Déclaration de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les perspectives de la saison estivale, notamment pour les activités touristiques et culturelles, au regard de la situation liée à l'épidémie, au Sénat le 19 mai 2020.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Circonstance : Débat organisé au Sénat à la demande du groupe Les Républicains

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur les perspectives de la saison estivale, notamment pour les activités touristiques et culturelles, au regard de la situation liée à l'épidémie.

Notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars. L'hémicycle fait l'objet d'un nettoyage et d'une désinfection avant et après chaque séance. Les micros seront désinfectés après chaque intervention.

J'invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. Je rappelle que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s'effectuer par les portes situées au pourtour de l'hémicycle.

Tous les orateurs, y compris les membres du Gouvernement, s'exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune.

Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l'auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

Dans le débat, la parole est M. Michel Raison, pour le groupe auteur de la demande.

M. Michel Raison, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant toute chose, je veux rendre hommage aux professionnels du tourisme, à ces deux millions d'hommes et de femmes qui font fonctionner les hôtels – petits et grands –, les maisons d'hôtes, les résidences de tourisme, les campings, les restaurants, les villages de vacances, les centres de congrès, les salons, les musées, les sites historiques, ainsi qu'aux tour-opérateurs, aux voyagistes, aux casinotiers et à bien d'autres.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Les guides-conférenciers !

M. Michel Raison. Ils participent à faire du tourisme de loisirs et d'affaires une composante à part entière de notre paysage national et de notre art de vivre. Ensemble, ils créent 7% à 8% de la richesse nationale chaque année. Ils attirent 90 millions de touristes et participent ainsi au rayonnement de notre pays dans le monde entier. Aujourd'hui, je veux leur témoigner tout mon soutien.

Le secteur du tourisme est probablement le plus durement touché par cette crise hors du commun qui a mis à l'arrêt notre pays du jour au lendemain. Il avait toutefois déjà été touché, dès le début de l'année, par la diminution du trafic international de voyageurs et, encore un peu avant, par les attentats, les « gilets jaunes », les grèves.

Sans réaction de solidarité massive, cette crise, d'une ampleur sans précédent, pourrait provoquer de nombreux dépôts de bilan et se traduire, en plus de la perte économique, par une perte sèche des innombrables compétences et savoir-faire qui sont les nôtres et que le monde entier nous envie. Le bilan du premier semestre est terrifiant, et le retour à la normale ne pourrait avoir lieu qu'en 2022.
Il faut le souligner, monsieur le secrétaire d'État, l'État s'est pleinement mobilisé pour tenter d'apporter une réponse adéquate à la crise. Des mesures spécifiques ont été annoncées les 24 avril et 14 mai derniers. Je me félicite de voir qu'un très grand nombre des trente propositions que Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, vous a adressées à la fin du mois d'avril dernier avec trois collègues membres de la cellule de crise, dont Viviane Artigalas, se retrouvent dans le plan Tourisme du Gouvernement.

Ce plan est un bon signal en direction des professionnels. Il faudra cependant encore le compléter et le clarifier.

Il faut d'abord compléter ce plan en matière de trésorerie.

Le fonds de solidarité pourrait être encore élargi, en faisant passer le seuil de bénéfice imposable de 60 000 à 100 000 euros.

Les professionnels attendent également des gestes quant aux loyers du parc privé, dans la logique "zéro recette, zéro charge".

Le chômage partiel pourrait être élargi à certains professionnels dont les effectifs n'ont été mobilisés que pour gérer les pertes et aux établissements publics industriels et commerciaux, notamment les offices de tourisme, qui n'ont pas été éligibles au chômage partiel. L'éligibilité pourrait être estimée au prorata des recettes commerciales ; je réitère cette demande, monsieur le secrétaire d'État.

Les reports d'échéances bancaires pourraient – et même devraient – être étendus à dix-huit mois pour certains professionnels. Je pense en particulier aux campings.

La contribution des assureurs aux pertes d'exploitation pourrait largement aller au-delà de celle qu'ils ont versée.

Les plateformes en ligne devraient être appelées à témoigner de leur solidarité envers leurs partenaires les plus fragiles, à travers une diminution temporaire des commissions.

J'en viens aux mesures de nature à favoriser la reprise.

Les droits au chômage des saisonniers devront être élargis afin de faciliter leur embauche pour la saison estivale.

Une garantie d'État exceptionnelle des avoirs proposés par les hébergeurs et par les compagnies aériennes pourrait être mise en place, pour réinstaurer la confiance des consommateurs. Il est également urgent de légiférer à l'échelon européen sur les avoirs proposés par les compagnies aériennes.

Enfin, pour relancer le tourisme à moyen terme, la prochaine génération de contrats de plan État-région devrait être utilisée pour financer des appels à projets visant à mieux répartir les flux touristiques sur notre territoire, qui souffre de la fameuse règle des 80-20, que l'on connaît dans d'autres domaines. Parvenir à rééquilibrer cette répartition, c'est faire du tourisme durable !

Voilà pour les principales mesures de complément. Voici maintenant les interrogations qui appellent des clarifications de la part du Gouvernement.

La première interrogation – et non des moindres ! – est celle du périmètre concret de ce que le Gouvernement appelle le tourisme. En effet, de nombreux professionnels restent dans le flou. Je pense aux entreprises qui approvisionnent les cafés, restaurants et toutes les manifestations culturelles et sportives, comme les grossistes en boissons, aux blanchisseries, aux conciergeries pour les meublés de tourisme, aux agences immobilières spécialisées dans la location de meublés, à l'agritourisme, et j'en passe.

Concernant l'événementiel, je signale une ambiguïté dans le dossier de presse publié dans la foulée du comité interministériel du tourisme (CIT), à laquelle il faut remédier : le détail des mesures n'évoque que « l'événementiel culturel et sportif », excluant ainsi l'événementiel d'affaires ou privé, ce qui n'est évidemment pas souhaitable. Dans ce domaine, la France peut perdre non seulement son savoir-faire, mais aussi des parts de marché, car de nombreux grands salons sont internationaux.

Concernant les mesures de soutien à la trésorerie, les professionnels craignent par-dessus tout de se retrouver face à un « mur » en cas de levée soudaine et générale de ces mesures une fois l'activité reprise. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous les rassurer sur le fait que ces mesures accompagneront la reprise et ne diminueront que de façon progressive ?

Concernant les mesures sanitaires, un certain nombre de questions se posent sur la norme de quatre mètres carrés par personne dans les restaurants et cafés. L'application d'une telle mesure pourrait signer l'arrêt de mort de ce secteur.

Par ailleurs, je regrette que rien n'ait encore été décidé pour le tourisme social, si cher, à juste titre, à notre collègue Viviane Artigalas, ni pour la solvabilisation de la demande pour cet été. La cellule « Tourisme » de la commission des affaires économiques a préconisé la mise en place d'un dispositif exceptionnel d'aide au départ en vacances s'appuyant sur les chèques-vacances, une diminution exceptionnelle des tarifs autoroutiers cet été et des dispositifs d'aide pour certains publics ciblés. Nous devons faire en sorte que les Français partent en vacances ! Le tourisme domestique représente les deux tiers des recettes du secteur. En capitalisant sur cet atout, nous pouvons limiter la casse.

Je dirai un mot sur les allégements de fiscalité locale. L'État s'est engagé à prendre en charge la moitié de l'exonération de la CFE pour les collectivités qui le décideraient. En revanche, aucune compensation ne serait à l'ordre du jour pour la taxe de séjour, qui représente des sommes très élevées dans certaines communes et qui est utile pour le développement du tourisme.

Pour conclure, je formulerai une remarque d'ordre général.

La politique du tourisme en France comme son budget ne cessent de s'amenuiser depuis de nombreuses années, en raison du sentiment erroné selon lequel "le tourisme fonctionne tout seul", alors qu'il s'agit d'une économie diffuse qui a besoin de l'action de l'État et des différentes collectivités, en particulier des communes, pour créer la synergie nécessaire à cette bioéconomie.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Michel Raison. Je conclus, madame la présidente.

La crise qui frappe ce secteur comme jamais dévoile avec fracas cette erreur de diagnostic. Elle démontre à nouveau la nécessité de nommer un ministre du tourisme de plein exercice, qui s'appuierait sur une direction d'administration centrale dédiée.

Monsieur le secrétaire d'État, soyez assuré que nous serons vigilants quant à la bonne application du plan Tourisme sur nos territoires. Je vous remercie de ce que vous avez déjà accompli, mais je vous remercie plus vivement encore de toutes les réponses positives que vous allez nous donner à l'occasion de ce débat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Viviane Artigalas ainsi que MM. André Gattolin et Jean-Claude Requier applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Raison, je vous remercie d'avoir pris l'initiative de ce débat important compte tenu de ce que représente le secteur du tourisme pour l'ensemble de notre pays. Je pense que nous en sommes tous convaincus – il est heureux qu'il y ait une prise de conscience collective –, il s'agit d'un organe vital de notre économie. Il n'est qu'à voir le poids du tourisme : 7% à 8% du PIB et 170 milliards d'euros de recettes annuelles. Bien plus, dans un certain nombre de nos territoires, le tourisme est un moteur, un pilier, qui peut représenter 15%, 20% ou 30% de l'économie locale.

Le tourisme est également une composante de l'âme française. Nous avons en effet affaire à des passionnés, à des femmes et des hommes engagés. Dans la restauration, par exemple, certaines maisons se transmettent de génération en génération ; les parcs de loisirs ou les parcs à thème sont le fruit de formidables initiatives avec, au départ, une idée de génie et, derrière, un essor grâce à tous les collaborateurs qui développent ce type de produit : en disant cela, j'ai notamment en tête le zoo de Beauval ou le parc du Puy du Fou, mais nous en avons tous sur nos territoires, et je veux saluer cette part du génie français.

