Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, à France Info le 04 mai 2020, sur l’importance du télétravail pour la réussite du déconfinement à partir du 11 mai.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE  
Bonjour Muriel PENICAUD.  

MURIEL PENICAUD  
Bonjour Renaud DELY et Marc FAUVELLE. 

MARC FAUVELLE  
Dans une semaine, le 11 mai donc, la France va entamer son long déconfinement, avec un protocole qui régira désormais la vie des entreprises, protocole que vous avez mis au point au ministère du Travail, on va en parler longuement avec vous ce matin. Mais d'abord, sur la question du télétravail qui concerne aujourd'hui 25 % des salariés, est-ce que vous leur dites : continuez à télétravailler lundi prochain ?  

MURIEL PENICAUD  
Oui, je crois qu'il y a aujourd'hui 5 millions de Français qui travaillent en télétravail, certains le faisaient déjà un peu, le font beaucoup maintenant et pour beaucoup c'est aussi une expérience nouvelle. Et dans le contexte de déconfinement progressif que nous faisons, c'est très important qu'au maximum possible ceux qui télétravaillent, continuent à télétravailler, parce que ça évite d'être trop nombreux sur le lieu de travail, et ça va aussi dessaturer les transports, donc permettre un confinement plus… un déconfinement pardon, qui soit plus serein et plus progressif.  

MARC FAUVELLE  
Si mon patron, Muriel PENICAUD, me demande de revenir physiquement sur mon lieu de travail lundi prochain, et que j'estime que ce n'est pas nécessaire, qu'est-ce que je fais ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, d'abord, depuis les ordonnances travail de 2017, on a inscrit le télétravail comme un droit, un droit du salarié, et donc le salarié peut dire : mon travail se fait en télétravail, je demande à rester en télétravail. Le cas de figure où l'entreprise, l'employeur, peut lui demander de venir néanmoins, c'est pour des raisons de service. C'est à l'employeur d'expliquer pourquoi on ne peut pas faire autrement. Je pense que dans la pratique, l'immense majorité des personnes qui travaillent en télétravail, vont le rester, et c'est ce qu'il faut, au moins dans les semaines qui viennent, le temps que tout ça se mette en place et qu'on voit les effets. Et si quelques-uns doivent venir, l'idéal c'est qu'ils viennent par rotation, pas tous en même temps, là aussi pour éviter d'être trop nombreux en même temps dans les transports ou sur les lieux de travail. 

MARC FAUVELLE 
 Il faut envisager un télétravail massif, au moins jusqu'à l'été ? 

MURIEL PENICAUD  
Je pense que oui, c'est raisonnable de le dire. Il faut bien se dire qu'on va travailler, on organise la reprise du chemin vers le travail, mais pas à n'importe quelles conditions, et on ne va pas travailler comme avant, pour un moment. Il faut bien voir que dans l'étape 1 du confinement, comment on a sauvé des vies ? Parce que les Français ont vraiment respecté le confinement, et qu'on a arrêté l'économie. Dans cette étape 2, qui est notre nouveau défi collectif, il faut continuer à sauver des vies, on va continuer à sauver des vies, mais en relançant le moteur économique et en protégeant les salariés, tout ça il faut que ça soit progressif, organisé, pour qu'on n'ait pas la peur non plus, qu'on n'ait pas à la boule au ventre en allant au travail, et qu'en même temps on arrive à faire repartir le moteur économique, puisque ça c'est l'avenir de l'emploi qui est en jeu.  

