Texte intégral
LAURENT NEUMANN
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Laurent NEUMANN.
LAURENT NEUMANN
Merci d'avoir accepté l'invitation de BFM TV et de RMC. Vous êtes ministre déléguée chargée de l'Industrie. On va évidemment parler de l'industrie, on va parler d'emploi. Je voudrais qu'on parle d'abord des masses. J'allais dire, vous êtes un peu la ministre des masques, d'une certaine manière. D'abord, une question, tous les Français se la posent : depuis lundi, le masque est obligatoire dans les lieux clos, sous peine d'amende d'ailleurs de 135 €, d'abord cette question toute simple, est-ce qu'on est sûr que cette fois il y aura des masques pour tout le monde ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, on en est sûr, puisqu'il y a beaucoup de stocks, de stocks dans l'Etat, de stocks de masques grand public, ceux dont j'avais la charge, et de stocks de masques sanitaires. Et puis on a une production française aujourd'hui.
LAURENT NEUMANN
Alors, c'était ma deuxième question : où on en est des masques produits sur le sol français, par des entreprises françaises ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Sur le sol. Français, par des entreprises françaises, c'est 50 millions par semaine, de masques sanitaires. Pour donner une idée, on était à 3,5 millions de masques en début d'année, donc on a fait fois 10. Et pour les masques grand public, on a une capacité de production qui n'est pas activée aujourd'hui, parce qu'en fait on a trop de capacités de production en France, de 25 millions de masques textiles, lavables, réutilisables, et je le redis ici, ces masques il faut les préférer, parce qu'ils sont très filtrants, plus de 90 % des particules de 3 microns, beaucoup plus écologiques, et bien meilleurs pour votre budget, et pour l'essentiel ils sont fabriqués en France.
LAURENT NEUMANN
Donc, ça veut dire que chaque Français qui devra satisfaire à cette obligation de port du masque, n'aura aucun problème pendant les semaines, les mois qui viennent, pour trouver des masques partout.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout-à-fait. Ils sont vendus dans l'ensemble des magasins, non seulement les couturiers, les artisans, mais également dans la grande distribution, dans les petits commerçants, et vous pouvez également vous en procurer dans les pharmacies. Donc, que ce soit en termes de circuits de distribution ou que ce soit en termes de capacités de production, on est très largement en capacité de servir l'ensemble des Français.
LAURENT NEUMANN
Il y a un petit problème quand même sur le prix. Vous avez d'une certaine manière plafonné, encadré, je ne sais pas comment il faut dire, le prix des masques dits chirurgicaux, autour de 95 centimes. Pour beaucoup de foyers c'est quand même très élevé. Est-ce qu'on ne peut pas faire mieux sur ces prix, d'autant que maintenant on les produits nous-mêmes ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, moi je m'inscris en faux dans cette approche, parce que le masque lavable réutilisable…
LAURENT NEUMANN
C'est ce qu'il y a de moins cher.
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est 10 à 20 centimes par usage. Le masque effectivement chirurgical il est plafonné à 95 centimes d'euro, mais dans 90 % des cas, fort heureusement…
LAURENT NEUMANN
Donc, ce que vous dites aux Français ce matin, c'est : oubliez les masques chirurgicaux, équipez-vous de masques textiles, les masques grand public.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement. On les lave avec les serviettes de bain à 60°, une fois par semaine, et vous en avez pour 20 semaines, sur certains masques pour 30 semaines. Donc c'est beaucoup plus confortable, c'est beaucoup plus écologique, et c'est nettement meilleur pour votre budget.