Le secteur du tourisme a été frappé de façon brutale, massive, de plein fouet. Il faut garder à l'esprit que chaque mois d'inactivité lié au confinement strict a représenté 10 milliards à 15 milliards d'euros de pertes de recettes. C'est colossal ! C'est pourquoi, dès le 24 avril, le Président de la République, recevant un certain nombre de représentants du secteur, notamment le bureau du comité de filière tourisme, a appelé à faire du tourisme une priorité nationale et a déclenché la préparation d'un plan de sauvetage, qui s'est traduit, la semaine dernière, lors du CIT, par l'annonce de dispositifs non seulement de soutien pour faire face à l'urgence, mais également de reprise pour accompagner la relance, sans oublier de penser au moyen et long terme pour la reconquête. En effet, rien ne garantit à vie à la France cette place de numéro un sur le podium mondial en matière d'attractivité touristique : de nombreuses destinations ont émergé depuis quinze à vingt ans, et, face à ce phénomène, il nous faut plus que jamais aider les acteurs dans les investissements et la transformation.

Ce plan de sauvetage massif permet de donner de la visibilité à un certain nombre de dispositifs : l'activité partielle et le fonds de solidarité se poursuivront jusqu'à la fin de l'année 2020, car nous savons que la reprise se fera sur des jauges qui seront forcément différentes de celles que nous avons connues à l'entrée de la crise, compte tenu de l'application des protocoles sanitaires. Il en est de même pour l'exonération de charges sociales.

La question des périmètres a également été évoquée, monsieur le sénateur. Je tiens à vous indiquer que nous continuons d'y travailler et que la liste sera soumise au Parlement lors de l'examen du PLFR 3. Je veux d'ores et déjà rassurer un certain nombre de secteurs. Nous avons fait en sorte que des secteurs qui sont annexes ou connexes, mais qui dépendent parfois de façon importante du secteur du tourisme, puissent bénéficier de ces exonérations, dès lors que ces structures peuvent prouver une perte de chiffre d'affaires significative. C'est le cas pour les grossistes en boissons ; ce sera le cas pour la blanchisserie qui est liée à ce secteur ; les bus et les transports de voyageurs touristiques seront également concernés.

Le travail se poursuit, et c'est plutôt bon signe : cela signifie que nous accomplissons un travail de dentellière et que nous essayons de raccrocher au maximum tous les acteurs économiques qui nous signalent subir l'impact de cette crise économique consécutive à la crise épidémique.

Il faut également commencer à préparer la reprise et la réouverture, une fois le temps du sauvetage passé. Depuis le 11 mai, une première offre touristique et culturelle de proximité est d'ores et déjà relancée, avec la réouverture d'un certain nombre de musées et de monuments. Vendredi dernier, j'étais dans le département du Loiret. À Orléans, le musée des beaux-arts a rouvert. Si vous vous trouvez dans ce rayon de cent kilomètres, je vous incite à le visiter : il renferme un certain nombre d'oeuvres tout à fait remarquables. Nombre de jardins rouvrent également dans les départements verts.

Une deuxième offre va bientôt devenir possible : nous sommes en train de travailler avec la mission Castex aux modalités de réouverture, à partir du 2 juin, de nouvelles activités. Le calendrier dépendra naturellement de l'évolution de l'épidémie. Nous avions besoin de ce recul de quinze à vingt jours pour préparer ces décisions.

La date du 2 juin sera également un jalon majeur dans le retour à une activité la plus normale possible. Je veux saluer les professionnels de toutes les filières qui se sont engagés dans la préparation de ces protocoles sanitaires, qui permettent de rassurer à la fois les salariés et les clients, ce qui est capital.

La troisième offre sera encore plus complète pour les vacances d'été. Le signal a été donné jeudi dernier. Les mois de juillet et août permettront aux Français de partir en vacances et de s'oxygéner en France, que ce soit en métropole ou outre-mer, après ces moments un peu traumatiques. D'ores et déjà, tous les professionnels me font part d'une sorte de déclic psychologique : depuis jeudi, les demandes d'information et les réservations augmentent de façon significative ; tous peuvent en attester.

Enfin, il convient aussi de travailler à la reconquête. Comme je le soulignais, pour un certain nombre d'infrastructures, il est nécessaire d'accélérer les investissements. Telle sera la finalité d'un certain nombre de feuilles de route, soit par filière, soit par territoire, lesquelles permettront d'accélérer les investissements pour un tourisme plus durable, pour la prise en compte du fait digital, pour maintenir la valeur ajoutée des acteurs.

Voilà qui va donner du travail au comité de filière, avec tous les territoires, d'ici à la fin de l'année, avec un point d'étape au mois de juillet.

Je crois qu'il est important de mettre toutes nos forces pour que la France reste la première destination, même s'il faut une répartition harmonieuse des flux – je reprends un terme que vous avez employé, monsieur le sénateur. Aujourd'hui, il y a une forte concentration, mais nous sommes à un moment où les gens réfléchissent au sens qu'ils mettent derrière le voyage : changer de rythme et de cadre, ce n'est pas toujours être tous au même endroit au même moment, c'est bien redécouvrir tous ces joyaux qui font la France. (M. André Gattolin applaudit.)


- Débat interactif -

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l'auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n'ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. La France est le quatrième pays possédant le plus de sites classés au patrimoine mondial de l'Unesco. Avec presque 90 millions de visiteurs étrangers pour la seule année 2018, la France est aussi le pays le plus visité du monde. Son tourisme est grandement culturel. Son patrimoine, d'une richesse incomparable, compte environ 45 000 monuments historiques classés et inscrits.

Aujourd'hui, notre patrimoine historique, comme l'ensemble des secteurs touristiques et culturels, est touché de plein fouet par la crise sanitaire et économique que nous vivons. Parmi ces monuments historiques, 44 % sont des propriétés privées, soit des biens familiaux, soit des biens acquis par des passionnés.

Derrière la carte postale architecturale se cachent des entrepreneurs, des PME parfois, qui se battent pour faire vivre leur passion : 90% de leurs recettes proviennent souvent de la billetterie, donc des visites et du tourisme.

Ces merveilles du patrimoine français ont besoin d'être restaurées et entretenues en permanence. Ces sites sont également synonymes d'emplois et de savoir-faire très divers où plusieurs corps de métier se croisent, des permanents tout comme des saisonniers.

Je prendrai un exemple parmi tant d'autres. Dans mon département, la Seine-et-Marne, la famille de Vogüé, propriétaire du prestigieux château de Vaux-le-Vicomte, a dû en fermer les portes et mettre, depuis le mois de mars dernier, soixante-quinze de ses salariés au chômage technique. Pourtant, il faut continuer à entretenir le domaine, et les charges incompressibles courent. À ce jour, l'ouverture du domaine fait l'objet d'une réflexion, qui pourrait aboutir à une autorisation de réouverture des jardins, d'une superficie de 500 hectares, accompagnée d'un protocole sanitaire.

La saison estivale qui nous attend ne ressemblera à aucune autre. Les visiteurs étrangers seront beaucoup plus rares, mais la crainte de partir à l'étranger peut bénéficier au tourisme national. Comme le dit si bien Stéphane Bern, « le patrimoine est une passion française ». Cependant, les conséquences économiques risquent de mettre en péril bien des sites.

Mme la présidente. Vous avez largement dépassé votre temps de parole, ma chère collègue : il faudrait conclure !

Mme Colette Mélot. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous envisagez pour soutenir les propriétaires privés, notamment les inclure dans le plan de relance ? Par ailleurs, estimez-vous possible de les autoriser à ouvrir leurs portes dès le mois de juin ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Pour nombre de magnifiques monuments, nous avons, là aussi, affaire à de très belles sagas familiales. Vous avez évoqué la famille de Vogüé, madame la sénatrice Mélot ; j'ai en tête la famille de Lorgeril pour le château de la Bourbansais. Dans le département de l'Yonne, je vous incite à découvrir le château de Saint-Fargeau, avec Michel Guyot. Je n'oublie pas le château de Breteuil, qui a rouvert.

Une partie de l'offre est de nouveau accessible, au terme d'un dialogue entre préfet et élus, et c'est tant mieux. Quoi qu'il en soit, on sait combien ce patrimoine est lourd à entretenir. C'est pourquoi les entreprises de gestion de monuments historiques font partie du périmètre des entreprises qui pourront bénéficier des exonérations de cotisations sociales et du crédit de cotisations patronales, ce qui permettra de leur verser de la trésorerie avant qu'elles n'aient à payer de nouveau des cotisations.

Nous avons également lancé un fonds d'ingénierie Tourisme et patrimoine pour aider un certain nombre de sites. Sur ce sujet, nous allons pouvoir accélérer, car, avec la Banque des territoires, l'ingénierie touristique France tourisme ingénierie portée par Atout France est dotée de 21 millions d'euros – c'est considérable, c'est beaucoup plus que ce que nous avions jusqu'à maintenant. Ce sera un soutien précieux.

Par ailleurs, les initiatives parlementaires ont été pleinement utiles. Je sais le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Albéric de Montgolfier, très mobilisé pour que ces monuments au statut parfois complexe puissent être éligibles au PGE. C'est le cas : les SCI ont été rendues éligibles. C'est le fruit du travail conjoint du Gouvernement et du Parlement, ce dont nous nous réjouissons.

Cette cause qu'incarne magnifiquement Stéphane Bern nous réunit. D'ailleurs, nous avons souhaité décliner une campagne avec Atout France, qui s'intitule « Cet été, je visite la France ». C'est le souhait que je forme. (M. André Gattolin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Dans le cadre du plan de soutien au secteur du tourisme, cela a déjà été évoqué, le Gouvernement propose aux collectivités locales d'alléger la taxe de séjour des hébergements touristiques ou de déduire les deux tiers de la cotisation foncière des entreprises de tourisme, l'État en finançant la moitié.

Si les collectivités locales, comme les professionnels, se réjouissent de ce plan, beaucoup s'interrogent néanmoins sur ses dispositions précises. En effet, la taxe de séjour n'a jamais été identifiée comme un élément déclencheur de séjour des touristes : on ne choisit pas sa destination en fonction du montant de la taxe de séjour. Par ailleurs, celle-ci est financée par le touriste et non par le professionnel du tourisme, qui, je le rappelle, la reverse aux collectivités compétentes.

L'impact positif d'une baisse, voire d'une suppression de la taxe de séjour est bien hypothétique. En revanche, c'est synonyme d'une perte nette de recettes pour des collectivités qui en sont déjà privées depuis plusieurs mois et qui doivent assurer, là, la promotion, là, le salaire des agents, parfois même des offres touristiques pour lesquelles elles ne connaissent pas encore à ce jour les protocoles sanitaires, donc les surcoûts.

