Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, à France Info le 18 mai 2020, sur le redémarrage de l'activité économique à l'issue de la période de confinement, le financement du chômage partiel, le soutien à l'industrie automobile et la revalorisation des rémunérations des personnels soignants.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
C'est le gardien du temple des Finances qui est avec nous jusqu'à 9h. Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Marc FAUVELLE.

MARC FAUVELLE
Voilà 8 jours que la France est sortie du confinement, est-ce que l'économie française commence à se réveiller ?

BRUNO LE MAIRE
Oui elle se réveille, elle se réveille doucement comme une belle endormie avec toutes les capacités qui sont les siennes. Mais on voit qu'il y a des secteurs où les choses accélèrent bien, je pense au bâtiment je pense aux travaux publics, pour vous donner à un chiffre, le bâtiment, début mai, 45% des chantiers étaient à l'arrêt, au moment où je vous parle, il n'y a plus que 28% des chantiers à l'arrêt, sur les travaux publics, c'est 80% des chantiers qui étaient à l'arrêt, aujourd'hui il n'y en a plus que 17%, donc ça redémarre, le redémarrage se poursuit également dans l'industrie, et sur le commerce de détail, nous aurons les chiffres d'ici le début de la semaine prochaine. Donc il y a effectivement un redémarrage de l'économie française, je souhaite qu'il s'accélère pour que nous puissions recréer de la richesse, recréer de la prospérité pour les Français, et, surtout recréer du travail.

MARC FAUVELLE
Savez-vous combien de Français ont repris le travail depuis 8 jours et combien sont encore au chômage partiel, au plus haut de la crise, on était à plus de 12 millions ?

BRUNO LE MAIRE
Alors, c'est très difficile le dire, parce qu'il y a un décalage entre les demandes de chômage partiel, leur enregistrement, et ensuite, la comptabilité, je pense que si la reprise de l'économie se poursuit comme je viens de vous l'indiquer, nous devrions observer une décrue du chômage partiel dans les semaines qui viennent, et comme vous le savez, nous sommes déterminés avec la ministre du Travail, Muriel PENICAUD, à encourager les entreprises à reprendre l'activité, la situation normale n'est pas une situation dans laquelle l'Etat paye tous les salaires, ça n'est pas une situation normale, or, nous devons revenir à la normale, et donc d'ici le début du mois de juin, nous prendrons des dispositions pour encourager les entreprises à reprendre l'activité, éviter de se reposer uniquement sur le chômage partiel. Et il y aura un reste à charge pour les entreprises plus important sur le chômage partiel.

MARC FAUVELLE
Ça veut dire que l'Etat va commencer à fermer le robinet du chômage partiel ?

BRUNO LE MAIRE
Fermer le robinet, ce serait trop fort, mais il va encourager les entreprises à reprendre l'activité, et ne pas se reposer uniquement sur le chômage partiel, le chômage partiel, c'est le contribuable qui le paye, c'est les pouvoirs publics qui le payent, ça n'est pas une situation normale, et elle ne doit pas s'inscrire dans la durée. C'est une situation d'urgence, nous avons pris la bonne décision avec le président de la République et le Premier ministre en sauvant les compétences et en sauvant les qualifications des salariés, mais maintenir 100 % de prise en charge du chômage partiel pour les entreprises par l'Etat, ça n'est pas une situation souhaitable sur le long terme.

RENAUD DELY
Mais très concrètement, Bruno LE MAIRE, dans le cas par exemple de parents qui ne veulent pas remettre leurs enfants à l'école jusqu'à la fin du mois de juin, est-ce que ces parents-là pourront continuer à percevoir le chômage partiel ?