LAURENT NEUMANN
Olivier VERAN, le ministre de la Santé, a dit hier qu'il allait distribuer 40 millions de masques à 7 millions de foyers. On peut comprendre que ce sont les foyers les plus démunis, les plus fragiles sur le plan financier. Gratuits pour les plus démunis, payants pour les autres, est-ce que ce n'est pas contraire aux principes de l'égalité républicaine ? Au fond, devant la santé, on est tous égaux, donc pourquoi pas gratuits pour tout le monde ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, c'est le principe de l'impôt progressif, c'est chacun selon ses moyens. Et puis je veux rappeler qu'en réalité…
LAURENT NEUMANN
Ce n'est pas le cas, pardon je vous interromps, ce n'est pas le cas pour la santé. Les médicaments, ce n'est pas gratuit selon ses revenus. Si on considère que le masque c'est un médicament qui nous protège et qui protège les autres, pourquoi pas gratuit pour tout le monde, comme un médicament ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien d'abord, vous n'avez pas beaucoup de médicaments gratuits, vous avez un ticket modérateur, vous devez prendre une mutuelle, cela vous coûte de l'argent en règle générale, donc ce n'est pas gratuit la santé, là encore, sauf pour les gens qui ont la CMU, donc vous retrouvez la même logique. Et puis encore une fois, le masque vous en consommez en moyenne un par jour, parce que vous n'êtes pas 8 heures durant dans les grands magasins ou au cinéma. Et le reste du temps…
LAURENT NEUMANN
Donc vous contestez les chiffres qui sont sortis, quand on dit 228 € pour une famille de quatre personnes…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non mais ces chiffres sont parfaitement délirants. La réalité, c'est qu'avec un masque à 10 centimes l'usage, par jour, que vous portez pour sortir, pour vos loisirs, puisque lorsque vous travaillez, vous êtes équipé par votre employeur, les enfants dans les écoles, je veux le redire, sont équipés, ils seront équipés à la rentrée prochaine. Nous avons des stocks pour les lycéens et pour les collégiens. Donc un masque par jour, 7 jours par semaine, 30 jours par mois, à 10 centimes, ça fait 3 €.
LAURENT NEUMANN
D'accord.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et les enfants de moins de 11 ans peuvent ne pas porter de masque.
LAURENT NEUMANN
Eux n'en portent pas.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement.
LAURENT NEUMANN
Alors, il y a les masques et puis il y a l'emploi. C'est quand même un sujet fondamental pour vous, vous êtes ministre chargée de l'Industrie. Je voudrais ce matin qu'on parle d'emploi, mais qu'on soit extrêmement concrets. On va commencer par AIRBUS. Cet après-midi, vous vous rendez à Toulouse, vous allez rencontrer la direction d'AIRBUS et les représentants des salariés. Vous me dites si je me trompe, mais 15 000 emplois supprimés chez AIRBUS, dont 5 000 en France, et de l'autre côté un plan d'urgence pour aider l'aéronautique de 15 milliards d'euros, c'est bien ça. C'est quoi la contrepartie ? Cet argent, une partie de cet argent va aller à AIRBUS, mais AIRBUS supprime des emplois. C'est quoi la contrepartie sociale que vous, le gouvernement, vous pouvez exiger ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Typiquement, chez AIRBUS vous avez une annonce à 5 000 emplois, et grâce à ce plan, ça va se transformer en 3 500 emplois. Premier point. Deuxième point, c'est un plan de départs volontaires, c'est-à-dire que ce que nous demandons à AIRBUS…
LAURENT NEUMANN
Pas de licenciements.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce que je demande à AIRBUS, c'est d'avoir une cible de zéro départ contraint. Zéro départ contraint. Ce qui n'est pas du tout la même chose que de mettre les gens à la porte, comme ça, du jour au lendemain.
LAURENT NEUMANN
Pardonnez-moi. Les mots sont importants. C'est une cible ou c'est une exigence du gouvernement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est une cible, parce que je... il faut du dialogue social, et que le dialogue social aille jusqu'au bout, et nous sommes extrêmement présents dans dialogue social et c'est le sens de mon déplacement à Toulouse.
LAURENT NEUMANN
Est-ce que vous pouvez dire par exemple ce matin qu'il n'y aura pas de suppressions de postes, de fermetures, sur les lignes d'assemblage à Toulouse, notamment sur les gros porteurs, l'A320 ? A Toulouse tout le monde attend cette réponse.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais attendez, le sujet de l'activité d'AIRBUS, ce n'est pas l'Etat, c'est les commandes. Je crois que tout le monde a quand même compris que l'aéronautique s'est effondrée, les carnets de commandes…
LAURENT NEUMANN
Une baisse de 40 % à peu près.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, 40 % de moins, et on parle d'une suppression de moins de 10 % des emplois, pas des personnes, c'est là où c'est très important. Donc on est face à une crise qui est absolument inédite. Nous avons pris nos responsabilités avec le plan massif que vous indiquez, 15 milliards d'euros. 15 milliards d'euros, ce n'est pas que pour AIRBUS…
LAURENT NEUMANN
Bien sûr. On va parler d'AIR FRANCE, on va parler du secteur.