RENAUD DELY  
Et on l'a vu aussi ces dernières semaines, Muriel PENICAUD, le télétravail ce n'est pas forcément facile à mettre en oeuvre et à pratiquer au quotidien. Votre volonté justement de pérenniser, de perpétuer le télétravail sur le plus long terme, est-ce que ça implique qu'il y ait, comme le réclament certains syndicats, une négociation, une négociation nationale pour fixer plus précisément les règles de ce télétravail ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, tous les 2 ou 3 jours, moi j'ai une longue réunion téléphonique avec les partenaires sociaux, c'est un des sujets qu'on a évoqués beaucoup les 15 derniers jours. Qu'est-ce qu'il se passe ? Il y avait des salariés qui travaillaient déjà en télétravail souvent un ou deux jours par semaine, dans des entreprises qui étaient organisées pour le faire. Donc là, ça se passe plutôt bien, puisqu'on a déjà prévu les équipements, la manière de travailler, les heures de déconnexion très importantes, parce que sinon c'est un stress pas possible s'il faut être connecté H24, 7 jours sur 7, ça n'est pas acceptable. Et puis il y a des entreprises qui découvrent, et des salariés qui découvrent. Dans les salariés qui découvrent, il y en a beaucoup qui se disent : mais finalement c'est un mode de travail qui m'intéresse aussi, parce que je ne passe pas 2 heures dans les transports en commun, je communique avec mes collègues autrement, et puis peut-être une fois de temps en temps j'irai au bureau demain. Ce n'est évidemment pas applicable en usine ou dans un magasin, mais pour le travail tertiaire, c'est un quart des emplois, c'est une piste d'évolution du futur, mais qui va demander une réflexion sur le management, voilà, au lieu de contrôler physiquement, qui à mon avis d'ailleurs est un management du passé, c'est tout un autre débat, eh bien on est plus dans la confiance, on est plus dans la relation, mais il faut un peu plus s'organiser. Donc moi, ce que j'ai répondu aux partenaires sociaux, d'abord c'est à eux de décider s'il faut une négociation, mais s'ils la font, et c'est ce qui pourrait être bien, qu'ils la fassent vite. Parce que si le résultat de la négociation arrive en septembre ou octobre, ce sera intéressant pour le futur, mais ça ne sera pas opérationnel, là, pour la phase qui vient. Donc en tout cas évidemment tout est ouvert sur le sujet.  

MARC FAUVELLE  
Le télétravail, parfois c'est le travail sans fin également Muriel PENICAUD, sans coupure entre la vie privée et la vie professionnelle. Aux Français qui sont en train de craquer en ce moment à la maison, vous dites quoi ?  

MURIEL PENICAUD  
Ah moi je dis clairement que le télétravail ne peut pas être la disponibilité jour et nuit, 18 heures par jour et 7 jours sur 7.

 MARC FAUVELLE  
Donc le soir on éteint le portable, on éteint l'ordinateur et on ne répond pas aux mails ?  

MURIEL PENICAUD  
Oui. Une entreprise doit définir, alors une charte, ou elle négocie un accord, mais elle doit définir un mode d'emploi, et elle doit dire notamment les heures de déconnexion. Vous avez raison, on ne peut pas rester comme ça pendu à son ordinateur ou à son téléphone tout le temps, au cas où un mail arrive, ça c'est une source de surmenage, de stress, qui n'amène pas d'ailleurs d'efficacité. Donc il faut que les entreprises organisent des plages de temps, qui peuvent être différentes d'un salarié à un autre, d'un service à l'autre,  il n'y a pas de norme en la matière, mais on ne peut pas être connecté H 24. Et puis moi je demande aux employeurs de la bienveillance dans cette période… 

MARC FAUVELLE  
Chez vous, par exemple, au ministère du Travail… Muriel PENICAUD, chez vous, au ministère du Travail, on coupe les portables le soir, dans vos équipes ?  

MURIEL PENICAUD 
 Alors, il y en a matin et du soir, mais ça c'est plutôt les rythmes biologiques des uns et des autres, donc on essaie de les respecter. Mais effectivement, et y compris dans le week-end, bien qu'évidemment avec mon équipe depuis 2 mois on est pour le coup dans un rythme effréné, eh bien tout le monde prend son moment de break, ça me paraît indispensable pour la durée. Je voudrais dire aussi aux employeurs qu'il faut être bienveillant dans cette période, parce que le télétravail il est franchement difficile et un peu dégradé, quand vous avez en même temps deux enfants à la maison, qui jouent aux Indiens, et donc, voilà, je crois qu'il faut aussi être bienveillant, on ne peut pas travailler comme avant pour l'instant, et entre pas travailler et travailler quand même, eh bien travailler c'est mieux, c'est mieux pour l'économie, c'est mieux pour l'emploi, c'est mieux pour chacun aussi, et il faut être compréhensif.  

