Texte intégral
MATHILDE MUNOS
Ils s'appelaient Babacar DIOUF, Camara MOUSSA, CANJE Ibrahima (phon), ils sont nés sur le sol africain, ils ont combattu pour libérer la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup y ont perdu la vie et tous ou presque sont tombés dans l'oubli. Comment honorer leur mémoire, en leur donnant des noms de rues, c'est ce que vous proposez Geneviève DARRIEUSSECQ, bonjour.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Oui bonjour.
MATHILDE MUNOS
Secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Armées. Emmanuel MACRON a lancé un appel aux maires l'été dernier pour qu'ils rebaptisent des rues, des places ou des jardins publics, appel relayé en novembre, vous avez signé une convention avec l'Association des maires de France. Et aujourd'hui vous dévoilez un livret intitulé « Aux combattants d'Afrique, la patrie reconnaissante ». Il comporte des fiches biographiques pour aider les maires à choisir, ça veut dire qu'il faut remettre un coup de pression parce que les maires ne suivent pas depuis l'appel d'Emmanuel MACRON, il y a un an ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Certains ont suivi et j'ai participé d'ailleurs dès le mois de décembre à une inauguration à Bandol, inauguration d'une place au nom des libérateurs d'Afrique et certains maires bien entendu sont particulièrement intéressés par cette initiative. Non l'idée était de faciliter la réflexion des maires en leur donnant les données de biographies d'une centaine de combattants d'Afrique afin qu'ils puissent contextualiser, savoir où ces combattants se sont retrouvés en France, savoir aussi de quel pays ils venaient et de faire le lien avec leur territoire. bien entendu ce livret n'est pas exhaustif, il y a beaucoup d'autres combattants venus d'Afrique puisqu'ils étaient par exemple pour la libération de Provence plus de 400000 à venir d'Afrique, d'Afrique subsaharienne et d'Afrique du Nord et donc cette recherche pourra être faite au cas par cas en plus si un maire est intéressé par un combattant qui n'est pas dans ce livret. Nous l'aiderons bien sûr, à sa demande, à faire des recherches biographiques plus importantes sur ce combattant, donc c'est un soutien aux maires.
MATHILDE MUNOS
Aujourd'hui combien de rues portent le nom de soldats africains en France ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je ne suis pas capable de vous le dire, je pense trop peu.
MATHILDE MUNOS
C'est de l'ordre de quelques dizaines ou un peu plus quand même, non, vous n'avez aucune idée.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je pense que c'est quelques dizaines mais très, très peu et l'objectif c'est de construire, l'objectif c'est de donner nos espaces publics en définitif sont des véritables possibilités de pédagogie. Et on le voit bien partout, de pédagogie concernant notre mémoire collective, ce qui a fait notre pays et qui peut être considéré comme un facteur de cohésion et d'unité nationale.
MATHILDE MUNOS
Puisque vous parlez de pédagogie, ça veut dire que par exemple sur une plaque, il faut mettre en dessous quand même quelques lignes pour expliquer, raconter un peu de qui il s'agit ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Oui absolument sur une plaque, il peut y avoir des statuts, il peut y avoir… afin d'expliquer effectivement que pan d'histoire ce personnage a représenté dans notre pays, afin que eh bien chaque citoyen puisse être informés et puisse participer à cette mémoire collective.
MATHILDE MUNOS
Cette initiative ne concerne que les combattants de la Seconde Guerre mondiale ou la première également ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Ce sont les combattants de la Deuxième Guerre mondiale avec bien sûr tous ceux qui y ont participé, ceux de 40 qui ont combattu dans les combats rudes qui se sont passés dans cette année-là, dont nous fêtons le 80e anniversaire. Il y a également les héros de la France libre et il y a des Africains qui sont compagnons de la Libération et qui ont participé à tous les combats et notamment les combats d'Italie. Et puis il y a ceux de 40 et de 45 qui ont libéré la France sous les ordres du général de LATTRE DE TASSIGNY et ils étaient particulièrement nombreux. Alors il y avait des Africains et il y avait là aussi des Français d'Afrique du Nord.
MATHILDE MUNOS
Et ces combattants, ils ont quelle place dans les livres d'histoire, vous avez regardé les manuels scolaires ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je pense qu'ils ont une place totalement insuffisante.
MATHILDE MUNOS
Donc il y a un travail à faire de ce côté-là aussi ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
C'est un travail à réaliser et également de ce côté-là. Je veux quand même redire que le débarquement de Provence par exemple en 1944 a été un élément clé de la libération de la France. Il y a eu bien sûr le débarquement de Normandie avec nos alliés, mais si le débarquement de Provence n'avait pas eu lieu et si cette poussée du sud vers le nord et ensuite la jonction des deux 2 armées et le passage en Allemagne ne s'étaient pas faits de cette façon, peut-être que la victoire aurait été différente. Donc ce sont des acteurs importants de la liberté de notre pays et de toutes, enfin la restauration des valeurs de notre République en France.
MATHILDE MUNOS
Geneviève DARRIEUSSECQ puisqu'on parle de mémoire, à propos du débat actuel sur les statuts de personnalités controversées de l'histoire, quelle est votre position, il faut en déboulonner certaines ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Non, moi je pense qu'il ne faut pas déboulonner mais qu'il faut construire et au contraire il faut enrichir les choses et expliquer, faire une véritable pédagogie urbaine, faire en sorte que, eh bien dans nos rues et nos espaces publics on puisse raconter l'histoire de France. Il faut regarder en face notre histoire, il faut la regarder avec le soutien des historiens parce que voilà l'histoire elle doit être dite telle qu'elle s'est passée et dans toute histoire il y a des zones d'ombre, il y a aussi des personnages absolument extraordinaires. L'Histoire, elle ne se refait pas, elle a une part de tragique, d'injustice quelquefois et souvent même, mais je crois qu'il faut la connaître, il faut qu'avec les connaissances que nous avons maintenant, les valeurs que nous avons maintenant, il faut la connaître, on peut la juger quelquefois détestable, mais on ne refait pas l'histoire.
MATHILDE MUNOS
Et on ne déboulonne pas de statue.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Il faut la regarder. Non, on ne déboulonne.
MATHILDE MUNOS
Merci Geneviève DARRIEUSSECQ, secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Armées, vous étiez l'invitée du cinq/sept.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 juillet 2020