Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à LCI le 26 mai 2020, sur le retour de plus d'enfants à l'école au mois de juin et le caractère "spécial" de la rentrée 2020.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX 
Bonjour Jean-Michel BLANQUER. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur LCI en studio, on retrouve des conditions normales d'interview, on en est très heureux. Jean-Michel BLANQUER, 15 jours maintenant que l'école a rouvert progressivement, vous aviez choisi la date du 11 mai, il y avait une part de pari, même si c'était très préparé, il y avait encore des incertitudes. Pari gagné, c'était la bonne date ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je pense que c'était la bonne date, oui, et d'ailleurs c'était la date que je souhaitais depuis assez longtemps, celle de début mai, parce que je considérais qu'on ne pouvait pas rester confiné si longtemps, pour les enfants en tout cas. Autrement dit, bien sûr les impératifs de santé étaient primordiaux, mais on ne doit pas oublier les impératifs éducatifs et rester trop éloigné de l'école pendant longtemps peut être très nocif, surtout pour les élèves les plus défavorisés, et même pour l'ensemble des élèves. Et donc, si vous voulez, si on n'avait pas fait ce que l'on a fait, imaginez que de mars à septembre, les élèves ne vont pas à l'école, me paraît en réalité impensable. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
On y reviendra sur les conditions dans lesquelles ça se passe, mais d'abord combien d'élèves, combien d'écoles, combien de classes, sont rouvertes aujourd'hui ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Alors, comme vous l'avez dit c'est progressif, donc… nous avons assumer dès le début que le mois de mai en particulier serait un mois de réamorçage, qui était déjà difficile, donc tous les jours à l'école primaire c'est environ 20 à 25 % des élèves qui sont là. Ce n'est pas forcément les mêmes tous les jours, autrement dit c'est plus que la moitié des élèves qui ont retrouvé l'école, mais, dans une rotation… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
On est toujours dans cet étiage de 20 à 25 %.

 JEAN-MICHEL BLANQUER 
Voilà, de 20 à 25 % par jour, et ça a vocation à augmenter avec le temps. Bien entendu, les protocoles sanitaires font que vous pouvez avoir peu d'enfants parfois pas groupe, c'est le but de ne pas avoir plus de 15 élèves, et puis aussi on a un deuxième problème qui est certaines familles qui ne veulent pas envoyer leur enfant à l'école, donc là aussi on a une sorte de cercle vertueux de la confiance qui est, je crois, enclenché, c'est-à-dire que certaines familles voient que les autres familles ont envoyé l'enfant à l'école, que cela se passe bien, que c'est bon pour l'enfant, et donc on commence à voir des premières familles changer d'avis et c'est une bonne chose. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Il y a un cercle vertueux aussi du côté des élus, parce qu'on se souvient il y a eu des pétitions, par exemple 300 en Ile-de-France qui ne voulaient pas rouvrir, les maires, qui trouvaient ça trop tôt, je pense à David RACHLINE à Fréjus, on a vu dans un reportage sur TF1 récemment, finalement il s'y met, bon, eux aussi se disent « on avait des réserves, on y va » ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, c'est exactement ça, progressivement il y a eu des convictions. Alors ça doit nous faire réfléchir d'ailleurs sur le débat public, parce que si vous vous reportez à seulement 3 semaines, il y a 3 semaines il y a ce que vous venez de rappeler, c'est-à-dire on avait des pétitions pour expliquer que les communes ne rouvriraient pas, etc., une semaine plus tard nous avions déjà réussi à ce que 90 % des communes ouvrent. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Pourquoi vous dites ça devrait faire réfléchir sur le débat public ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Parce que si je me souviens, vous savez parfois on ne se souvient pas de choses qui sont très récentes, mais si je me reporte à il y a 3 semaines, on me prédisait des choses très difficiles, en gros qu'on n'y arriverait pas, et une semaine plus tard nous y arrivions, et je m'en réjouis… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
C'est un ministre soulagé là qu'on entend quand même ! 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, en tout cas, vous savez il y a encore beaucoup de passages à faire, notamment à partir du début du mois de juin encore une montée en puissance, donc je me garde de tout triomphalisme, mais simplement, je dis ça pour le futur en fait, c'est-à-dire que, à chaque étape c'est un peu laborieux parce qu'on a ce débat public qui est souvent un peu polémique… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Ses résistants, c'est ce que vous dites, ses oppositions… 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, alors même qu'on est sur un sujet d'intérêt général évident, c'est-à-dire que les enfants ont besoin de l'école, et c'est un sujet sur lequel on devrait essayer d'avoir le maximum d'unité nationale. 

