Texte intégral
Monsieur le chef d'état-major de l'armée de Terre,
Monsieur le délégué national de l'ordre de la Libération,
Général,
Elèves-officiers,
Une vie pour la France, l'amour de la Liberté. C'est l'histoire d'une vie exceptionnelle, passée au service de son pays. L'histoire d'un soldat qui a toujours refusé l'occupation, et qui avait déjà pris les armes pour défendre son village dès la Première guerre mondiale. Un soldat qui a répondu à l'appel du Général de Gaulle le lendemain du 18 juin 1940 et qui sera l'un des artisans du réseau Brutus, l'un des plus importants réseaux de renseignements de la France Libre. Un soldat traqué, mais qui ne s'est jamais rendu. L'amour de la France, une vie pour la Liberté.
Cette histoire, c'est celle d'un soldat sans grade, d'un courage sans limite et d'une audace infinie. Cette vie c'est celle d'un compagnon de la Libération, une femme nommée Emilienne Moreau-Evrard.
Comme elle, des milliers de valeureux et de courageux ont refusé de se rendre en 1940. Capituler, c'eût été trahir la France, trahir nos valeurs, bâillonner la Liberté, céder face au renoncement et à la collaboration.
Mais alors, s'élevèrent ceux qui « firent des journaux, des réseaux clandestins, combattirent en Afrique et dans l'Orient lointain. Ceux qui, après les sabotages et les débarquements, traquèrent l'aigle noir jusqu'aux monts allemands. ». « Eux », ce sont les Compagnons de la Libération.
Ils étaient de tous les horizons. Ils étaient jeunes et moins jeunes. Ils étaient de toute origine sociale. Militaires, ouvriers, cadres, diplomates, paysans, ingénieurs, instituteurs, étudiants. Ils étaient chefs d'entreprise, employés, télégraphes, secrétaires, magistrats, médecins. Ils étaient de tous les bords politique, de toutes les religions, sans religion. De toutes les couleurs de peau. Ils étaient étrangers, Français de coeur, réfugiés, immigrés.
Ils n'étaient semblables en rien, mais ils étaient unis. Par l'amour de la France, par le désir ardent de liberté. Et de tous les horizons, chacun a pris les armes.
Ils n'étaient semblables en rien. Ils étaient la France. La France plurielle, la France fière, celle qui ne se soumet pas et qui ne courbe jamais l'échine.
Vous êtes le visage de l'armée de demain. Vous en incarnez la diversité, les ambitions et la force. Comme les Compagnons de la Libération, vous venez de tous les milieux, de toutes les régions de France et vous partagez certainement des idées différentes. Certains ont eu des vocations précoces, d'autres n'ont découvert que plus tard l'appel des armes. Mais vous avez tous répondu à cet appel. Vous avez l'amour de la France en partage, la Liberté comme idéal commun.
En choisissant de baptiser votre promotion « Compagnons de la Libération », vous êtes devenus les héritiers de leur histoire d'exception. Vous êtes porteurs de la mémoire d'Emilienne Moreau-Evrard, de Charles Cassignol, jeune Cyrard n'écoutant que son courage et rejoignant le général de Gaulle le 21 juin 1940, s'évadant de France sous la fausse identité d'un soldat polonais. Vous portez aussi celle de Mouniro, engagé au sein du régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad, passé à la France libre en août 1940 et vaillant combattant de la bataille de Bir-Hakeim.
Vous êtes enfin, et évidemment les porte-voix de l'histoire exceptionnelle d'Hubert Germain. Quand il s'est engagé dans les Forces françaises libres en juin 1940, Hubert Germain avait 20 ans. Son histoire, il ne vous l'a pas racontée, il vous l'a fait vivre ! Son histoire, c'est un trésor qu'il vous a confié. Et c'est vous qui devrez continuer de faire vivre ses mots.
Vous êtes des passeurs de mémoire. En portant la fourragère noire et verte de l'ordre de la Libération, vous ferez vivre la passion de la liberté qui a animé chacune et chacun des Compagnons de la Libération. En la portant à l'épaule, tout près du coeur, vous réincarnerez ces jeunes Françaises et Français qui ont répondu à l'appel de la France libre du Général de Gaulle.
Victor Hugo, parmi les nombreuses phrases d'une justesse confondante qu'il a eues sur l'importance du passé d'une Nation, disait : « Les souvenirs sont nos forces. Et quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates, comme on allume les flambeaux. » Demain, nous serons ensemble au Mont-Valérien et nous allumerons, pour la 80ème année, le flambeau de la date du 18 juin 1940. Demain, vous aurez l'honneur et la responsabilité non pas de rallumer, mais bien d'attiser la flamme du flambeau des Compagnons de la Libération qu'Hubert Germain vous a confié.
Demain, nous ferons revivre ceux que l'on nommait les maquisards, les intrépides, les imprudents.
Soyez intrépides. Soyez, s'il le faut, imprudent. N'allez pas croire que je vous enjoins à concourir pour décrocher le titre de « major Ours » et pour multiplier les perches à Coëtquidan – même si je reconnais bien là le panache français dont se réclament volontiers les Saint-Cyriens. Mais, tout en étant exemplaires, faites vivre le panache de vos vingt ans.
S'il y a bien quelque chose que peuvent vous enseigner les histoires des Compagnons de la Libération, c'est que face à des évènements qui nous sont imposés, chacun est maître de son destin et de sa mission. Les compagnons de la Libération ont choisi la France, comme vous l'avez fait le jour où vous avez reçu votre casoar. Ils ont choisi de combattre pour leurs valeurs. Ce sera votre vie et ce sera votre choix.
Cette vie, je vous la promets exaltante, pleines d'aventures, de découvertes et d'audace. Vous connaîtrez la joie des sentiments entiers, le bonheur de la solidarité sincère et cette satisfaction rare, celle de servir une cause qui nous lie de génération en génération et qui nous dépasse.
Je vous souhaite de vivre ces sentiments uniques sur le chemin de votre « marche à la fourragère » dans le massif du Vercors, dès la fin de cet été. J'espère également que nous aurons l'honneur et le plaisir de vous voir participer à Fort Boyard et d'offrir aux yeux du grand public le combat de la mémoire que vous avez décidé de mener. De leur montrer aussi, que des jeunes gens continuent de s'engager pour eux, pour la France, et que la Liberté a de dignes défenseurs.
Les défis qui vous attendent sont infinis et pour beaucoup, nous les ignorons encore. Mais je compte sur vous : vivez intensément. Puisez votre force dans le souvenir de l'ardeur de vivre et du courage admirable de votre camarade, Ronan Lepage-O'Brien. Agissez avec fierté. Ne cédez pas aux sirènes du conservatisme. Acceptez le risque. Incarnez l'avenir. Et sur cet avenir, je vous souhaite du fond du coeur, de porter un regard lucide, curieux, avec la même malice et la même jeunesse que celui d'Hubert Germain.
Elèves-officiers de la promotion Compagnons de la Libération,
Vous aussi, vous avez répondu à l'appel de la France. Vous avez reçu la fourragère de l'Ordre de la Libération. Vous la transmettrez à vos camarades de la promotion. Et si vous deviez ne retenir que quelques mots à leur dire à cette occasion les voici : chérissez le souvenir de vos anciens, et comme eux, soyez toujours libres. Libres de vivre vos rêves, vos passions et vos aventures. Libres de servir votre pays et de vous donner, corps et âme, à lui.
Vive la République ! Vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 18 juin 2020