Interview de Mme Marléne Schiappa, ministre de la citoyenneté, à Europe 1 le 21 juillet 2020, sur les attributions de son ministère.

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Média : Europe 1

Texte intégral

JOURNALISTE
L'interview politique d'Europe 1. François GEFFRIER, vous recevez la ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la Citoyenneté.

FRANÇOIS GEFFRIER
Bonjour Marlène SCHIAPPA.

MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.

FRANÇOIS GEFFRIER
C'est l'information tombée au petit matin, cet accord, enfin à Bruxelles, sur le plan de relance de l'Union européenne. « Un jour historique pour l'Europe », dit Emmanuel MACRON. C'est une victoire politique pour lui, face à ses homologues ?

MARLENE SCHIAPPA
C'est absolument une victoire du président de la République, et une victoire pour la France, et je dirais même, pour le couple franco-allemand, parce que cet accord, c'est l'aboutissement, on l'a vu, de nombreuses heures, voire jours, de travail…

FRANÇOIS GEFFRIER
4 jours et 4 nuits.

MARLENE SCHIAPPA
Exactement, je crois que c'est l'un des plus longs, si ce n'est le plus long en termes de discussions, mais c'est aussi l'aboutissement de trois ans d'engagement du président de la République, pour remettre l'Europe au centre du jeu, et puis pour travailler, comme l'ont fait Jean-Yves LE DRIAN et Amélie de MONTCHALIN pendant ces trois dernières années, à reconstruire un vrai couple franco-allemand fort, et à reconstruire une Europe forte sur la scène internationale, et solidaire. Et ça je crois que c'est important, parce que ce qui ressort de cet accord, c'est une vraie ambition pour l'Europe, mais aussi une vraie solidarité entre les pays européens.

FRANÇOIS GEFFRIER
Alors, ça lui a tout de même coûté beaucoup, à Emmanuel MACRON, pas seulement des heures de sommeil, il a dû revoir ses ambitions, un petit peu, 110 milliards d'euros de subventions de moins dans l'équilibre global du plan. Ce n'est pas une paille, 110 milliards.

MARLENE SCHIAPPA
Non, vous savez, je crois qu'il y a des discussions qui mènent, des compromis, et quand on arrive au début de ces négociations, tous les observateurs disaient : on n'arrivera pas, ils ne vont pas aboutir, ça va être trop difficile, il y a trop de divergences de vues entre les différents pays, etc. Et en fait, avec l'impulsion du président Emmanuel MACRON et de la chancelière MERKEL, je crois que les pays européens ont réussi à faire converger leurs vues et à s'engage. Comme vous le disiez, ce n'est pas une paille, les montants qui ont été, sur lesquels on a abouti, ce n'est pas une paille non plus, et ça va considérablement soutenir notamment le plan de relance en France, et ça c'est important.

FRANÇOIS GEFFRIER
Marlène SCHIAPPA, l'autre information de la nuit, qui nous a bouleversés hier soir, la mort de 5 enfants dans un accident de voiture dans la Drôme. Le préfet était en direct sur Europe 1, dans le journal de 08h00. A ce stade, vous n'avez pas plus d'informations, ni sur le départ du feu dans le véhicule, ni sur l'état de santé des 4 blessés ?

MARLENE SCHIAPPA
Non. D'abord je crois qu'il faut absolument s'adresser des pensées chaleureuses, d'empathie, aux proches des victimes. C'est un accident terrible, dans lequel des enfants ont péri et, voilà, sont victimes de cet accident. Dès lors que nous en avions eu connaissance, nous étions place Beauvau, le ministre Gérald DARMANIN s'est rendu sur place avec le ministre Jean-Baptiste DJEBBARI, qui est chargé des transports, pour saluer l'engagement des forces de l'ordre, mais surtout pour soutenir les victimes de cet accident, qui est terrible, et qui nous a tous bouleversés. Parce qu'un accident de la route dramatique comme cela, ça nous touche, d'autant plus qu'il y a des enfants en bas âge, plusieurs, qui sont victimes de cet accident.