MARC FAUVELLE  
Dans un instant, toutes les règles de l'entreprise, après le 11 mai, avec vous Muriel PENICAUD, ministre du Travail, mais d'abord le fil info, à 08h40, minutes avec Maureen SUIGNARD.  

-Fil info- 

MARC FAUVELLE  
Toujours avec la ministre du Travail Muriel PENICAUD et avec Renaud DELY. 

RENAUD DELY  
Muriel PENICAUD, vous publiez donc un guide, un protocole avec toutes les règles à mettre en vigueur pour ceux qui vont reprendre l'activité à partir de lundi prochain, du 11 mai, et donc retourner dans les bureaux, retourner à l'extérieur de leur domicile pour travailler. Ce protocole, il y a de nombreuses règles que l'on va détailler, il y a notamment la nécessité d'un minimum de 4 m² par personne, donc des distances à respecter entre les salariés, ça signifie que si ces conditions sont respectées, vous ne préconisez pas en revanche dans ce protocole, dans ces règles, le port du masque obligatoire et dans tous ces espaces confinés. 

MURIEL PENICAUD  
Oui, tout à fait. Pourquoi on a fait ce protocole ? Il y a énormément d'entreprises, les commerçants qui vous rouvrir le 11 mai, les bureaux, les usines qui  rouvrent maintenant, ou certains qui sont déjà ouverts mais avec très peu de monde et qui vont avoir plus de salariés qui reviennent au travail, qui se posent des questions : mais comment on fait ? Alors, la question est tant du côté des salariés, d'ailleurs, que des entreprises, parce qu'il y a une envie de retourner au travail, mais en même temps il y a une crainte, et il fallait donc définir des règles du jeu dans cette situation tout à fait nouvelle. Donc on a fait, on a publié hier ce protocole, qui donne des normes et des règles à suivre pour sept sujets : la recommandation en termes de jauge par espace ouvert, c'est-à-dire il faut 4 m² par personne. Ça veut dire quoi ? C'est un mètre de chaque côté, parce qu'on dit : il faut 1 m de distanciation, eh bien 4 m² c'est quand vous avez 1 m de chaque côté. Il y a des sujets sur le les flux, comment on limite les croisements des salariés, des clients, des fournisseurs. Il y a beaucoup de sujets de marquage au sol, de sens de la circulation. 

RENAUD DELY  
C'est extrêmement compliqué à mettre en oeuvre, Muriel PENICAUD notamment dans des entreprises qui n'ont pas forcément énormément d'espace, comment imposer systématiquement à toutes période de la journée, à tout moment de la journée, que chacun des salariés se tienne à au moins 1 m de son collègue ? 

MURIEL PENICAUD  
Alors, il y a deux solutions : soit c'est possible dans l'organisation, c'est pour ça que c'est d'abord, ce sujet est d'abord un sujet d'organisation du travail, qui doit être discuté avec les partenaires sociaux dans l'entreprise, et les salariés, comment on s'organise. Plus vous avez des horaires décalés, moins vous aurez le problème. Et s'il y a des croisements, c'est un croisement furtif, ce n'est pas gênant, si c'est une impossibilité d'être séparé, par exemple on avait vu quand on avait fait le guide métiers du bâtiment, parmi nos 48 guides métiers, il y a beaucoup de situations où le compagnon du bâtiment va être éloigné des autres, et puis il y a les cas où ils doivent par exemple porter une poutrelle à deux. A ce moment-là il faut qu'ils aient des masques. C'est-à-dire, le masque c'est nécessaire en plus des gestes barrières, et c'est jamais qu'un plus. Si on ne peut pas respecter. Mais je pense qu'il y a une bonne pratique dont on peut s'inspirer, c'est toute la distribution alimentaire. Ça fait 2 mois que dans toute la distribution alimentaire et dans les marchés qui sont ouverts, on a ces marquages au sol, ces sens de la circulation, et on respecte en fait ces gestes, et on a réussi à le faire. Mais ça demande un gros travail d'organisation du travail, et donc la première chose à faire, le 11 mai ou avant, c'est de s'asseoir avec ses partenaires sociaux, ses salariés, et se dire : voilà comment on va s'organiser. Vous avez aussi des sujets de… dans les flux de circulation, vous voyez, il faut supprimer les tourniquets, que tout le monde touche, et donc là ça ce n'est pas bon évidemment. Il y a beaucoup de sujets qu'on peut faire comme ça dans une entreprise, le nettoyage, la désinfection des locaux aussi à un certain rythme. Tout ça va permettre le respect des gestes barrières dans l'entreprise. C'est ça le maître mot.  

