Texte intégral
Q - Bonjour, Jean-Baptiste Lemoyne.
R - Bonjour, Gérard Leclerc.
Q - L'acte II du déconfinement, la fin des cent kilomètres, l'ouverture des restaurants, cafés, un air de vacances, et les Français justement pensent à leurs vacances. Alors, déjà, en France, pourront-ils aller partout ? Dans les hôtels, les campings, les parcs naturels, pourront-ils bronzer sur les plages ?
R - Alors, je vais y arriver tout de suite, Gérard Leclerc, mais je veux qu'on savoure déjà ce mardi 2 juin. Qu'on le savoure parce que c'est le retour d'un certain nombre de petits bonheurs, de joies simples, prendre son café en terrasse, et c'est important parce que cette phase 2 du déconfinement, eh bien, on le voit, il y a beaucoup plus d'offres touristiques accessibles, beaucoup plus de capacités de mobilité à se déplacer.
En tous les cas, je crois que c'est un bout de ciel bleu, là très clairement. Vous savez, Claude François disait: "Ce lundi au soleil, quelque chose qu'on n'aurait jamais", ce mardi au soleil, en revanche, on l'a, et il est important d'en profiter parce que les professionnels aussi ont beaucoup souffert, les professionnels de l'hôtellerie, de la restauration, et je crois qu'au-delà du plaisir qui est le nôtre, de retrouver leurs établissements, de retrouver ces lieux de convivialité, c'est aussi un acte de solidarité que de se rendre à ces terrasses.
Q - Pour cet été, est-ce qu'on peut aller partout en France ?
R - Tout à fait. L'idée est vraiment de pouvoir avoir cet été bleu blanc rouge, cet été tricolore, que les Français puissent s'oxygéner parce que les moments qu'on a vécus ont été quand même, il faut le dire, des moments pesants, traumatiques, avec un certain nombre de chocs pour la société française. Mais grâce au civisme des uns et des autres, aujourd'hui, on est en mesure d'avoir cet accès au territoire national. Egalement nous travaillons à l'accès des territoires ultramarins. Pour l'instant il y a encore des dispositifs de quatorzaine, mais avec Annick Girardin on travaille à des dispositifs pour assouplir cela.
Q - On pourra partir aux Antilles ou en Polynésie, pour ceux qui peuvent ?
R - On travaille en tous les cas à des dispositifs qui permettraient effectivement l'accès aux territoires ultramarins. C'est important pour eux parce qu'ils sont pleinement et naturellement des territoires de la Nation, et ils ont aussi, parfois, leur économie qui repose beaucoup sur le tourisme, et tout à l'heure j'évoquerai avec eux lors du Comité de filière tourisme, les conditions pour relancer le tourisme là-bas.
Q - Et on pourra bronzer sur les plages ? Et non seulement, et pas seulement avoir une démarche dynamique comme on dit aujourd'hui ?
R - J'ai vu un certain nombre d'initiatives prises par des communes, je pense à La Grande-Motte où, justement, ils ont bien organisé la plage pour pouvoir non seulement y être dynamique mais aussi en statique de façon organisée.
Q - Ce sera le modèle pour cet été, vous pensez ?
R - Je crois que les élus locaux vont beaucoup travailler avec leur préfet…
Q - C'est-à-dire garder quand même sur le pouvoir rester sur la plage mais avec des mesures sanitaires, des gestes barrières ?
R - Avec un certain nombre de précautions, on le sait. La gestion de la plage, selon qu'on est sur une grande plage des Landes ou une petite crique de la Méditerranée, ce n'est pas la même chose. Mais il est important qu'on puisse, oui, pouvoir aussi avoir un peu de farniente, mais on ne pourra pas être entassés les uns sur les autres, il faut quand même respecter, parce que, j'appelle l'attention des Français sur une chose : oui la vie reprend un cours le plus normal possible, mais nous devons apprendre à vivre avec ce virus, ce satané virus. Tant qu'il n'y a pas de vaccin, tant qu'il n'y a pas de traitement, un certain nombre de précautions doivent être respectées et je le dis parce qu'il en va de la pérennité de ce déconfinement.