FRANÇOIS GEFFRIER
Si ça n'avait pas été Gérald DARMANIN, est-ce que ça aurait été votre rôle, en tant que ministre déléguée à l'Intérieur, de vous rendre sur place ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, vous savez, moi je me suis rendue sur place hier, aux obsèques de Philippe MONGUILLOT, ce conducteur de bus de Bayonne un qui a été tué dans l'exercice de ses fonctions, lâchement et sauvagement. Et je suis allée remettre la médaille d'acte de courage et de dévouement à sa veuve Véronique, et soutenir ses 3 filles qui sont orphelines de père suite à cet acte inadmissible de violence et de haine. Et donc oui, évidemment, en tant que ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, je suis fondée effectivement à intervenir sur ce type de faits, oui.

FRANÇOIS GEFFRIER
Alors, votre cabinet va présenter aujourd'hui à la Presse le périmètre de votre portefeuille. Nous sommes 15 jours après votre nomination, ça veut dire que ça n'a pas été simple de tirer au clair votre feuille de route ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, j'attire votre attention sur le fait que les décrets d'attribution des ministres délégués, ne sont pas encore parus, et encore moins ceux des secrétaires d'Etat.

FRANÇOIS GEFFRIER
Donc, ce n'est toujours pas clair.

MARLENE SCHIAPPA
Mais, pardon, ce n'est pas que ce n'est pas clair, juste en fait, il y a quelques process, et quand un ministre est nommé, il y a des décrets d'attribution, et ensuite des feuilles de route. Et les décrets d'attribution d'aucun ministre délégué, quel qu'il soit, n'est encore paru, et ni d'aucun secrétaire d'Etat. Donc simplement, le gouvernement est en train de s'installer. Le Premier ministre, Jean CASTEX, donne ses directives. Il y a des décrets d'attributions qui vont paraître, et comme c'est un ministère qui est créé, il nous a semblé opportun d'en présenter les contours, à la fois l'engagement au ministère de l'Intérieur, avec Gérald DARMANIN, mais aussi à périmètre qui concerne les actions de citoyenneté, d'intégration, de cohésion nationale, de laïcité, et puis également de protection des femmes, puisque l'engagement des forces de l'ordre est important. Les forces de leur sont en première ligne pour soutenir les femmes face aux violences conjugales. Et je voudrais ici remercier encore une fois les policiers et les gendarmes qui se mobilisent pour sauver les vies de ces femmes tous les jours.

FRANÇOIS GEFFRIER
Alors, protection des femmes si on reprend, laïcité, intégration aussi, vous avez prononcé ce mot.

MARLENE SCHIAPPA
Oui.

FRANÇOIS GEFFRIER
Je voudrais parler d'Amadou DIALLO, 20 ans, Guinéen sans-papiers, qui a obtenu hier l'asile politique en Grèce, ce qui ouvre la voie à son accueil par la France pour des études à Sciences Po Paris, une école où il a été admis. C'est un dossier sur lequel vous êtes intervenue. C'est quoi, c'est un premier marqueur concret de votre champ de compétences ? Mais en même temps, est-ce que c'est le rôle des ministres de s'impliquer sur des cas individuels ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi, je crois que c'est le rôle des ministres de mettre en oeuvre leur politique, et c'est ce que le président de la République appelle le dernier kilomètre. Si on a des lois, on a des grands principes, on fait des grands discours, mais que ça n'est pas appliqué concrètement, eh bien je crois qu'on n'arrive à rien. Et là, effectivement, l'histoire de ce jeune homme, elle a ému beaucoup de monde, parce que c'est un réfugié qui a un talent, qui a été accepté à Sciences Po Paris, et donc on est heureux à Paris et en France d'attirer les talents du monde entier, d'où qu'ils viennent, et notamment des réfugiés, mais il était bloqué pour des questions administratives, ce jeune homme guinéen, en Grèce. Et donc effectivement, les services du ministère de l'Intérieur et du Quai d'Orsay, se sont mobilisés avec la Grèce, il a pu obtenir l'asile en Grèce, et donc désormais il y a un visa qui va être attribué par la France, pour que ce jeune homme puisse faire ses études à Sciences Po, et peut-être, qui sait, occuper par la suite, des responsabilités en France.

FRANÇOIS GEFFRIER
Donc voilà un de vos tous premiers dossiers…

MARLENE SCHIAPPA
C'est une belle histoire.