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est pour l'ensemble du secteur, c'est notamment pour les PME et les entreprises de tailles intermédiaires, parce que c'est elles qui nous inquiètent le plus aujourd'hui.
LAURENT NEUMANN
C'est ma deuxième question, vous vous occupez de l'emploi chez AIRBUS, très bien, mais il y a les milliers de sous-traitants qui travaillent tous les jours avec AIRBUS. Si AIRBUS va mal, les sous-traitants vont encore plus mal.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais si les commandes diminuent, si l'ensemble des compagnies aériennes mondiales ne sont plus en capacité d'acheter des avions, c'est effectivement AIRBUS qui trinque, mais c'est l'ensemble de la chaîne de sous-traitance, et c'est pour ça…
LAURENT NEUMANN
Qu'est-ce qu'on fait pour les sous-traitants ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et c'est pour ça Laurent NEUMANN, que nous, nous sommes au rendez-vous, que nous avons un plan qui a été annoncé le 9 juin dernier, que ce plan il est aujourd'hui quasiment voté, parce que nous sommes dans un pays démocratique, il faut faire le chemin de l'Assemblée nationale et du Sénat, c'est fait, que l'argent arrive maintenant, et va permettre effectivement de sauver ces entreprises. Et je veux rappeler que dans le travail sur des entreprises en difficulté, les résultats de Bercy c'est qu'on sauve neuf dossiers sur dix. Neuf dossiers sur dix.
LAURENT NEUMANN
Mais soyons concrets. Les milliers de sous-traitants d'AIRBUS, je crois qu'il y a 24 000 entreprises qui travaillent pour AIRBUS, on fait quoi pour elles, concrètement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien c'est ce que je vous dis, concrètement c'est : du chômage partiel de longue durée, donc ça, ça sauve immédiatement des emplois, c'est 1,5 milliard investi sur la R&D, la R&D notamment privée, ce qui permet…
LAURENT NEUMANN
Recherche développement.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Recherche développement, ce qui permet de continuer à faire travailler les équipes d'ingénieurs, de techniciens et de préparer l'avenir, et de préparer en plus la transition écologique, parce que moi je suis confrontée à des gens qui me disent : l'avion c'est polluant, mais il faut sauver les emplois dans l'aviation. C'est magique, mais ce n'est pas comme ça que ça se passe. Ça se passe justement en ayant la trajectoire et le plan ambitieux que nous avons, qui est à la fois de construire l'avion décarboné de demain, en 2035, donc en continuant à investir dans la recherche et développement, et en faisant en sorte que tous les ingénieurs, tous les techniciens, puissent continuer à travailler grâce au soutien de l'Etat. En continuant à soutenir les opérateurs, les techniciens, les gens sur la ligne, en disant : eh bien on n'a pas de travail pour 5 jours sur 5, mais on va en prendre en charge 2 jours, et vous vous continuerez à travailler 3 jours. Collectivement, et on va soutenir ça…
LAURENT NEUMANN
Sans perte de salaire pour les salariés.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça c'est une discussion à avoir aussi…
LAURENT NEUMANN
C'est important.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien non, parce que c'est 84% de salaire, 84% de salaire pour ceux qui gagnent 2 Smic, 3 Smic etc. A un Smic c'est 100 % du salaire, c'était ce sur quoi nous nous étions engagés, et là aussi c'est un effort collectif sur lequel nous travaillons.
LAURENT NEUMANN
On a parlé d'AIRBUS, vous avez évoqué un plan de décarbonation, ce sera pour la rentrée je crois, mais restons sur le secteur de l'aéronautique, AIR FRANCE, j'ai regardé, même chose, 7 500 suppressions de postes, et là encore l'Etat a joué son rôle, vous avez prêté de l'argent, vous êtes actionnaire, l'Etat est actionnaire d'AIR FRANCE…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.
LAURENT NEUMANN
Je crois qu'il y a 7 milliards d'euros qui ont été mis sur la table, et là encore on se pose la question : 7 milliards d'un côté, 7 000 suppressions de postes, est-ce qu'on ne peut pas faire mieux ? Qu'est-ce que l'Etat peut faire pour obtenir des contreparties sociales ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais Laurent NEUMANN, vous préférez qu'AIR FRANCE dépose le bilan ?