Cette baisse de la taxe de séjour étant associée à une baisse de deux tiers de la CFE, comment ces communes touristiques feront-elles face aux dépenses majeures et stratégiques à venir ? Nous le savons, ces manques à gagner impacteront fortement les budgets pour 2021, dont on se demande déjà comment ils s'équilibreront.

Les collectivités locales chargées du tourisme ont pour habitude d'adapter au plus juste leurs taxes, en fonction des réalités et des politiques touristiques. Leur demander de diminuer leurs recettes, c'est les mettre en difficulté face à ces enjeux majeurs dont nous parlons, c'est fragiliser leurs capacités à assumer le rôle de levier que nous leur demandons tous pourtant de tenir. Et que dire des départements et de leurs agences de développement touristique, amputées de la taxe supplémentaire additionnelle – 10 % de la taxe de séjour ?

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous expliquer en quoi diminuer les marges de manoeuvre financières des collectivités locales gestionnaires des compétences touristiques est une option à la fois nécessaire et réaliste pour prendre le virage de la relance, des innovations et de la transformation, attendu dans les territoires ? (Mme Françoise Gatel applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. L'État s'est privé d'un certain nombre de recettes pour venir en aide aux secteurs économiques. Nous proposons aux collectivités qui le souhaitent d'accompagner le mouvement. Je pense notamment aux régions, qui ont la compétence économique. Elles peuvent s'engager pleinement aux côtés des professionnels, conformément au souhait manifesté par le président de l'Association des régions de France, Renaud Muselier, que je remercie pour cet engagement.

Vous avez évoqué assez longuement la taxe de séjour, madame la sénatrice Loisier. Je m'attarderai sur la taxe de séjour forfaitaire, en vigueur dans une centaine de communes en France, qui pose des problèmes majeurs aux campings ou hôtellerie de plein air. En effet, son poids parfois déraisonnable peut remettre en cause l'équilibre économique et conduire à la fermeture des établissements. Les professionnels que vous interrogerez seront sans doute unanimes sur cette taxe forfaitaire.

La situation est différente pour la taxe de séjour au réel, qui pourrait toutefois être réexaminée. Certains élus souhaitent qu'elle puisse être déplafonnée, dans la mesure où il s'agit d'un outil destiné à dégager des moyens de promotion, d'autant qu'au final c'est le client qui la paie.

M. Loïc Hervé. Tout à fait !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Avec Jacqueline Gourault, nous avons tout à fait conscience des effets de la crise sur les communes touristiques. Je pense aux communes thermales, à celles qui possèdent un casino sur leur territoire… M. Cazeneuve, président de la délégation aux collectivités territoriales à l'Assemblée nationale, rédige un rapport sur ce sujet. Je ne doute pas que des travaux similaires seront mis en place au sein de la Haute Assemblée, afin de réfléchir aux dispositifs qui pourraient aider les communes touristiques. (M. André Gattolin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. L'heure est grave pour les secteurs du tourisme et de la culture. Pas un jour ne passe sans que nous soyons sollicités par les professionnels.

La saison hivernale a été stoppée prématurément par l'épidémie, ce qui a déjà causé d'énormes pertes financières. Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous travaillez avec Domaines skiables de France,…

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Avec l'excellent président Maulin !

M. Cyril Pellevat. … qui vous a adressé un courrier le 15 mai. Peut-être pourrez-vous nous apporter des éléments en la matière.

Si tout ce qui est en notre pouvoir n'est pas mis en oeuvre pour aider ce secteur durant la saison estivale, ils seront nombreux à ne pas réussir à se relever. Nous irons alors tout droit vers une catastrophe économique et sociale.

Le secteur touristique représente, vous l'avez dit, près de 7,2% du PIB. Il s'agit d'un véritable moteur pour l'économie française. S'il n'était pas soutenu, les secteurs qui y sont liés, tels que la restauration, l'agriculture, l'artisanat, les transports, la culture et le commerce seraient menacés. Dans un tel scénario, c'est une part bien plus grande du PIB qui serait en danger.

Mon département, la Haute-Savoie, est le deuxième département le plus touristique de France. En l'absence de mesures fortes pour aider le tourisme des quatre saisons – lacs et montagnes – à surmonter cette crise, c'est l'ensemble du système économique du département qui pourrait s'effondrer.

Les secteurs que je viens de citer sont intimement liés et interdépendants les uns des autres. L'absence de soutien à l'un entraînerait la faillite de l'autre. À quoi bon partir en vacances si aucune des activités habituellement disponibles en cette période n'est possible ? Je pense aux visites de musées, aux festivals, aux sorties au restaurant – beaucoup de restaurateurs nous indiquent que, suivant les mesures, ils ne sont pas près de rouvrir –, aux achats d'articles locaux. Comment partir en vacances si les sociétés de transport ne survivent pas ?

Si la mobilisation de près de 18 milliards d'euros par le Gouvernement pour soutenir le secteur touristique est plus que souhaitable, les secteurs qui y sont liés ne doivent absolument pas être oubliés. Il y va de leur survie. L'augmentation du plafond des tickets restaurant pour le secteur de la restauration est déjà un premier pas satisfaisant, mais quelles autres mesures seront prévues pour les secteurs liés au tourisme ?

La prolongation du chômage partiel et du fonds de solidarité n'est pas suffisante. Les entreprises de ces secteurs seront déjà victorieuses si elles réalisent ne serait-ce que 50 % de leur chiffre d'affaires habituel. Comment pourront-elles survivre dans ces conditions, tout en finançant la mise en place des mesures de sécurité ? Elles ont déjà engagé des sommes correspondant à quelques milliers d'euros pour assurer le respect des gestes barrières. Ces dépenses devront être renouvelées chaque mois jusqu'à la fin de l'épidémie. Cela n'est pas viable sur le long terme. Ne serait-il pas envisageable de prendre au moins en partie en charge les frais engagés pour la protection de leurs salariés et de leurs clients ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Je retrouve à l'instant même le courrier de Domaines skiables de France.

Je vous sais très attaché au tourisme de montagne, monsieur le sénateur Pellevat. Chaque hiver, 10 milliards d'euros sont dépensés en station. Cette année, on évalue le manque à gagner à 1,5 milliard d'euros. Nous avons d'ailleurs repoussé la réforme de l'assurance chômage, afin que les saisonniers puissent jouir pleinement de leurs droits.

Je veux attester ici du fait que les téléphériques et remontées mécaniques sont bien dans la liste des secteurs concernés par les exonérations. J'évoquais tout à l'heure des feuilles de route sectorielles. Très clairement, la montagne est pleinement concernée. Nous avons besoin de développer un « tourisme des quatre saisons » – c'est Léonce Deprez, député du Pas-de-Calais, qui avait popularisé cette notion –, pour faire vivre les stations de basse et de moyenne montagne du 1er janvier au 31 décembre. Dieu sait qu'il y a à faire ! Ainsi, sur les réseaux sociaux, certains transports de neige ont-ils lancé des alertes.

Il convient donc d'accélérer les investissements. C'est tout l'enjeu de l'investissement de 1,3 milliard d'euros en fonds propres de la Banque des territoires et de la Caisse des dépôts et consignations. Il permettra d'épauler les collectivités et les acteurs de la montagne.

Dans cette crise, nous avons souhaité agir vite et fort. Je pense à l'activité partielle et au fonds de solidarité, qui pourra aider des entreprises jusqu'à 10 000 euros, alors que, pour les autres secteurs, le plafond a été fixé à 5 000 euros. Il s'agit d'éponger des loyers et d'autres charges fixes. Nous continuerons à être très vigilants s'agissant de l'évolution du secteur, afin d'ajuster les mesures en tant que de besoin, en fonction des retours du terrain. Tel était d'ailleurs l'objet de mon tour de France des régions, qui s'est arrêté hier en Auvergne-Rhône-Alpes, région chère à votre coeur.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Je suis inquiet pour le secteur de la culture.

Le 13 avril, le Président de la République a annoncé la mise en oeuvre de plans spécifiques de soutien de grande ampleur pour les secteurs durablement atteints. Je suis très heureux qu'un plan de 18 milliards d'euros ait été annoncé pour le tourisme, mais pourquoi n'y a-t-il rien pour la culture ? Pourtant, nous le savons, l'impact pour ce secteur est terrible. C'est un chaos sur le plan économique et ce sera un chaos sur le plan social.

Un moment aussi long pendant lequel la création aura été rendue impossible, c'est un manque pour l'ensemble de notre société, pour la liberté, pour la fraternité et, tout simplement, pour la démocratie. Ne pas prendre la mesure de cela, c'est grave !

Je suis content que tous les secteurs économiques bénéficient de milliards d'euros. Mais combien de milliards pour la culture ? Même si j'essaie de parler à la conscience, je sais que Bercy n'entend que les chiffres. Alors, oui, disons-le, ce secteur a aussi une importance économique : il représente 3,5% du PIB !

Pour donner confiance, pour donner un élan, le Gouvernement doit prendre en considération ce secteur, qui est également essentiel à la restauration, à l'hôtellerie, au tourisme. Que deviendraient ces secteurs s'il n'y avait plus de patrimoine, de musées, de création, de spectacles, de festivals ?

Monsieur le secrétaire d'État, je vous le demande : combien pour la culture ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Lorsqu'il s'est exprimé le 13 avril devant les Français, le Président de la République a bien cité, au côté du tourisme, la culture et l'événementiel. C'est d'ailleurs à ce titre que le secteur de la culture bénéficie de mesures d'exonération, auxquelles le tourisme est également éligible. Figurent bel et bien dans la liste les arts du spectacle vivant, les activités de soutien aux spectacles vivants, la création artistique relevant des arts plastiques, la gestion de salles de spectacle, la gestion des musées, la production de films, les activités photographiques, l'enseignement culturel.

Le chef de l'État a reçu les représentants de ces deux grands secteurs d'activité : ceux du tourisme le 24 avril, ceux de la culture la semaine suivante. Il a ensuite annoncé un certain nombre de dispositifs tels que le maintien de droits pour celles et ceux qui contribuent fortement à la création, à savoir tous les intermittents du spectacle, jusqu'en 2021, considérant que 2020 pourrait être une sorte d'année blanche. Il y a donc non seulement une prise de conscience, mais aussi des mots et des actions forts.