ELIZABETH MARTICHOUX
 Ce que j'entends c'est que vous dites il y avait des oppositions, il y avait des résistances, j'en suis un peu venu à bout, ces oppositions elles étaient un peu factices quoi ! 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Voilà, oui, on peut dire ça comme ça… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
C'est vous qui le dites, oui. 

JEAN-MICHEL BLANQUER
 Et je plaide pour le futur, pour qu'il y ait moins d'oppositions factices pour des sujets d'intérêt général. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Par exemple, prenons la Seine-Saint-Denis, il y a des maires qui refusent toujours, vous leur dites quoi ce matin ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER
 Je leur dis que ce n'est pas bien, je dis que quand on se veut social, on ne fait pas ça. Ce sont des maires qui, quand ils font cela, je pense à deux villes très pauvres de Seine-Saint-Denis, je crois que c'est même la plus pauvre, Stains, on ne fait pas ce qu'ils font, ce qu'ils sont en train de faire est profondément antisocial. Vous savez, on a pris au début du quinquennat une mesure très emblématique et très importante, ça a été le dédoublement des classes de CP et de CE1 par deux, en REP et en REP+, en Réseau d'Education Prioritaire, ça signifie 12 élèves par classe, c'est une mesure qui a déjà produit des effets pédagogiques, et donc sociaux, formidables, c'est-à-dire des enfants qui tout simplement apprennent mieux, et qui sont issus des milieux les plus pauvres. A Stains, vous en avez beaucoup des enfants comme ça, qui peuvent rentrer du jour au lendemain, parce que c'est justement des petits groupes, et parce qu'une commune décide de ne de pas ouvrir, ces enfants sont en quelque sorte privés d'école, c'est, du point de vue de l'histoire de la République, assez honteux, et j'espère qu'on va passer à autre chose. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Alors pourquoi vous faites du volontariat ? Vous savez, j'ai lu par exemple Marcel GAUCHET, le philosophe, dans le Journal du Dimanche, il s'inquiétait que les Français se soient habitués à l'absence d'école, l'école serait devenu une option à la discrétion des parents, une dévalorisation, pour lui, ça représente une dévalorisation du vrai rôle de l'école. Est-ce que vous ne participez pas à cette dévalorisation de l'école en n'obligeant pas ces parents, en particulier ceux qui sont dans des situations sociales compliquées, de remettre leurs enfants à l'école, comme si c'était une option l'école ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Ça serait vraiment une plaisanterie de me reprocher ça, parce que je me bats comme un lion, si vous ne permettez l'expression, depuis des semaines, pour réussir contre vents et marées à réamorcer le système scolaire… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Oui, mais est-ce que vous ne vous arrêtez pas au milieu du gué ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je pense que s'il y a un reproche que je ne peux pas encourir c'est bien celui-là. En revanche, ce qui est certain c'est que, dans cette période de mai-juin il nous était impossible de forcer une famille qui par peur du virus ne veut pas envoyer ses enfants, de l'obliger en quelque sorte, d'arracher l'enfant pour l'amener à l'école, c'est strictement impossible. L'instruction reste évidemment obligatoire, notre message il est extrêmement volontariste, et l'instruction reste obligatoire, c'est-à-dire qu'un enfant qui ne va pas à l'école doit, je dis bien doit, être inscrit dans le système d'enseignement à distance. Est-ce que ça veut dire que nous y arrivons à 100 % ? Non, encore une fois le confinement à créer des conditions…. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Non, mais je vous dis ça parce qu'on entend, nous, des parents nous dire, et ils sont en général dans des classes défavorisées, nous dire « moi j'ai peur, je n'envoie pas… » 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Justement… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Qu'est-ce que vous leur dites ce matin ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je leur dis envoyez les enfants à l'école, il faut le faire, et c'est ce que au quotidien nous faisons… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Est-ce que vous allez les chercher vraiment ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr, les directrices, les directeurs d'école téléphonent, les maires sont impliqués, je veux leur rendre hommage, parce que là on avait cité un exemple négatif tout à l'heure, mais il y a beaucoup d'exemples positifs, je veux leur rendre hommage, parce qu'ils sont souvent impliqués dans ce travail, les assistantes sociales, qu'elles soient de l'Education nationale ou des collectivités locales, jouent un rôle très important. J'ai appelé tous les recteurs, et tous les acteurs, à la mobilisation générale, et je le dis aussi à ceux qui nous regardent, vous avez un voisin qui peut-être n'envoie pas son enfant à l'école, dites-lui que c'est bon pour l'enfant d'aller à l'école, sauf raisons particulières qui peuvent exister, des raisons de santé, mais de manière générale l'école, enfin… peut-être à le répéter, l'école c'est bon pour les enfants. Et d'ailleurs, les premiers à le dire c'est les enfants eux-mêmes, parce que quand je vais dans les écoles aujourd'hui, je rencontre des enfants, mais qui sont tout simplement heureux de retrouver l'école. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Mais pourquoi il n'y en a pas plus, qu'est-ce qui empêche plus d'écoles, plus de classes, d'ouvrir ? Est-ce que, par exemple, question précise, vous manquez d'enseignants ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non, on a plus de la moitié des enseignants qui sont présents, donc on a  le nombre suffisant d'enseignants aujourd'hui, aussi bien en écoles que pour les collèges qui ont commencé à rouvrir. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Vous avez seulement la moitié ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non, un peu plus, on est autour de 55, 60 %. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Ça ne paraît pas énorme 50 %, ça veut dire qu'il y a 1 enseignant sur 2 qui refuse, qui… ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non, non. De toute façon notre système fait qu'on est encore très fortement dans l'enseignement à distance, et donc on a des professeurs qui sont tout simplement en télétravail dans l'enseignement à distance avec les élèves. Simplement, ce que je note, c'est que dans cette période du mois de mai, il y a un certain relâchement des élèves, autant on a eu une très forte dynamique en avril, pardon, en mars et en avril, sur l'enseignement à distance, autant maintenant qu'il y a le déconfinement, on sent bien, et puis peut-être avec le temps qui passe, un certain relâchement de l'enseignement à distance, mais en tout cas on a les professeurs qui sont en télétravail pour assurer cet enseignement à distance. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Donc vous ne manquez pas d'enseignants, parce qu'il y a des parents qui se disent il y a des enseignants qui ne veulent pas reprendre. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non, mais ça, ça peut arriver au cas par cas… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Ça arrive.

 JEAN-MICHEL BLANQUER 
Au cas par cas ça arrive. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Il y en a quelle proportion ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Encore une fois, à l'échelle du pays c'est entre 50 et 60 % des professeurs qui sont là, après, dans telle ou telle école, on peut manquer d'enseignants, ça c'est possible, et dans ces cas-là on y remédie notamment par des professeurs. Vous avez par exemple un professeur diabétique, par exemple, ne revient pas pour des raisons… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Pour des raisons médicales tout à fait pertinentes. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Vous avez ce type de situation, oui.

