Interview de M. Olivier Dussopt, ministre des comptes publics, à CNews le 20 juillet 2020, sur la politique économique du gouvernement.

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Média : CNews

Texte intégral

DAMIEN FLEUROT
Bonjour Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

DAMIEN FLEUROT
Vous êtes le ministre délégué auprès du ministre de l'Economie en charge de nos Comptes publics, un ministère scruté dans un contexte de finances publiques particulièrement difficile. Vous avez d'ailleurs passé une toute petite nuit puisque vous venez de voter ce budget au Sénat, vous êtes un ministre du coup soulagé ce matin en partie, le plan de relance et les mesures liées à la crise sanitaire vont pouvoir s'appliquer ?

OLIVIER DUSSOPT
le plan de relance sera annoncé à la rentrée avec des mesures très complètes, mais depuis le début de cette crise nous avons présenté 3 projets de loi de finances rectificative pour adapter le budget de l'Etat à la crise et cette nuit le Sénat après tout un week-end de discussions à adopter le 3e projet de loi de finances rectificative.

DAMIEN FLEUROT
C'est un budget de crise, un budget d'urgence économique ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est à la fois une réponse à l'urgence mais aussi la préparation de la relance. avec ce 3e projet de finances rectificative, nous portons l'effort de l'Etat pour répondre à la crise à 130 milliards d'euros d'interventions directes, mais aussi à plus de 300 millions, de 300 milliards d'euros de garanties pour permettre aux entreprises d'avoir recours à l'emprunt pour financer le chômage partiel y compris le chômage partiel de longue durée, pour faciliter l'embauche. Cette nuit par exemple le Sénat a accepté avec un petit travail technique qui reste à faire, mais a accepté de voter le principe d'une prime à l'embauche pour les jeunes pour faire en sorte que les entreprises qui embauchent des jeunes dans les mois qui viennent soient accompagnées. Nous avons aussi…

DAMIEN FLEUROT
Avec des entreprises qui signeraient des CDD ou des CDI c'est ça ?

OLIVIER DUSSOPT
Oui avec des contrats suffisamment longs pour qu'ils ne soient pas précaires, mais nous voulons permettre à toute une génération qui va entrer sur le marché du travail cet été, à la rentrée prochaine, dans un contexte difficile avec des entreprises qui manquent encore un peu de visibilité, d'avoir cette chance d'intégrer le marché du travail. Mais au-delà le projet de loi de finances qui a été voté cette nuit finance aussi les aides aux plus fragiles, finance le la poursuite, je le disais du chômage partiel, la poursuite du fonds de solidarité pour les plus petites entreprises.

DAMIEN FLEUROT
Donc un budget d'amortissement social ou un budget de relance ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est un budget de réponse à la crise, mais c'est aussi un budget qui nous permet de financer les plans sectoriels dans l'automobile, dans l'aéronautique, dans le secteur du tourisme, faire en sorte par exemple et c'est permis par ce projet de loi, que les entreprises de moins de 10 salariés qui ont été fermées par décret pendant 3 mois, voient leurs chefs d'entreprise pardon exonérés de cotisations patronales pour cette durée, faire en sorte que les secteurs des cafés et des hôtels, des restaurants, le secteur touristique, culturel bénéficient aussi d'exonérations, c'est quelque chose qui n'est jamais arrivé jusqu'à présent et c'est un plan plus massif que n'importe quel plan qui a déjà été fait.

DAMIEN FLEUROT
Et alors que la situation sanitaire reste incertaine, qu'aujourd'hui eh bien le port du masque est rendu obligatoire dans les lieux clos, est-ce que Olivier DUSSOPT, il y aura un 4e budget rectificatif ce qui serait totalement inédit d'ailleurs ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y aura un plan de relance et le plan de relance sera à la fois financé par ce qui a été voté cette nuit, par des mesures réglementaires et par le projet de loi de finances pour 2021. Nous avons aujourd'hui la capacité de financer les actions de la relance jusqu'à la fin de l'année et le projet de loi de finances pour 2021 que nous présenterons dans ces grands axes début septembre avec Bruno LE MAIRE et qui sera ensuite présenté au conseil des ministres, permettra de financer le plan de relance 2021-2022. ce sont 100 milliards d'euros que nous prévoyons pour accompagner la reprise d'activité économique, pour accompagner la transition écologique et la transition énergétique, pour accompagner aussi celles et ceux qui souffrent le plus de la crise notre pays parce que nous avons une priorité, c'est créer de la richesse, créer de l'emploi parce que c'est en créant de la richesse et en créant de l'emploi que l'on répondra à la crise que nous connaissons.

DAMIEN FLEUROT
Comment est-ce que vous vous voyez justement à la tête de ce ministère, ce ministère du Budget où de tous les ministres viennent frapper à votre porte pour vous demander des fonds, des moyens en plus, alors ça peut fonctionner, Eric DUPOND-MORETTI, votre collègue Garde des Sceaux qui annonce qu'il aura eh bien des moyens en plus pour son ministère. Gérald DARMANIN, le ministre de l'Intérieur qui annonce une enveloppe par exemple de 75 millions d'euros de crédits pour doter ses agents de moyens supplémentaires, notamment renouveler la flotte de véhicules de la police et de la gendarmerie, comment est-ce que vous voyez votre mission ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est une mesure qui a effectivement été votée hier matin et qui permettra à Gérald DARMANIN de doter les policiers de voitures nouvelles de renouveler la flotte et c'est très bien.