Q - Hors de France maintenant, commençons par l'Europe, là aussi, quand vont cesser les contrôles ? Où pourra-t-on aller ? Est-ce qu'on va pouvoir les passer, ces vacances, en Espagne, en Italie, en Grèce, dans d'autres pays ?
R - Au niveau européen, c'est autour du 15 juin que les différents Etats membres, pour la plupart, vont prendre des mesures de restriction des contrôles, de levée, parfois, des frontières fermées. Donc, il y aura cette capacité à pouvoir se déplacer en Europe, qui va revenir pour cet été, je suis confiant de ce point de vue-là.
Maintenant, je le dis pour nos amis Français, je pense qu'il est important de pouvoir aussi redécouvrir la France, aider le tourisme national à redémarrer. Parce que c'est d'ailleurs un secteur qui a énormément d'impact, tant sur l'amont - dix restaurants qui fermeraient, imaginez ce que c'est, en termes de débouchés, pour nos agriculteurs, nos pêcheurs, etc. - que pour l'aval. En revanche, pour tous nos amis voisins, je pense aux Belges, aux Néerlandais notamment, je leur dis : bienvenue, vous êtes des amoureux de la France souvent, eh bien, on se prépare à vous accueillir.
Q - J'en viens un instant sur la France avec la Corse. Pour l'instant c'est toujours compliqué d'y aller. Est-ce que, là aussi, on va pouvoir aller passer ses vacances en Corse, sans avoir de quarantaine ou de mesures comme ça ?
R - Alors, les territoires insulaires en général, nous devons être bien vigilants effectivement aux conditions sanitaires, mais les travaux sont en cours, là aussi, parce que la Corse est une destination qui est assez formidable, qui attire beaucoup de gens, beaucoup plus que sa population l'été, et c'est là où il faut arriver à concilier à la fois la réassurance sanitaire et puis la relance économique.
Q - Mais l'objectif c'est bien qu'on puisse aller passer ses vacances en Corse, quand même.
R - Oui, bien sûr.
Q - On peut prendre ses réservations ?
R - Mais bien sûr, c'est l'objectif. D'ailleurs nous nous entretenons régulièrement avec le président du Conseil exécutif, avec également les forces économiques de l'île, et donc on est en train de travailler là aussi, comme pour tous les territoires insulaires, à des dispositifs qui permettent, peut-être, d'avoir une alternative à cette histoire de quatorzaine, comme on le connaît outre-mer. Il faut regarder, on est en train de…
Q - Les Corses voulaient imposer des tests à l'arrivée sur l'île, ça peut être maintenu ou non ?
R - Là aussi, travail en cours, je pourrais vous donner la réponse dans quelques temps, mais il faut arriver en tous les cas à concilier la sécurité sanitaire et la reprise économique.
Q - Alors, il y a des pays quand même, comme la Grande-Bretagne, qui vont imposer une quarantaine, en fait une quatorzaine. Vous en pensez quoi ? Est-ce que vous allez instaurer des mesures réciproques ?
R - Vous avez raison, Boris Johnson a dit qu'il souhaitait mettre à partir du 8 juin un dispositif de quatorzaine. Néanmoins, nous continuons, nous avons des contacts suivis avec le gouvernement britannique parce que dans une logique de réciprocité, nous serions obligés d'imposer les mêmes choses à ces ressortissants. Or, nous pensons, je pense qu'au rythme de l'évolution de l'épidémie, peut-être que cette mesure dans quelques jours ou quelques semaines sera devenue peut-être plus nécessaire. Je rappelle d'ailleurs que le premier contingent de touristes étrangers en France ce sont les Britanniques, quatorze millions d'entre eux chaque année venaient en France, et donc c'est important aussi pour nous de garder cette accessibilité…
Q - Donc, l'idée c'est qu'il n'y ait pas de quatorzaine, essayer de faire remonter…
R - C'est pour cela que les contacts diplomatiques se poursuivent, à haut niveau…
Q - Tant que les Anglais en imposeront, vous appliquerez la réciprocité.
R - C'est pour cela qu'on essaie d'oeuvrer, en tous les cas, à ce qu'ils lèvent, eux, cette mesure.
Q - Rapidement, hors d'Europe, est-ce qu'on peut imaginer passer, aller passer des vacances aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, en Asie, cet été ?