BRUNO LE MAIRE
Mais nous allons regarder chaque cas particulier, c'est pour ça que la décision n'a pas été définitivement arrêtée, ce que nous souhaitons, c'est encourager les entreprises à reprendre l'activité le plus rapidement possible, en mettant en place, bien entendu, les gestes barrières et les protections absolument indispensables, c'est nous garder aussi des ressources financières pour maintenir le chômage partiel à 100 % pour les secteurs qui aujourd'hui restent fermés, moi, je veux pouvoir continuer à verser le chômage partiel à 100% pour des restaurants qui n'ont absolument aucune recette et aucun chiffre d'affaires, donc ça suppose d'avoir un partage qui soit le plus juste possible. Les entreprises qui peuvent redémarrer redémarrent, et il est normal que le chômage partiel ne soit plus pris en charge à 100% par l'Etat, celles qui ne peuvent pas redémarrer verront le chômage partiel maintenu à 100%, et par ailleurs, nous continuons à encourager le maintien du télétravail, le développement du télétravail qui est une façon de conjuguer retour à l'activité et lutte contre la propagation du virus.

RENAUD DELY
Vous avez évoqué, Bruno Le MAIRE, le fait que le plan de reprise global de l'économie, le plan de relance, que vous préparez, sera plutôt prêt et mis en oeuvre à partir de la rentrée, de la fin août ou du début septembre, vous avez évoqué certains secteurs, notamment le BTP, qui repartent dès maintenant, mais d'autres semblent plus à l'arrêt, plus en difficulté, on peut penser par exemple à l'automobile, est-ce que ces secteurs-là peuvent attendre la rentrée pour avoir un plan de relance ?

BRUNO LE MAIRE N
on, ils ne peuvent pas attendre, et je pense qu'il est essentiel que tous les Français comprennent bien le calendrier qui est le nôtre, nous avons connu un choc économique d'une violence, d'une brutalité qui n'a pas de précédent dans l'économie contemporaine et qui nous a amené à prendre des mesures exceptionnelles, le chômage partiel, les prêts garantis par l'Etat pour 300 milliards d'euros, le fonds de solidarité, ça, ça a été la première étape, résister, résister aux chocs, et l'économie française a tenu bon grâce au soutien de l'Etat qui a été au rendez-vous et qui a répondu présent. Nous entrons maintenant dans un deuxième temps de cette crise, c'est un temps de transition où il faut soutenir les secteurs qui sont les plus en difficulté, et il faut les soutenir tout de suite, tout de suite, sans délai et avec des mesures massives. C'est ce que nous avons fait sur le tourisme, hôtellerie, restauration, secteur du sport, de l'événementiel, de la culture avec toutes les mesures qui ont été annoncées par le Premier ministre la semaine dernière, qui représentent près de 18 milliards d'euros de soutien à ce secteur. Deux autres secteurs vont être soutenus…

RENAUD DELY
Et le plan de relance, c'est en septembre seulement ?

BRUNO LE MAIRE
Deux autres secteurs vont être soutenus avant le 1er juillet, le secteur de l'automobile, j'annoncerai un plan de soutien au secteur automobile sous 15 jours. Et le plus vite sera le mieux, de façon à relancer la consommation, de façon à soutenir aussi la transformation vers un modèle plus durable, avec le soutien en particulier aux véhicules qui émettent le moins de CO2, aux véhicules électriques, je souhaite que…

MARC FAUVELLE
Pardon, Bruno LE MAIRE, soutien à la consommation, ça veut dire retour d'une prime à la casse ou quelque chose qui y ressemble ?