DAMIEN FLEUROT
Donc vous dites oui à tout le monde.

OLIVIER DUSSOPT
Non.

DAMIEN FLEUROT
En ce moment, c'est l'argent magique.

OLIVIER DUSSOPT
Si mes collègues vous entendez, je ne sais pas sûr qu'ils soient d'accords, il y a un double objectif, il y a un objectif de relance et nous avons une enveloppe de 100 milliards d'euros, nous allons aussi la financer grâce au plan de relance européen, nous en reparlerons serait certainement. Et puis il y a un budget classique à conduire pour 2021 et ce budget que l'on appelle classique, il vise à la fois financer l'Etat, financer les politiques publiques et à financer nos priorités. Nous ne renonçons pas aux priorités du président de la République, améliorer la sécurité des Français, faire en sorte de rendre du pouvoir d'achat, nous avons depuis le début du quinquennat baisser les impôts des Français et des entreprises comme jamais et nous voulons maintenir cet avantage-là, ne pas revenir sur cette situation.

DAMIEN FLEUROT
C'est notamment le cas pour la taxe d'habitation, vous confirmez qu'elle sera bien abandonnée pour tous les Français, ceux qui la paye encore.

OLIVIER DUSSOPT
Le Premier ministre Jean CASTEX l'a dit très clairement, nous maintenons le cap…

DAMIEN FLEUROT
Le calendrier pour cette suppression de taxe d'habitation totale ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous maintenons le cap et au mois d'octobre prochain 80 % des Français ne paieront plus de taxes d'habitation.

DAMIEN FLEUROT
Et pour les 20 % ?

OLIVIER DUSSOPT
A partir de l'année prochaine les 20 % de Français qui continuent à la payer totalement aujourd'hui commenceront à la voir baisser.

DAMIEN FLEUROT
Mais quand vous dites on n'augmentera pas les impôts ? on vous entend et par ailleurs on voit ici ou là par exemple la ville de Paris qui se pose des questions comment financer ces contraintes sanitaires importantes et obligatoires parfois, eh bien l'adjoint aux finances de la Mairie de Paris évoque par exemple faire payer le stationnement des deux-roues et on a entendu Valérie PECRESSE dire, je vais devoir augmenter le pass Navigo, donc est-ce que il y a pas un discours de l'Etat qui dit, on n'augmente pas les impôts et puis ensuite localement les collectivités qui sont bien obligées de boucler leur budget et qui augmentent les taxes ?

OLIVIER DUSSOPT
Les collectivités sont libres, mais par contre l'Etat les aide à boucler leur budget. Il y a dans le projet de loi de finances que nous avons évoqué une disposition qui est totalement nouvelle, totalement inédite, lors de la dernière grande crise de 2008-2009 les collectivités n'ont pas été aidées pour leurs recettes de fonctionnement. Dans le projet de loi qui a été adopté cette nuit, qui sera adopté définitivement dans les prochains jours, nous avons introduit une clause, c'est un peu technique, qui dit que l'Etat garanti par une dotation aux communes, aux intercommunalités d'avoir cette année a minima le même niveau de recettes fiscales et domaniales que la moyenne pour 3 années.

DAMIEN FLEUROT
Donc c'est une façon de dire aux élus locaux, vous n'êtes pas obligé…

OLIVIER DUSSOPT
Nous leur donnons un filet de sécurité.

DAMIEN FLEUROT
D'accord.

OLIVIER DUSSOPT
Quand vous êtes maire, quand vous êtes président d'intercommunalités, vous avez la garantie que les dotations de l'Etat ne baissent pas et vous avez la garantie grâce à ce projet de loi de finances que vos recettes fiscales et domaniales, domaniale c'est le stationnement, c'est les redevances d'occupation du domaine public, soient au minimum sur la moyenne des 3 dernières années, c'est un vrai filet de sécurité.

DAMIEN FLEUROT
Olivier DUSSOPT, très rapidement cette dette Covid, on va la rembourser dans combien de temps, sur combien d'années ? L'Autriche par exemple vient d'émettre de nouvelles obligations à 100 ans.

OLIVIER DUSSOPT
La dette se rembourse toujours, c'est d'abord un principe et c'est aussi pour cela que même si nous mettons beaucoup de moyens pour répondre à la crise, il faut garder une certaine rigueur et que le budget 2021 que nous préparons indépendamment du plan de relance, du volet relance doit être un budget sérieux, le plus équilibré possible. Nous travaillons avec Bruno LE MAIRE à ce que cette dette liée au Covid puisse être bien définie.

DAMIEN FLEUROT
D'accord combien d'années ?

OLIVIER DUSSOPT
Et qu'on puisse la rembourser sur du long terme. Aujourd'hui je ne peux pas vous dire si c'est 20 ans, si c'est 30 ans, si c'est 40 ans, il faut la rembourser sur du long terme.

