Texte intégral
Merci beaucoup, Monsieur le Président du Conseil, cher Giuseppe. Merci beaucoup à vous et vos ministres pour votre accueil et merci de nous avoir accueillis dans cette ville de Naples.
Je veux ici aussi avoir un mot de remerciement pour le maire de Naples, l'ensemble des autorités de la ville et de la région pour leur accueil aujourd'hui. Ce n'est pas le fruit du hasard et Stendhal avait décidé, comme les écrivains peuvent le faire de manière arbitraire, qu'il y avait deux capitales en Europe, Naples et Paris. Ensuite, dans les échanges qu'il avait entre autres avec Lamartine, il y a eu cette formule du second disant que la plus belle vue de mer au monde était la baie de Naples. Pour tout vous dire de cette histoire, la plus belle vue de terre pour le poète était la vue des Pyrénées depuis la ville de Pau. Beaucoup, beaucoup d'autres écrivains français ont à travers le temps été fascinés par Naples, qui dit beaucoup de notre histoire et de cet amour commun, de Dumas jusqu'à André Gide, qui y a fait sa dernière conférence, en passant par Lamartine que j'évoquais ou, plus récemment, des auteurs comme Dominique Fernandez ou Jean-Noël Schifano. C'est une ville qui a toujours inspiré et nous l'avons vu tout à l'heure d'ailleurs en nous replongeant dans le 20ème siècle théâtral ensemble. Je vous remercie pour cette parenthèse et ce que Edouardo de Filippo, et je dirais toute la famille, a permis d'apporter au théâtre napolitain et plus largement au théâtre européen.
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui dans cette belle ville. Je veux aussi avoir pour commencer un mot de solidarité et d'amitié avec l'Italie, avec votre gouvernement et l'ensemble des autorités sanitaires dans la gestion du coronavirus. Ce virus nous concerne tous et la situation à laquelle nous sommes collectivement confrontés ne pourra se régler qu'en parfaite coopération européenne et internationale. C'est d'ailleurs ce dont nous devons nous féliciter, nos ministres de la santé se sont vus mardi, ils étaient réunis à Rome et cette coordination est constante depuis le premier jour dans l'anticipation et continuera de se faire selon ces termes.
Nous avons donc tenu, vous l'avez rappelé, le 35ème Sommet bilatéral. Le précédent avait eu lieu à Lyon en septembre 2017 il y a maintenant deux ans et demi. Et je crois pouvoir dire qu'ensemble, depuis quelques mois, nous oeuvrons pour justement que les choses puissent repartir après une période qui a été difficile, il faut bien le dire, au début de l'année 2019 et je crois pouvoir dire, grâce à votre implication, celle du président Mattarella, celle de l'ensemble de votre gouvernement aujourd'hui, nous avons pu réussir à retrouver une voie commune.
Depuis le voyage que j'avais effectué et la visite à Rome du 18 septembre dernier, nous avons travaillé d'arrache-pied et je crois pouvoir dire que ce sommet bilatéral est véritablement celui de la relance franco-italienne. Cette relance n'est pas simplement importante pour nos deux pays, vous l'avez parfaitement rappelé et je n'ai aucun mot à retrancher du compte-rendu que vous venez de faire. Elle est un facteur d'équilibre et de dynamisme pour l'Europe. Nous avons ainsi acté une série de coopérations importantes soit par des positions communes que nous défendrons ensemble au niveau européen ou international soit par des initiatives bilatérales concrètes et la déclaration conjointe très précise justement qui a été conclue.
Le travail de nos ministres, que je remercie pour la préparation et leur présence, permet d'acter justement toutes ces convergences. En matière de défense, notre coopération s'illustre au premier plan par le partenariat entre Naval Group et Fincantieri dans le domaine de la construction navale militaire et la déclaration échangée par nos ministres et nos groupes.
Au plan opérationnel, nous sommes également convenus de renforcer notre coopération, notamment en Méditerranée orientale, et d'y assurer le respect du principe de libre navigation mais également en agissant ensemble pour garantir la sécurité dans le détroit d'Ormuz ou au Sahel. Ces coopérations militaires viennent en appui d'initiatives communes et d'une coordination toujours plus étroite que nous voulons prendre sur les grands dossiers internationaux. Vous l'avez rappelé, je me félicite de tout le travail qui a été fait ces derniers mois sur le sujet libyen. Nous travaillons main dans la main et les ministres l'ont dit, d'ailleurs nos conseillers diplomatiques seront avec le conseiller diplomatique de la chancelière Merkel sur place pour coordonner des contacts stratégiques, nos ministres travaillent ensemble étroitement et je pense que la coopération italo-française sur le dossier libyen est absolument essentielle pour trouver un aboutissement et en particulier faire respecter l'embargo sur les armes, comme vous l'avez évoqué. À ce titre nous allons aussi relancer dans les prochaines semaines tout le travail de surveillance et de coopération en Méditerranée au niveau européen et je sais qu'ensemble nous oeuvrerons également pour un mandat ambitieux qui permettra d'agir en ce sens. C'est la même coordination que nous voulons sur le sujet sahélien, sur le dossier iranien comme aussi en Syrie.