MARC FAUVELLE  
Comment, Muriel PENICAUD… 

MURIEL PENICAUD  
Le but, c'est : comment on organise le respect des gestes barrières dans l'entreprise. 

MARC FAUVELLE  
Comment est-ce qu'on respecte ces 4 m² par exemple dans un ascenseur ? 

 MURIEL PENICAUD  
Alors, dans un ascenseur, ça veut dire concrètement que sur un ascenseur de 8 m² eh bien on n peut pas avoir plus de deux personnes… 

MARC FAUVELLE  
Encore faut-il le mesurer avant d'y rentrer.  

MURIEL PENICAUD  
Un tout petit ascenseur c'est chacun son tour, et sinon… 

MARC FAUVELLE  
Chacun son tour.  

MURIEL PENICAUD  
… combien de personnes peuvent entrer à la fois. 

 MARC FAUVELLE  
Si je me retrouve avec quelqu'un dans cet ascenseur, qui est petit et que j'ai rapidement d'un coup d'oeil mesuré pour évaluer qu'il fait moins de 4 m², là, j'enfile mon masque ? 

MURIEL PENICAUD  
Non, mais je pense que les entreprises doivent organiser ça, c'est-à-dire qu'elles vont sur tous leurs ascenseurs, dire combien de personnes peuvent entrer. C'est à l'entreprise d'organiser ça, ce n'est pas çà chacun d'évaluer les mètres carrés, on ne va pas venir avec un mètre mesureur pour aller travailler.  

MARC FAUVELLE  
Un double-décimètre.  

MURIEL PENICAUD  
Donc c'est pour ça que je vous dis qu'il y a un gros sujet d'organisation du travail, parce que ce n'est pas compliqué à faire, une fois qu'on sait que tel l'ascenseur c'est deux personnes, cinq personnes. Eh bien voilà, on respecte, ça protège tout le monde. 

RENAUD DELY  
Vous dites « ce n'est pas compliqué à mettre en oeuvre », on voit bien quand même que dans les ascenseurs, à la machine à café aussi, où il peut arriver de croiser un collègue, ça ne va pas forcément être très très très simple. Est-ce que le plus simple ça n'aurait pas été justement de préconiser le port du masque ? 

MURIEL PENICAUD  
Alors, le port du masque ça ne protège pas, si vous ne faites pas les autres gestes barrières, c'est en plus. Donc il y a des cas où on préconise le masque, et là il sera obligatoire dans certaines situations, on ne peut pas faire autrement. 

RENAUD DELY  
Lesquelles ? 

MURIEL PENICAUD  
La machine à café, le plus dur, je vais vous dire, c'est notre vie sociale. Parce que la machine à café vous pouvez très bien mettre des… on y va un par un, il y a un marquage au sol et vous êtes toujours séparé d'un mètre. En termes d'organisation, c'est facile à faire. Après, c'est très frustrant parce qu'on a envie de se parler, et la machine à café c'est un moment où on se retrouve, et donc à faire… Mais on le voit dans la vie privée aussi, il faut apprendre à se parler à un mètre de distance, ce n'est pas naturel, en plus on est plutôt une culture nous chaleureuse, proche. Voilà, on a besoin d'être proches, eh bien là il faut apprendre pour se protéger les uns les autres à la machine à café, eh bien se parler à un mètre de distance.  