R - Cela prendra un peu plus de temps, il faut être honnête. Je pense qu'autant les frontières intra-européennes vont se lever autour du 15 juin, autant celles entre l'Union européenne et le reste du monde risquent d'être encore fermées quelques semaines supplémentaires.
Donc, je pense que c'est plutôt autour de la mi-juillet que la capacité de mobilité internationale sera un peu plus grande. Mais, je mets un grand "mais", c'est qu'aujourd'hui près de 180 pays ont mis des dispositions restrictives à l'accès des Français à leur territoire, c'est considérable…
Q - Eh bien, oui. Et alors ?
R - C'est pourquoi, on le voit bien, se déplacer aujourd'hui dans le monde reste difficile, va le rester encore quelques semaines. Je rappelle qu'avec Jean-Yves Le Drian nous avons facilité le retour de près de 200 000 Français qui se sont retrouvés parfois pris au piège lorsque des Etats ont pris des décisions de fermeture de frontières, et qu'il convient aujourd'hui de rester encore, je pense, prudent quelques semaines, quelques mois.
Q - Donc vous déconseillez l'idée d'aller en vacances en dehors de l'Europe.
R - Alors, c'est pour cela que, pour l'instant, j'appelle encore une fois à ce tourisme national, tricolore. D'ailleurs les entreprises du voyage - et je veux saluer aussi leur engagement - ont réorienté leur action pour faire redécouvrir la France à leurs clients, des clients qui avaient souvent l'habitude de partir plus loin.
Q - Alors, justement, les professionnels du tourisme ont été très touchés par cette crise. Est-ce que vous allez maintenir les aides, certaines aides, en leur faveur ?
R - Très clairement. On va maintenir à la fois l'activité partielle, à la fois dans le fonds de solidarité jusqu'à la fin 2020, c'est indispensable parce qu'on le voit bien, la reprise elle se fait, mais elle se fait avec des jauges qui sont souvent inférieures à celles qui existaient auparavant. Regardez, aujourd'hui, en zone orange, ce ne sont que les terrasses qui sont ouvertes. Cela signifie aussi un manque à gagner ou en tous les cas un problème d'équilibre.
Q - Donc on maintient par exemple le chômage partiel, les choses comme ça ?
R - Tout à fait, jusqu'à fin décembre 2020, et c'est important. On n'y touchera pas en l'état jusqu'à fin septembre, et puis peut-être qu'il sera un peu ajusté au-delà. Mais, en tous les cas, on donne cette visibilité aux professionnels du tourisme qui ont beaucoup souffert.
Vous savez, si on prend l'ensemble du secteur du tourisme, c'était une perte de recettes de l'ordre de dix à quinze milliards chaque mois de confinement, et donc un choc sur l'économie très important.
En tous les cas la reprise elle est là, il me semble. Je vous donne quelques chiffres: l'hôtellerie de plein air a triplé ses réservations par rapport à la même période de l'année dernière du 21 au 25 mai. Cela signifie que le discours appelant les Français à préparer leurs vacances, à réserver, eh bien, il est passé. Et moi, je me félicite aussi de voir qu'aujourd'hui 80% des hôtels, par exemple des chaînes, ont rouvert ce sont les chiffres du GNC. Donc, on voit que les clignotants sont en train de passer au vert.
Q - Et les réservations arrivent, sont là. Vous êtes également en charge du commerce extérieur. Bruno Le Maire vient d'annoncer que la récession serait de 11% cette année. Où en est le commerce extérieur, brièvement ?
R - Il est vrai que le commerce extérieur souffre, parce qu'on voit que les chaînes logistiques, parfois, ont été interrompues, parce que les frontières, parfois, c'était compliqué.
Mais nous avons mis en place un plan de soutien à l'export avec Bruno Le Maire. L'idée c'est de pouvoir aider les entreprises à enjamber ces difficultés en prolongeant aussi des dispositifs liés à des garanties export qu'on a augmentées.
En tous les cas, ce que je vois, c'est que 55% des entreprises françaises ont quand même maintenu leurs flux à l'export. Donc, c'est plus d'une entreprise sur deux. J'ai envie de voir le verre à moitié plein, et on va continuer à les accompagner.
(…)
Q - Merci, Jean-Baptiste Lemoyne. Bonne journée, bonne reprise notamment dans les terrasses de cafés.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juin 2020