 ELIZABETH MARTICHOUX 
Juste un mot, est-ce qu'il y a des résistances au sein du corps enseignant, encore ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Ecoutez, il y a eu certains syndicats qui ont été résistants à cela, mais c'était il y a un siècle, c'est-à-dire il y a 3 semaines, aujourd'hui les mentalités évoluent et tout le monde, je crois, a compris, en regardant aussi les autres pays qui déconfinent, qui font cela. Encore une fois je demande à chacun de comparer ce qui m'était reproché il y a un mois, et ce qu'on dit aujourd'hui, parce que les mêmes qui me disaient il ne faut pas rouvrir, sont ceux qui disent aujourd'hui pourquoi vous n'allez pas plus vite, plus fort ? Donc, on essaye tout simplement d'être pragmatique, d'y aller pas à pas, si je regarde les autres pays européens nous faisons partie de ceux qui ont déconfiné avec un des rythmes les plus forts, parce que ce n'est pas facile de réamorcer les choses comme ça, mais je compte beaucoup sur le mois de juin pour que ce soit un mois plein et entier de rescolarisation. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Alors, comment ça peut se faire Monsieur le ministre, donnez-nous des perspectives. Si les conditions sanitaires le permettent, si les conditions sanitaires le permettent, est-ce que les classes de 4e et de 3e au collège, et les classes de lycée vont rouvrir à partir du 2 juin ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je l'espère vivement… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Vous le souhaitez ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je le souhaite très fortement, bien sûr. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Donc ce sera oui si les conditions sanitaires le permettent ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr, bien sûr, et ce sera jeudi que nous le saurons, puisque c'est jeudi que le Premier ministre s'exprimera, après tout le travail que nous ferons avec lui et le président de la République, et le ministre de la Santé, pour définir cela, donc nous avons un Conseil de défense mercredi et jeudi le Premier ministre donnera… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Mercredi ou jeudi le Conseil de défense ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Mercredi. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Mercredi le Conseil de défense et jeudi les annonces du Premier ministre sur, vous espérez donc que ce soit validé si la courbe de l'épidémie continue comme c'est le cas… 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Exactement, si les données nous le permettent, après vous avez une graduation des possibilités… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Vous êtes prêts à l'Education nationale ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Nous sommes prêts, bien sûr. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
A rouvrir à partir du 2 juin ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Tout à fait. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Les 3e, les 4e, c'est important pour les parents aussi, qui doivent se préparer. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr, je le dis très clairement. Alors, encore une fois, rien de ce que je vais dire maintenant n'est certain… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
N'est décidé, n'est annoncé plutôt… 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
N'est décidé, mais en tout cas, ce que je souhaite, si c'est faisable, c'est que nous réussissions à ouvrir pour les 4e, pour les 3e, que nous réussissions à ouvrir les collèges en zone rouge c'est un impératif social, j'ai des présidents de conseils départementaux, par exemple en Meurthe-et-Moselle, ou en Seine-Saint-Denis, qui me disent que c'est urgent d'ouvrir les collèges, et ils ont raison, et puis en lycée nous avons aussi besoin de rouvrir, je pense en particulier aux lycées professionnels qui sont prioritaires dans mon esprit, et j'espère que nous en serons capables, maintenant c'est une décision qui sera prise jeudi. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Qui sera prise jeudi. Vous parliez des collèges en zone rouge, donc même si un département, ou une région, restait en zone rouge, vous souhaitez que ça rouvre, ou il faudrait que ça passe en zone verte ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Sauf s'il y a de bonnes… Non, non, même si ça reste en zone rouge, mais ça c'est le ministre de l'Education qui vous le dit, peut-être que d'autres critères… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Oui, oui, mais c'est une hypothèse sur laquelle vous travaillez. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, bien sûr. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Donc en tout cas vous préviendrez les familles, elles seront prévenues jeudi pour une réouverture à partir… 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Du lundi. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Du mardi 2. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Du mardi, pardon, du mardi 2, tout à fait.

