Déclaration à la presse de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur la situation politique et économique du Liban, à Beyrouth le 24 juillet 2020.

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Circonstance : Déplacement au Liban

Texte intégral

J'arrive au terme de mon déplacement au Liban. J'étais venu ici avec deux messages.

D'abord un message d'exigence, parce que ce pays, il faut le dire, est au bord de l'abîme. Si des actions ne sont pas entreprises, il risque de devenir un pays en dérive. Chacun sait le chemin qu'il faut prendre. Il y a des voies de redressement. La France est prête à les accompagner, sous réserve que les autorités politiques en prennent les décisions. Ce message d'exigence que j'ai porté hier aux trois présidents, je le maintiens.

J'avais aussi un message de solidarité à l'égard du peuple libanais. Cette solidarité, je suis venue la dire ici, encore ce matin. Une solidarité qui se manifeste par une aide directe à l'ensemble du système éducatif libanais et en particulier au système éducatif français et francophone qui est extrêmement important pour ce pays, parce que la force de ce pays, ce qui donne de l'espoir, c'est la formation, c'est cette soif d'apprendre et la capacité de s'enrichir de l'instruction. C'est cette force-là qui, à mon avis, portera le Liban vers un nouveau destin. Je rentre convaincu d'avoir porté ces messages, convaincu aussi que les prises de conscience indispensables vont se faire.


Q - Hier, vous avez soutenu l'appel du Patriarche Rai à la neutralité du Liban. Avez-vous déclaré qu'il n'y a pas de souveraineté sans neutralité ? Est-ce que, pour vous, cette neutralité vise à exclure le Hezbollah de la vie politique, répondant ainsi au souhait des Etats-Unis ?

R - J'ai rencontré le Patriarche hier. Cela me paraissait un déplacement indispensable, tant sa personnalité est forte dans le pays. J'ai entendu ses propos. Finalement, lorsqu'il parle de neutralité, je considère qu'il parle d'une neutralité positive. La neutralité positive, cela veut dire, pour moi - et c'est le message que la France répète régulièrement -, la distanciation, la souveraineté et l'intégrité du Liban par rapport aux conflits qui existent dans la région et l'affirmation du Liban dans son intégrité, sa force, son identité. Ce message-là nous le partageons totalement avec le Patriarche.

Q - Pensez-vous que ce gouvernement peut sauver le Liban de cette crise et est-ce que ce gouvernement est le gouvernement du Hezbollah ?

R - J'ai tenu à ne rencontrer que les représentants institutionnels de ce pays. J'ai fait savoir à ces représentants comment la France percevait la situation et qu'il était essentiel d'engager des réformes, en particulier dans trois directions.

D'abord, conclure avec le FMI, ce qui veut dire engager un audit sur la Banque centrale, et prendre les mesures nécessaires sur le contrôle des capitaux.

La deuxième réforme concerne l'électricité. Il y a une loi qui date de 2002 et qui mériterait enfin d'être mise en oeuvre. Il faudrait faire en sorte que l'autorité de régulation soit au rendez-vous et que le fonctionnement de l'électricité dans ce pays soit modernisé et fasse l'objet d'investissements, mais d'abord assurer la clarification de méthode.

La troisième réforme concerne la transparence dans les marchés publics. C'est là la question qui est posée à tous les Libanais, à tous les partis politiques libanais et, singulièrement, à ceux qui sont en charge aujourd'hui de l'avenir de ce pays.

Ce sont les exigences de la France, et je crois avoir été entendu. J'ai entendu le président Aoun faire des déclarations très fortes sur sa volonté de lutter implacablement contre la corruption et je souhaite que l'ensemble des acteurs soit à ce rendez-vous.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2020