Entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec Europe 1 le 29 mai 2020, sur le tourisme confronté à l'épidémie de Covid-19.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Texte intégral

Q - Bonjour à vous, Jean-Baptiste Lemoyne.

R - Bonjour, Sonia Mabrouk.

Q - Et bienvenue ce matin sur Europe 1. Est-ce qu'elle peut être encore sauvée la saison touristique en France ?

R - Très clairement, on fait tout pour, d'une part parce que les annonces d'hier permettent aux Français d'avoir plus d'offres touristiques, les campings qui rouvrent, les restaurants, les musées, les parcs, naturellement avec quelques nuances pour les zones orange, et puis surtout, aussi, plus de mobilité, fini la règle des cent kilomètres. Donc grâce à cela je crois qu'ils peuvent envisager leurs vacances, des vacances dont j'espère qu'elles seront bleu, blanc, rouge, et je leur dis "aux réservations citoyens !", c'est le temps de programmer ses vacances et ses déplacements et de redonner aussi de l'espoir aux professionnels, des professionnels qui…

Q - On va en parler, mais vous conseillez toujours ce matin aux Français de rester en France cet été ?

R - Vous savez c'est..., d'une part, oui, je pense que c'est important de pouvoir redécouvrir notre territoire, tout notre territoire, regardez d'ailleurs ce fabuleux reportage, ces fabuleuses photos, avec Stéphane Bern, dans Paris-Match. On voit que la France c'est un condensé du monde, il y a tout. Il y a tout, il y a la montagne, il a la mer, il y a le rural, il a l'urbain, il y a un patrimoine de dingue. Et donc, c'est un appel effectivement à redécouvrir la France, et aussi un appel pour la solidarité, parce que les professionnels du tourisme ont été touchés de plein fouet, en premier, et il est important que ce moteur du tourisme national, du tourisme domestique, soit le premier moteur pour repartir et puis sauver, effectivement, cette saison.

Q - Est-ce que vous allez faire, Jean-Baptiste Lemoyne, une campagne, une campagne justement pour évoquer ce que vous dites, pour la destination France, pour donner envie de découvrir, de redécouvrir la France ?

R - Tout à fait. Avec Atout France, avec les territoires, nous allons lancer cette campagne "#cet été je visite la France", campagne avec beaucoup de digital, naturellement, puisque les Français sont naturellement très connectés. Et puis, cela va être une incitation justement à pouvoir, eh bien, je dirais quitter l'autoroute, pouvoir flâner, redécouvrir, et il y a d'ailleurs, dans le comportement du voyageur, du touriste, des évolutions. Une étude Odoxa d'ailleurs, montrait qu'un Français sur deux qui avait prévu de partir en vacances avait prévu de le faire à l'étranger, et que finalement il a changé d'avis, il va rester en France.

Q - D'ailleurs, vous leur déconseillez toujours, aux Français, de partir à l'étranger ?

R - Alors aujourd'hui, j'ai un chiffre, 180 pays dans le monde posent des restrictions à l'entrée des Français sur leur territoire, restrictions diverses et variées. Mais cela veut dire qu'on est encore dans un moment où, dans le monde entier, il y a beaucoup de freins aux déplacements. Petit à petit ils vont se lever, et on y travaille au niveau européen parce que déjà il faudrait, qu'au niveau interne à l'Europe, les frontières se lèvent, et on a cet horizon du 15 juin pour pouvoir y arriver de façon relativement coordonnée.

Q - Parlons-en Jean-Baptiste Lemoyne. Si un touriste français veut se rendre en Italie la semaine prochaine, c'est possible, on est d'accord, et si un touriste italien veut venir en France, ce n'est pas encore possible, on est d'accord ?

R - Alors, les Italiens…

Q - Vous travaillez donc pour la saison touristique des autres ?

R - Non, du tout.

Q - Mais écoutez, quand on voit ça, on dirait.

R - Les trois quarts des pays en Europe envisagent la réouverture des frontières internes au 15 juin, les trois quarts, il y a quelques exceptions, l'Italie en est une, pourquoi ? Parce que…

Q - Mais pourquoi ?

R - Je vais vous expliquer.