Avec Franck Riester, nous avons fait un déplacement commun la semaine dernière dans le Loiret, où nous avons pu le constater : culture et tourisme sont fortement imbriqués. Il n'y a pas de tourisme sans culture, comme il n'y a pas de culture sans tourisme. Car donner à voir, c'est donner à voir l'excellence française à un public européen et mondial.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

M. David Assouline. Je me félicite des annonces du Président de la République sur les intermittents. Cependant, une précision doit être apportée : s'agit-il uniquement de la prolongation de leur rémunération ou de l'ensemble de leurs droits ? Il faudra également transposer la directive européenne sur les droits d'auteur.

J'espère que ce saupoudrage de petites mesures ne constitue pas l'unique réponse du Gouvernement. La culture attend un plan d'ensemble de relance, équivalent à celui du tourisme, peut-être pas en valeur absolue, mais tout aussi massif, de façon à ce que ce secteur essentiel soit réellement pris en compte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour sa première intervention dans l'hémicycle. (Applaudissements.)

Mme Guylène Pantel. Je tiens tout d'abord à remercier mes collègues pour l'organisation de ce débat. Il nous permet de réfléchir à la sortie de crise et aux modèles de développement que nous souhaitons privilégier dans les mois et années à venir.

Mes questions cibleront principalement le tourisme dans les zones rurales et hyper-rurales.

Dans mon département, en Lozère, nous avons la chance de bénéficier de deux parcs exceptionnels : le parc national des Cévennes, qui appartient au patrimoine mondial de l'Unesco, et le parc naturel régional de l'Aubrac, plus récent, où se pratique un agropastoralisme fort.

Ces parcs offrent, dans l'imaginaire collectif, une carte postale d'un temps presque oublié. Pourtant, tout cela ne s'est pas fait tout seul. À la fin des années 1960, le sous-préfet de Florac, M. Mazerot, avait proposé aux éleveurs des Cévennes des conventions, appelées « contrats Mazerot », qui permettaient de rémunérer les éleveurs et les agriculteurs pour des tâches d'entretien de l'environnement, qu'il s'agisse de murets, de terrasses ou de canaux d'irrigation.

Monsieur le secrétaire d'État, ces zones naturelles ont aujourd'hui besoin d'aide pour opérer un saut qualitatif important pour les infrastructures d'accueil de touristes. Cet été, les établissements tels que les hôtels, les campings ou les gîtes chercheront à fidéliser une clientèle nouvelle. Un soutien des investissements permettant leur rénovation sera donc indispensable. Compte tenu de leur implantation dans des zones naturelles remarquables, il est évident que ces travaux doivent leur permettre de se conformer aux exigences du tourisme durable et résilient. C'est pourquoi je souhaiterais savoir si le Gouvernement prévoit de travailler à des conventions du type « contrats Mazerot », pour relancer les investissements dans le tourisme vert, particulièrement dans les parcs nationaux et régionaux.

Enfin, avec la perspective d'un tourisme exclusivement national, voire européen si les conditions sanitaires le permettent, des travaux d'adaptation ainsi que le recrutement de nouveaux saisonniers seront nécessaires dans ces parcs, ce qui pourrait entraîner des dépenses non prévues au budget 2020. Le Gouvernement entend-il mettre en place des aides à cet effet ? Pour accompagner ces investissements, une convention entre l'État et la Fédération des parcs naturels régionaux ou les régions de France pourrait-elle être signée ? (MM. André Gattolin et Jean-Claude Requier applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Le tourisme durable ne doit pas être une niche. Il doit véritablement innerver l'ensemble de la politique touristique. Nous assistons d'ailleurs à une prise de conscience en la matière. Voilà quelques mois, la tendance était de prendre des avions toujours plus gros pour aller toujours plus loin et être toujours plus nombreux au même endroit. Cette année sera peut-être celle de la redécouverte des chemins noirs empruntés par Sylvain Tesson, lequel, me semble-t-il, a tutoyé les Cévennes avant de remonter vers le Cotentin.

Nous sommes fermement déterminés à accompagner les acteurs des territoires ruraux. La Banque des territoires a prévu plusieurs poches de financement, en direction des petits acteurs et des acteurs du tourisme social. En effet, un certain nombre d'infrastructures méritent parfois d'être rénovées. En outre, nous avons prévu 500 millions d'euros pour le très long terme, ce qui permet d'envisager des investissements de vingt à trente-cinq ans. Les moyens ont donc été mis sur la table.

Pour ma part, je ne demande qu'à travailler, dans le cadre des feuilles de route sectorielles, avec les acteurs des parcs nationaux et régionaux, de manière à adapter nos outils aux situations particulières que vous évoquez, madame la sénatrice Pantel. Je vais me plonger dans les contrats Mazerot, pour en saisir toutes les subtilités.

Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre enthousiasme, que nous partageons. (M. André Gattolin et Mme Colette Mélot applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. J'aimerais en premier lieu saluer l'annonce la semaine dernière du lancement du plan Tourisme. Son ampleur absolument inédite témoigne de l'immarcescible volonté qui anime le Gouvernement de faire face aux conséquences de la crise sanitaire.

Cela étant dit, les perspectives estivales touristiques, ce sont aussi, vous le savez, les quelque 1 200 musées français qui accueillent toute l'année nos concitoyens et les touristes étrangers. Ces musées, qui font le prestige de la France, fonctionnent grâce aux femmes et aux hommes qui y travaillent. Parmi eux se trouvent les guides-conférenciers, aujourd'hui touchés de plein fouet par la crise. Ils sont près de 10 000 à rendre les oeuvres accessibles au public. Par leur truchement, c'est bien la divulgation des oeuvres et l'exception culturelle française qui se réalisent.

Reste que les guides-conférenciers sont une population très précaire. En 2019, la succession des mouvements sociaux les a déjà fragilisés en rendant difficile l'accès aux musées. Aujourd'hui, toutes leurs commandes sont annulées. Toutes les salles de conférence et la plupart des musées et sites touristiques sont fermés. Les guides-conférenciers se trouvent, de fait, dans l'impossibilité de télétravailler et sans accès à leur lieu de travail.

Si nombre d'entre eux ont le statut de travailleur indépendant et sont donc éligibles au fonds de solidarité, 36 % sont salariés. Ceux qui sont en contrat court, en fin de mission ou en fin de droits ne peuvent toucher ni le chômage partiel ni les 1 500 euros d'aide aux indépendants. Monsieur le secrétaire d'État, qu'est-il prévu pour ces salariés non couverts ?

Par ailleurs, l'annonce anticipée de la réouverture des petits musées est tout à fait opportune ; celle des grands musées, à partir du 15 juillet, l'est également. Néanmoins, les groupes de visiteurs, dont l'activité des guides-conférenciers dépend entièrement, seront-ils autorisés dans les musées à partir du 15 juillet ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Je vous remercie, monsieur le sénateur Gattolin, d'avoir évoqué la situation difficile des guides-conférenciers. Voilà quelques jours, Line Renaud disait d'eux : « ils sont la voix de nos monuments ». La découverte d'un lieu n'est en effet pas la même selon que l'on se fie à un guide-conférencier ou que l'on consulte quelques éléments sur son téléphone portable. Il y a là une véritable incarnation.

Leur détresse est aussi, parfois, la résultante de statuts très précaires. Si 36 % des guides-conférenciers sont salariés, ils sont souvent multisalariés, en contrats courts ou payés à la mission. Nous avons fait en sorte de décaler la réforme de l'assurance chômage, pour que les saisonniers et toutes les personnes en situation précaire soient impactés le moins possible. Toutefois, il peut rester des angles morts.

Comme nous ne souhaitons pas que ces guides-conférenciers meurent, j'ai souhaité, avec Muriel Pénicaud, que le CIT acte le principe d'un travail sur le traitement des situations particulières des guides-conférenciers salariés privés d'emploi du fait de la crise sanitaire. Nous sommes donc engagés dans ce travail.

Par ailleurs, ceux qui sont indépendants peuvent prétendre au fonds de solidarité nationale, avec un premier étage à 1 500 euros et un deuxième étage jusqu'à 10 000 euros, afin de répondre aux situations les plus critiques. Dans certains cas, ils peuvent être éligibles à un PGE, un prêt garanti par l'État.

Au demeurant, la réouverture progressive des sites et des monuments sera la vraie réponse. Encore faut-il que la clientèle puisse revenir : cela sera l'un des enjeux, demain, de la réunion des ministres du tourisme de l'Union européenne. Il convient de nous coordonner pour ce qui concerne les frontières et de faire en sorte que la clientèle puisse, si la situation sanitaire le permet, revenir et redonner du baume au coeur aux guides-conférenciers.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. « Quand le Bon Dieu en vient à douter du monde, il se rappelle qu'il a créé la Provence », disait le poète provençal Frédéric Mistral, tant et si bien que tout le monde veut désormais visiter notre belle région, ce que je comprends.

Le tourisme en PACA, c'est 10% du PIB, 10% de l'emploi, 20 milliards d'euros de recettes et 30 millions de visiteurs. Ce n'est pas un secteur important pour l'emploi et l'économie de Provence, c'est vital ! Aujourd'hui, il est en danger de mort : 80% du personnel hôtelier est en chômage partiel, et ce secteur évalue déjà sa perte de chiffre d'affaires à 40%.

Ces dernières semaines, nos esprits sont restés confinés entre les murs de vos informations contradictoires. On ne suit plus votre logique ; il y a des lieux fermés, comme les supermarchés, qui sont ouverts au public, et des lieux ouverts, comme les forêts, les montagnes et les plages, qui sont fermés au public. Si j'étais taquin ou éclairé, je pourrais en conclure que les hauts lieux du consumérisme, grands pourvoyeurs de TVA, peuvent ouvrir leurs portes, tandis que les lieux de liberté et de ressourcement, où l'on pratique des activités non lucratives, doivent rester fermés.

Le message est clair : le si bien nommé supermarché a la priorité sur le petit restaurateur de quartier. Envolées déjà les promesses d'un « monde d'après », les intérêts du marché mondialisé priment encore et toujours sur l'économie réelle.

