Texte intégral
STEPHANE CARPENTIER
Votre invité ce matin Benjamin SPORTOUCH, est le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno LE MAIRE.
BENJAMIN SPORTOUCH
De l'Economie, des Finances et de la Relance, bonjour Bruno LE MAIRE, merci aussi d'être avec nous ce matin.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Benjamin SPORTOUCH.
BENJAMIN SPORTOUCH
Un mot sur les retraites tout d'abord, syndicats et patronat ne veulent pas que la réforme soit remise sur le tapis, on avait cru comprendre que cette fin de quinquennat se ferait dans l'écoute, Bruno LE MAIRE, pourquoi s'obstiner ?
BRUNO LE MAIRE
De l'écoute il y en a beaucoup puisque le Premier ministre a déjà reçu tous les partenaires sociaux et la réforme des retraites, elle est absolument indispensable. Donc je pense qu'il est nécessaire d'aller au bout de cette réforme des retraites, on voit bien d'abord qu'il y a un déficit, on voit bien que nous vivons tous plus longtemps, on voit bien qu'il faut que collectivement nous travaillions davantage et que c'est une condition du redressement de la France.
BENJAMIN SPORTOUCH
Bruno LE MAIRE, Laurent BERGER dit, le patron de la CGT dit, ce n'est pas le moment de se remettre sur la gueule, je le cite.
BRUNO LE MAIRE
Il a raison, il n'est pas question du tout de se remettre sur la… vous allez vu que la méthode du Premier ministre est une méthode de concertation, d'écoute, nous avons dit que ce ne serait pas la même réforme qui serait remise sur la table, il n'est pas question de se mettre sur la gueule dans une période de crise aussi dur pour tous les Français, mais il est question de s'écouter et de trouver des solutions pour financer notre régime de retraite.
BENJAMIN SPORTOUCH
Est-ce qu'il y aura encore un âge d'équilibre, vous, le ministre des Finances.
BRUNO LE MAIRE
C'est le Premier ministre qui décidera.
BENJAMIN SPORTOUCH
Mais vous qu'est-ce que vous souhaitez-vous Bruno LE MAIRE, est-ce qu'il faut un âge d'équilibre ?
BRUNO LE MAIRE
C'est le Premier ministre qui décidera avec l'ensemble des partenaires sociaux, ce qu'est une bonne réforme des retraites, ce que je peux vous dire c'est que pour le renforcement de l'économie française, cette réforme est indispensable pour la crédibilité de la France auprès de ses partenaires européens, poursuivre les réformes structurelles jusqu'au dernier jour du quinquennat est absolument décisif.
BENJAMIN SPORTOUCH
Donc avec ou sans âge d'équilibre, on verra. Alors avant d'être à la retraite il faut pouvoir accéder au monde du travail, Bruno LE MAIRE, 700.000 jeunes vont arriver sur le marché du travail en septembre, ils sont inquiets. Dans le cadre du plan de relance que vous allez lancer, est-ce que vous préférez une suppression totale des charges ou une prime pour chaque embauche pour permettre justement eh bien de baisser cet emploi, ce problème d'emploi des jeunes ?
BRUNO LE MAIRE
Je préfère ce qui sera le plus efficace et le plus immédiat et le Premier ministre et le président de la République annonceront dès cette semaine un plan de soutien massif, immédiat, efficace à l'emploi des jeunes. Il y a déjà dans le projet de loi de finances qui vient d'être adopté à l'Assemblée nationale des mesures fortes pour l'emploi des jeunes, une prime pour les apprentis, 8000 euros au-dessus de 18 ans, 5000 euros en dessous, le renforcement aussi de tout ce qui est professionnalisation et contrat de professionnalisation. Et le président de la République, le Premier ministre auront l'occasion dès cette semaine de renforcer le dispositif avec un seul objectif que chaque jeune à la rentrée, ils vont être 700.000 à arriver sur le marché du travail, puisse trouver une solution et puisse être embauché.
BENJAMIN SPORTOUCH
Ce sera combien ce plan ?
BRUNO LE MAIRE
Ce sera, je vous le dis un plan massif et quand je dis massif, cela veut dire massif, laissez au président de la République vous avez encore quelques heures…
BENJAMIN SPORTOUCH
Ceux qui vous écoutent sont inquiets, vous comprenez qu'ils ne peuvent pas attendre quelques heures, Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
Je comprends parfaitement leur inquiétude, cela fait des semaines que je dis que ma priorité absolue dans le plan de relance ce sera l'emploi et la priorité absolue des priorités, ce sera l'emploi des jeunes parce qu'on ne peut pas laisser aux jeunes Français qui rentrent sur le marché du travail la seule perspective de s'inscrire à Pôle Emploi. Donc il y aura des mesures massives, elles seront précisées par le Premier ministre et par le président de la République dès cette semaine.
