Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France Info le 26 mars 2020, sur la continuité pédagogique grâce aux cours à distance et le risque d'accentuer les inégalités. 

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

SAMUEL ETIENNE 
Bonjour monsieur le ministre 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bonjour 

SAMUEL ETIENNE 
Merci d'être avec tous madame dans la matinale, de France 2, France Info, canal 27. J'ai quelques questions à vous poser et tout à l'heure on aura 3 collégiens qui ont également des questions, on les entendra des questions pour vous Jean-Michel BLANQUER. Je pensais qu'on pouvait peut-être commencer par saluer le travail des enseignants qui sont mobilisés pour assurer cette continuité pédagogique et puis je me suis souvenu de la récente déclaration d'un porte-parole du gouvernement Sibeth NDIAYE, pour elle actuellement les enseignants ne travaillent pas. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non, elle a corrigé cette phrase c'était dans un exemple qu'elle voulait donner, elle a mal choisi son exemple mais et elle l'a dit donc non on doit tous saluer le travail exceptionnel des enseignants qui s'est beaucoup vu depuis le début de la semaine dernière quand on est entré dans la crise et on a vu la mobilisation générale et vous savez il y a plus de 850 000 professeurs en France, ils ont pris contact avec leurs élèves et aujourd'hui les élèves font de l'enseignement à distance grâce à cette mobilisation des professeurs, on doit rendre hommage tout simplement à ce travail exceptionnel qui est fait en ce moment et qui commence maintenant à s'organiser pleinement. Vous savez, vous faisiez la comparaison internationale il y a un instant, on est un des pays qui est en train de le mieux réussir cet enseignement à distance alors même que c'est quelque chose de difficile et qui suppose beaucoup de professionnalisme de la part de ceux qui le font. 

SAMUEL ETIENNE
 Sibeth NDIAYE a fait effectivement son mea culpa sur Twitter vous avez raison de souligner, vous lui avez passé un petit coup de fil quand même pour lui dire que son exemple était malheureux. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui bien sûr, elle le reconnaissait elle-même, c'était évidemment une phrase regrettable et elle est la première à le dire donc ça ne sert à rien aujourd'hui si vous voulez au moment où on a besoin d'unité nationale et où il faut saluer l'ensemble des services publics d'ailleurs et tous ceux qui rendent service, public ou privé, qui rendent service à tous et  au premier rang desquels les professeurs dans ces moments-là ne cherchons pas à isoler une petite phrase pour des polémiques mais au contraire, rendons hommage sans aucune réserve en l'occurrence aux professeurs. 

SAMUEL ETIENNE 
Est-ce que la situation actuelle des cours à à distance à l'aide d'Internet, vous avez salué à l'instant le rôle des enseignants qui maintiennent ce lien avec un rôle accru des parents aussi à la maison, ne provoque pas de profondes inégalités, je m'explique. Je pense aux familles qui n'ont pas d'accès à Internet dont les familles dont les parents n'ont pas forcément le bagage culturel voire la maîtrise du français ou tout simplement le temps de faire l'école à leurs enfants parce qu'ils travaillent, est-ce que la situation ne risque pas de créer de profondes inégalités ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
C'est un grand risque bien sûr et c'est vrai d'ailleurs à l'échelle mondiale, vous avez maintenant des centaines de millions d'enfants qui ne sont pas à l'école du fait du Covid 19 ans dans le monde entier on en parle d'ailleurs à l'échelle de l'UNESCO et donc c'est un grand risque puisqu'à partir du moment où tous les enfants se retrouvent dans leur famille cela accentue les inégalités parce que les contextes familiaux ne sont pas les mêmes donc on doit réussir à compenser ça. Alors, nous faisons plusieurs choses pour ça d'abord s'agissant de l'équipement informatique notre but est de prêter des équipements informatiques à tous ceux qui n'en ont pas c'est ce que l'on a commencé à faire avec les collectivités locales françaises, avec les associations, avec des matériels que nous avons dans les établissements et nous avons commencé à mieux couvrir l'ensemble des familles. On peut aussi parfois passer par le téléphone portable pour communiquer différentes choses et puis nous sommes sur le point de conclure un accord avec La POSTE qui va permettre aux professeurs d'écrire ce qu'ils veulent à un élève, par exemple un exercice, plusieurs pages de notes etc et ils l'enverront sur un serveur qui le postera donc permettra d'arriver sous forme papier par la poste à l'élève concerné. Donc on veut atteindre tout le monde quelles que soient les moyens informatiques et puis un deuxième élément, on suit davantage ces élèves-là, téléphone davantage pour savoir où ils en sont et puis quand la crise sera passée, on fera des modules de rattrapage gratuits pour les élèves qui en auront le plus besoin. 

SAMUEL ETIENNE 
Il y a une autre solution mais est-ce que c'est-ce que c'est la vôtre je ne pense pas mais des voix se sont élevées pour justement en raison de ce risque d'inégalités davantage creusé de faire une pause pédagogique pendant cette période si particulière et puis on reprend les programmes après et puis on les adapte un peu l'an prochain mais une pause pédagogique pour ne pas creuser ces inégalités entre les élèves. Qu'est-ce que vous en pensez ?