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, ça veut dire soutien à l'achat de véhicules propres, il faut qu'on fasse de cette crise un levier pour accélérer la transition écologique et pour encourager les Français à acheter des véhicules qui sont encore aujourd'hui trop chers pour eux, je pense aux véhicules électriques, et en soutenant ce type d'achat, donc c'est ces propositions-là qui seront faites sous 15 jours pour soutenir le secteur automobile. Et puis, il y a un troisième secteur dont chacun sait qu'il est très durement touché, c'est le secteur de l'aéronautique, nous avons engagé des travaux avec la filière aéronautique, et là aussi, avant le 1er juillet, nous annoncerons un plan sectoriel de soutien au secteur aéronautique, et les centaines de milliers d'emplois qui vont derrière dans la région de Toulouse et ailleurs. Et puis, viendra le temps de la relance, et le temps de la relance, il faut d'abord que ce soit un temps de concertation, de dialogue, le président de la République a reçu la semaine dernière les économistes, nous avons échangé avec eux, je travaille avec les parlementaires, avec les filières industrielles, avec les filières économiques, avec des économistes, avec évidemment mes partenaires étrangers, j'aurai l'occasion de rencontrer mon homologue allemand, Peter ALTMAIER, pour rediscuter avec lui de la manière dont on coordonne nos relances économiques, et là, les délais, c'est plutôt sous quelques semaines, c'est-à-dire pour la rentrée 2020 que le plan de relance doit être prêt, qu'il doit comporter non seulement des mesures de soutien à l'investissement, à l'offre, des mesures qui doivent permettre aussi de soutenir la demande et de continuer à améliorer la compétitivité française parce, que n'oublions pas une chose, nous avions vu juste en matière économique, les mesures que nous avions prises sur la fiscalité, sur la compétitivité, sur l'offre, sur l'investissement donnaient des résultats et nous permettaient avant la crise d'avoir un niveau de croissance supérieur à la moyenne de la zone euro, le double – je le rappelle – le double de celui de l'Allemagne, mais il n'y a aucune raison que nous ne puissions pas renouer avec ses succès à la sortie de la crise.

MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, vous venez de nous énoncer quelques-uns des secteurs qui vont bénéficier de plans de relance dans les semaines ou dans les mois qui viennent, celui de l'hôpital réclame depuis des années des moyens supplémentaires ; Olivier VERAN, hier, dans les colonnes du Journal du Dimanche ; a annoncé qu'il donnait rendez-vous à l'ensemble des syndicats dès lundi prochain pour parler des salaires, pour parler des primes, est-ce qu'il y aura cette fois-ci de l'argent sur la table ?

BRUNO LE MAIRE
Je crois avoir toujours indiqué que s'il y avait un secteur économique et un service public qui avait besoin de davantage de soutien, c'était l'hôpital public, et je crois l'avoir dit bien avant la crise, vous pouvez reprendre toutes mes déclarations sur ce sujet, oui, les aides-soignants ont besoin d'être revalorisés, oui, Olivier VERAN a raison de dire qu'il faut soutenir les personnels hospitaliers et qu'il y a un immense travail à engager sur la revalorisation des personnels hospitaliers, il s'est engagé à le faire sous l'autorité du président de la République qui a tracé la voie sur ce sujet, je pense que c'est à la fois une question de justice, et c'est une question politique fondamentale, parce que ça rejoint l'idée que nous nous faisons de la société française, société qui doit être solidaire, une société où on soutient ceux qui sont frappés par la maladie, et on soutient les personnes qui s'occupent de ceux qui sont frappés par la maladie.

MARC FAUVELLE
Donc Bercy ne sera pas le pied sur le frein ?

BRUNO LE MAIRE
Mais Bercy, je veux le dire avec beaucoup de force, ne l'a jamais été, et n'a jamais été le pied sur le frein contre l'hôpital ou contre la revalorisation des personnels hospitaliers, jamais, reprenez toutes mes déclarations sur ce sujet, ce n'est pas parce que je souhaite que les comptes publics français soient bien tenus que je ne pense pas aux personnels hospitaliers ou que je n'ai pas de coeur pour tous ceux qui s'occupent des plus faibles et des plus en difficulté de notre pays au contraire, au contraire, si je souhaite que les comptes publics soient bien tenus, c'est pour nous dégager des moyens financiers supplémentaires, pour ceux qui en ont le plus besoin, ceux qui nous ont permis de faire face à la crise, c'est-à-dire le personnel hospitalier.

RENAUD DELY
Et est-ce que cette revalorisation des rémunérations du personnel hospitalier, Bruno LE MAIRE, elle doit s'accompagner aussi de davantage de travail, est-ce qu'il va falloir travailler plus à l'hôpital ?