MARC FAUVELLE  
Dans quel secteur le port du masque sera-t-il obligatoire ? 

MURIEL PENICAUD  
Alors, ce n'est pas par secteur, c'est par situation. C'est des situations, enfin par exemple pour les coiffeurs, dans les 48 guides métiers qu'on a sortis, il y a des situations, coiffeur, vous êtes forcément en grande proximité du client, on ne peut pas coiffer à 1,50 m de distance. 

 MARC FAUVELLE 
 Oui, à 2 m, c'est difficile oui.  

MURIEL PENICAUD  
Donc là, il faudra les masques. Je disais, dans certaines situations du bâtiment, il faut le faire, mais par exemple pour les transports, le mieux c'est si on a une camionnette pour aller à plusieurs au travail, eh bien c'est de prendre plusieurs véhicules. C'est quand même mieux. C'est toujours mieux d'être dans la distanciation, et on rajoute le masque pour les situations où ça n'est pas possible. 

RENAUD DELY  
Est-ce que ça signifie aussi Muriel PENICAUD que vous demandez aux entreprises, vous appeler les entreprises à en finir avec ce qu'on appelle les open space ? Est ce qu'il faut qu'elles réaménagent leurs locaux dans cette direction-là, et est-ce que d'ailleurs elles peuvent être… ça peut être coûteux aussi d'aménager des locaux de la sorte, est-ce que ces entreprises pourront bénéficier d'une aide de l'Etat ?  

MURIEL PENICAUD  
Les open space, concrètement, la règle des 4 m² s'applique, ça veut dire que sur un open space de 100 m², eh bien il n'y a pas plus de 25 personnes qui y travaillent, donc ça va être plus ou moins rentable… 

MARC FAUVELLE  
Qui y travaillent ou qui y passent un moment dans la journée ? Muriel PENICAUD, pardon d'être un peu… 

MURIEL PENICAUD  
Oui, mais enfin, il faut organiser les flux. Et c'est pour ça que je pense que les horaires décalés… 

MARC FAUVELLE  
Il ne doit pas y avoir, à aucun moment de la journée, plus de 25 personnes, même, qui sont de passage, dans cet espace.  

MURIEL PENICAUD  
C'est ça. Je sais que c'est contraignant, je sais que c'est difficile, mais c'est quoi l'alternative ? Moi, je ne négocie pas la santé les salariés, mon rôle c'est de les protéger, et les rôles des partenaires sociaux aussi. Donc un, il faut protéger le salarié, deux, il faut pouvoir reprendre l'activité, parce que si on ne prend pas l'activité plus, là je peux vous dire que l'effondrement économique du pays ça peut aboutir à énormément de licenciements, de défaillances d'entreprises et plus les moyens de payer nos services publics. Donc il y a un moment donné, on ne choisit pas ce contexte, tous, on aura bien voulu qu'il n'y ait pas la pandémie, et il faut s'adapter à ce contexte, faire au mieux,  ensemble, et c'est en travaillant ensemble, en dialoguant dans l'entreprise, qu'on va trouver des solutions sur la base de ces règles. 

RENAUD DELY  
Vous dites : il faut protéger la santé des salariés. Evidemment, c'est la priorité. Qui est responsable, Muriel PENICAUD, justement c'est le chef d'entreprise qui sera responsable de la mise en oeuvre de ces règles ? 

MURIEL PENICAUD  
Alors, tout le monde a une part de responsabilité, puisque chaque citoyen a la part de responsabilité de se protéger, protéger les autres en respectant les gestes barrières, ça c'est la responsabilité individuelle de nous tous en tant que citoyens. Ensuite, l'entreprise elle a la responsabilité de moyens, comme on dit, c'est-à-dire de mettre en place l'organisation du travail et les moyens nécessaires. C'est justement ce que précise ce protocole de déconfinement. Qu'est-ce qu'elle doit faire ? Eh bien qu'est-ce qu'elle doit faire pour les espaces, la gestion des flux, les protections, nettoyage des locaux, qu'est-ce qu'elle ne doit pas faire, sur les tests de dépistage, sur les prises de température. Donc on précise ça, ce qui permet à l'entreprise, de savoir quelle est son obligation.  