BENJAMIN SPORTOUCH
Muriel PENICAUD en son temps avait parlé de 8 milliards d'euros, est-ce que ce sera plus que 8 milliard d'euros ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne veux pas vous donner de chiffres parce que ces chiffres veulent pas dire grand-chose, ce qui compte c'est que chaque jeune qui se trouve à Nantes, à Lille, à Paris, à Danville dans ma circonscription puissent se dire, on ne va pas me laisser tomber et c'est ce que je veux leur dire ce matin, nous ne laisserons pas tomber les jeunes Français qui rentrent sur le marché du travail.
BENJAMIN SPORTOUCH
Xavier BERTRAND, le président de la région des Hauts-de-France préconise une aide de 5000 à 10000 euros pour l'embauche en CDD ou en CDI d'un jeune jusqu'à 30 ans, est-ce que vous dites banco ?
BRUNO LE MAIRE
Je dis banco à tous ce qui permet de trouver une place pour les jeunes.
BENJAMIN SPORTOUCH
Donc pourquoi pas ?
BRUNO LE MAIRE
Ça peut être des primes, ça peut être des exonérations, vous verrez ce que nous avons retenu avec le Premier ministre et le président de la République, ce sera efficace et ce sera massif.
BENJAMIN SPORTOUCH
Est-ce que les emplois aidés, ça peut être un moyen que vous pouvez utiliser rapide et efficace pour faire baisser le chômage, Bruno LE MAIRE, vous les avez supprimés il y a quelque temps, est-ce que dans la période que nous traversons, est-ce qu'il faut y recourir à nouveau ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense que les emplois aidés n'ont pas apporté la preuve de leur efficacité sur le long terme. Nous verrons et je suis prudent où nous en sommes à la fin de l'année. Je l'ai toujours dit la même durée devant nous et c'est le dernier trimestre 2020 qui risque d'être le plus difficile pour l'emploi, donc nous verrons de manière très pragmatique ou avec le Premier ministre avec le président de la République où nous en sommes à la fin de l'année. Je n'écarte aucune option.
BENJAMIN SPORTOUCH
Donc vous n'écartez pas cette option des emplois aidés si jamais le chômage des jeunes notamment augmente trop ?
BRUNO LE MAIRE
Vous savez, je ne vais pas faire preuve de dogmatisme, les emplois aidés j'ai toujours considéré que c'était un pis-aller, que ça n'est pas être la solution pour l'emploi des jeunes et pour l'emploi tout court sur le long terme. Je suis prudent parce que je ne sais pas quel sera exactement la situation de l'emploi d'ici la fin de l'année et je me méfie des déclarations définitives où on vous dit ça jamais, cela dépendra de la situation de l'emploi dans laquelle nous sommes. Je considère qu'il y a des mesures beaucoup plus efficaces que les emplois aidés, mais aujourd'hui je ne veux écarter aucune option.
BENJAMIN SPORTOUCH
Justement à propos d'emploi selon une étude dévoilée ce matin par nos confrères du Parisien ? Les offres d'emploi retrouvent leur niveau de mars ? Est-ce que ça pourrait redémarrer plus vite que prévu et votre pronostic très pessimiste de 800000 chômeurs d'ici la fin de l'année, ne pas se réaliser Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Ce serait le plus beau des souhaits.
BENJAMIN SPORTOUCH
Oui, c'est possible ?
BRUNO LE MAIRE
Ça Prouve déjà une chose, c'est que la relance où nous avons engagé depuis maintenant 3 mois, 460 milliards d'euros qui ont été mis sur la table dès le 15 mars, avec force, avec rapidité, on n'a pas attendu d'être le 14 juillet pour réagir, ça marche. Ça marche sur les offres d'emploi parce que l'activité redémarre notamment dans le secteur industriel, ça marche parce que la consommation reprend, il y a quelques semaines nous étions à moins 30 % de consommation en France, aujourd'hui on est tout juste à moins 5 %, on a quasiment retrouvé la normale et dans certains secteurs que nous avons particulièrement soutenus comme l'industrie automobile, la vente de voitures, on est au-dessus du mois de juillet 2019.
BENJAMIN SPORTOUCH
Il y a un problème dans l'habillement, on l'entendait tout à l'heure, est-ce que vous pourriez lever un petit peu les restrictions sanitaires justement pour les aider dans la période des soldes qui arrive, vous savez on doit mettre en quarantaine des vêtements qu'on utilise par exemple, est-ce que ça vous pouvez envisager pour les jours à venir ?