Je vous rejoins pleinement pour dire ici notre condamnation très claire et solennelle de ce qui est en train de se passer depuis plusieurs jours, plusieurs semaines en Syrie et tout particulièrement dans la région d'Idlib. Le régime syrien, aidé par ses alliés, procède à des attaques qui ne sont pas simplement la lutte contre le terrorisme mais véritablement relèvent d'un scandale humanitaire : des destructions de centres médicaux, le non-respect du droit humanitaire international, les attaques contre les civils ne peuvent être acceptés. Je veux ici dire combien l'ensemble des membres permanents du Conseil de sécurité doivent dans cette période prendre leurs responsabilités et savoir dans cette enceinte condamner cette action comme nous avons décidé de la prendre au niveau européen ensemble en nous coordonnant aussi sur les actions humanitaires à conduire et les positions que vous avez rappelées.
Dans le domaine de l'économie et de l'innovation, vous avez parfaitement rappelé nos choix communs. Nous avons aujourd'hui acté la mise en place d'actions de financement communes entre la Caisse des dépôts italienne et la BPI du côté français. Nous allons continuer de faire oeuvrer ensemble justement nos jeunes entreprises innovantes de la même manière que nous continuerons d'avancer dans un agenda industriel ambitieux.
Nos ministres ont à cet égard eu des propos forts qui consistent d'une part à faire avancer l'agenda européen en la matière mais aussi à favoriser les coopérations industrielles communes et les grands projets. Nous en avons aujourd'hui, cela a été rappelé dans le naval, nous en avons dans l'automobile. Je pense qu'il nous faut aussi bâtir en matière spatiale car l'espace doit être un lieu de coopération franco-italien encore plus important.
Mais ce sont au fond des liens humains qui constituent le coeur de notre relation bilatérale. Nous fêtons cette année, et vous l'avez rappelé, le dixième anniversaire de l'Esabac qui permet à des lycéens français et italiens d'acquérir simultanément le baccalauréat et son équivalent italien. Nos ministres tout à l'heure ont rappelé l'importance de ce dispositif : près de 26.000 lycéens participent actuellement à ce programme que nous allons encore développer.
Je pourrais également citer les universités européennes qui, là aussi, sont un projet que nous soutenons l'un et l'autre et qui lient très profondément nos grandes institutions de part et d'autre dans des projets désormais conjoints.
Vous avez également parfaitement rappelé l'importance de notre agenda culturel, nos ministres là aussi l'ont redit, avec des projets communs, avec une coopération en matière de patrimoine culturel au niveau européen mais aussi au niveau bilatéral et avec des projets que nous avons relancés il y a quelques mois et sur lesquels les ministres ont pu s'exprimer que nous allons poursuivre. Je sais combien les femmes et les hommes qui font la vie culturelle entre nos deux pays souhaitent cela et vont continuer sur ce chemin.
Fondée sur une proximité culturelle et historique sans égal en Europe, la relation franco-italienne ne se limite pas à tous ces sujets bilatéraux, je ne vais pas reprendre tout ce que vous avez dit en la matière qui était formidablement complet, mais c'est aussi une ambition européenne commune. Notre Europe, vous l'avez dit, vit un moment très particulier face à des grandes crises internationales, aux défis de la puissance, à un moment où le Brexit est aujourd'hui à gérer, et nous avons, sur l'élargissement, le Brexit, la conférence sur l'avenir de l'Europe, défini des agendas communs.