Maintenant que s'approche la période estivale, il faut entendre les deux besoins qui pressent. Tout d'abord, il convient de rendre la liberté d'aller et venir, de s'épanouir, quels que soient les lieux, afin que chacun reprenne possession des chemins, des bars, des restaurants et des rues. Ensuite, il est nécessaire de rendre la liberté d'entreprendre, de travailler, de recevoir ses clients et de remplir les carnets de commandes.

Il faut de toute urgence annuler les charges sociales et fiscales des entreprises de la filière touristique, qui ont perdu 70 % de leur chiffre d'affaires. L'État doit encourager les maires à étendre les terrasses sur le domaine public sans coût supplémentaire.

Le tourisme n'est pas qu'une industrie. C'est le miroir dans lequel les Français admirent notre pays et qui fait rêver quelques milliards de personnes à travers le monde. La France brille d'un éclat sans pareil, ne le laissez pas s'éteindre !

Comme le personnel soignant, les professionnels du tourisme demandent non pas une médaille, mais un soutien sans faille d'un État enfin devenu stratège et protecteur. Êtes-vous prêt, monsieur le secrétaire d'État, à le leur accorder ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous convoquez les mânes de Frédéric Mistral, ce qui me fait penser au Félibrige : c'est là une tradition de langue d'oc qui fait honneur à notre grand pays.

Vous le savez, au sein de la profession des restaurateurs, un débat s'est engagé : certains souhaitent rouvrir très vite, tandis que d'autres estiment qu'il faut prendre le temps de réunir toutes les conditions de réassurance sanitaire, afin de que la clientèle soit au rendez-vous.

Nous avons mis le paquet en termes d'aides pour soutenir ces acteurs. Le restaurant qui fait vivre un village est souvent le dernier commerce où la lumière s'éteint. C'est l'exemple qui a été pris lorsque j'étais en Haute-Marne, pour rouvrir – heureuse nouvelle ! – l'un des premiers Logis de France. Nous avons ainsi prévu une exonération de charges de mars à juin, un crédit sur ces charges fiscales, qui permet de redonner de la trésorerie pour faire face aux nouvelles charges. Nous avons également mis en place l'activité partielle, qui n'est ni plus ni moins que la nationalisation des salaires pour préserver les talents, les emplois, les compétences et les savoir-faire. Ce secteur rencontre en effet souvent des problèmes de recrutement. Il est donc important de fidéliser le personnel. De ce point de vue, nous n'avons pas mégoté.

Rendez-vous à la fin du mois de mai. Si l'évolution épidémique poursuit sa décrue, il y aura une perspective de réouverture, dans les départements verts, des cafés, des restaurants et de tous ces lieux de convivialité. Je le répète, nous sommes à leurs côtés. Ils souffrent, mais nous ne les laisserons pas tomber.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cela a été dit, l'impact de la crise sanitaire sur les secteurs touristique et culturel est terrible, sans précédent, non seulement pour les entreprises et les associations, mais également pour de nombreuses collectivités territoriales. Je pense en particulier aux communes touristiques.

Le comité interministériel du tourisme n'a pas véritablement apporté de réponse précise aux pertes de recettes liées aux pertes d'exploitation. Je pense notamment aux campings des communes du littoral normand, ce qui ne surprendra personne. (Sourires.) Je pense aussi aux stations de ski encore exploitées en régie publique, qui ne peuvent pas bénéficier de prêts garantis par l'État, à la différence des stations privées.

Il n'y a pas eu davantage de réponse sur la question des taxes : la taxe de séjour, la CFE, les taxes liées au jeu… Les pertes en la matière sont d'ores et déjà importantes compte tenu de l'arrêt de l'activité.

Vous proposez aux collectivités d'exonérer de ces taxes les acteurs touristiques. Cela constituerait à mon avis une double peine pour elles, aucune compensation, ou presque, n'étant prévue à ce jour. Pourtant, cela a été souligné de manière très juste par la commission des finances du Sénat, les communes touristiques sont aujourd'hui les plus fragilisées de toutes nos collectivités. Il convient de prendre en compte cet aspect. En effet, pour relancer l'activité touristique, qui sera d'abord de proximité dans les prochaines semaines et les prochains mois, nous devrons nous appuyer sur elles.

Je pourrais développer les mêmes arguments pour ce qui concerne le secteur culturel. Selon moi, l'État doit proposer des mesures très concrètes, du « sonnant et trébuchant », pour venir en aide à ces communes.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Brulin, ma réponse prendra plusieurs formes.

La Banque des territoires pourra venir en soutien d'un certain nombre de communes touristiques. J'ai en tête le cas de la commune de Laruns, qui m'a été signalé : elle exploite en montagne un petit train, qui génère des recettes, lesquelles permettent d'amorcer la saison de montagne. Il est donc nécessaire d'être aux côtés de ces collectivités. La somme de 1,3 milliard d'euros mise sur la table par la Caisse des dépôts et consignations et la Banque des territoires constituera une aide précieuse. Vous parliez de « sonnant et trébuchant » : en voilà !

Par ailleurs, je viens d'en discuter avec des élus des communes touristiques, le budget de fonctionnement pourrait être impacté de 10 % à 15 %. Une mission travaille sur ce sujet. Nous attendons les premières données pour la fin du mois de mai. Nous en avons besoin pour apporter des réponses.

S'agissant de la faculté laissée aux collectivités de dégrever les deux tiers de la CFE, l'État propose de prendre en charge la moitié de la perte de la recette. C'est un geste fort, qui montre que nous sommes aux côtés des collectivités qui voudraient utiliser ce levier.

Quoi qu'il en soit, la spécificité des communes touristiques doit être prise en compte, notamment dans le cadre des feuilles de route territoriales. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que le travail se poursuive au-delà du CIT, avec un point d'étape au mois de juillet et une fin des travaux à l'automne. En effet, dans certains territoires, le tourisme représente 20% à 40% de l'économie et impacte donc fortement les recettes communales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse. Je veux croire que des choses seront proposées dans les prochaines semaines.

J'insiste sur le caractère urgent et important de cette question. Vous avez d'ailleurs donné des chiffres qui montrent ce que cela peut représenter financièrement.

Les mécanismes de la DGF ou de la péréquation ne sont pas toujours très favorables aux communes touristiques,…

M. Loïc Hervé. C'est vrai !

Mme Céline Brulin. … dont les équipements sont forcément dimensionnés à l'échelle du nombre de personnes qu'elles accueillent. Leur situation est donc compliquée, ce qui rend la période que nous traversons très difficile pour elles. Nous devons y être attentifs. (MM. Loïc Hervé et Pierre Ouzoulias applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Les maires ont joué un rôle exceptionnel dans la gestion de la crise sanitaire. Ils doivent et veulent jouer un rôle essentiel dans le redémarrage de notre économie, notamment touristique.

Pour que notre saison d'été soit la meilleure possible, de nombreux espaces publics ou privés vont devoir s'adapter, afin de tenir compte de la distanciation sociale. Oui, notre société devra « vivre durablement avec le virus » ! Il est donc urgent de nous y préparer.

Au-delà du coût pour les acteurs publics ou privés se pose inéluctablement la question de l'application des procédures et des délais, qui sont, en soi, totalement incompatibles avec la notion d'urgence économique. Dans le respect des règles de l'urbanisme et des principes qui les régissent, les maires seront certainement saisis de demandes qui devront être instruites avec rapidité et avec un sens aigu de l'adaptation.

Vous ne serez pas surpris d'entendre ce rappel, venant du Haut-Savoyard que je suis : à la saison d'été succédera très vite la saison d'hiver. C'est dès aujourd'hui, bien sûr, que cette préparation doit se faire.

Monsieur le secrétaire d'État, ma question est triple. Par la voie des ordonnances ou de la loi, comme par la voie réglementaire, quelles règles, quels délais envisagez-vous d'adapter ? Quelles prérogatives spécifiques entendez-vous donner aux maires pour en faire les acteurs centraux du redémarrage de notre économie touristique ? Enfin, quelles instructions entendez-vous donner aux DDT, aux Dreal et aux autres administrations déconcentrées de l'État pour faciliter les démarches des professionnels et des collectivités ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Hervé, vous avez raison, il va falloir s'adapter. Vous l'avez dit vous-même, un certain nombre d'infrastructures rouvriront, mais les protocoles sanitaires élaborés vont modifier les conditions d'accès et de parcours. C'est très important pour la réassurance sanitaire des salariés comme des touristes.

Sur le terrain, un dialogue fécond est déjà à l'oeuvre, depuis le 11 mai, entre les élus locaux et les préfets : c'est ce dialogue qui permettra le travail d'adaptation.

Vous faites référence aux DDT. Je connais votre engagement en faveur du tourisme de montagne ; vous avez certainement en tête un certain nombre de chantiers, comme la mise en place de lits chauds. En montagne, notamment en Savoie et en Haute-Savoie, il s'agit d'un enjeu important.

Le tourisme durable doit tout innerver : il faut aider les collectivités territoriales concernées à reconvertir ou à adapter l'offre touristique. Ce travail devra se poursuivre en lien étroit avec les DDT, dont le rôle n'est en aucun cas d'empêcher, bien au contraire : il s'agit de faire.

Les enjeux sont très importants pour un certain nombre de territoires. Si l'on manque le virage, c'est toute une économie qui peut aller dans le décor. J'en suis absolument convaincu : il faudra être au plus près du terrain. C'est ce que j'entends à travers votre témoignage, et vous me trouverez à vos côtés.

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Avec mes collègues sénateurs de Haute-Savoie, Cyril Pellevat, ici présent, et Sylviane Noël, je me suis entretenu, hier, en visioconférence avec des maires du département. J'entends votre volontarisme et votre pragmatisme, monsieur le secrétaire d'État, qui sont tout à fait positifs. Reste que les maires ont besoin d'actes de confiance. Ils ont besoin de s'entendre dire : « Pour que la machine économique redémarre, nous sommes à vos côtés. Nous État, nous DDT, nous Dreal, qui, parfois, manions plutôt le gourdin que la carotte, serons capables de vous accompagner complètement. »

L'État a un véritable rôle à jouer, en particulier pour que les dossiers soient traités avec célérité. C'est au Gouvernement de le dire aux préfets et aux responsables des grandes directions déconcentrées de l'État.