BRUNO LE MAIRE
On peut simplifier les règles et ça fera partie de la relance, certainement pas…
BENJAMIN SPORTOUCH
Mais là tout de suite.
BRUNO LE MAIRE
Certainement pas les règles sanitaires et vraiment je veux ne laisser aucune ambiguïté là-dessus, aucun allégement des règles sanitaires on voit bien qu'au moment où il y a un risque d'une reprise de l'épidémie, ce serait tout simplement irresponsable.
BENJAMIN SPORTOUCH
Alors vous êtes en train de préparer un plan de relance de l'économie pour réparer les dégâts dus à la pandémie, vous allez faire cela fin août, début septembre, pourquoi pas maintenant Bruno LE MAIRE, l'Allemagne l'a fait, c'est 130 milliards qu'ils ont mis sur la table début juin, pourquoi attendre ?
BRUNO LE MAIRE
Parce que la relance, c'est maintenant. La relance, ce que je vous disais Benjamin SPORTOUCH, c'est les prêts garantis par l'Etat, 300 milliards d'euros, c'est les exonérations de charges dont bénéficient déjà les hôteliers et les restaurateurs, c'est le fonds de solidarité qui a fonctionné pour des centaines de milliers de petites entreprises, c'est chômage partiel, 30 milliards d'euros qui ont été mis sur la table…
BENJAMIN SPORTOUCH
C'est vous, c'est Jean CASTEX, Premier ministre qui parle d'un nouveau plan de relance. Donc on en a besoin, pourquoi ne pas le faire maintenant ?
BRUNO LE MAIRE
Benjamin SPORTOUCH, il faut procéder avec méthode, sans précipitation et en gardant notre sang-froid, il y a un objectif stratégique dans le plan de relance, l'emploi, il y a une ambition, c'est l'accélération de la transition écologique, il y a une méthode, c'est là Concertation et bien sûr il y a un calendrier. Une réaction immédiate et puissante, des mesures qui ont été adoptées au mois de juillet au parlement avec du soutien sectoriel à l'automobile à l'aéronautique, à l'hôtellerie, au café, au restaurant et le plan jeune qui sera adopté dès cet été…
BENJAMIN SPORTOUCH
Alors donc on n'a pas besoin d'un autre plan de relance.
BRUNO LE MAIRE
… tout de suite et puis lorsque viendra le moment le plus difficile, on sera bien content à la fin du mois d'août sans doute, de pouvoir présenter de nouvelles mesures de soutien aux entreprises, pour leur dire, on va alléger vos impôts, on va vous permettre d'être compétitifs, on va investir dans la transition écologique notamment sous la rénovation énergétique des bâtiments, sur l'hydrogène…
BENJAMIN SPORTOUCH
Xavier BERTRAND vous dit, c'est trop tard parce qu'il faut le faire maintenant pour faire en sorte que les mesures soient applicables dès septembre.
BRUNO LE MAIRE
Mais Xavier BERTRAND sait parfaitement que les mesures seront applicables dès le mois de septembre, il le sait, il sait parfaitement que les mesures pour l'emploi des jeunes, elles sont-elles applicables dès la fin du mois d'août, elles seront adoptées dès le mois de juillet. Je pense qu'il n'y a pas de place, Benjamin SPORTOUCH, pour la politique politicienne au moment où nous sommes confrontés à une crise économique aussi grave. Je pense qu'il y a de la place que pour la discussion et notamment avec les régions qui sont absolument stratégiques pour le succès du plan de relance parce que c'est elle qui le déclineront au niveau local.
BENJAMIN SPORTOUCH
Bruno LE MAIRE, vous allez leur supprimer a priori la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises justement pour alléger les impôts des entreprises, mais elles en sont les premières bénéficiaires ces régions.
BRUNO LE MAIRE
Il faut un petit peu de cohérence dans la vie politique Benjamin SPORTOUCH, c'est les mêmes qui viennent me voir et qui me disent, on a une usine qui ferme, on a une entreprise qui va pas bien, on voudrait relocaliser l'activité industrielle, je leur dis bien sûr vous avez parfaitement raison, mais qui voudraient en même temps garder un niveau d'impôts de production qui est 5 fois plus élevé qu'en Allemagne. Il faut savoir ce que l'on veut en politique encore plus quand on est en période de crise. Moi je dis de manière très claire comme je le dis depuis maintenant plusieurs mois il faut baisser massivement les impôts de production. Et dans ses impôts de production celui qui pèse le plus sur l'industrie puisque je veux réussir la reconquête industrielle de notre pays, cet impôt c'est la CVAE, je veux simplement être très clair, j'aurai l'occasion de le redire au président de l'Association des régions de France Renaud MUSELIER, aujourd'hui au déjeuner, nous compenserons la perte fiscale pour les régions, je comprends parfaitement que les régions nous disent on a besoin de recettes, nous le compenserons.