RENAUD DELY  
Donc il y aura de trop des contrôles, Muriel PENICAUD, éventuellement des amendes… 

MURIEL PENICAUD  
Oui, bien sûr, il y a toujours des contrôles sur la santé, la protection des salariés, et notamment quand les salariés alertent ou les organisations syndicales alertent, mais moi je suis confiante que l'immense majorité des entreprises, veulent réussir à repartir, les salariés aussi veulent retrouver leur travail qui est quand même la meilleure sécurité pour eux au futur, mais pas à n'importe quelles conditions, et si donc on s'y met tous, on va y arriver. 

MARC FAUVELLE  
Vous l'avez dit brièvement, Muriel PENICAUD, il n'y aura pas de prise de température dans les entreprises, à partir de lundi prochain. Je vais vous faire une confidence, quand on arrive nous, chaque nuit ici à France Info, on nous prend la température, c'est fini à partir de lundi et pourquoi ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors non, ce n'est pas recommandé, parce que l'absence de température ne signifie pas une absence de Covid, comme l'a expliqué le ministre de la Santé de nombreuses fois, et donc ça peut être trompeur. Ce n'est pas interdit…  

MARC FAUVELLE  
Donc ce que l'on fait depuis des semaines à Radio France, ça ne sert à rien, c'est ce que vous êtes en train de nous dire.  

MURIEL PENICAUD  
Ce n'est pas extrêmement utile. 

MARC FAUVELLE  
D'accord. MURIEL PENICAUD  C'est beaucoup utile de faire les gestes barrières. 

MARC FAUVELLE  
On fait les deux, je vous rassure. 

 MURIEL PENICAUD  
Ce n'est pas interdit, mais le salarié a droit de refuser. On a droit de refuser parce que c'est une intrusion dans le domaine de la santé, et là c'est privé, donc vous avez le droit de refuser. Bon, après, c'est assez secondaire. Par contre, point important, c'est qu'il est interdit de faire des tests, des campagnes, de généraliser le dépistage en entreprise ? 

MARC FAUVELLE 
 Pourquoi ? 

MURIEL PENICAUD 
 Les tests… D'abord parce que ça doit être pratiqué par des professionnels de santé, et puis il faut que ça soit réservé aux personnes qui ont des symptômes. Et puis l'entreprise n'a pas à connaître, il y a du secret médical, elle n'a pas à connaître… 

MARC FAUVELLE  
Y compris un médecin du travail, qui est soumis au secret ? 

MURIEL PENICAUD  
Eh bien un médecin du travail, si la personne lui en parle, si. Oui, il est soumis au secret. Lui il peut en connaître, mais il n'y a pas d'obligation en entreprise. S'il y a un doute, en clair si quelqu'un arrive un jour au travail et effectivement dans la journée présente des symptômes, le mieux c'est de voir tout de suite le médecin du travail qui va l'envoyer vers les services de santé, qui eux font les tests, en ville, il faut qu'il soit pris en charge tout de suite pour qu'il ne reste pas évidemment au contact de ses collègues, s'il est symptomatique.  

MARC FAUVELLE  
Donc ce n'est pas le médecin du travail qui pratiquera lui-même ce test. Muriel PENICAUD, vous restez avec nous, on va parler du chômage partiel dans quelques instants. C'est une situation que connaissent plus de 11 millions d'entre nous depuis ces derniers jours, et de la garde des enfants également, question qui pose problème à de nombreuses familles. 08h51, le fil info tout d'abord avec Maureen SUIGNARD.

