Texte intégral
SONIA MABROUK
Bonjour Didier GUILLAUME.
DIDIER GUILLAUME
Bonjour.
SONIA MABROUK
Merci d'être avec nous en direct sur Europe 1. Il y a environ un mois vous lanciez un appel pour venir en aide à nos agriculteurs, un appel pour proposer de la main d'oeuvre. Combien de personnes à ce jour ont répondu à cet appel pour rejoindre les champs et les exploitations agricoles ?
DIDIER GUILLAUME
A ce jour, 280 000 personnes sont inscrites sur la plateforme, pour venir en aide, pour remplacer les travailleurs saisonniers qui ne sont pas là, pour permettre que la chaîne alimentaire tienne, que l'agriculture française produise et que nous ayons dans nos assiettes, à la maison, des produits, des fruits et légumes de grande qualité.
SONIA MABROUK
Des volontaires, bien sûr, qu'il faut saluer, mais aussi des travailleurs qui ont tous un contrat de travail leur permettant, le cas échéant, de cumuler chômage partiel ou minima sociaux avec ces revenus issus de l'agriculture ?
DIDIER GUILLAUME
Ah oui oui, bien sûr, nous avons pris des mesures exceptionnelles, avec Bruno LE MAIRE et Muriel PENICAUD, que je tiens à remercier, le Premier ministre a arbitré tout cela. Evidemment ce n'est pas du bénévolat, ce sont de vrais contrats de travail, et c'est ça qui était indispensable pour des gens qui étaient confinés, pour des gens qui n'avaient plus du tout de travail, plus de revenus ou qui étaient au chômage partiel. C'était l'occasion de se rendre utile, l'occasion de montrer que l'agriculture française a de l'avenir, peut produire et peut nous permettre de manger, et de faire oeuvre utile et oeuvre de solidarité. Et je voudrais vraiment les en remercier.
SONIA MABROUK
Les en remercier, ce sont des profils différents, est-ce qu'ils correspondent Didier GUILLAUME aux besoins des agriculteurs ? On se pose la question, parce que si certaines tâches peuvent être réalisées par le plus grand nombre, ce n'est pas le cas de toutes les activités, est-ce que… Il faut quand même avoir des qualifications aussi.
DIDIER GUILLAUME
Ah mais évidemment, mais attendez, là nous ne sommes pas en train de remplacer la main-d'oeuvre étrangère, parce qu'il s'agit en fait de cela, c'est des étrangers, des gens qui venaient des pays du Maghreb ou de l'Europe de l'Est, qui avaient une certaine formation, par des gens qui n'en auraient pas. Ce n'est pas ça le sujet. Pour l'instant, nous devons faire face à une crise terrible, c'est la crise du confinement. Restez chez vous, parce qu'on s'aperçoit que le confinement permet de lutter contre le coronavirus, et merci à toutes celles et tous ceux qui souffrent parfois, mais qui sont chez eux, et en même temps, allez travailler parce qu'il faut nourrir la France, où il faut les soigner, et la première ligne, les soignants sont au charbon, tous les jours au travail, tous les jours. Mais ces gens-là, sont là pour aider à la cueillette, aider à ramasser, il ne s'agit pas de faire du travail technique, encore que peut être pour certains ça pourra leur donner envie de travailler dans les métiers de l'agriculture, mais pour l'instant c'est pour faire du monde pour aider les paysans à faire de la cueillette, à ramasser des asperges, des fraises, enfin je ne sais trop, et c'est ça qui est important évidemment. Ce n'est pas, pour la plupart, de la main-d'oeuvre qualifiée, mais il y a aussi besoin en agriculture de main-d'oeuvre pour simplement aider, pour faire du nombre.
SONIA MABROUK
Mais à partir du 11 mai, beaucoup de ces travailleurs, peut être volontaires, vont devoir arrêter pour retourner sur leur lieu de travail. Comment ça va se passer ? Parce que le besoin de récolte, il se poursuit lui.