BRUNO LE MAIRE
Il faudra certainement organiser différemment le travail, c'est ce qu'a indiqué Olivier VERAN en soulevant le sujet des 35h, moi, je ne suis pas un spécialiste de l'organisation du travail à l'hôpital, je ne suis pas ministre de la Santé, mais je pense que les orientations qu'a ouvertes Olivier VERAN et qu'a ouvertes le président de la République sont les bonnes orientations pour l'hôpital…

RENAUD DELY
Il faudra remettre en cause les 35h à l'hôpital…

BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas une question, vous savez, quand on dit remise en cause, on a l'impression qu'on revient sur des acquis, c'est une meilleure organisation du travail à l'hôpital. Le travail à l'hôpital, il est dur, il est compliqué, il est stressant pour beaucoup de personnels hospitaliers, il n'est pas suffisamment valorisé du point de vue financier, et nous sommes prêts à cette revalorisation financière. Mais ouvrons ce sujet-là de la manière la plus large et la plus sereine possible, parce que l'hôpital mérite que nous ayons un débat qui soit apaisé, avec, pour objectif, de revaloriser ceux qui nous soignent et ceux qui nous accompagnent.

MARC FAUVELLE
La différence aujourd'hui entre une infirmière française et la moyenne de l'OCDE, c'est plus de 500 euros chaque mois, c'est l'ordre de grandeur qu'il va falloir combler, Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne peux pas vous donner de chiffres précis, ce que je sais simplement, c'est qu'il faut redonner au métier soignant à l'hôpital toute sa dignité, et la dignité, ça passe par une meilleure organisation, ça passe par un meilleur accompagnement des personnels qui sont confrontés à des situations extraordinairement difficiles tous les jours, et ça passe aussi par une revalorisation financière.

MARC FAUVELLE
Vendredi, Bruno Le MAIRE, l'agence de notation FITCH a abaissé la perspective de la France sur le plan financier, est-ce que c'est une mauvaise nouvelle pour vous, et est-ce que c'est un nouveau front qui s'ouvre aujourd'hui pour les dépenses publiques, c'est-à-dire une éventuelle envolée des taux d'intérêt lorsque nous empruntons ?

BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas une surprise, nous nous attendions à ce qu'il y ait une évolution des perspectives, je rappelle que ce n'est pas une dégradation puisque l'agence FITCH maintient l'évaluation double A pour la France, en revanche, elle baisse les perspectives, ce qui est normal et ce qui n'est pas une surprise étant donné l'ensemble des dépenses publiques que nous avons engagées, mais l'agence insiste aussi, comme d'autres agences, sur un point essentiel, c'est que l'économie française a des atouts considérables, et c'est bien avec ces atouts-là qu'il faut renouer, c'est ce que je vous disais tout à l'heure, avant la crise, nous étions une des économies qui réussissait le mieux de la zone euro, eh bien, je pense qu'à la sortie de la crise, il faut que nous redevenions une des économies qui réussit le mieux de la zone euro, peut-être encore plus, et en clarifiant la direction économique que nous voulons, et la direction économique que je propose, c'est celle d'une économie compétitive et décarbonée ; c'est ça les deux objectifs, et à mon avis, ils sont totalement complémentaires, si vous voulez avoir une économie décarbonée, il faut innover, il faut être compétitif, il faut être à la frontière de la technologie, il faut maîtriser de nouvelles innovations, comme l'hydrogène ou le stockage de l'énergie renouvelable, c'est ça la direction pour l'économie française, et croyez-moi, nous avons tous les atouts, je dirais même plus d'atouts que beaucoup de pays européens pour réussir dans ce domaine.

RENAUD DELY
Et que faut-il faire, Bruno LE MAIRE, de cette dette liée au coronavirus, cette dette que la France a creusée, comme d'ailleurs tous les pays, et notamment tous les pays européens, est-ce qu'il faut la flécher, la cantonner pour la rembourser dans 10, 15 ou 20 ans, et ainsi repousser ces échéances-là ?

