Entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à France Culture le 19 juin 2020, sur la réouverture des frontières européennes et la saison touristique estivale .

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  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Média : France Culture

Texte intégral

Q - Une première question, Monsieur Lemoyne, nous évoquions à l'instant la convention citoyenne pour le climat. Parmi les propositions figure notamment, l'interdiction des vols intérieurs, si alternative il y a, en moins de quatre heures, de même d'ailleurs, que l'interdiction de nouveaux aéroports. Craignez-vous que ce genre de mesures soient dommageables au secteur du tourisme ?

R - Vous savez, le gouvernement a d'ores et déjà annoncé, justement, dans un travail fait avec Air France, qu'il souhaitait, par exemple, que le ferroviaire soit privilégié pour les destinations à moins de deux heures de vol. Ce travail est donc enclenché. Et le but, c'est aussi d'aller vers un tourisme qui soit plus durable et plus soutenable. Je crois qu'il y a une prise de conscience, et d'ailleurs, j'ai missionné l'ADEME pour travailler sur ce sujet et nous allons sortir une feuille de route. Nul doute que les temps que nous avons vécus vont faire évoluer la façon dont on voyage et dont on pratique ce tourisme.

Q - Jean-Baptiste Lemoyne, les frontières sont ouvertes en Europe depuis le début de la semaine, les contrôles ont été levés. La clientèle européenne sera-t-elle de retour dans nos hôtels et sur nos terrains de camping ?

R - C'est ce que je sens. J'étais lundi en Belgique, justement pour ce jour important où nous avons levé les contrôles et pour dire à nos amis belges : "Bienvenue en France". Et en allant à leur rencontre, à la rencontre des camping-caristes, à la rencontre des cyclotouristes etc., j'ai vu que l'envie de France était intacte. C'est vrai que l'Europe constitue les trois quarts de la clientèle internationale de la France. C'est donc important, et je me réjouis que nous ayons recouvré la liberté de circulation dans l'espace européen. Je dis bienvenue en France à tous les Européens, les professionnels du tourisme les attendent et déroulent le tapis rouge.

Q - Vous demandez aux Français d'être le moteur du redémarrage de l'économie touristique. Quels sont les premiers retours de terrain, avez-vous déjà des chiffres ?

R - Il y a effectivement un rattrapage qui se fait, le secteur du tourisme a été totalement à l'arrêt pendant quasiment trois mois. Il s'est arrêté à 99%, ce fut un choc massif, et c'est d'ailleurs pourquoi nous avons mis en place un plan de 18 milliards d'euros pour les accompagner. Depuis que le 14 mai, nous avons indiqué qu'il y avait cette capacité à organiser ces vacances en juillet et en août, notamment en France, on voit les réservations qui bougent avec un effet rattrapage, notamment pour les locations de vacances, pour les campings dont le président m'indiquait qu'ils espéraient avoir sauvé la saison.

Il faut continuer l'effort, je le dis : "Aux réservations citoyens !" Puisque c'est un acte patriotique cet été aussi, en solidarité avec ces professionnels qui ont beaucoup souffert, et puis la France, on a une chance énorme, c'est que vous pouvez en réalité faire le tour du monde en faisant le tour de France. Il y a tellement de variétés, de diversités de paysages, de terroirs et de pays, la France est le pays des pays, eh bien, qu'il y en a pour tous les goûts.

Q - Quand nous, Français, nous pourrons partir hors de l'Europe ? Avez-vous des dates ? Y a-t-il des conditions déjà fixées ? Si on veut partir sur le continent nord-américain par exemple ?

R - Le président de la République a indiqué que nous travaillons à ce qu'au premier juillet, il y ait une première série de pays, au-delà de l'Union européenne avec lesquels les échanges peuvent reprendre, les voyages peuvent reprendre. Nous sommes dans ce travail très intenses avec nos collègues européens, nos ambassadeurs se retrouvent encore cet après-midi, pour déterminer les critères objectifs épidémiologiques qui permettent de voir quels sont les pays qui ont maîtrisé l'épidémie, ou en tout cas qui ont des taux d'incidence, c'est le terme consacré par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies qui sont identiques à ceux de l'Europe, ou en tout cas, pas significativement supérieur. Il y a donc tout un travail méthodologique qui se poursuit et j'ai bon espoir qu'en milieu de semaine prochaine, nous puissions avoir une première liste d'une cinquantaine de pays qui pourraient être à nouveau accessibles et où nous pourrions accueillir également ce public-là.

Q - Justement, pour accueillir les touristes étrangers, quel dispositif d'accueil et de contrôle sanitaire sont mis en place, notamment dans les aéroports, est-on prêt ?

R - Tout à fait, le monde aéroportuaire a fait un très gros travail, notamment M. Augustin de Romanet pour ADP évoque souvent cette notion d'Habeas Corpus sanitaire, c'est-à-dire un ensemble de règles qui permet d'assurer au voyageur, depuis le moment où il met le pied dans le terminal de départ, jusqu'au moment où il sort au terminal d'arrivée, qu'à tous les moments de la chaîne du voyage, il ne prend pas de risque sanitaire. Donc, cela passe notamment par la prise de température avant l'embarquement, à l'arrivée, par le passage devant les caméras thermiques qui permettent de déceler s'il y a des anomalies ; en cas de pépin, d'orienter vers un médecin. Donc vraiment, les acteurs du transport ferroviaires et aériens se sont préparés sérieusement et c'est pourquoi on peut inciter nos compatriotes à planifier leurs vacances, à réserver, parce que tous les professionnels ont mis en place ces protocoles. On ne joue pas avec la santé des Français. C'est vraiment la maxime cet été.

Q - Le tourisme, cela concerne des milliers de saisonniers, des étudiants, des professionnels, quels dispositifs sont prévus pour les aider parce que la saison va être très courte ?

R - D'une part, il a fallu décaler la réforme de l'assurance chômage pour que les saisonniers dont la saison a été interrompue, je pense par exemple aux saisonniers du tourisme de montagne, cet hiver, pour qu'ils ne soient pas pénalisés dans leurs droits. C'est une première décision.

Par ailleurs, pour beaucoup de prestataires touristiques, il va falloir recruter très rapidement pour une saison qui approche maintenant. Nous avons mis en place et nous la lançons lundi prochain, une plateforme : monemploitourisme.fr qui permet de faire se rencontrer l'offre et la demande et ainsi, favoriser la reprise pour le public-là.

Q - Avez-vous chiffré le manque à gagner rapidement pour les saisonniers et pour la profession ?

R - Pour l'ensemble de la profession, trois mois d'arrêt, c'est entre 30 et 40 milliards d'euros de pertes de recettes, et au niveau individuel, il y a un impact naturellement. C'est pourquoi nous avons voulu que les aides du fonds de solidarité par exemple soient accessibles aux professionnels jusqu'à la fin de l'année. Et nous continuons à travailler pour certains pour lesquels les réponses ne sont pas encore tout à fait abouties. Je pense aux guides conférenciers par exemple qui enchaînent des CDDU etc. Donc là, on travaille avec le ministère du travail sur ce point-là.

Q - Merci, Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat en charge du tourisme, d'avoir répondu à notre invitation./


source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2020