À cet égard, je rebondis sur la question posée, il y a quelques instants, par Anne-Catherine Loisier en matière fiscale : à situations d'urgence, procédures d'urgence ; à situations d'urgence, mesures d'urgence ; à situations d'urgence, réponses spécifiques, que l'on traite de la taxe de séjour ou de la situation des communes balnéaires où se trouvent des casinos.

J'y insiste : ce que nous vous demandons, ce sont des actes de confiance !

Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial.

M. Édouard Courtial. Si l'Oise n'a pas de plages, elle a des atouts touristiques majeurs, chers au coeur de nombreux Français. Or ces atouts appartiennent à un secteur touristique qui jouera sa survie lors de la saison estivale pour surmonter la crise actuelle ; à un secteur essentiel au rayonnement culturel français et indispensable à notre économie.

Parmi toutes les activités touchées, la restauration – cela ne vous étonnera pas – me préoccupe tout particulièrement. Ses entrepreneurs locaux font vivre nos villages. Leurs établissements sont des points d'attraction souvent indispensables, là où tant de commerces de proximité ont déjà fermé et où le développement économique est le plus fragile.

Les mesures prises lors de la phase de confinement et celles annoncées la semaine dernière, que je salue, étaient indispensables. Elles vont indéniablement dans le bon sens, même s'il faudra sans doute encore les ajuster dans les mois qui viennent.

Néanmoins, en dépit de ces aides, seule la reprise d'activité permettra d'assurer l'avenir de ces entreprises.

L'Italie a passé ce cap hier. En France, il faudra attendre le 2 juin pour les départements classés en vert. Quant à ceux figurant en rouge sur la carte, aucune date n'a encore été arrêtée. Avez-vous davantage d'informations à nous communiquer quant à un calendrier éventuel pour ces territoires ?

En outre, ces femmes et ces hommes courageux, qui ne rechignent pas à la tâche, se préparent, malgré les incertitudes, à accueillir de nouveau des clients dans les meilleures conditions sanitaires possible. Or ce cadre n'a pas encore été défini avec précision. Il doit effectivement permettre d'assurer la sécurité sanitaire des clients sur l'ensemble du territoire national. Cela étant, il doit être souple et retenir des solutions de bon sens, permettant une appréciation au cas par cas par les maires et les préfets afin de tenir compte des réalités locales et de prendre en considération les différentes situations possibles.

Monsieur le secrétaire d'État, à quel horizon allez-vous dévoiler ce cadre ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Le secteur de la restauration est effectivement l'un des premiers touchés : ses établissements sont administrativement fermés depuis ce jour fatal de mars dernier.

En parallèle, ce secteur est celui qui bénéficie le plus massivement des différents outils d'accompagnement. Au total, 55 000 restaurateurs ont souscrit aux prêts garantis par l'État, cette garantie s'élevant à 90 %. La restauration représente 4 milliards des 7 milliards d'euros déployés dans le secteur du tourisme au titre des PGE. S'y ajoutent toutes les mesures permettant de réduire au maximum les charges fixes : je pense à l'activité partielle ou encore au fonds de solidarité, qui peut éponger certaines charges fixes, dont les loyers.

Le Président de la République l'a dit aux représentants du secteur, lorsqu'il les a rencontrés le 24 avril : nous devons aider ces professionnels à trouver le point d'équilibre pour la reprise. C'est pourquoi ces aides ont vocation à être poursuivies, avec pour horizon la fin de l'année 2020. Chacun en est conscient, la reprise sera très progressive.

Vous évoquez cette petite lueur d'espoir du 2 juin. Si l'amélioration sanitaire se confirme, nous avons l'ambition de rouvrir les lieux de restauration à cette date dans les départements verts. S'agissant des départements rouges, je ne suis pas en mesure de vous donner une indication aujourd'hui. Nous espérons que, grâce aux efforts individuels et collectifs, ils deviendront petit à petit des départements verts et qu'ainsi ils pourront renouer avec une vie plus normale.

Quoi qu'il arrive, après le 2 juin, une période de quinze à vingt jours sera nécessaire pour préparer la deuxième étape du déconfinement. Je forme le voeu que, au 21 juin, le maximum d'activités touristiques puissent reprendre, partout dans le pays : il s'agit de lancer la saison estivale, que les Français ont bien méritée.

Enfin, je dirai un mot des maires, dont je tiens moi aussi à saluer le pragmatisme. Beaucoup d'entre eux travaillent avec les restaurateurs de leur commune, pour leur permettre de rouvrir leur terrasse ou, lorsqu'ils n'en ont pas, d'utiliser l'espace public. Voilà des actions de bon sens, voilà de belles réponses pour aider à maintenir les jauges !

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Le Premier ministre a annoncé aux Français qu'ils pourront partir en vacances cet été, en métropole et en outre-mer. Cette annonce était très attendue, mais le manque de visibilité pose question.

Tout d'abord, où les Français pourront-ils partir précisément ? Cette annonce sous-entend que, si la situation sanitaire le permet, la règle des 100 kilomètres va tomber ; toutefois, il aurait été préférable de le dire.

Ensuite, nous ne disposons d'aucune visibilité quant aux conditions : il ne faudrait pas que les protocoles sanitaires validés par le Gouvernement ne soient connus qu'une semaine avant l'ouverture des établissements, comme tel a été le cas pour les écoles. On aboutirait à des situations ubuesques : des touristes auraient réservé dans des établissements qui ne pourraient pas ouvrir, du fait de consignes sanitaires trop contraignantes.

Enfin, nous n'avons pas de visibilité quant aux moyens. Les mesures concernant le tourisme social se font attendre, alors que la mise en oeuvre rapide d'un soutien aux familles les plus modestes et à tous ceux qui vont faire face à des difficultés nouvelles est absolument nécessaire pour accélérer et renforcer la demande pour cet été.

Vous avez aussi annoncé des plans sectoriels. J'appelle votre attention sur le secteur du tourisme fluvial, qui participe à l'économie de nombreux territoires et souffre beaucoup de cette crise. Avez-vous prévu des mesures spécifiques de relance du tourisme fluvial ?

Je me félicite de la feuille de route sectorielle annoncée pour le thermalisme ; mais qu'en est-il du report des échéances de crédit, en particulier pour les collectivités territoriales supports d'établissements thermaux ? Pour ce secteur, c'est une année blanche qui se profile – l'activité sera, au mieux, très partielle. Des professionnels ont soumis l'idée d'une aide financière de la CPAM sous la forme d'une avance de trésorerie fondée sur les remboursements de 2009. Cette piste est-elle envisagée ?

M. Patrick Kanner. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. C'est pour prévenir les difficultés que nous avons travaillé avec les filières en amont sur les protocoles sanitaires : sept d'entre elles ont déposé leur projet de protocole dès la semaine dernière, dont le secteur HCR (hôtels, cafés, restaurants) et celui des parcs à thème, avec le Snelac (Syndicat national des espaces de loisirs, d'attractions et culturels). Je les en remercie.

Cette semaine, nous attendons un certain nombre de recommandations et d'observations du Haut Conseil de la santé publique. Elles nous permettront d'évaluer la compatibilité de ces documents, élaborés conjointement avec les ministères du travail et de la santé. Une fois publiés sur le site internet du ministère du travail, ces protocoles donneront une feuille de route aux professionnels. Ces derniers sauront quels moyens mettre en oeuvre pour être en règle : ils doivent bel et bien savoir où ils vont.

Pour ce qui concerne le tourisme social, le Président de la République a tenu une réunion vendredi dernier afin de préparer les mesures indispensables, qui prendront différentes formes et devraient être annoncées dans la première quinzaine de juin.

Je travaille avec les régions à la mise en place d'un chèque-vacances tourisme, pour aider les personnes modestes, ou encore les professionnels ayant été en première ligne, à prendre du repos.

De leur côté, Jean-Michel Blanquer et Franck Riester mettent sur pied le dispositif des vacances apprenantes. S'y ajoute le développement d'un certain nombre de colonies de vacances. De manière plus générale, dans les mois à venir, il faudra mettre l'accent sur les classes de découvertes, qui sont si importantes, notamment en montagne – il faut redonner le goût de visiter ces territoires – et apporter des réponses spécifiques pour les quartiers de la politique de la ville.

Quant aux filières du tourisme fluvial et du thermalisme, elles sont bien identifiées, et nous allons travailler à des feuilles de route sectorielles. Enfin, le thermalisme relevant du secteur du tourisme, il peut également bénéficier d'un report des crédits, non de six, mais de douze mois : c'est déjà une première réponse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de vos réponses, qui me satisfont.

En matière de tourisme social, l'ANCV (Agence nationale pour les chèques-vacances) gère certains dispositifs. Cette agence a fait ses preuves : il faut faire vite, en s'appuyant sur elle. C'est une urgence pour cet été.

Lors des auditions en commission, j'ai également appelé votre attention sur l'outre-mer, la Corse et Lourdes ; vous avez bien identifié les enjeux en question, et je vous remercie de votre attention particulière pour ces territoires, qui sont en difficulté. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli. La semaine dernière, le Premier ministre a annoncé un plan d'accompagnement du secteur touristique à hauteur de 18 milliards d'euros. Cet engagement situe l'enjeu pour un secteur d'activité essentiel à l'économie de notre pays, qui est par ailleurs très attractif et qui est l'un des plus touchés par cette crise.

J'appelle votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur la situation de deux composantes majeures de cette économie partiellement prises en compte à ce stade.

En premier lieu, je pense aux hébergeurs et accueillants individuels. Ils peuvent être labellisés « Gîtes de France », "Clévacances" ou "Bienvenue à la ferme", réseau des chambres d'agriculture. Ils ont beaucoup investi et valorisent un patrimoine naturel et bâti souvent inestimable. Ils assurent un maillage essentiel dans tous les territoires, mais leur existence même est aujourd'hui remise en question, pour des raisons d'éligibilité aux différents dispositifs.

En second lieu, je songe aux parcs à thème, que vous avez évoqués vous-même. Vous comprendrez qu'en tant que sénateur de la Vendée, au même titre que mon collègue Bruno Retailleau, je m'attache au Puy du Fou, que vous connaissez bien, pour bien connaître la Vendée.