BRUNO LE MAIRE
D'abord, est-ce qu'on peut effacer la dette, comme certains semblent le croire, la réponse est non, et je pense que nous devons ce discours de vérité aux Français, la dette est là, et on ne l'effacera pas…

RENAUD DELY
Il faudra la payer…

BRUNO LE MAIRE
Il faudra payer la dette, ensuite, est-ce qu'il faut le faire tout de suite, la réponse est aussi non. Et je pense que la sagesse économique aujourd'hui, c'est la maîtrise du temps, comprendre qu'on répond d'abord à la crise, qu'on relance notre économie, et que la priorité absolue, totale doit être donnée à la relance de notre économie, pour qu'on retrouve de la croissance, de la prospérité, des emplois pour tous les Français, de l'innovation, des nouvelles technologies et une économie décarbonée, et plus tard, viendra le temps du remboursement de la dette. Mais ce remboursement de la dette, si on ne veut pas qu'il se fasse par les impôts, et je ne veux pas qu'il se fasse par les impôts, doit se faire par la croissance, et donc, le moment qui va venir, c'est celui de la relance de la croissance française, de la relance de notre économie, qui nous permettra plus tard, je dis bien plus tard, de rembourser cette dette.

MARC FAUVELLE
Aucun impôt direct ou indirect n'a vocation à augmenter dans les mois qui viennent ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne souhaite pas d'augmentation d'impôts, je ne peux pas être plus clair…

MARC FAUVELLE
C'est la position officielle du gouvernement ou c'est celle du locataire de Bercy ?

BRUNO LE MAIRE
Si c'est la position du ministre des Finances, c'est la position officielle du gouvernement, sinon, je ne me permettrais pas de le dire avec autant de clarté et avec autant de force. Nous relancerons l'économie française par la croissance et nous arriverons à rembourser notre dette qui devra être remboursée par la croissance et par le retour de l'activité, l'augmentation des impôts, des taxes, c'est la solution de facilité, c'est ce à quoi chacun pense spontanément en se disant : tiens, on va taxer les riches, on va taper ceux qui sont dans la meilleure situation possible…

MARC FAUVELLE
Et ça vaut aussi pour l'ISF, si je vous suis bien…

BRUNO LE MAIRE
Oui, ça vaut aussi pour l'ISF, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, c'est trop simple de penser qu'on pourra éponger nos dettes et retrouver de la croissance par le retour de l'ISF, nous avons maintenu un impôt sur la rente avec l'impôt sur la fortune immobilière, donc nous taxons bien ceux qui ont un bien immobilier important. En revanche, le retour de l'ISF n'est pas une bonne solution, et j'irai encore plus loin, revenir sur nos choix fiscaux qui ont été faits en 2017, sur la fiscalité du capital, par exemple, sur le soutien à la compétitivité des entreprises, ce serait renier ce que nous avons fait pendant 3 ans qui pourtant avait donné des résultats, nous avions eu les bonnes intuitions, les intuitions du président de la République qui étaient : la baisse des impôts, l'allégement de la fiscalité sur le capital pour relancer l'industrie, la compétitivité, l'attractivité de la France, qui était, je le redis, avant la crise, le pays le plus attractive la zone euro, c'était les bonnes intuitions ; donc ne revenons pas sur nos bonnes intuitions, mais soyons capables d'imaginer une économie française compétitive et décarbonée.

MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, sur l'emploi on va souffrir, dit Emmanuel MACRON à nos confrères de BFM. Le patron de la FED, la Réserve fédérale américaine, disait cette nuit qu'il fallait peut-être s'attendre à ce qu'un Américain sur quatre soit au chômage avant la fin de l'année. Est-ce que vos pronostics, vos prévisions vont dans le même sens ?