 ELIZABETH MARTICHOUX 
Le 1er juin, je vous l'annonce, étant férié. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, il y a parfois des projets pour que ça ne le soit plus. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Et est-ce que le protocole, ce fameux protocole de 60 pages, d'ouverture va être allégé, ou est-ce que les contraintes seront toujours aussi importantes ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Alors, ces contraintes sont importantes, j'aimerais qu'elles le soient moins, bien entendu, mais c'est aussi le corollaire d'un retour en sécurité, donc il n'y a pas d'allégement prévu à court terme. On a beaucoup glosé sur ces 60 pages, ce sont des fiches en réalité, très courtes, avec… c'est vrai que ça correspond à des contraintes, personne ne peut le nier, nous aimerions tous ne pas avoir ces contraintes, mais elles sont là, et donc je pense qu'on doit tout simplement les respecter, elles nous créent des obligations particulières… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Donc elles ne seront pas allégées, vous ne travaillez pas sur… 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non, pas sur un allégement au mois de juin, il n'y a pas eu suffisamment d'évolution de la situation pour se permettre un tel allègement, en revanche, que notre manière de travailler permette d'avoir plus d'élèves, oui, c'est-à-dire… notamment, vous savez, nous avons créé le dispositif que nous appelons 2S2C, Sport, Santé, Culture, Civisme… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Que vous allez préciser dans quelques jours. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Que nous proposons à chaque commune, et qui doit permettre de faire faire, en petits groupes là aussi, du sport, des activités culturelles, de l'éducation à la santé, au civisme, à nos enfants, à nos élèves, de façon à ce qu'ils puissent être dans ces types d'activités éducatives, pendant que d'autres sont en groupes de 15 élèves pour faire classe. 

ELIZABETH MARTICHOUX
 Question très précise, je vous demande une réponse brève, mais que les Français se posent évidemment. Le bac de français, est-ce que les élèves vont passer un oral ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Alors, je le dirai à la fin de la semaine, vendredi, je vais demain voir le Conseil national de la vie lycéenne pour les consulter sur cette question, c'est évidemment en partie dépendant de la réouverture des lycées, et puis aussi de l'évaluation qu'on peut faire de la situation de préparation des élèves. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Ça se présente bien ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
En tout cas moi mon souhait, vous le savez là aussi, je crois que je suis dans mon rôle qui est que les élèves apprennent, c'est de leur dire préparez vos textes, et on verra si on fait des aménagements. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Vous faites tout pour que ce soit possible cet oral de français ?

 JEAN-MICHEL BLANQUER 
Pour moi c'est important que… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Ce serait à la maison ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
J'ai une formule qui a résumé ça, je dis Phèdre plutôt que Netflix, si vous voulez, c'est-à-dire qu'on est dans une période…

 ELIZABETH MARTICHOUX 
Phèdre plutôt que Netflix ! 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, parce que je pense que dans cette période dans laquelle nous sommes, là en ce moment même, il y a une sorte de faux plat où il peut y avoir une forme de relâchement, on a des élèves qui finalement décrochent un peu, se lèvent tard, ne travaillent pas, etc., ce n'est pas bon, ce n'est pas bien pour eux, ce n'est pas bon pour notre pays, et donc le texte de français… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Il faut les remobiliser. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je veux qu'ils soient mobilisés, tout à fait. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Mais ce serait à distance, ce serait par Skype, par ordinateur ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je le dirai vendredi. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Mais c'est une hypothèse que ce soit à distance ?

 JEAN-MICHEL BLANQUER 
Pas forcément, mais en tout cas toutes les hypothèses sont sur la table, et demain je serai très attentif… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Parce que sinon c'est avec des masques. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
J'écoute les professeurs de français, évidemment, et puis j'écoute les lycéens, et je le ferai notamment demain dans le cadre du Conseil national de la vie lycéenne. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Alors, ce n'est pas aussi bref que je le souhaitais parce que j'ai encore beaucoup de questions. En région Rhône-Alpes Laurent WAUQUIEZ annonce hier qu'il distribue 400.000 masques de taille enfant dans le primaire, est-ce que vous approuvez ? Il dit, il n'y a pas de raison, on l'impose aux adultes, eh bien moi je veux que ce soit au primaire. 400.000 masques taille enfant au primaire. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Alors, sur les règles en matière de… nous n'avons pas manqué de masques pour l'école primaire depuis que nous avons ouvert au début du mois de mai, nous avons prévu des masques, il y en a à l'école primaire, simplement ce que nous disent les médecins c'est que, un, pour l'école maternelle, il ne faut surtout pas en proposer, donc ça c'est même interdit… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Oui, c'est dangereux.