Q - Parce qu'ils veulent capter les touristes européens.

R - Parce que l'Italie est entrée quinze jours plus tôt que nous dans la crise épidémique, elle en sort aussi, du coup, un peu plus tôt, et c'est ce qui fait qu'elle a ces dix, quinze jours d'avance. Mais je peux vous dire que moi, je travaille d'arrache-pied avec les professionnels, avec Atout France, pour passer le message aux Allemands, aux Néerlandais, aux Belges, aux Espagnols, en leur disant "Bienvenue en France", " Willkommen ", "Bienvenido", parce que, oui, nous voulons qu'ils puissent aussi... Ce sont des amoureux de la France !

Q - Est-ce que vous le déclinez dans toutes les autres langues, parce que de nombreux pays, vous avez cité l'Italie, on rajoute l'Espagne le Portugal, la Grèce, ont clairement affiché leur souhait, Jean-Baptiste Lemoyne, d'ouvrir leurs portes aux touristes étrangers, hors d'Europe, qu'est-ce que vous leur dites à tous, "et nous, vous venez chez nous" ?

R - Je vous le dis, moi, mon souhait, c'est à la fois d'attirer les nôtres, que les Français puissent massivement permettre la relance du tourisme national, et puis c'est également attirer les autres. Donc oui, c'est le sens de mon message ce matin, aussi, à votre antenne, c'est de dire à tous ces amoureux de la France, qui résident dans des pays européens : nous travaillons à pouvoir à nouveau vous accueillir, à partir du 15 juin, je l'espère. Et puis, la saison estivale elle bat son plein en juillet, en août. Vous savez, beaucoup d'Européens, parfois, ont fait l'acquisition de résidences secondaires en France, eh bien, il est important…

Q - Mais ils vont avoir le choix, évidemment, et qu'est-ce qui s'est passé chez nous Jean-Baptiste Lemoyne, les derniers mois, on a eu des grèves, on a eu les mois de manifestations des Gilets jaunes. Est-ce que la destination France, première destination touristique, risque le déclassement ? C'est une inquiétude, pour vous ?

R - Je crois qu'il faut toujours rester vigilant, parce que, effectivement, on est numéro un mondial, mais il ne faut jamais, je dirais se reposer sur ses lauriers, et c'est pourquoi nous avons voulu…

Q - Surtout qu'ils peuvent être un peu fanés par tout ce que je vous ai dit !

R - C'est pourquoi le président de la République a souhaité qu'on mette en place un plan de soutien et de transformation du tourisme, 18 milliards d'euros, avec énormément de financements, d'investissements, pour aider aussi à adapter l'offre, à faire en sorte qu'on soit compétitif face à de nombreuses destinations qui, vous avez raison, Sonia Mabrouk, depuis quinze, vingt ans, ont émergé.

Aujourd'hui, il faut être conscient de cela, être lucide, mais je peux vous dire que les professionnels, et je les réunis tous les mardis au sein du comité de filière tourisme, sont très engagés pour un tourisme plus responsable. Mardi prochain ça sera d'ailleurs le Journée mondiale du tourisme responsable, la France doit être pionnière également de ce point de vue-là, parce que les attentes aussi, des voyageurs, des consommateurs, elles sont là.

Q - Alors justement, la France, et ce secteur, reposent notamment sur les restaurants, les cafés, les bars, vous avez enlevé le rouge sur la carte pour ajouter de l'orange, c'est la victoire de la technocratie ?

R - Non, c'est tout simplement la prise en compte d'un certain nombre de critères sur l'évolution du virus, sur le système sanitaire. Et le Premier ministre l'a indiqué hier, cette carte est bâtie à partir de quatre critères, des critères qui sont purement objectifs. Vous savez, notre souci, ce n'est pas d'embêter les Français, c'est tout simplement de faire en sorte qu'on puisse lutter contre ce virus, lutter efficacement, le faire reculer, parce que, pour l'instant, on doit encore vivre avec, tant qu'il n'y a pas de vaccin, tant qu'il n'y a pas de remède, et c'est pourquoi il y a ces petites nuances sur…

Q - Petites, petites, mais costauds pour ceux qui les subissent j'allais dire. Expliquez-nous justement, Monsieur le ministre en charge du tourisme, pour les restaurants dans les zones orange, comme en Ile-de-France, ouverture seulement des terrasses qui sont des espaces, on le sait, notamment à Paris, très limités, est-ce que vous pensez vraiment que c'est économiquement viable et rentable ?