Je veux simplement insister sur quelques sujets européens où vraiment notre convergence et notre travail commun sera indispensable. Le premier c'est sans doute le climat. Nos ministres l'ont dit, nous avons un agenda en matière de climat et de biodiversité très important durant cette année 2020 et nous allons donc ensemble travailler parce que nous partageons ce sentiment d'urgence. D'abord avec des projets concrets, là aussi sur le plan bilatéral. Je me félicite que nous ayons pu relancer la délégation de service public de l'autoroute ferroviaire alpin qui va permettre justement de faire ce qu'on appelle du transfert modal et de limiter les émissions. Je me félicite aussi qu'on ait eu des projets concrets comme ceux que les ministres viennent de signer qui permettent les coopérations ensemble sur justement la recherche et notre coopération scientifique polaire. Nous avons aussi un agenda international sur lequel nous allons nous coordonner pour justement mobiliser notre jeunesse comme nos chercheurs. La préparation de l'UICN à Marseille à laquelle vous serez partie prenante, évidemment la COP Biodiversité en Chine et la COP de Glasgow en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Mais plus largement, nous allons aussi ensemble porter ces ambitions climatiques dans l'agenda européen, la mise en oeuvre du Green Deal. Ce que nous devons cette année justement réussir à acter ce sont nos objectifs climatiques plus ambitieux pour 2030.
Sur le plan de la politique économique, nos ministres depuis plusieurs mois travaillent ensemble et, au-delà des coopérations bilatérales, notre Europe et tout particulièrement notre zone euro a besoin d'une politique budgétaire et économique beaucoup plus ambitieuse, et je crois que nous nous retrouvons pleinement sur ce point. Quand nous regardons aujourd'hui à l'échelle mondiale notre situation, nous avons une politique monétaire qui ne peut plus répondre aux défis de la croissance européenne, et tout particulièrement de la zone euro, et donc des politiques budgétaires qui doivent être beaucoup plus largement sollicitées pour préparer notre avenir et pour être au rendez-vous d'une croissance indispensable pour notre économie mais aussi pour nos sociétés et lutter efficacement contre le chômage. Ce "policy mix" européen nouveau, et donc cette équation politique en particulier budgétaire de réforme économique et de politique monétaire, est ce que nous devons ensemble pousser, et je souhaite que nous puissions avancer sur ce point.
Il y a aussi, et les ministres de l'intérieur y sont revenus, la question migratoire. Notre coopération bilatérale est exemplaire en la matière. Plusieurs initiatives ont été rappelées. Nous avons acté des contrôles conjoints et une coordination plus étroite aux postes frontière. Nous avons amélioré notre coopération dans tous les domaines. Mais sur le plan migratoire, il nous faut aujourd'hui, ensemble, réussir à donner une nouvelle ambition à l'agenda européen. Les propositions qui seront faites au début du mois de mars par la Commission et le Sommet que nous aurons à tenir au mois d'avril sont absolument essentielles, et je le dis parce que nous avons des destins liés. L'Italie est un pays d'arrivée. Vous avez eu à subir, par les années passées, des pressions migratoires extrêmement fortes qui ont déstabilisé parfois politiquement votre pays, et l'Europe a eu une responsabilité, j'ai eu l'occasion de le dire en septembre dernier, lorsqu'elle n'a pas été au rendez-vous de la solidarité. La France est aujourd'hui le premier pays d'accueil secondaire. Disons-le de manière plus simple et politiquement non correcte : quand on ne sait pas traiter le sujet en Italie, cela devient un sujet en France de toute façon.
Nous avons des destins liés. Il nous faut aujourd'hui bâtir une vraie politique européenne d'abord de coopération avec les pays d'origine beaucoup plus ambitieuse, ensuite de protection commune de nos frontières, de gestion commune des flux migratoires et de l'asile et de solidarité et de responsabilité commune, et sortir des clivages dans lesquels l'Europe s'est installée. Nous avons acté de travailler ensemble sur ce sujet ô combien essentiel.
Je ne vais pas poursuivre plus longuement. Sur tout ce que je n'ai pas évoqué, je suis d'accord avec le président Conte, qui a été très complet, et je n'ai rien à retrancher à ce qu'il a dit. Je veux simplement conclure en disant que nous avons véritablement relancé, consolidé cette relation centrale en Europe, et c'est pour cela que je crois que ce projet d'un traité du Quirinal que vous avez rappelé est extrêmement important. Je souhaite que, dans le semestre qui vient, nous puissions, comme nous nous le sommes dit tous les deux, pouvoir justement, sur la base du travail du groupe des sages, maintenant accélérer, rentrer dans des projets très concrets et pouvoir finaliser ce travail qui permettra d'acter une étape importante.
Voilà, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Ministres, ce que je souhaitais dire en vous remerciant à nouveau pour votre accueil, pour la qualité du travail commun et pour l'amitié qui lie l'Italie et la France. Merci, cher Giuseppe.