DIDIER GUILLAUME
Je ne sais pas. Je ne peux pas répondre à cette question, Sonia MABROUK, nous verrons comment se passera le confinement (sic), c'est un peu trop tôt pour l'instant. Pour l'instant il y a 250 000 personnes inscrites sur la plateforme, nous avons besoin en gros de 70 000 à 80 000 personnes par mois. Nous verrons. Vous savez, cette crise nous apprend à être modeste, d'avancer en marchant, en essayant de bien prévoir les choses, et puis à la fois de s'adapter tous les jours. Il faut être mobile, il faut être agile. Nous nous adaptons et les agriculteurs français s'adaptent, donc nous allons voir comment les choses vont se passer. Parallèlement nous regardons comment nous pouvons à nouveau trouver de la main-d'oeuvre qualifiée dans l'agriculture, mais pour l'instant c'est surtout de la main-d'oeuvre, du nombre qu'il faut, pour la cueillette, pour produire, donc je pense que nous allons y arriver.
SONIA MABROUK
Et pour vendre leurs produits, les agriculteurs, Didier GUILLAUME, les agriculteurs ont bien sûr besoin de les écouler, notamment à travers les cafés, les restaurants en France. Vous êtes aussi le ministre de l'Alimentation, est-ce que vous pouvez ce matin indiquer, nous indiquer une date, un horizon de réouverture de ces cafés et restaurants en France ?
DIDIER GUILLAUME
Mais bien sûr que non. Bien sûr que non. Ce n'est pas possible. Le Premier ministre l'a très bien dit dans sa conférence de Presse, très pédagogique, de dimanche soir. On ne peut pas dire aujourd'hui ce qu'il en est. Vous savez, la priorité numéro un du gouvernement c'est la santé des Françaises et des Français. La santé de nos concitoyens. Donc il ne s'agit pas de vouloir dire des mots, de parler sans savoir. Il faut s'appuyer sur la science, il faut s'appuyer sur le Comité scientifique, et le président de la République, et le Premier ministre prendront leurs responsabilités, en fonction de cela. Donc on sait que vraisemblablement les cafés et les restaurants ce ne sont pas ceux qui rouvriront en premier, parce que nous ne reprendrons pas là évidemment, de suite…
SONIA MABROUK
Mais, est-ce qu'il y a un plan, Didier GUILLAUME ? La question c'est : est-ce que tous ceux qui nous écoutent, qui sont dans ces secteurs-là, et ce sont des secteurs qui évidemment, il y a beaucoup de monde en France, est-ce qu'il y a au moins un plan ? On n'a pas l'impression qu'il y ait un plan précis.
DIDIER GUILLAUME
Si si, mais vous avez… vous avez une fausse impression. Bruno LE MAIRE a fait une réunion avec Jean-Yves LE DRIAN vendredi, pour travailler sur ces sujets, il y en a encore tous les jours, et rassurez-vous, les choses sont en train de se travailler avec eux, sur les sur les charges, sur les reports de loyers, tout cela se fait. Surtout il faut regarder comment les choses pourront se faire, le moment venu, mais pour l'instant nous n'en sommes pas là, pour l'instant nous en sommes à une chose : limiter, contenir la maladie, et le confinement a l'air de fonctionner. Donc au moment où le confinement fonctionne, et je crois que ce serait une erreur d'aller plus loin. Parallèlement, le président de la République a fixé date du 11 mai, pour attaquer cette deuxième phase, comme l'a très bien expliqué le Premier ministre dimanche, eh bien cette deuxième phase va se mettre en place, sur l'école, sur d'autres secteurs, et puis petit à petit, quand les obstacles seront levés, la vie reprendra, mais elle ne reprendra pas de toute façon, ne nous racontons pas d'histoires, comme elle l'était avant, évidemment, mais…
SONIA MABROUK
On l'a compris. Mais, Didier GUILLAUME…
DIDIER GUILLAUME
Je pense qu'il faut le répéter.
SONIA MABROUK
Bien sûr, c'est la chaîne, c'est la filière qu'il faut rassurer, un restaurant c'est 50 % de débouchés pour la pêche, c'est essentiel pour nos viticulteurs, pour les fromagers, avec les fromages AOP, AOC, c'est un ensemble de filières qui se demandent si elles pourront tenir. Qu'est-ce que vous leur dites ce matin ?