LAURENT NEUMANN
Ah non, mais le choix c'est le dépôt de bilan ou le…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et là c'est des dizaines de milliers d'emplois. Encore une fois, ces entreprises, elles se sont retrouvées au bord du gouffre. Au bord du gouffre, et donc ce n'est pas de 5 000 emplois qu'on parlait, c'est de 100 000 emplois sur l'aéronautique, c'est de plusieurs de dizaines de milliers d'emplois sur AIR FRANCE. Et si l'Etat n'avait pas été là. Si l'Etat n'avait pas été là, c'était une saignée massive pour l'emploi français. Et regardez ce qui s'est passé en 2008, 2009, où la crise était beaucoup moins forte, eh bien le toboggan du chômage a démarré beaucoup plus vite. Regardez l'enquête de BPI sur les PME, qui disent que les PME vont perdre 15 % de chiffre d'affaires cette année…
LAURENT NEUMANN
Ce qui est beaucoup, et ce qui est finalement peu.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce qui est énorme. Et qu'est-ce que disent les PME ? Elles disent : grâce à l'Etat, en fait mais perspectives sont beaucoup plus positives qu'en 2008/2009, je suis capable de rebondir, et c'est ça le combat que nous devons mener. Ce n'est pas de dire « il n'y a pas d'économies, on va mettre tout le monde sous cloche et ça va très bien se passer ». Ce n'est pas vrai, ce serait mentir aux Français de raconter ça.
LAURENT NEUMANN
Vous avez dit : pour AIRBUS, pas de départs contraints, est-ce que vous dites la même chose chez AIR FRANCE ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En tout cas là aussi ils y travaillent. AIR FRANCE est une participation de l'Etat, pour des raisons…
LAURENT NEUMANN
Raison de plus.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour des raisons de carrière antérieure, je regarde très peu ce dossier puisque c'est le tourisme, pour des raisons de conflit d'intérêts, donc je ne rentrerai pas dans le détail.
LAURENT NEUMANN
Alors, autre sujet, parce que les plans sociaux se multiplient. Alors, c'est un autre sujet qui n'est pas tout à fait similaire, mais Smart, Smart on est dans la région de Sarreguemines, je crois que c'est 1 600 salariés, il est question pour DAIMLER qui possède ce site, de vendre ce site. Là encore, j'ai regardé, les gens qui travaillent là c'est des compétences absolument incroyables, ce sont des spécialistes du véhicule électrique. On ne peut pas laisser partir cette compétence, ce savoir-faire.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et c'est pour ça que nous y travaillons.
LAURENT NEUMANN
Qu'est-ce que l'Etat peut faire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est pour ça que nous y travaillons. Moi j'ai reçu l'ensemble des organisations syndicales hier, j'ai reçu la semaine dernière avec Bruno LE MAIRE, le patron de DAIMLER et le patron du possible repreneur du site, c'est-à-dire que ce n'est pas un dossier où il y a rien. Il y a un possible repreneur.
LAURENT NEUMANN
Ce sont des Britanniques, je crois.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce sont des britanniques, qui sont prêts à mettre un nouveau modèle de production dans l'usine d'Hambach. Mais nous n'allons pas laisser juste les choses se faire, sans regarder de manière approfondie. Tout vendredi nous aurons une réunion ligne à ligne, pour regarder le projet de ce repreneur, pour s'assurer qu'il permet de traiter la sous-traitance, de mettre suffisamment de charges dans l'usine pour qu'on ait bien du travail pour mener 1 600 personnes. Nous négocions avec DAIMLER pour que l'arrêt de production de la Smart, puisque la production de la Smart se poursuit, ne soit pas en 2022 mais en 2024, pour continuer à donner du travail aux gens, donc vous voyez, c'est ce qu'on fait très concrètement. Donner de la perspective, repousser le moment où le problème se pose, aller chercher des repreneurs, se battre pour mettre de la charge dans une usine, faire installer de nouveaux investisseurs dans la zone. J'ai annoncé lundi avec Jacqueline GOURAULT que nous avions 78 sites clés en main, vous avez un site clé en main qui est à proximité d'Hambach, pour remettre de l'industrie, parce qu'on parle beaucoup…
LAURENT NEUMANN
Justement, soyons concrets, 66 sites clés en main, des sites industriels, où on va plus vite en matière d'administration, de normes, etc. Très bien.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement.