BRUNO LE MAIRE
Je me garde sur ce sujet, comme sur d'autres, de trop de pronostic, et en tout cas certainement pas de pronostics chiffrés. Mais c'est ma préoccupation première, c'est je dirais, mon angoisse première, parce que je vois bien que certains secteurs souffrent terriblement aujourd'hui, et que dans ces secteurs, c'est les salariés qui ont les qualifications les plus modestes et c'est des jeunes qui peuvent être les plus touchés. Donc, dans le plan de relance, il faut qu'il y ait également un plan de soutien à l'emploi, à l'emploi des moins qualifiés, la manière dont on va retrouver un emploi pour tous ceux qui vont perdre le leur. Un plan pour accompagner tous ces jeunes, et nous y travaillons avec la ministre du Travail Muriel PENICAUD, qui vont arriver sur le marché du travail en septembre, qui sortent de leur centre de formation des apprentis ou qui ont un diplôme d'université sous le bras, et qui s'étaient dit avant la crise : on est dans un pays qui se porte bien, où il y a de la croissance, on va trouver facilement un emploi, et qui vont trouver portes closes. Et il n'y a rien de plus désespérant pour une Nation, que d'avoir tous ces jeunes qui trouvent portes closes sur le marché du travail.

RENAUD DELY
Ça veut dire des primes à l'embauche de ces jeunes qui arrivent sur le marché du travail ?

BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire travailler sur un plan global qui permette de garder notre acquis sur l'apprentissage. C'est aussi un des grands succès du quinquennat, l'apprentissage, eh bien là on va se heurter à des hôtels, des restaurants, des bars, des cafés, des commerces, qui ne vont pas pouvoir prendre d'apprentis. Donc il faut que nous trouvions des solutions. Nous y travaillons actuellement avec la ministre du Travail, mais c'est pour moi une priorité absolue. Une Nation a le devoir, le devoir moral, d'offrir des perspectives, d'offrir un destin à chacun de ces jeunes. Et c'est eux aujourd'hui qui vont être les plus touchés à partir de la rentrée, et donc c'est sur eux qu'il faut vraiment mettre le paquet.

MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, pendant cette période de confinement, les Français ont massivement rempli leur Livret A et ont eu recours à l'épargne. Est-ce que vous leur demandez aujourd'hui, à ceux qui le peuvent évidemment, de casser leur tirelire et de consommer le plus possible ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien je souhaite, oui, qu'ils participent à la relance de l'activité économique. Nous verrons d'ici quelques jours quels sont les chiffres de la consommation, mais je pense que c'est notre rôle aussi de les inciter à consommer, de les inciter à relancer la machine économique, c'est-ce qu'on va faire sur le secteur automobile, c'est ce que nous avons fait également sur le secteur du tourisme, et je souhaite que les Français retrouvent le goût de consommer, le goût de vivre aussi tout simplement, et puissent retourner à une vie plus normale dans les jours et dans les semaines qui viennent.

MARC FAUVELLE
L'Italie par exemple a annoncé qu'elle allait rouvrir ses frontières dans une quinzaine de jours, à partir du 3 juin, est-ce que la réciproque sera vraie, est-ce que tout ça se fait chacun dans son coin, ou est-ce que les pays décideront ensemble si les frontières s'ouvrent dans les deux sens ?

BRUNO LE MAIRE
Il y a une coordination économique étroite entre les pays européens, il y a évidemment une coordination étroite aussi sur la question des frontières, mais il faut poser la question à Christophe CASTANER, le ministre de l'Intérieur.

MARC FAUVELLE
La limite des 100 km pourra augmenter de façon concentrique, a dit ce week-end le secrétaire d'Etat au Tourisme, vous pouvez nous décrypter ?

BRUNO LE MAIRE
Ah je ne peux pas vous décrypter, parce qu'une fois encore je ne suis pas ministre de l'Intérieur, ce n'est pas moi qui prends ces décisions, et croyez-moi, j'ai suffisamment de décisions à prendre dans le domaine économique et financier.

RENAUD DELY
Bruno LE MAIRE, dans ce contexte économique et social extrêmement lourd, il y a une vingtaine de députés de La République En Marche qui envisage de quitter le groupe pour en rejoindre un autre qui est en voie de constitution, qui serait un 9ème groupe à l'Assemblée nationale, et s'émanciper un petit peu donc de la tutelle de la République En Marche et de la majorité, est-ce que vous vous inquiétez de ces divisions qui naissent au sein de la majorité ?