FRANÇOIS GEFFRIER
Est-ce que vous allez vous engager sur les sujets sécurité, d'ordre public, de lutte contre le terrorisme ? Au fond, est-ce que vous êtes la deuxième flic de France ?

MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, Gérald DARMANIN dit souvent que le ministère de l'Intérieur c'est le premier des ministères sociaux. Et moi je crois profondément cela. Je crois que c'est un ministère aussi de protection. Et oui, bien sûr je suis engagée auprès du ministre de l'Intérieur sur toutes ces questions, notamment nous allons travailler, le Premier ministre Jean CASTEX l'a annoncé, sur un projet de loi de lutte contre les séparatismes.

FRANÇOIS GEFFRIER
Pour septembre.

MARLENE SCHIAPPA
Exactement, pour septembre. Donc je crois qu'il sera présenté en septembre.

FRANÇOIS GEFFRIER
Il y aura une loi.

MARLENE SCHIAPPA
Il y aura une loi, absolument, contre les séparatismes, et nous sommes en train d'y travailler, avec les différentes parties prenantes, et notamment bien sûr les parlementaires. Mais je crois que c'est important aussi pour la cohésion nationale, de rappeler que les lois de la République sont au-dessus de tout et qu'aucune coutume n'est supérieure aux lois de la République, et que ceux qui veulent attaquer la République et son unité, nous trouveront sur leur chemin.

FRANÇOIS GEFFRIER
Mais là, vous parlez des lois qui existent déjà, donc qu'est-ce que vous allez mettre dans une nouvelle loi, si ce n'est pour rappeler aux gens de respecter les lois existantes ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, précédemment, c'était effectivement des lois qui existaient déjà, et là c'est une nouvelle loi, parce qu'il ne vous aura pas échappé qu'il y a des nouveaux défis. Il y a des nouvelles attaques vis-à-vis de la République, et le gouvernement a agi. Depuis 3 ans le gouvernement d'Edouard PHILIPPE avait, avec Christophe CASTANER et Laurent NUNEZ, notamment fait fermer un certain nombre de lieux problématiques, je pense à des débits de boissons, je pense à des écoles qui étaient des écoles qui enseignaient des choses qui sont contraires aux valeurs de la République, et dans les valeurs de la République il y a la laïcité, il y a aussi l'égalité entre les femmes et les hommes. Moi je ne peux pas accepter qu'il y ait dans certains endroits des difficultés pour les femmes de sortir, de sortir vêtues comme elles le souhaitent, d'ailleurs c'est pour ça que j'avais fait voter la loi contre le harcèlement de rue. Et c'est la raison pour laquelle avec Gérald DARMANIN nous sommes allés à La Chapelle, notre première sortie commune, dans un quartier dit de reconquête…

FRANÇOIS GEFFRIER
Au Nord de Paris.

MARLENE SCHIAPPA
Exactement, dans un quartier dit de reconquête républicaine, pour accompagner les forces de l'ordre dans cette reconquête de l'espace public, pour que ce soit la liberté pour chacun, et surtout pour chacune, de circuler librement.

FRANÇOIS GEFFRIER
Marlène SCHIAPPA, on vous a entendue sur les procédures judiciaires dont Gérald DARMANIN fait l'objet. Vous avez rappelé la présomption d'innocence, mais l'émotion, vous le savez, va demeurer, tant que la justice n'aura pas définitivement tranché. Est-ce que, comme la ministre déléguée qui vous a succédée à l'égalité entre les femmes et les hommes, Elisabeth MORENO, vous diriez à Gérald DARMANIN, à la Place Beauvau, en rentrant d'Europe 1 : « Ton sujet va être un boulet à porter pour moi » ?

MARLENE SCHIAPPA
Vous savez, d'abord, je crois que les Français ne s'intéressent pas tellement aux conversations en interne entre les ministres, et ils s'intéressent plus à ce que l'on fait.

FRANÇOIS GEFFRIER
Non, mais vous êtes très engagée sur ces questions vous avez un parcours militant, associatif…

MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, plus qu'engagée.

FRANÇOIS GEFFRIER
... une crédibilité, plus qu'engagée, vous le dites.

