pas un risque de pénurie de médicaments, vous l'évoquiez tout à l'heure, mais on sait que la plupart des principes actifs sont fabriqués hors d'Europe, la Chine est le plus grand labo du monde.

OLIVIER VERAN
Nous avons voté à l'automne dernier une disposition par exemple, parce que les ruptures de stocks de médicaments se multiplient dans notre pays, et ce n'est pas lié à la crise du coronavirus, ça fait 20 ans, nous avons voté une disposition qui contraint tous les laboratoires pharmaceutiques qui veulent vendre des médicaments en France à avoir un stock d'au moins quatre mois des médicaments d'intérêt thérapeutique majeurs sur le territoire national ou européen, ça ne suffit pas, ça ne suffit pas, et ça n'a pas de sens, on ne peut pas être pour 90 % dépendant de pays asiatiques, et je souhaite que nous réintroduisions une production de médicaments européenne…

ALBA VENTURA
Vous appelez tous les labos…

OLIVIER VERAN
C'est une formidable poche d'emplois, c'est un moyen de réindustrialiser notre pays, de réindustrialiser l'Europe, j'en ai parlé avec Amélie de MONTCHALIN, la ministre des Affaires européennes…

ALBA VENTURA
Donc vous lancez un appel…

OLIVIER VERAN
Je vais en parler avec Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des finances, nous devons réindustrialiser notre pays, et les usines chimiques font partie – de production de médicaments – font partie à mon sens des questions prioritaires. Nous avons la compétence, nous avons le savoir-faire, et nous avons les brevets, donc c'est quand même dommage de s'en passer.

ALBA VENTURA
Olivier VERAN, une question politique pour terminer, pour abréger le débat qui s'enlise à l'Assemblée sur la réforme des retraites dû notamment à la montagne d'amendements, vous n'aviez pas exclu, vous étiez le premier d'ailleurs, à utiliser le 49.3, est-ce que c'est dans les tuyaux, le Premier ministre semble vouloir attendre ?

OLIVIER VERAN
J'étais en séance dimanche après-midi et dimanche soir, entouré par les – franchement – valeureux députés de la majorité, et d'ailleurs, de certaines oppositions, que je salue pour leur esprit de responsabilité, pour un débat qui semble avoir avancé un peu plus rapidement hier, le mot rapide est sans doute excessif…

ALBA VENTURA
Oh oui, j'allais dire un article, il en reste 64 à examiner…

OLIVIER VERAN
Hier, les oppositions les plus virulentes ont commencé à retirer un certain nombre de ce qu'on appelle de sous-amendements virgules, c'est-à-dire, vous mettez juste une virgule pour pouvoir faire durer le débat plus longtemps. Le débat est très long, il est normal qu'il soit très long…

ALBA VENTURA
Vous voulez que ça s'accélère, vous ?

OLIVIER VERAN
Il est normal que le débat soit très long, sur un texte comme les retraites, qui est un texte fondamental. Ce que je note, c'est que mes collègues de la majorité, eux, souhaitent pouvoir continuer de débattre et d'examiner ce texte. L'heure n'est pas à parler de mesure de 49.3, ce que j'ai dit, et je le redis, c'est qu'en définitive, cette réforme, elle devra être votée, elle devra être votée, parce qu'elle est importante pour notre modèle social, et nous la ferons appliquer.

ALBA VENTURA
Merci beaucoup Olivier VERAN.

YVES CALVI
Le nouveau ministre de la Santé est formel : ce matin, il n'y a plus – je dis bien, il n'y a plus – de malades officiellement en France, et il n'y a pas d'épidémie dans notre pays, mais tout simplement, on prend les mesures absolument nécessaires pour y répondre au cas où. Merci infiniment.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 février 2020