BRUNO LE MAIRE
Non mais je les regrette ces divisions, et je vais vous parler, pas comme ministre de l'Economie et des Finances, mais je vais vous parler comme député de la République En Marche, car j'ai été élu député de la République En Marche en 2017, je regrette que certains veuillent rétablir un clivage Gauche/Droite, que nous avions voulu dépasser en 2017, et que les Français ont voulu dépasser, et pour lequel je m'étais engagé à l'époque, parce que je crois profondément et encore plus aujourd'hui face à cette crise économique, que les clivages gauche/droite ne sont pas la réponse aux problèmes des Français. Qu'au contraire c'est le dépassement de ces clivages qui nous permettra d'apporter des réponses aux inquiétudes des Français. Après, je vais vous dire le fond de ma pensée, je ne crois pas du tout que les Français nous attendent sur des grenouillages d'Assemblée. Ils nous attendent sur notre réponse à la crise économique, ils nous attendent sur les solutions que nous allons apporter à l'emploi des jeunes, à la situation économique qui est la plus grave depuis des décennies, et ils attendent de nous, du gouvernement, du président de la République, de la majorité, uniquement de la force, du courage, de la constance pour redresser notre pays, fixer une direction, celle que je propose en matière économique, c'est-à-dire une économie compétitive et décarbonée, des moyens pour atteindre cet objectif-là, un chemin, comment est-ce qu'on décarbone notre économie ? Comment est-ce qu'on réussit la transition environnementale ? Comment est-ce qu'on améliore les qualifications pour trouver un emploi à tous ? Une fois encore c'est à ce rendez-vous là, qui est un rendez-vous historique, que nous attendent les Français et pas sur les grenouillages d'assemblées.

RENAUD DELY
Est-ce que ce n'est pas la crise justement, et les solutions à y apporter qui est en train de réveiller le clivage gauche/droite Bruno LE MAIRE, notamment en nécessitant des interventions massives de l'Etat, une intervention publique très forte ?

BRUNO LE MAIRE
Mais, les solutions d'avenir, Renaud DELY, se trouvent dans les choix que nous faisons maintenant, en pensant à l'avenir du pays, et pas en réactivant des vieux réflexes du passé. Moi je vois revenir effectivement beaucoup de vieux réflexes du passé, certains qui nous disent : y'a qu'à taxer les riches, et comme ça le pays ira mieux. Certains qui nous expliquent que l'Etat doit s'occuper de tout et diriger l'économie de A à Z et tout ira beaucoup mieux. Qu'il faut revenir au bon vieux clivage gauche/droite et à des oppositions totalement obsolètes et que ça apportera des réponses aux pays. Mais c'est plus ça du tout le sujet. Le sujet c'est comment est-ce que notre économie affronte le changement climatique, tout en préservant des emplois pour tous. Ça c'est un vrai sujet. Le sujet c'est de savoir comment les dizaines de milliers de personnes qui peuvent perdre demain leur emploi et qui auront peu ou pas de qualification, vont pouvoir être formés, accompagnés et soutenus pour retrouver un travail et reprendre toute leur place dans la société. Ça c'est un sujet. Le sujet c'est de savoir comment est-ce qu'on s'unit avec l'Allemagne et les autres pays européens, pour avoir un vrai plan de relance qui évite la dislocation de l'Union européenne, parce que certains redémarreraient très vite après la crise et d'autres n'auraient pas les moyens de redémarrer. Ça c'est un vrai sujet. Le sujet c'est de savoir comment on reconstruit notre indépendance industrielle, par exemple sur le médicament et la santé, pour ne pas dépendre de la Chine et les Etats-Unis, ça c'est un vrai sujet. Et je pense qu'on est très loin, très très loin, à des années-lumière, de la question de la création d'un groupe de quelques parlementaires à l'Assemblée nationale.

MARC FAUVELLE
Merci à vous Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Merci.

RENAUD DELY
Merci à vous.

MARC FAUVELLE
Et bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mai 2020