 JEAN-MICHEL BLANQUER 
Ça dépend ce qu'on met derrière les mots mais il y a quelque chose qui peut être risqué à dire ça c'est que si on fait une pause pédagogique les inégalités vont encore plus s'accentuer parce que dans les familles aisées on fera des activités éducatives, on s'entraidera tandis qu'il ne se passera rien dans les autres familles donc il vaut mieux élever tout le monde vers le haut et avoir de volontarisme pour les familles les plus défavorisées. Vous savez, ma devise si je puis dire, c'est toujours d'essayer de tirer les choses vers le haut, on a jamais intérêt à tirer vers le bas sous prétexte de mettre tout le monde égalité Et là en l'occurrence, ce qui est important c'est évidemment de travailler, de ne pas en faire trop, ça je suis tout à fait d'accord, d'être beaucoup dans la consolidation des apprentissages, encore plus que dans des nouvelles acquisitions mais en tout cas avoir des progressions bien pensée et c'est d'ailleurs pour ça que notre site « Ma classe à la maison » est conçu pour avoir des progressions semaine par semaine pour chacune des classes de l'école primaire à la terminale. 

SAMUEL ETIENNE 
Jean-Michel BLANQUER, qui sont les enfants les plus menacés par cette interruption des cours actuellement ? Est-ce que ce sont ceux qui sont en apprentissage des savoirs fondamentaux de la lecture de l'écriture et du calcul ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Alors, il y a plusieurs niveaux auxquels il faut prêter une attention particulière, c'est vrai des CP, CE1 pour lesquelles vous savez c'est priorité des priorités puisqu'on voit qu'ils sortent de leur classe vraiment en maîtrisant les savoirs fondamentaux donc c'est vrai que pour eux, un effort, une attention particulière doivent être faites, ceux qui sont 12 par classe en réseau d'éducation prioritaire, nous nous fixons de les appeler plus souvent, d'être attentif et puis de rattraper ce qui devrait être rattrapé quand ils reviendront. On va beaucoup encourager la lecture aussi, il y aura des opérations pour promouvoir le livre notamment pendant les vacances de printemps et puis il y a d'autres niveaux qui sont à regarder de près par exemple en lycée professionnel, je suis très attentif aux CAP par exemple dans le domaine industriel, on prendra des mesures particulières pour eux au moment du retour et on fait particulièrement attention à eux en les contactant et en en essayant d'éviter le décrochage scolaire qui peut se produire dans ce genre de cas. 

SAMUEL ETIENNE 
Jean-Michel BLANQUER, lundi France Télévisions a lancé la maison LUMNI, ce dispositif pédagogique pour que les enfants continuent leurs apprentissages, plusieurs chaînes du groupe sont mobilisées, est-ce que vous vous êtes satisfaits de ce que vous avez vu ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui c'est vraiment remarquable LUMNI comme vous le savez mais peut-être comme tout le monde ne sait pas,  a été créée il y a quelques mois entre France Télévisions, différents acteurs de l'audiovisuel public et puis le ministère de la Culture et le ministère de l'Education nationale, c'est d'abord un site Internet avec des ressources pédagogiques validées par nous qui sont donc de bonnes références pour les professeurs et les élèves et maintenant avec la mission que vous avez créé « La maison LUMNI » une sorte de version télévisuelle de cette approche éducative agréable pour les élèves et donc c'est  une très bonne chose que dans le cadre de cette opération qu'on a lancé, qui  elle aussi est faite pour atteindre tout le monde et notamment ceux par exemple qui n'ont pas d'équipement informatique. Donc passer par la télévision, c'est évidemment très pertinent cette opération qu'on appelle « la nation apprenante » « la maison LUMNI » en fait partie comme d'autres programmes qu'on trouve par exemple sur France 4 qui ont été très suivis et j'ai d'ailleurs dit à l'ensemble des médias qui pouvaient rentrer dans cette logique comme étant d'avoir les contenus éducatifs, et donc bravo à « la maison LUMNI » puisque c'est très bien parti.

 SAMUEL ETIENNE 
Vous venez d'y faire allusion c'est vrai que les audiences sont vraiment impressionnantes comment vous l'expliquez ? Est-ce que c'est pas le signe aussi que beaucoup de parents ont dû ont du mal à faire actuellement la classe à leurs enfants, à les suivre, à répercuter les consignes des enseignants, apprendre c'est un métier, c'est difficile pour pas mal de parents ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr et d'ailleurs c'est un des enseignements de la période actuelle, chacun comprend, professeur c'est un métier évidemment nous le savons nous, mais parfois certains ne le ressentent pas complètement, être obligé de s'occuper de la transmission des savoirs, quand on est pas soi-même un professeur c'est évidemment plus difficile, chacun le voit bien donc de ce point de vue-là des émissions éducatives c'est évidemment très pertinent pour cette raison aussi je pense qu'il y a des adultes qui prennent plaisir aussi à regarder ces programmes parce qu'ils sont enrichissants simplement et c'est pour ça que je l'ai appelée « l'opération nations apprenante » parce qu'au fond dans ce temps de crise très difficile pour nous tous. Il y a quand même des éléments positifs que l'on peut tirer notamment le fait peut-être de regarder des contenus plus approfondis que ce que l'on voit d'habitude dans les programmes de télévision ou de radio et donc je pense que ça peut être une des vertus de la période actuelle que d'avoir des contenus plus riches à la télévision. 


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 mars 2020