 JEAN-MICHEL BLANQUER
 Et à l'école élémentaire ce n'est pas nécessaire parce qu'on pense que c'est plus contre-productif qu'autre chose. On a des masques aujourd'hui à l'école primaire, un enfant qui aurait besoin de masque par exemple parce qu'il aurait des symptômes, ou pour telle ou telle fragilité, c'est possible, donc je pense que ce n'est pas indispensable de faire une telle distribution. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
D'accord. Question importante Jean-Michel BLANQUER, revalorisation des salaires des enseignants. Vous étiez parti, avant cette crise inouïe, dans une longue négociation pour revaloriser les salaires des enseignants, qui sont moins élevés que la moyenne de l'OCDE, des pays de l'OCDE, dans le cadre de la réforme des retraites, or cette réforme des retraites elle est en passe d'être abandonnée, est-ce que la revalorisation des enseignants est en passe d'être abandonnée aussi ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Non, nous avons besoin d'une revalorisation des enseignants, tout le monde le comprend. Il y a eu pendant toute la période de confinement, et à juste titre, un grand hommage rendu aux personnels soignants, mais chacun a bien vu aussi le rôle des professeurs dans la dynamique de l'enseignement à distance, chacun a vu aussi que c'était un métier, et chacun a vu, avant ça, et je l'ai beaucoup dit, et depuis 3 ans, qu'on a besoin d'une revalorisation des professeurs. Ce n'est pas une chose facile, parce qu'il y en a beaucoup tout simplement, 850.000, mais cette revalorisation elle doit s'engager. J'avais commencé à prendre des engagements, c'est vrai qu'ils étaient liés à la réforme des retraites… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Les 500 millions au budget 2021, qui avait été annoncé, il est confirmé ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, ils y seront, bien sûr, même si nous avons… bien entendu la loi de Finances, enfin la souveraineté du Parlement signifie que ce genre de chose vous ne le dites qu'à la fin de l'année civile, à la fin de l'année, mais bien entendu que dans le travail actuel sur le budget ces 500 millions sont là pour tout simplement faire la valorisation, notamment des plus jeunes… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Bercy ne vous a pas demandé de le mettre sous le tapis, ces 500 millions, parce qu'il va chercher de l'argent ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER
 Non, non, vous savez, au-dessus de Bercy il y a un Premier ministre et un président de la République, et puis il y a un ministre de l'Education nationale qui parle avec chacun, et donc il est normal… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Oui, mais enfin parfois même le ministre de l'Education se bat. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Il est normal de garantir quelque chose qui est fondamental pour l'avenir du pays, c'est-à-dire le fait d'avoir des professeurs valorisés, valorisés dans nos esprits, dans notre manière de parler d'eux, de les regarder, dans notre manière d'interagir avec eux au quotidien, et puis valorisés par leur rémunération. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Donc les 500 millions vous les confirmez et vous dites on va reprendre la discussion ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Quand ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Alors, j'ai beaucoup de dialogues sociaux, parce que j'ai un dialogue social à mener pour la préparation de rentrée, n'est-ce pas, et puis un autre sur la rémunération qui va continuer, qui va réenclencher ce qu'on avait commencé avant le confinement. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Avant l'été ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Avant l'été, donc vous nous dites avant l'été vous allez reparler revalorisation aux syndicats d'enseignants. Il y aura une rentrée normale en septembre ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Alors, par définition l'été 2020 est particulier, c'est pourquoi nous allons travailler à des vacances très particulières, des vacances apprenantes, avec des innovations, nous allons proposer par exemple ce qu'on appelle des vacances buissonnières aux enfants, c'est-à-dire des possibilités de partir en petits groupes à côté d'écoles rurales pour planter la tente, vivre des vacances écologiques, et  ainsi aussi offrir un droit aux vacances plus important aux enfants, donc l'été 2020 sera spécial, et la rentrée 2020 sera spéciale. Nous avoir à nous organiser de manière particulière… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Elle sera spéciale, de toute façon. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, ne serait-ce que pour organiser certains rattrapages nécessaires pour certains élèves, et puis pour aussi tenir compte de ce que nous avons vécu et faire évoluer notre système, je pense à la place du sport, à la place de la culture, dans notre système scolaire, je pense évidemment à la place du numérique aussi, je pense aussi à la capacité d'organisation au plus près du terrain, pour offrir plus de capacité à s'auto-organiser localement, donner finalement plus de marge de manoeuvre aux équipes sur le terrain me paraît faire partie de ce qui permettra de bien organiser la rentrée prochaine. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Vous serez toujours ministre de l'Education nationale à la rentrée alors ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je l'espère bien sûr, mais comme vous le savez ce sont des sujets qui ne dépendent pas seulement de celui qui… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Mais vous le souhaitez ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Bien sûr, j'ai toujours dit que l'éducation nécessitait de la durée, de la constance, de la sérénité, et que pour cela il fallait du temps, on a maintenant, au bout de 3 ans, fait beaucoup de choses, mais il faut, notamment sur le sujet justement de l'évolution de la situation des professeurs, de la continuité dans l'action. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Jean-Michel BLANQUER, le professeur RAOULT sera ce soir l'invité de David PUJADAS sur LCI dans son émission « 24 heures », un rendez-vous important, il posera toutes les questions. Le professeur RAOULT qui dit des politiques, dans une interview à l'Express, que ce sont des hologrammes, vous êtes un hologramme. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je ne crois pas, moi je pense que ça ne sert à rien de faire des généralités. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Vous voyez ce qu'il veut dire ou pas ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Je crois que je comprends, oui. E