MARLENE SCHIAPPA
Oui, écoutez, je me suis exprimée à peu près 47 fois sur ce sujet, je ne vais pas remettre de tunes dans le jukebox, comme on disait à l'époque. Moi j'ai dit tout ce que j'avais à dire sur ce sujet, maintenant j'aimerais qu'on s'intéresse un peu au fond de l'action que je mène et que nous menons au ministère de l'Intérieur, notamment pour protéger les femmes. Nous engageons cette année 230 millions d'euros pour la formation des policiers et des gendarmes. Et moi, ce que je veux, c'est que toutes les femmes qui veulent déposer plainte pour des violences sexistes et sexuelles, puissent le faire. Qu'elles déposent plainte contre le boulanger contre un ministre, contre quelqu'un de connu ou contre le voisin ou un membre de leur famille, que 100 % des plaintes soient prises, que 100 % des plaintes soient transmises au Parquet, qu'elles soient bien qualifiées, et qu'ensuite la justice puisse passer pour protéger ces femmes.

FRANÇOIS GEFFRIER
Sur ce sujet, et pardon de reposer une question qui est peut-être de l'ordre des conversations entre ministres, mais Elisabeth MORENO, qui vous succède donc à l'égalité femmes/hommes, est-ce que comme elle vous auriez dit, dimanche dans le journal Le Parisien : « Je veux que les féminicides passent de 170 actuellement identifiés, à 10 par an, alors je pourrai mourir tranquille » ? Il y a au moins deux, trois maladresses dans cette phrase.

MARLENE SCHIAPPA
Oh je ne suis pas l'arbitre des élégances. Moi, ce que j'observe, c'est qu'il est effectivement important de réduire le nombre de féminicides. Il y aurait, et je suis très prudente, parce que je crois qu'il faut être très prudent sur ces sujets, il y aurait une légère baisse du nombre de féminicides depuis le début de l'année, c'est ce que nous avions constaté avec Nicole BELLOUBET. Maintenant, est-ce qu'on peut le mettre sur le compte des politiques publiques…

FRANÇOIS GEFFRIER
C'est-à-dire que vous avez un chiffre ?

MARLENE SCHIAPPA
Non, je veux être très prudente là-dessus, mais habituellement on est entre 150 et 170 par an, si je compte les morts violentes dans le couple, pour l'appellation technique, et là depuis le début de l'année, il y en aurait un peu moins par rapport à l'année précédente, on serait passé en gros de un tous les 2,8 jours sur la fin de l'année 2019, à un tous les 4,4 jours sur le début de l'année 2020. Mais ce sont des chiffres, et ça ne veut rien dire, puisqu'on parle de vies de femmes et de vies humaines…

FRANÇOIS GEFFRIER
Ce sont des cas individuels, oui.

MARLENE SCHIAPPA
Exactement, et donc là on a une légère baisse. Je ne peux pas vous dire…

FRANÇOIS GEFFRIER
Ça peut être lié au confinement ou... ?

MARLENE SCHIAPPA
Voilà, c'est ce que j'allais dire. Je ne peux pas vous dire si c'est lié aux politiques publiques qu'on a mises en place et au réveil de toute la société contre les féminicides, ou si c'est lié au continent, parce que très souvent ces féminicides surviennent au moment de la séparation. De fait, le confinement a empêché physiquement ces séparations, néanmoins le déconfinement n'a pas donné lieu à une vague, et si je peux m'exprimer ainsi, de féminicides. Donc soyons très prudents, et soyons au travail, et toute vie de femme que nous pouvons sauver nous le ferons, et les forces de l'ordre sont très mobilisées sur cette question.

FRANÇOIS GEFFRIER
Marlène SCHIAPPA, qui reste donc mobilisée. Changement de ministère, changement de d'hôtel particulier dans la République, mais en tout cas maintien de cette mobilisation contre les violences faites aux femmes…

MARLENE SCHIAPPA
De tout le gouvernement.

FRANÇOIS GEFFRIER
Voilà, c'est ce que l'on retient. Merci Marlène SCHIAPPA.

MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.

FRANÇOIS GEFFRIER
Ministre déléguée à la Citoyenneté, invitée d'Europe 1 ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 juillet 2020