DAMIEN FLEUROT
100 ans…

OLIVIER DUSSOPT
Ça me paraît un peu long. Mais la rembourser sur du long terme de manière à ce que ce ne soit pas un poids les 5, 10, 15 ans qui viennent.

DAMIEN FLEUROT
C'est notre voisin autrichien et on est à un carrefour là de l'avenir, de l'avancée du projet européen avec un conseil qui n'avance pas, après une nuit de consultation, un conseil sur ce plan de relance qui doit reprendre cet après-midi, est-ce que si les discussions n'aboutissent pas cela peut eh bien engendrer des conséquences pour nous les Français parce qu'on attend beaucoup de la relance européenne ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y aurait surtout des conséquences pour l'Europe. Le conseil qui se tient actuellement amène les dirigeants européens à faire un choix, le choix de la solidarité, le choix de la relance ou le choix d'une forme d'égoïsme et de retranchement sur des positions nationales. Le président de la République forme un axe extrêmement fort avec la chancelière, avec Angela MERKEL, ils poussent, ils sont solidaires.

DAMIEN FLEUROT
Ils sont solidaires mais pour l'instant ça n'aboutit pas.

OLIVIER DUSSOPT
Ils ont passé le week-end à négocier, ils sont tous les deux favorables à un plan de relance massif. Il y a ce qu'on appelle les pays frugaux, ceux qui ne voudraient pas engager de trop de dépenses pour faire face à la crise, il faut les convaincre. Emmanuel MACRON et Angela MERKEL ont fait des propositions de compromis et le soumet, le Conseil qui dure encore à l'heure nous parlons, devrait certainement trouver une solution, en tout cas nous savons que les discussions continuent et que cet après-midi une nouvelle proposition sera faite. nous avons un grand intérêt à ce que ce plan de relance aboutisse, intérêt pour la France parce que nous avons un plan de relance nous-mêmes qu'il faut cofinancer par des crédits européens et un intérêt pour l'Europe parce que si on laisse tel ou tel pays, pas nécessairement le nôtre, mais les pays les plus fragiles face à cette difficulté seule sans la solidarité européenne, sans l'accompagnement européen, c'est aussi un risque de disques de dislocation. Donc le président de la République et la chancelière font un front commun aujourd'hui c'est heureux, ça nous rend fier mais ça nous rend aussi plein d'espoir.

DAMIEN FLEUROT
Alors on est à l'heure d'un remaniement, on attend la nomination de secrétaire d'Etat dans les prochaines heures, les prochains jours, on nous a parlé d'un gouvernement de combat avec cette projection vers 2022, l'élection présidentielle, on s'organise à gauche dans l'opposition avec cette initiative de Laurent JOFFRIN, le journaliste de Libération qui lance aujourd'hui son mouvement politique. Olivier DUSSOPT, vous venez de la gauche du Parti socialiste, est-ce que quand vous voyez vos anciens collègues, vos anciens amis et amies peut-être toujours s'organiser, vous vous dites, c'est sérieux, c'est bien enfin eh bien que ce camp social-démocrate prenne forme par rapport par exemple au courant incarné par Jean-Luc MELENCHON ?

OLIVIER DUSSOPT
Je crois surtout que c'est une illustration de plus de la fracturation de la gauche, entre celles et ceux qui croient encore à la social-démocratie qui essaient de s'y raccrocher et puis à celles et ceux qui se mettent dans la roue de La France insoumise et qui rentrent dans une forme de protestation. C'est aussi la démonstration pour ceux qui en doutaient que François HOLLANDE n'est jamais loin de la politique.

DAMIEN FLEUROT
Parce qu'ils sont proches, c'est pour cette raison que vous pensez que l'ancien président de la République a encore…

OLIVIER DUSSOPT
C'est peut-être un signe effectivement, mais c'est à lui de le dire et à eux de le dire, je vois surtout ça comme une fracturation, comme peut-être être cette éternelle tentation, cette éternelle tendance à vouloir créer chapelle et sur-chapelle, donc je le regarde avec une forme d'attention parce qu'il y a des choses qui peuvent être intéressantes de dites, de là à y croire je ne franchis pas ce pas.

DAMIEN FLEUROT
Et vous continuez vous à structurer ce mouvement d'une gauche au sein du pôle de la majorité présidentielle avec Jean-Yves LE DRIAN ?

OLIVIER DUSSOPT
il y a dans la majorité présidentielle des hommes et des femmes attachés à la social-démocratie, Jean-Yves LE DRIAN et moi en font partie avec d'autres de nos collègues du gouvernement, avec des parlementaires et nous pensons avec Jean-Yves LE DRIAN que toutes celles et ceux qui sont attachés à la sociale démocratie, attachés aux progressistes, qui veulent venir à nos côtés valoriser ce que nous faisons sur le reste à charge zéro, sur l'éducation, sur la protection des plus fragiles sont les bienvenus et nous y travaillons.

DAMIEN FLEUROT
Merci beaucoup.

OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.

DAMIEN FLEUROT
Olivier DUSSOPT d'avoir répondu à nos questions ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 juillet 2020