BENJAMIN SPORTOUCH
Jusqu'au dernier euro.
BRUNO LE MAIRE
Nous le compenserons avec une recette dynamique et nous le compenserons de manière intégrale.
BENJAMIN SPORTOUCH
Ils vont vous entendre certainement avec intérêt ce matin. Et puis il y a le pouvoir d'achat qui est important dans ce pays, des économistes qui conseillent le Premier ministre disent qu'il faut soutenir la consommation et par exemple un doublement de l'allocation de rentrée scolaire, est-ce que vous y êtes favorable, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je suis favorable à ce qu'il y ait des mesures pour les ménages les plus démunis, pour les plus fragiles, pour ceux qui souffrent le plus de la crise, je ne suis pas favorable à des mesures générales de relance de la consommation comme la baisse de la TVA, la baisse de la TVA généralisée c'est non.
BENJAMIN SPORTOUCH
Donc pas dans la restauration, ce ne sera pas 5,5.
BRUNO LE MAIRE
Pourquoi, tout simplement parce que ça coûte très cher et que ça crée peu d'emplois, c'est ce qu'on a vu d'ailleurs dans la restauration. Alors on me dit mais l'Allemagne, elle fait une baisse générale de la TVA, sauf qu'en Allemagne le taux de TVA dans la restauration il est à 19. Ils le baissent temporairement à 7, nous il perpétuellement à 10, je pense qu'il vaut mieux rester à 10 plutôt que de faire des allers-retours. Un dernier mot sur le pouvoir d'achat, Benjamin SPORTOUCH, le pouvoir d'achat, c'est le travail, le pouvoir d'achat, c'est l'emploi, c'est quand on a un travail…
BENJAMIN SPORTOUCH
Mais est-ce qu'il y a un problème de pouvoir d'achat dans notre pays aujourd'hui ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
C'est quand on a un travail, qu'on un salaire, qu'on a une rémunération que l'on a un pouvoir d'achat qui se tient.
BENJAMIN SPORTOUCH
Est-ce que les ménages modestes aujourd'hui qui nous écoutent ne risquent pas d'être les principales victimes de la crise et est-ce que, il n'y a pas un problème de pouvoir d'achat en France aujourd'hui, d'où cette préconisation de doublement de l'allocation de rentrée scolaire ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il faut être un tout petit peu plus précis, beaucoup de ménages à la faveur de la crise ont pu épargner, sans doute de l'ordre de 100 milliards d'euros d'ici la fin de l'année, moi ce que je souhaite c'est qu'ils puissent dépenser ces 100 milliards d'euros. Pour ça il y a une condition, c'est qu'on leur garantisse qu'il n'y aura aucune augmentation d'impôts d'ici la fin du quinquennat.
BENJAMIN SPORTOUCH
Et ça vous leur redite.
BRUNO LE MAIRE
Et c'est l'engagement que je prends, il n'y aura aucune augmentation d'impôts d'ici la fin du quinquennat. En revanche là où vous avez raison, c'est que pour les plus fragiles, ceux qui ont perdu leur emploi depuis longtemps, ceux qui n'arrivent pas à trouver leur place sur le marché du travail, pour tous ceux-là, il y a une difficulté et croyez-moi nous ne les laisserons pas tomber mais je souhaite que ces augmentations de pouvoir d'achat soient concentrées sur ceux qui en ont vraiment besoin et qui sont vraiment les plus fragiles.
BENJAMIN SPORTOUCH
Bruno LE MAIRE, juste ce plan de relance que vous allez activer ce sera entre 50 et 100 milliards, ça peut aller jusqu'à 100 milliards d'euros ?
BRUNO LE MAIRE
Ça peut aller très haut.
BENJAMIN SPORTOUCH
Jusqu'à 100 milliards ?
BRUNO LE MAIRE
Jusqu'à des chiffres que vous indiquez, là encore attendez les précisions du président de la République et du Premier ministre.
BENJAMIN SPORTOUCH
Et une toute dernière question politique, est-ce que vous êtes favorable à la proportionnelle intégrale aux législatives ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il n'est pas absurde d'introduire de la proportionnelle dans notre scrutin pour mieux représenter la diversité des opinions.
BENJAMIN SPORTOUCH
Mais pas intégrale.
BRUNO LE MAIRE
Une part de proportionnelle.
BENJAMIN SPORTOUCH
Merci Bruno LE MAIRE, très bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 juillet 2020