DIDIER GUILLAUME
Mais je leur dis que nous travaillons avec eux. Je leur dis que nous sommes en train de faire beaucoup d'efforts. Toutes les entreprises agricoles peuvent bénéficier des mêmes situations que les autres entreprises, les PME, les TPE. Et aujourd'hui nous savons que pour la pêche, par exemple, c'est plus de 50 % de la pêche qui va directement dans les restaurants, dans la restauration hors domicile. Evidemment, pour les fromages, les beaux plateaux de fromages qu'il y a dans les dans les restaurants, tout cela est un vrai problème. Mais nous sommes en période de crise. En période de crise nous essayons de regarder tous les jours, tous les jours nous réunissons l'ensemble des filières alimentaires et agroalimentaires, pour faire le point avec eux, de savoir comment on les aide. Nous sommes intervenus auprès de l'Union européenne, qui n'a pas totalement répondu encore à nos demandes…
SONIA MABROUK
Oui, il y a une grosse déception à ce sujet.
DIDIER GUILLAUME
Oui, une déception au niveau de l'Union européenne, parce que nous avions fait un groupe, une coalition politique, avec l'Allemagne, l'Italie, le Portugal, l'Espagne, et puis au bout du compte les 27 pays européens ont fait un courrier qui a été envoyé au commissaire et à la présidente la semaine dernière, en disant : mais il est urgent que l'Europe réagisse. Je crois qu'elle va le faire, qu'elle peut le faire dans les dans les heures ou les jours qui viennent, mais chaque jour qui passe, c'est une erreur pour nos activités de production.
SONIA MABROUK
Alors que le budget européen c'est quand même en parti le nôtre, j'allais dire, c'est aussi de l'argent français.
DIDIER GUILLAUME
Eh bien ça évidemment, la France est contributrice au niveau européen, et notamment la politique agricole commune, qui chaque année verse plus de 9 milliards d'aides à nos agriculteurs. Mais là, il s'agit d'aides de marché, il s'agit d'aides qu'il faut mettre, sans cela on peut mettre à mal une filière. Je parle par exemple de la viticulture, qui si l'Europe n'intervient pas, seront dans de grandes difficultés, après avoir pris les taxes de TRUMP, et se retrouver maintenant sans débouché dans les restaurants. Je parle du lait évidemment, qui est la filière qui me soucie le plus. Le lait, avec une surproduction, avec des prix qui s'effondrent, et il faut pouvoir stocker, il faut pouvoir garder ces fromages AOP, AOC.
SONIA MABROUK
Vous aviez demandé d'ailleurs, Didier GUILLAUME, à stocker le lait produit en excédent, pour alléger justement le poids de la crise sur les épaules des producteurs de lait. Toujours pas de réponse, si je vous entends bien.
DIDIER GUILLAUME
Oui, non, c'est ma priorité absolue. Je pense que nous, enfin, il est possible que nous l'ayons dans les jours qui viennent, dans les heures qui viennent, mais c'est la priorité absolue, parce que jeter du lait c'est absolument impensable. Et aujourd'hui, les éleveurs, les éleveurs laitiers, comme les éleveurs bovins d'ailleurs, ne gagnent pas assez leur vie. Au moment où on n'a jamais autant mangé de viande, même si c'est du steak haché, pensez-vous, depuis le début du confinement, l'augmentation de ventes de steaks hachés c'est 35% pour le frais et c'est 70% pour le surgelé. C'est dire si les gens cuisinent du steak haché. Donc il y a beaucoup de volumes, il faut que ça rapporte aux éleveurs, il faut que ça rapporte aux producteurs. Et je veux quand même vous signaler que depuis un mois maintenant, il y a tous les jours 22 millions de Français de plus qui mangent à la maison, alors qu'avant ils mangeaient dans les restaurants ou dans la restauration collective. Donc ce n'est pas rien quand même.
SONIA MABROUK
Bien sûr…
DIDIER GUILLAUME
Et la chaîne alimentaire a tenu. Il faut aider, il faut aider l'agriculture française à tenir.
SONIA MABROUK
Restons dans le secteur de l'alimentation, il y a aussi le sujet très important des cantines, avec la réouverture progressive des écoles le 11 mai. Quelles pistes sont privilégiées ? Des petits groupes, des horaires aménagés ? Pas de cantine disent certains.
DIDIER GUILLAUME
Je ne peux pas vous répondre, parce que là pour le coup, les cantines, parce que la restauration scolaire, c'est Jean-Michel BLANQUER qui gère cela, en relation avec les parents d'élèves, avec les syndicats d'enseignants, avec les mairies bien sûr qui jouent un rôle important pour les maternelles, pour les primaires, avec les départements pour les collèges, les régions pour les lycées. Donc tout cela c'est pour le 11 mai, il semblerait que les choses se fassent de façon progressive…
SONIA MABROUK
C'est demain, le 11 mai, Didier GUILLAUME.