  -Fil info- 

MARC FAUVELLE 
Muriel PENICAUD plus de 11 millions de salariés sont aujourd'hui au chômage partiel indemnisés à 100 % par l'Etat s'ils sont au smic et à 84 % de leur salaire net, s'ils sont au-dessus du SMIC, est-ce que vous pouvez leur garantir qu'ils conserveront à ce niveau  d'indemnisation sur leur paye du mois de mai, c'est-à-dire celui-ci et sur le prochain juin ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors d'abord ce matin ce sont 11 millions 700 000 salariés du secteur privé en France dont effectivement le salaire est pris en charge par l'Etat dans les conditions que vous avez évoquée. On a fait cet investissement massif inédit qu'on n'a jamais fait en France pour base pour sauver l'emploi, pour protéger tous les Français de cette rupture brutale que nous avons eu de l'économie qui était nécessaire pour sauver les vies. Donc aujourd'hui c'est 911 000 entreprises qui ont besoin de repartir vers le chemin du travail avec leurs salariés, donc évidemment ça va pas être en un jour, on peut confiner ont un jour, on ne peut pas déconfiner en un jour. On voit bien avec toutes les questions qui se posent que ça va être progressif, le plus vite possible mais le mieux possible et donc à condition que ça soit bien fait en matière de protection et donc c'est pour ça que le chômage partiel évidemment ne s'arrête pas, il y a pas de couperet.  Il va accompagner la reprise, concrètement dans une entreprise qui avait 50 salariés, peut-être que l'activité de la semaine prochaine ça sera 20 salariés.   

MARC FAUVELLE 
Donc le nombre de chômeurs partiels lui va sans doute baisser dans les semaines qui viennent, est-ce que le niveau de l'indemnisation sera inchangé ou pas ? 

MURIEL PENICAUD 
Le niveau d'indemnisation des salariés ne changera pas. 

MARC FAUVELLE 
Pour mai, pour juin pour et les mois suivants ? 

MURIEL PENICAUD
 Oui il ne change pas mais la question qu'on est en train de regarder, c'est le niveau de prise en charge du remboursement des entreprises. 

MARC FAUVELLE  
C'est-à-dire, expliquez-nous. 

MURIEL PENICAUD 
Aujourd'hui c'est effectivement pour tous les… jusqu'à 4 fois et demie le SMIC 100 % des sommes qui sont payées par les entreprises aux salariés parce que c'est elles qui font la paie, mais sont remboursées par l'Etat par le ministère du Travail. comme vous le savez, c'est de l'ordre de 26 milliards d'euros de provisions de dépenses, alors on est très fier et très convaincu qu'il fallait le faire, mais il y a un moment donné avec la reprise d'activité puisqu'on autorise plus de transport, plus d'école et  l'ouverture des commerces l'ouverture de beaucoup plus d'activité économique, il faut aussi que les entreprises décident de rouvrir leurs activités et c'est pour ça que on est en train de discuter, mais on va discuter avec les partenaires sociaux ces jours-ci sur le fait qu'éventuellement le remboursement des entreprises ne serait plus à 100 %, il y aurait une petite décote.. 

MARC FAUVELLE 
Pour toutes les entreprises, Muriel PENICAUD ou pour certains salaires uniquement, les plus élevés ? 

MURIEL PENICAUD 
Évidemment ça dépendra des secteurs d'activité, évidement je le dis tout de suite au secteur de l'hôtellerie, de la restauration qui eux sont toujours fermés, il n'est pas question une seconde de baisser le taux de prise en charge, mais pour les secteurs qui sont ouverts et où il y a pas de raison de ne pas fonctionner…

 MARC FAUVELLE 
 Par exemple la grande distribution, c'était ça l'idée ? 

MURIEL PENICAUD 
La grande distribution ne fait pas du tout appel au chômage partiel, je voudrais à nouveau saluer les salariés et  les entreprises de la grande distribution  et de et du commerce de détail qui depuis 2 mois continuent à nourrir tous les Français et franchement on leur droit un coup  de chapeau évidemment ne font pas appel au chômage partiel.  