Deuxième parc français en termes d'affluence, le Puy du Fou est un modèle de développement local reconnu au niveau international. Le Puy du Fou, c'est 2 500 emplois directs, dont 300 permanents en CDI ; c'est 4 500 emplois indirects ; c'est l'accueil, chaque année, de 2,3 millions de visiteurs.

Le Puy du Fou, c'est un supplément d'âme qui donne son goût à la France ; il fait rayonner notre histoire au-delà de la Vendée, des Pays de la Loire et du pays tout entier.

Le Puy du Fou a proposé un cahier des charges garantissant une ouverture dans des conditions sanitaires irréprochables, pour le personnel comme pour les visiteurs. Ce dossier est sur le bureau du Président de la République, sur celui du Premier ministre et sur le vôtre.

Sur ces deux volets, quelle réponse nous apportez-vous aujourd'hui ? Quel sera l'accompagnement pour les loueurs en meublé touristique ? Quelle sera la date d'ouverture du parc du Puy du Fou ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Mandelli, s'agissant des hébergeurs individuels, je tiens à vous rassurer pleinement. Pendant mon tour de France des territoires, j'ai souvent entendu les responsables départementaux des Gîtes de France s'interroger quant à l'éligibilité à un certain nombre de dispositifs. Je le confirme : le fonds de solidarité peut être une réponse, dès lors que l'on peut documenter la perte de chiffre d'affaires subie. Ces hébergeurs sont pleinement acteurs du tourisme, notamment en zone rurale. Il est normal qu'ils soient pris en compte.

S'agissant des parcs à thème, j'ai cité dans mon propos introductif les créateurs géniaux d'un certain nombre d'attractions qui, en l'espace de vingt ou trente ans, ont réussi à façonner une nouvelle offre et, au-delà de ce terme commercial, ont renouvelé de manière magnifique notre vision de l'histoire de France ; naturellement, ce travail doit beaucoup au fondateur du Puy du Fou, Philippe de Villiers, et à l'action engagée du président Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Merci ! (Sourires.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Sur ce sujet, nous travaillons avec le Snelac, qui fédère de nombreuses structures. Je suis moi-même en contact quasi quotidien avec ce syndicat et avec un certain nombre d'acteurs éminents du parc du Puy du Fou. Pas plus tard qu'hier soir, j'ai travaillé avec eux sur la question des jauges. Nous avons également étudié les projets de protocole, qui sont effectivement d'une rigueur exemplaire : nous avons bien affaire à des professionnels de la gestion des flux.

Les parcs à thème regroupent un ensemble d'espaces : il faut gérer à la fois le parking et un ensemble de jauges. Tous les éléments militent pour que, si tout se passe bien, ils puissent rouvrir dans les départements verts. La réponse définitive sera apportée la semaine prochaine, en vertu de la clause de rendez-vous avec l'ensemble des professionnels du tourisme.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.

M. Didier Mandelli. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette précision. J'espère que nous pourrons effectivement rouvrir un certain nombre de parcs le 2 juin prochain.

Pour revenir sur le premier point, quelques structures échappent encore aux radars : je pense en particulier aux agriculteurs du réseau « Bienvenue à la ferme », qui restent exclus de ce champ, étant donné que leur activité d'hébergement est incluse dans l'activité agricole.

Nous pourrons échanger plus avant sur ce dossier : d'autres hébergeurs encore sont exclus du dispositif, faute de disposer de la structure juridique adéquate – il s'agit souvent d'entreprises individuelles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Les mesures annoncées jeudi dernier vont permettre de répondre aux besoins urgents du secteur. Elles étaient nécessaires. Pour autant, elles ne sont pas suffisantes, car le secteur du tourisme et des cafés, hôtels et restaurants est l'un des plus touchés par la crise sanitaire ; or plusieurs secteurs en dépendent.

Nous craignons que les mesures de relance annoncées ne profitent qu'aux acteurs les plus solides et les mieux dotés, c'est-à-dire à ceux qui auront encore les moyens d'investir en fin de saison, et aux territoires à forte rentabilité.

S'il faut des mesures d'urgence pour assurer le redémarrage, pour reprendre ensuite une pleine activité économique, le secteur aura besoin de lisibilité, de réservations et de revenus, bref, de travail, avant de pouvoir faire des projets et d'investir.

Pour cela, il faut d'abord des salariés travaillant dans de bonnes conditions, ce qui n'est pas le cas des saisonniers. Il faut ensuite des clients solvables. Or certains de nos concitoyens ont vu leurs revenus amputés et auront du mal à partir en vacances. Il faut enfin que les territoires dont le tourisme et l'agriculture sont les principales ressources demeurent attractifs.

Pour que le tourisme continue d'irriguer l'économie dans tous les territoires, il faut donc un soutien fort, à long terme, qui nécessite des mesures nouvelles.

Tout d'abord, il faut un calendrier de réouverture lisible pour les CHR, et pourquoi pas l'expérimentation d'une ouverture anticipée des cafés-restaurants dans des zones rurales peu denses. Ce sont parfois les seuls commerces dans les petites communes ; leur rôle touristique n'en est pas moins important.

Ensuite, il convient de mettre en oeuvre un véritable statut du saisonnier, qui garantisse une meilleure indemnisation, un suivi social et médical, ainsi que des formations permettant des évolutions de carrière.

Il faut aussi une forte incitation à l'organisation de voyages et de sorties scolaires pendant les prochaines années, et un élargissement exceptionnel des chèques-vacances aux 50 % des Français au-dessous du revenu médian, par un abondement de l'État, ainsi que des collectivités territoriales et des comités d'entreprise volontaires.

Enfin, il faut apporter un soutien financier aux territoires en zone de revitalisation rurale, dont le tourisme constitue la principale ressource non agricole.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous m'indiquer si le Gouvernement peut, rapidement, mettre en oeuvre ces mesures de relance du secteur du tourisme ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous craignez que seuls les plus forts ne s'en tirent. Face à ce risque, nous avons mis en place des outils permettant à tous les acteurs de respirer économiquement et de survivre.

Avec la BPI, nous avons créé un instrument que nous n'avons pas encore évoqué cet après-midi : le prêt tourisme, qui a deux caractéristiques très intéressantes pour tous les acteurs.

Premièrement, il permet un différé de deux ans. Les acteurs pourront enjamber les saisons estivales 2020 et 2021 ; ils ne commenceront à rembourser qu'au début de 2022 et disposeront ainsi de capacités d'action.

Deuxièmement, le prêt tourisme présente une maturité de remboursement plus longue ; alors que les prêts sont en moyenne de sept ans dans le secteur du tourisme, il peut aller jusqu'à dix ans. Ce produit sera sans doute très utile : il aidera un grand nombre de professionnels à enjamber cette période complexe.

S'agissant du calendrier, nous avons dit dès le début : rendez-vous fin mai pour donner des perspectives et des dates quant aux modalités d'ouverture dans le secteur du tourisme. Nous sommes maintenant à quelques jours de cette échéance.

Il était important d'avoir du recul quant à la première phase du déconfinement : rien n'aurait été pire que de donner, longtemps en amont, une échéance autour de laquelle les professionnels se seraient peut-être réorganisés, en recrutant leurs saisonniers ou en reconstituant leurs stocks, puis de rétropédaler face à une évolution défavorable de l'épidémie. C'est aussi pour épargner un tel risque aux professionnels que nous avons voulu attendre la fin de mai avant de leur donner cette visibilité.

S'agissant des saisonniers, au-delà du report de la réforme de l'assurance chômage, nous lancerons à la mi-juin, avec l'Institut français du tourisme, une plateforme mettant en relation l'offre et la demande. Il va falloir faire vite : les employeurs comme les employés vont devoir rapidement trouver chaussure à leur pied. C'est à cette condition que l'on pourra lancer la saison.

Enfin, s'agissant du tourisme pour tous, je vous le confirme, nous travaillons sur un certain nombre de dispositifs en partenariat avec les territoires, et nous devrions aboutir dans les premiers jours de juin. Il s'agit à la fois de favoriser le départ en vacances du plus grand nombre et de défendre ce tourisme bleu-blanc-rouge que j'appelle de mes voeux.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.

M. Jean-Raymond Hugonet. Depuis le 17 mars, le confinement, puis l'interdiction des rassemblements ont sonné le glas d'un très grand nombre d'événements culturels, brutalement interrompus. Les festivals ont payé un lourd tribut à l'épidémie, en étant bien souvent purement et simplement annulés. C'est l'ensemble du monde culturel qui est aujourd'hui plongé dans une profonde angoisse.

Même à l'heure du déconfinement, les conditions d'exercice de l'ensemble des activités liées à la saison culturelle estivale demeurent hautement compromises.

Une année sans festival priverait nos villes et nos villages d'un lien social fondamental, et c'est une partie de son âme que perdrait notre pays.

Il est déjà acté qu'aucune manifestation rassemblant plus de 5 000 personnes ne se tiendra cet été. Pour ces événements, l'unique question est désormais : comment l'État compensera-t-il le colossal manque à gagner ? Pour les autres, le Gouvernement doit se prononcer le 2 juin, avec la Fête de la musique en ligne de mire.

De nombreuses interrogations pèsent encore sur les deux semaines à venir.

Au Sénat, dans le cadre du groupe de travail « Création », et sous l'impulsion de notre collègue Sylvie Robert, nous avons auditionné M. Bertrand Munin, sous-directeur de la diffusion artistique et des publics à la DGCA (direction générale de la création artistique).

M. Munin dirige la cellule d'accompagnement des festivals, créée pour l'occasion, puisque le ministère n'avait pas d'approche globale des festivals. Il est parfaitement conscient des enjeux.

Les organisateurs souhaitent maintenant des informations précises : il est urgent que l'État fixe un cadre clair, pour la période courant jusqu'à la fin du mois d'août. Quelles règles de protection les structures devront-elles mettre en place pour leurs équipes, qu'elles soient administratives, techniques ou artistiques ? Quelles sont les conditions applicables en matière d'accueil du public ?

À ce stade, les annonces du Président de la République ne permettent pas de répondre à ces questions.