LIZABETH MARTICHOUX 
C'est-à-dire ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Eh bien que ça signifie qu'on serait immatériel en quelque sorte, c'est-à-dire qu'on ne serait pas des personnages concrets, qu'on serait les marionnettes de quelque chose, c'est ce que je comprends dans une telle phrase. Je pense que ce n'est jamais bon de faire des généralités, c'est-à-dire que dire les hommes politiques sont ainsi, ou les médecins sont comme ça, c'est forcément faux, puisque par définition chacun est comme il est, et donc je ne suis pas un hologramme par exemple. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Oui, mais ça veut dire qu'il peut y en avoir des hologrammes, mais pas tout le monde quoi, il ne faut pas généraliser. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Oui, on peut dire ça de n'importe quelle profession, vous pouvez dire que votre… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Est-ce que c'est dangereux d'avoir ce type de propos ? 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Là en l'occurrence c'est une phrase détachée, je n'aime pas non plus faire des jugements à l'emporte-pièce justement, mais vu comme ça, ça me paraît… c'est le genre de phrases que qui sont inutiles dans le débat public actuel où on a besoin de rationalité, de sérieux, et de ne pas s'emporter les uns contre les autres, et de rechercher plutôt l'unité nationale que quoi que ce soit d'autre. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
« RAOULT président », vous savez qu'il y a une page Facebook déjà qui plaide pour sa candidature et son élection. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Il y a toujours des engouements comme ça, je me souviens de Yves MONTAND président aussi, il y a à des moments, comme ça, des flambées de l'opinion, et je ne dis pas que… c'est un personnage sympathique, c'est normal qu'il y ait de l'engouement, c'est ça la démocratie que de permettre toutes sortes d'expressions de ce genre. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
D'accord, ça ne vous inquiète pas. 

JEAN-MICHEL BLANQUER 
Ça ne me gêne pas. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER d'avoir été ce matin sur LCI en direct en studio

. JEAN-MICHEL BLANQUER 
Merci à vous.   


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 mai 2020