LAURENT NEUMANN
Donnez-nous un exemple de relocalisation. Qu'est-ce qu'on peut relocaliser en France ? C'est un mot à la mode depuis la crise du coronavirus, mais on ne voit pas concrètement ce que l'on peut relocaliser.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien concrètement, vous avez un projet de SANOFI, Marcy-l'Etoile, 600 millions d'euros, en juin, qui est en train de se dérouler maintenant, une usine de vaccins.
LAURENT NEUMANN
Qui était où avant ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Qui devait être construite à Singapour. Une nouvelle usine.
LAURENT NEUMANN
Et qui sera construite en France.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et qui sera construite en France. Et on s'est battu pour aller l'attraper.
LAURENT NEUMANN
Il y a d'autres domaines à part le domaine de la santé ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous avez la santé, vous avez l'électronique, nous allons lancer un appel à manifestation d'intérêt pour relocaliser des productions. Nous avons le textile sur lequel j'ai une mission qui avance notamment avec quatre personnes expertes du secteur, le patron du Slip français, etc., qui vont nous faire des propositions. J'ai sur mon bureau, plus de 30 dossiers de relocalisations. C'est très concret…
LAURENT NEUMANN
Que vous allez examiner, j'imagine.
AGNES PANNIER-RUNACHER
... c'est maintenant, et ça dépote à partir de la rentrée.
LAURENT NEUMANN
Voyez, vous parliez du secteur textile, vous parliez de l'électronique, le secteur des télécoms, pendant ce temps-là à Lannion chez NOKIA on supprime 400 postes.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et on en crée 300 chez ERICSSON.
LAURENT NEUMANN
Là aussi je suis allé regarder un peu le dossier, ce sont des chercheurs…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et on en crée 300 chez ERICSSON.
LAURENT NEUMANN
Ce sont des chercheurs, ce sont des ingénieurs, ce sont des gens qui ont obtenu tous leurs diplômes, qui vont perdre leur emploi, c'est compliqué à comprendre.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais parce que NOKIA ne va pas bien. Encore une fois, dans l'économie, vous avez des entreprises qui vont bien vous avez des entreprises qui vont moins bien. Nous sommes frappés par une crise inédite. Nous, notre travail, c'est de faire en sorte que les entreprises qui vont bien, on les pousse encore plus fort et elles créent de l'emploi, c'est exactement ce qui se passe, et c'est de faire en sorte que des entreprises qui ne vont pas bien, on les accompagne pour passer le cap de la crise. Et quand vous perdez 40 % de chiffre d'affaires ou quand vous avez fait des erreurs stratégiques, parce que ça arrive dans des entreprises, et vous en payez le retour plein pot, et vous avez raison, ce sont souvent les salariés, et c'est révoltant que ce soit les salariés qui paient des erreurs stratégiques des dirigeants. Mais c'est comme ça que nous nous trouvons les dossiers. Notre responsabilité, c'est de faire en sorte de trouver des solutions, des solutions qui sont soit avec l'entreprise, soit avec des repreneurs, soit en implantant de nouvelles activités à proximité. Pourquoi, Laurent NEUMANN, alors qu'on avait détruit de l'emploi entre 2000 et 2016, en 2017, en 2018, et en 2019 on crée de l'emploi industriel ? Parce que nous avons eu cette politique, parce que nous sommes allés chercher chaque emploi, parce que notre boussole c'est l'emploi industriel, et on est très conscient que ça va être difficile dans les jours qui viennent.
LAURENT NEUMANN
Oui, parce que là, vous avez vu, j'ai pris quatre entreprises, AIRBUS, AIR FRANCE, dans des secteurs différents, NOKIA…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais pourquoi vous ne parlez pas des entreprises qui créent de l'emploi ?
LAURENT NEUMANN
Et il y en a ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien je vous ai cité, je vous en ai cité quelques-unes. Il y a des entreprises qui créent de l'emploi, dans la santé, dans l'agroalimentaire, et dans des secteurs que vous citez. ERICSSON est en train d'installer un site, donc c'est le concurrent de NOKIA, pour 100 emplois. Donc, tout ça est en train de se dérouler. Ça va être très difficile. C'est une crise mondiale, vous avez 40 millions de personnes qui sont au chômage, côté Etats-Unis, nous, nous devons faire en sorte de limiter l'impact sur les français, et c'est ce que nous avons fait.