Le monde de la culture attend des réponses précises et pas des envolées lyriques.

Monsieur le secrétaire d'État, l'espoir est immense, la déception le serait aussi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, foin d'envolées lyriques : soyons concrets !

Un certain nombre de collectivités territoriales, qui accueillent de grands festivals, ont fait le choix de se réorganiser. C'est le cas de la ville de Nice, où Christian Estrosi procède à un redimensionnement : il a décidé de multiplier les petits événements, avec des jauges bien plus basses qu'envisagé initialement. Ces choix prouvent à la fois la créativité d'un certain nombre d'acteurs touristiques des territoires et le volontarisme des élus.

Même si cet été culturel sera différent, il sera réussi. Dès aujourd'hui, un certain nombre de sites culturels rouvrent leurs portes, comme le château de Chaumont-sur-Loire, dont le festival est bien connu.

S'agissant de la Fête de la musique, le ministre de la culture, Franck Riester, s'est exprimé vendredi dernier. Il souhaite que cet événement soit maintenu, même sous une forme différente : la réponse viendra dans quelques jours. Ce qui est sûr, c'est que, d'une façon ou d'une autre, la musique sera à l'honneur ce 21 juin.

Le ministère de la culture a tout fait pour être aux côtés des organisateurs, notamment via la cellule que vous avez évoquée. Cette structure est là pour les aider, les accompagner et les conseiller. Le Président de la République lui-même s'est mobilisé, et il a annoncé un certain nombre de mesures et de fonds.

Ce sont là autant de preuves de cet accompagnement, dont Franck Riester parlerait encore mieux que moi. Nous sommes au côté de ces personnes, qui font rayonner le meilleur de la culture française.

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud.

M. Mathieu Darnaud. Pour de nombreux départements, le tourisme représente une ressource vitale : dans l'Ardèche, territoire dont je suis élu, il constitue 13% de la richesse produite, et cette activité se concentre sur la période courant d'avril à septembre.

J'aborderai la question singulière de l'hôtellerie de plein air, autrement dit des campings. Elle concerne tous les territoires, notamment le Pas-de-Calais, la Vendée et, tout particulièrement, le département que je représente, lequel compte 267 campings.

L'hôtellerie de plein air, c'est 22 millions de visiteurs par an. Je comprends tout à fait la nécessité d'adapter, comme on l'a fait, les autorisations préfectorales aux situations sanitaires locales. Mais je sais aussi que les gestionnaires de campings ont besoin, à très court terme, de clarifications, notamment pour savoir s'ils pourront rouvrir leurs portes dès à présent, pour les ponts de l'Ascension et de la Pentecôte.

Monsieur le secrétaire d'État, plus généralement, où en est la conclusion d'un accord avec les professionnels de l'hôtellerie de plein air ? Ces derniers vous ont proposé, il y a quelques jours, un protocole sanitaire adapté, et ils sont parfaitement conscients des efforts qu'ils devront fournir pour accueillir très prochainement du public.

En outre, les mobil-homes loués à l'année sont souvent utilisés comme des résidences secondaires à prix abordable. Accepteriez-vous d'autoriser leur réouverture, au moins pour les locataires domiciliés dans un rayon de 100 kilomètres ?

Enfin – ce sujet a déjà été abordé –, les communes touristiques vont être durablement et durement touchées par cette crise. Prévoyez-vous, dans le plan de relance, des mesures spécifiques et directes d'aides aux collectivités et, si oui, sous quelle forme ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. L'hôtellerie de plein air ne représente rien de moins que la moitié des nuitées en hébergement chaque année. C'est dire l'importance que revêt ce secteur, et je remercie du fond du coeur – ce n'est pas une clause de style – la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air (FNHPA), ainsi que ses antennes régionales.

J'étais hier avec Rémi Peschier, que vous connaissez bien, monsieur le sénateur Darnaud – si ma mémoire est bonne, il est originaire de l'Ardèche –, pour évoquer ce sujet. Ces professionnels ont travaillé sur les protocoles sanitaires avec beaucoup de sérieux et ont été parmi les premiers à déposer leur projet.

Pour l'hôtellerie de plein air, l'enjeu est centré sur juillet et août, qui représentent une part prépondérante du chiffre d'affaires. À cet égard, nous avons également adapté les outils de soutien : au terme du CIT de la semaine dernière, nous avons mis en place le PGE saison. Ce prêt garanti par l'État permet d'emprunter sur les trois meilleurs mois de l'année précédente. Dans le cas d'une activité très saisonnière, un professionnel peut ainsi emprunter jusqu'à 70% à 80% de son chiffre d'affaires, alors qu'en temps normal le PGE est plafonné à 25% du chiffre d'affaires. C'est une véritable réponse sur mesure, notamment pour l'hôtellerie de plein air.

S'agissant des mobil-homes loués à l'année, je mène le même combat que vous : les résidents secondaires doivent pouvoir s'y rendre, lorsqu'ils sont dans un rayon de 100 kilomètres. Je mène toutes sortes de combats : j'en gagne certains, j'en perds d'autres. Celui-là, je ne l'ai pas encore gagné, mais je ne l'ai pas encore perdu non plus : il y a donc encore de l'espoir.

Nous conduisons ce travail avec la mission Castex, et je dois encore convaincre. Il faut permettre à ces personnes d'accéder à leur mobil-home : c'est une question de bon sens. Néanmoins, nous devons également prendre toutes les précautions sanitaires : je vous donne rendez-vous dans quelques jours, et j'espère pouvoir annoncer de bonnes nouvelles.

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le secrétaire d'État, nous espérons tous que vous gagnerez ce combat au sujet des mobil-homes.

Pour ce qui concerne l'hôtellerie de plein air, votre réponse portait sur les protocoles sanitaires, mais il est réellement urgent que le Gouvernement nous donne des réponses quant aux dates. On mesure la détresse que connaissent aujourd'hui ces professionnels : un cadre et un calendrier clairement établis sont une impérieuse nécessité.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin.

M. Jean-François Rapin. Monsieur le secrétaire d'État, en tant qu'élu d'un département du littoral et qu'ancien maire d'une commune touristique, je souhaite d'abord appeler votre attention sur le sujet des résidences secondaires.

Indépendamment du manque d'entretien dont peuvent parfois souffrir ces maisons, à cause du confinement et de l'absence de leurs propriétaires, les communes d'accueil des résidents secondaires pâtissent de la forte décroissance de l'économie présentielle et résidentielle locale, en raison notamment de la fermeture des commerces.

Serait-il donc envisageable d'accorder, aux propriétaires des maisons secondaires, une dérogation à l'interdiction des déplacements au-delà de 100 kilomètres, ne serait-ce que pour qu'ils puissent tondre leur pelouse, car le paysage arboré dans certains sites touristiques n'est pas forcément idéal ? Cette dérogation permettrait d'offrir un premier soutien aux collectivités qui attendent avec impatience le retour des touristes français, européens et internationaux.

Par ailleurs, si je salue les mesures d'accompagnement mises en place au profit des professionnels du secteur touristique, quelques zones d'ombres persistent pour ce qui concerne les voyageurs. Vous avez annoncé un accord européen relatif à la réouverture de l'espace Schengen. Quel est son calendrier et quelle est la position de la France à ce sujet ? Je trouve celle-ci très timide sur ces questions.

Si l'espace Schengen s'ouvrait progressivement sur l'international, les voyageurs seraient-ils autorisés à bénéficier de conditions assouplies pour annuler ou pour reporter leur voyage ? Si, par exemple, un pays instaurait une quarantaine à l'entrée sur son territoire, j'ose penser que les voyageurs auraient davantage intérêt à choisir une autre période pour visiter celui-ci.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Vous avez abordé trois points : les résidences secondaires, l'accord européen sur l'espace Schengen et l'assouplissement des conditions de réservation.

Le rayon des 100 kilomètres s'impose jusqu'au 2 juin. Une clause de rendez-vous a été fixée entre le 25 et le 28 mai – d'après ce que je comprends, cela aura plutôt lieu en fin de semaine prochaine –, pour pouvoir donner de la lisibilité sur le calendrier et les modalités d'ouverture d'un certain nombre d'activités touristiques, mais aussi pour déterminer, tout simplement, l'après-2 juin. La situation sanitaire commande d'avoir ce recul.

Nous sommes à quelques jours de ce moment, et j'espère que le combat collectif que nous menons permettra de regagner, petit à petit, de la capacité de mobilité. C'est pour ça que cette reprise du tourisme se fera forcément, je le disais, de façon concentrique, avec des cercles de plus en plus larges permettant, on l'espère, une mobilité de plus en plus forte, afin d'atteindre, à la saison estivale, la pleine mobilité sur le territoire.

Vous évoquez par ailleurs un accord européen. Il avait effectivement été convenu de se coordonner à cet échelon – cela avait été écrit à l'encre noire il y a trois semaines, lors d'une réunion des ministres du tourisme –, mais je constate que la semaine dernière a plutôt débouché sur des décisions unilatérales. Je pense que cela n'est pas de bonne politique ; il y a vraiment besoin d'évoquer ensemble le rythme de la réouverture des frontières et d'éviter que les uns cherchent éventuellement à récupérer la clientèle européenne des autres.

Rendez-vous donc demain : lors d'une nouvelle réunion des ministres du tourisme, je mettrai un peu les pieds dans le plat de ce point de vue.

Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne la nécessaire flexibilité des annulations. Sans cette flexibilité, il n'y aura pas de réservation. Je remercie d'ailleurs l'UMIH, le GNI, les entreprises du voyage et le SETO, qui se sont engagés à rembourser tout séjour annulé pour une raison liée au Covid-19. Cela a très clairement contribué au déclic psychologique que l'on a observé, lequel s'est traduit par une plus grande fréquentation des sites de réservation ou d'hôtellerie.

Je crois que l'on tient le bon bout.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.

M. Jean-François Rapin. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir répondu aux trois questions.

Les résidences secondaires sont – nous en avons discuté très récemment au cours d'un échange en visioconférence – un élément essentiel de reprise, comme l'a été, par exemple, l'ouverture des plages. J'insiste donc vraiment pour que ce régime dérogatoire puisse être mis en place.


Source http://www.senat.fr, le 26 mai 2020