DIDIER GUILLAUME
Non, si vous le permettez, Sonia MABROUK, le 11 mais ce n'est pas demain, c'est dans 3 semaines, et 3 semaines en période de crise c'est une éternité. Et donc pendant ces 3 semaines, jour et nuit, 7 jours sur 7, nous travaillons, et Jean-Michel BLANQUER travaille pour regarder comment les choses vont se mettre en place. Vous pensez bien que je ne peux pas vous dire aujourd'hui, combien d'élèves et quelles classes vont rentrer le 11 mai, et vont pouvoir aller à la cantine, c'est impossible. Mais par contre hier soir nous étions en réunion des ministres, comme deux fois par semaine en plus du Conseil des ministres avec le Premier ministre, et Jean-Michel BLANQUER a fait un point sur le sujet. Evidemment nous regardons cela comme le lait sur le feu, si je puis m'exprimer ainsi, parce qu'il peut y avoir des doutes, des craintes des parents d'élèves. Alors, il peut y avoir des postures politiciennes…
SONIA MABROUK
Et il y en a.
DIDIER GUILLAUME
J'ai vu ça, mais il y a des craintes très très honnêtes, de parents d'élèves qui se posent des questions, et il faut leur répondre, parce qu'en période de crise, il faut rassurer la population.
SONIA MABROUK
Oui, rassurer, répondre notamment à différents secteurs très touchés, dont, Didier GUILLAUME, la filière horticole et nos pépiniéristes. Le 1er mai approche, ce ne sera pas un 1er mai évidemment comme avant, mais comment peut-on aider concrètement les producteurs, par exemple, de muguet et nos pépiniéristes de manière générale ?
DIDIER GUILLAUME
Alors, la filière horticole est une des plus touchées, est, elle est vraiment très très touchée, c'est la raison pour laquelle j'ai demandé là encore qu'il y ait un plan spécial qui soit mis au niveau européen, et la France répondra, et je répondrai, le gouvernement répondra à la filière horticole, parce que forcément ce n'est pas un bien de première nécessité. Mais il y a une date symbolique qui est celle du 1er mai. Le 1er mai, c'est la fête du travail et des travailleurs, et c'est la fête du muguet. Et comme... Le muguet c'est un symbole de bonheur, et dans ce confinement, dans cette période difficile moi je veux vraiment, ce matin, Sonia MABROUK, lancer un appel sur votre antenne. Je lance cet appel que 100% du muguet français soit vendu la semaine du 1er mai, c'est possible. Nous avons fait cela pour Pâques, pour Pâques il y avait beaucoup d'agneaux qui restaient sur les bras des éleveurs, nous avons lancé un appel, beaucoup ont répondu, et 100% de l'agneau français a été vendu pour Pâques. Eh bien il faut faire pareil pour la semaine du 1er, évidemment dans le cadre des mesures sanitaires, de distanciation sociale, on ne va pas faire n'importe quoi. La vente à la sauvette sera totalement interdite, les fleuristes n'ouvriront pas, parce que les magasins sont fermés, il ne s'agit pas de faire cela, mais symboliquement il faut que 100 % du muguet français soit vendu la semaine du 1er mai. Je pense qu'on peut dédier ce muguet aux travailleurs de la première ligne, aux soignants, aux papis et aux mamies qui sont dans les EHPAD, peut-être la petite fille veut acheter un brin de muguet à sa maman, on pourra trouver du muguet dans tous les magasins qui sont ouvert à cette occasion-là, et je pense vraiment que ça serait venir en aide à aux maraîchers nantais, ça serait venir en aide à tout celles et à tous ceux qui vendent du muguet. C'est symbolique, mais le muguet c'est aussi un petit moment de bonheur, un petit rayon de soleil dans ce confinement qui n'est pas toujours simple.
SONIA MABROUK
Et il en faut. Un 1er mai non confiné, en tous les cas. Merci Didier GUILLAUME d'avoir répondu à nos questions, et un muguet non confiné, pour cet entretien, place à présent aux questions des auditeurs avec vous Matthieu.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 avril 2020