RENAUD DELY 
L'Etat a mis aussi un système au début du confinement, un système d'indemnisation des salariés contraints de garder leurs enfants, d'arrêter de travailler pour garder leurs enfants, ce système de garde d'enfants Muriel PENICAUD, ces règles, est-ce qu'elles vont changer après le déconfinement, est-ce qu'ils vont changer à partir du début du mois de juin et dans quel sens ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors elles ont changé au 1er mai dans le sens suivant ? c'est que quand vous êtes son indemnité journalière pour un motif qui n'est pas une maladie grave chronique, au bout de 30 jours, la prise en charge par la Sécurité sociale n'est plus de 90 % mais de 66 % du salaire et là évidemment ça fait plus d'un mois que les parents sont, qu'ils n'ont pas d'autre solution gardent leurs enfants à la maison.  Pour éviter cette rupture de pouvoir d'achat qui aurait été très forte, depuis le 1er mai, pour les parents qui gardent leurs enfants à la maison, ils sont en chômage partiel c'est-à-dire que du coup ils ont les 100 % s'ils sont au SMIC où le 84 % s'ils sont au-dessus. Alors eux au mois de mai, rien ne change et c'est important de voir que comme les écoles vont rouvrir progressivement pas de la même façon partout, pas forcément complètement non plus, le parent, celui des 2 parents ou alternativement les deux parents qui ne peut pas retourner travailler parce que l'école n'est pas là ou bien ne veut pas parce qu'il… c'est le volontariat et pour l'instant, ils n'ont pas confiance ou il ne sait pas comment s'organiser, il continuera à avoir ce chômage partiel. 

MARC FAUVELLE  
Ça veut dire que si je décide de ne plus envoyer mon fils ou ma fille à l'école alors que l'école est ouverte, je perds le chômage partiel ? 

MURIEL PENICAUD 
Non, vous ne le perdez pas justement, vous le perdez pas, on considère qu'aujourd'hui au mois de mai on est dans une période…

 MARC FAUVELLE 
Au mois de juin pardon. 

MURIEL PENICAUD 
Au mois de juin, non, vous ne le perdez pas, mais peut-être faudra-t-il mais on verra à fin mai où on en est, mais peut-être faudra-t-il une attestation de l'école à ce moment-là. Mais écoutez, vous savez, on y va trois semaines par trois semaines… 

RENAUD DELY 
Mais une attestation stipulant… 

MURIEL PENICAUD 
Stipulant si elle est ouverte 5 jours sur 5, tous les jours aux horaires complet, il y a le périscolaire aussi il y a la cantine. 

MARC FAUVELLE 
Pour être bien clair, Muriel PENICAUD et ce sera le mot de la fin, à partir du 1er juin prochain un parent qui ferait le choix de ne pas envoyer ses enfants à l'école, alors que l'établissement a rouvert ses portes sur la base du volontariat des parents continuerait à toucher le chômage partiel ? 

MURIEL PENICAUD
 Eh bien on va évaluer ça à la fin du mois de mai.

 MARC FAUVELLE 
Ce n'est pas ce qui a été annoncé à la fin de la semaine dernière. 

MURIEL PENICAUD  
Si ce qu'on a dit c'est qu'a priori, il faudrait une attestation. 

MARC FAUVELLE 
Prouvant que l'école ne peut pas accueillir l'enfant. 

MURIEL PENICAUD 
5 jours, oui c'est un peu logique au bout d'un moment que si l'école ouvre, mais encore une fois on ne sait pas aujourd'hui, combien d'écoles seront ouvertes 5 jours sur 5. 

MARC FAUVELLE 
Si l'école n'ouvre que le matin par exemple je serai indemnisée à moitié ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors non parce que ça c'est probablement trop compliqué, on verra ça à la fin du mois, mais on peut aussi prendre de des jours de congés, des jours de RTT, il y a beaucoup de possibilités qui seront ouvertes aux salariés. Je crois qu'il faut être pragmatique comme tout, là on voit comment se passe le déconfinement, on voit surtout si il y a pas de risque  épidémique à ce déconfinement, les écoles rouvrent progressivement, les entreprises reprennent le chemin du travail et les salariés  aussi et on verra, on évaluera à la fin du mois comment, comment on fait au mois de juin, mais évidemment le sens  progressif, c'est que si à un moment donné tout fonctionne normalement, il est assez normal de repartir travailler.   

MARC FAUVELLE 
Merci à vous Muriel PENICAUD, ministre du Travail invitée ce matin de France Info.   


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mai 2020