LAURENT NEUMANN
On regardera évidemment le taux de chômage à la fin de l'année, de l'année 2020, et l'impact de cette crise. Juste une question : lundi, mardi, mercredi le président de la République, votre majorité, tout le monde avait l'air absolument fou de joie de ce qui s'était passé à Bruxelles, ce fameux accord avec 40 milliards d'euros qui vont permettre de financer notre plan de relance ici. Mais il y a plein de gens qui se disent : mais attendez, ces 40 milliards, ils vont arriver quand concrètement ? Quand est-ce qu'on va les voir arriver pour l'industrie, pour tous les domaines dans lesquels vous allez investir ? C'est quand ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, ça arrive dans les 2 ans qui viennent.
LAURENT NEUMANN
Dans les 2 ans qui viennent ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Dans les 2 ans Laurent. Mais attendez, Laurent NEUMANN, on a mis 450 milliards d'euros depuis le démarrage de la crise, sur la table. Je peux vous dire que les crédits ils ne sont pas aujourd'hui saturés. L'espèce d'angoisse qui est articulée par certains de nos opposants, en disant : mais où est l'argent ? Mais ce n'est pas un problème d'argent aujourd'hui, aujourd'hui c'est un problème de travail, d'exécution des projets, d'aller chercher les entreprises. Les entreprises aujourd'hui, elles ont énormément de moyens pour transformer leur appareil de production. On a des moyens, 150 millions d'euros sur l'automobile, on en a également sur l'aéronautique, et on vient de voter 490 millions d'euros là maintenant, disponibles au 1er août, pour subventionner les investissements dans le numérique. La décarbonation, la semaine du 24 août, Bruno LE MAIRE annonce le plan de...
LAURENT NEUMANN
C'est la semaine où le plan de relance sera présenté.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Dans la foulée, j'annonce un plan de décarbonation des 10 sites les plus émetteurs de CO2 de France, avec des crédits que nous avons, là, maintenant, territoires d'industrie, 148 territoires, qui ne sont pas les agglomérations. Nous avons 200 millions d'euros pour accompagner leurs projets. Alors ne nous faisons pas croire aux Français qu'il n'y a pas l'argent et que l'Etat n'est pas à la manoeuvre.
LAURENT NEUMANN
Non mais les Français ils ont vu la mobilisation de l'Etat pendant la crise, là ils commencent à s'inquiéter de ce qui va se passer après la crise, ils ont été accompagnés…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais, quand je parle de décarbonation…
LAURENT NEUMANN
Je prends un exemple. Les artisans, les commerçants, les entreprises, les petites entreprises ont été accompagnés pendant la crise, mais beaucoup d'entre eux se disent aujourd'hui qu'est-ce qui va se passer à la rentrée ? Le plan par exemple de report de charges sur plusieurs années, ça c'est acté, tout le monde y aura droit ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le plan de report de charges, effectivement c'est acté…
LAURENT NEUMANN
Non, mais ce que je veux dire c'est que n'importe quel commerçant artisan, viendra voir sa Direction des impôts, demandera un report de charges, et l'obtiendra ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui monsieur NEUMANN, oui.
LAURENT NEUMANN
Sur 3 ans.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Sur 3 ans. Et Alain GRISET y travaille, on échangeait encore hier, justement parce qu'il veut que ce soit le plus simple et le plus accessible possible pour les artisans et les commerçants. La seule limite c'est celle du droit, qui fait que lorsqu'une entreprise n'est pas viable, et ça, ça existe même en temps normal, en temps de croissance, on ne peut pas l'aider. Lorsqu'une entreprise n'est pas viable, c'est-à-dire une entreprise qui est rentrée dans la crise alors que ça elle est déjà très mal et qu'en réalité elle n'était pas capable de continuer son activité, mais pour toutes les autres entreprises, y compris celles qui ont traversé des difficultés, y compris celle qui étaient en plan de redressement judiciaire depuis le 1er janvier 2020, y compris pour celles qui ont été en redressement judiciaire l'année dernière et qui ont un plan de continuation, c'est-à-dire auquel le tribunal a fait crédit d'être capable de se redresser, seront accompagnées.