R - Alors, l'ouverture des terrasses, on commence par ça, les Espagnols ont commencé par ça, et ils ont commencé, eux, avec une jauge de 50%. Nous ne mettons pas justement ce type de critères, je pense que c'est déjà une capacité à retrouver les petits plaisirs de la vie, du quotidien, son petit café du matin, le petit chablis à l'apéro, tout ça, c'est des moments précieux, c'est la reconquête des jours heureux.

Q - Mais vous savez ce qui va se passer, des files d'attente. Monsieur Lemoyne, vous avez déjà attendu devant une terrasse à Paris, quand il y a un peu de soleil, qu'est-ce qui se passe? Des files d'attente vont se constituer. Où est le bon sens, alors ?

R - Je sais, moi je suis tout à fait conscient que les professionnels de l'hôtellerie, de la restauration, ce sont des pros, et surtout ils savent justement organiser les flux, ils savent faire en sorte que dans leurs établissements la sécurité sanitaire soit garantie.

Q - Pourquoi vous ne leur faites pas confiance à 100% alors ?

R - Ils ont fait un certain nombre de protocoles, et je peux vous dire une chose, c'est que le président de la République, il les avait reçus le 24 avril dernier, il avait eu cet échange avec eux, et ce que je sais c'est que le président de la République fait le maximum pour qu'ils puissent retravailler au plus vite, y compris ceux qui n'ont pas de terrasse.

Q - Vous savez ce qu'on dit, c'est Jean-Marie Bigard qui a peut-être soufflé les décisions sur les restaurants, les bars et les cafés, permettez-moi un peu cette ironie.

R - Vous savez, les décisions elles ont été prises…

Q - Ça vous fait sourire un peu.

R - Non, les décisions sont prises au conseil de défense, que préside le chef de l'Etat, et c'est hier qu'elles ont été prises, qu'elles ont été ensuite annoncées par le Premier ministre. Moi je me réjouis en tous les cas de ces décisions, qui sont véritablement l'embellie, comme disait Léon Blum en 36, c'est un ciel bleu formidable qui s'ouvre, et je crois que mardi prochain, eh bien oui, ce sera vraiment un mardi au soleil.

Q - En tous les cas tous les cas tous les restaurants qui vont ouvrir en France vont afficher un logo sur leur devanture mettant en avant leur engagement à respecter bien sûr les conditions sanitaires, est-ce que vous l'avez, à quoi il va ressembler ce logo ?

R - Tout à fait, les professionnels ont travaillé d'arrache-pied sur des protocoles sanitaires, ce qui permet de faire en sorte que tout soit respecté, et donc ils pourront afficher ce logo, "Notre établissement s'engage à respecter les consignes sanitaires".

Q - On va le décrire, bleu, la carte de France, et ce grand message, oui.

R - Exactement, la carte de France, d'ailleurs dans sa totalité, la métropole et les territoires d'Outre-mer, j'insiste, parce que j'ai une pensée aussi pour les Outre-mer, qui parfois, justement, ont un tourisme également important dans leur économie, et donc le gérant, le patron du restaurant, pourra signer cette affichette, l'apposer sur sa vitrine et montrer qu'il s'engage à respecter ces protocoles.

Q - Voilà, c'est à voir sur notre site europe1.fr. Une dernière question Jean-Baptiste Lemoyne, parce que vous conseillez aux Français de rester cet été en France, vous aussi vous restez, tous les ministres restent, on ne va pas vous retrouver sur une plage grecque, cet été ?

R - Je vous confirme qu'il y a tellement de choses à faire, entre l'Yonne chère à mon coeur, les Pyrénées-Atlantiques également…

Q - Ah oui…

R - Avec lesquels je me partage.

Q - Merci, Jean-Baptiste Lemoyne, merci d'avoir été notre invité.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2020