LAURENT NEUMANN
Les artisans, les commerçants écoutent ce que vous dites ce matin. Une question qui n'a rien à voir avec le plan de relance, je suis allé regarder les chiffres ce matin, et je sais que c'est un sujet qui doit vous intéresser : les femmes ne représentent que 30% des effectifs dans l'industrie. Vous vous rendez compte ? 30%. Et j'ai envie de vous demander ce matin : mais vous, vous qui prenez ce ministère, vous allez faire quoi concrètement ? Du concret. Les écarts de salaires, le plafond de verre pour accéder aux postes de pouvoir, les comportements sexistes dans l'entreprise, qu'est-ce qu'on peut faire pour éviter ça ? 30 % de femmes seulement dans l'industrie.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, ce qui est choquant, ce n'est pas les 30% de femmes, c'est que 30% de femmes, et ça fait 10 ans que ça n'a pas changé, et c'est surtout 20% de femmes dans les comités exécutifs et les fonctions d'encadrement. C'est ça le point…
LAURENT NEUMANN
Le fameux plafond de verre.
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est ça le point le plus choquant.
LAURENT NEUMANN
Enfin, on parle de plafond de verre, je ne sais pas s'il y a un plafond de verre d'ailleurs.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Plafond de verre et parois de verre, puisque les femmes sont souvent dans les fonctions support, on les trouve à la RH, à la communication, mais quand il s'agit de production ou que recherche et développement, il y en a beaucoup moins, et évidemment du coup ça leur bloque l'accès aux postes de responsabilité.
LAURENT NEUMANN
Donc qu'est-ce que vous faites ? Qu'est-ce que vous allez proposer ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi j'ai mis en place depuis 18 mois, donc ça fait 18 mois que j'y travaille, y compris lorsque j'étais secrétaire d'Etat sans affectation, un Conseil de la parité et de la mixité professionnelle, auprès du Conseil national de l'industrie. Le Conseil de national de l'industrie, il est présidé…
LAURENT NEUMANN
C'est demain d'ailleurs la première réunion je crois.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ah non, ça fait 18 mois qu'on travaille.
LAURENT NEUMANN
Non mais la réunion du Conseil national de l'industrie ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le Conseil national de l'industrie on le réunit pour effectivement travailler sur le plan de relance et concerter avec l'ensemble des organisations syndicales, les associations et les élus professionnels.
LAURENT NEUMANN
Et en 18 mois, ce que vous avez fait, a des conséquences concrètes, on les voit déjà arriver ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En 18 mois on a travaillé d'abord sur, parce que le problème des femmes dans l'industrie ça commence à 5 ans, c'est les jeux que vous donnez à la petite-fille versus le petit garçon, et c'est le fait de dire que lorsque les petits garçons jouent avec des jeux de construction, vous savez quoi, 5 ans plus tard ils arrivent à bien se repérer dans l'espace et ils sont plus agiles dans la conception. Et les petites filles à qui on donne des poupées, vous savez quoi, elles ont une meilleure aisance verbale. Oui, mais ça ce n'est pas inné, c'est juste l'apprentissage par le jeu, et donc…
LAURENT NEUMANN
Donc vous voulez dire que dès le plus jeune âge il faut lutter contre les stéréotypes...
AGNES PANNIER-RUNACHER
Dès le plus jeune âge.
LAURENT NEUMANN
Mais une fois qu'on arrive à l'âge adulte…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les stéréotypes, les préjugés…
LAURENT NEUMANN
... les écarts de salaire c'est la loi, or la loi, vous le savez, elle n'est pas ou pas suffisamment. Appliquée.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça c'est le barème que nous avons mis en place avec Muriel PENICAUD, qui est un barème où vous devrez systématiquement publier votre score sur cinq indicateurs, non seulement les écarts de salaires mais également est-ce que vous avez des promotions au retour de votre congé maternité ? Est-ce que vous êtes... comment sont réparties les promotions entre les hommes et les femmes d'une année sur l'autre ? Ce genre d'évolution, et sur cette base-là, toutes les entreprises de plus de 50 salariés doivent le publier, première étape. Et si dans 3 ans elles n'ont pas un score satisfaisant, elles devront payer 1% de la masse salariale. Eh bien je peux vous dire que mettre le coup de projecteur sur cette situation de parité, donner 3 ans aux entreprises pour évoluer et pour respecter la loi, on leur demande de respecter la loi, ça met un sacré booster dans la question de la parité hommes/femmes.
LAURENT NEUMANN
Et peut-être montrer du doigt les entreprises qui ne respectent pas ces règles. Merci Agnès PANNIER-RUNACHER d'être venue répondre à nos questions.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci beaucoup Laurent NEUMANN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 juillet 2020