Interview de M. Olivier Dussopt, ministre des comptes publics, à RTL le 24 juillet 2020, sur la politique économique du gouvernement

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

STEPHANE CARPENTIER
Soyez tous les bienvenus. Notre invité ce matin est donc ministre chargé des Comptes publics, c'est Olivier DUSSOPT qui est avec nous en studio, on va parler argent bien sûr, budget, parce que c'est votre quotidien, parce qu'on vous a présenté lors de votre nouvelle affectation dans le gouvernement Castex comme « l'homme du budget post-covid ». Jeune ministre, bientôt 42 ans, Ardéchois, ancien membre du PS et prise de guerre de la macronie. D'abord une satisfaction, j'imagine, Olivier DUSSOPT, l'adoption hier par le Parlement du troisième projet de budget rectifié pour 2020. Satisfaction parce que sénateurs et députés se sont entendus ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est la troisième fois depuis début 2020 que nous modifions le budget avec des lois de finances rectificatives et effectivement au-delà des positions de chacun sur le budget initial, les sénateurs et les députés avec des différences politiques ont adopté ces trois budgets rectificatifs. Ça montre que lorsqu'on est dans une situation de crise, d'urgence, qu'il faut à la fois sauver les entreprises, garantir le revenu de nos concitoyens on peut se retrouver. Ça n'efface pas les différences !

STEPHANE CARPENTIER
On peut aller dans le même sens !

OLIVIER DUSSOPT
Dans le même sens, je le répète, ça n'efface pas les différences, il y a un projet politique porté par la majorité, il y a des oppositions, c'est la démocratie mais sur des moments aussi importants, on arrive à se retrouver largement et ce budget a été adopté très largement par les députés et par les sénateurs.

STEPHANE CARPENTIER
Ce sont des mesures d'urgence, Olivier DUSSOPT, face à la crise en attendant le plan de relance, 45 milliards d'euros de soutien pour ces secteurs dans le rouge, le tourisme, l'automobile, l'aéronautique. Les jeunes sont plus que jamais la priorité dans ce plan ?

OLIVIER DUSSOPT
Les jeunes sont la priorité dans ce plan, nous avons intégré plusieurs mesures, d'abord le financement de l'apprentissage avec la suite des annonces faites par Muriel PENICAUD, puis Elisabeth BORNE des primes à l'embauche d'apprentis pour permettre d'avoir cette filière qui est à la fois formatrice, qui est une filière d'insertion et puis nous avons aussi prévu le budget pour financer le dispositif d'aide à l'embauche des moins de 26 ans qui a été annoncé par le Premier ministre hier à Besançon qui nous permet d'aider avec une prime de 4 000 euros les embauches de jeunes de moins de 26 ans jusqu'à deux SMIC puisqu'il faut mettre des plafonds et nous avons prévu 1 milliard d'euros pour accompagner ce dispositif-là et puis c'est aussi ce budget qui nous permet de financer des mesures qui ont été annoncées par la ministre de l'Enseignement supérieur, les aides qui ont déjà été versées et qu'il fallait financer en trésorerie ou la préparation de la rentrée universitaire.

STEPHANE CARPENTIER
Il y a un vrai élan pour la jeunesse mais pourquoi il faut attendre une telle crise pour prendre peut-être la mesure qu'il faut aider ces jeunes à leur arrivée sur le marché du travail et une fois qu'ils y sont ?

OLIVIER DUSSOPT
Lorsque nous nous retournons et que nous regardons ce qui se passait il y a six mois ou un an avant le Covid, nous étions dans une situation où le chômage baissait, nous avions atteint 8% de chômage, nous étions au plus bas taux de chômage depuis plus de dix ans, nous avions un marché du travail qui était dynamique et les jeunes notamment les jeunes diplômés entraient sur le marché du travail sans difficulté majeure, il y avait déjà des dispositifs d'aide pour les plus éloignés de l'emploi, je pense à la garantie jeunes mais pas seulement. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où les difficultés économiques, la récession que nous connaissons sur l'année 2020 placent ceux qui sortent du système scolaire universitaire sur un marché du travail qui est fermé, qui est gelé et qui a plutôt tendance à supprimer des emplois, donc il faut accompagner.

STEPHANE CARPENTIER
Ils sont 700 000 à arriver.

OLIVIER DUSSOPT
Ils sont 700 000 à arriver. Et notre objectif est qu'ils trouvent des solutions soit par l'embauche et nous aidons à l'embauche soit par la poursuite de formations qualifiantes soit au niveau universitaire soit en apprentissage.

STEPHANE CARPENTIER
On parlait tout à l'heure du secteur de l'automobile que vous soutenez parce que c'est un secteur qui est dans le rouge en difficulté, en incitant les consommateurs français à acheter en même temps, la ministre de la Transition écologique, Barbara POMPILI, voudrait revoir les critères de la prime à la conversion qui a très, très bien marché. Il y a eu 200 000 connexions, je crois, de la part des Français. C'est sur la table en ce moment, on murmure que les véhicules diesel pourraient ne plus bénéficier de cette prime. C'est vrai, c'est imaginaire, ça ?

OLIVIER DUSSOPT
La prime à la conversion est un outil qui marche effectivement très, très bien, avec un engagement financier de l'Etat très important et qui nous permet de ramener le marché de l'automobile du mois de juillet 2020 à un niveau assez proche de celui qu'il était il y a un an et donc de rattraper une partie du retard et du confinement.

STEPHANE CARPENTIER
Ça marche mais le diesel alors ?

OLIVIER DUSSOPT
Le diesel, on sait que c'est une énergie qui a vocation à diminuer et heureusement, nous sommes dans un process de transition et nous regardons comment actuellement cette prime à la transition peut être adaptée pour être toujours aussi efficace, quand on dit "toujours aussi efficace", c'est à la fois de la transition, du renouvellement du parc autonome et de l'accompagnement de ceux qui ont besoin d'une aide financière pour changer de véhicule et ça soutient la filière. Donc il y a effectivement des discussions sur les critères mais cette prime à la transition est une prime qui existe depuis longtemps, cette année, nous l'avons « boostée » si vous me permettez cette expression et elle a connu plusieurs changements dans ses critères et dans son règlement et cela continuera au rythme de la transition écologique.

STEPHANE CARPENTIER
Moins de diesel, plus de diesel, ça voudra dire plus d'électrique ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça veut dire plus d'électrique, ça veut dire plus d'énergies propres, et ça veut dire plus d'énergies propres et ça veut dire plus de véhicules qui soient renouvelés mais qui soient aussi le moins polluants possible.

STEPHANE CARPENTIER
Sur le plan global, Olivier DUSSOPT, la situation économique de notre pays, elle est vraiment à ce point catastrophique ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons connu une période de confinement avec un arrêt de l'activité parfois quasiment total dans de nombreux secteurs et aujourd'hui le projet de loi que vous avez évoqué qui a été adopté et celui que nous préparons pour 2021, nous le préparons dans un contexte où on imagine, je dis « on imagine » parce que ce sont des prévisions, on imagine que sur 2020, la croissance pourrait être négative à 11%, il faut bien mesurer ce que ça représente.

STEPHANE CARPENTIER
Vous restez là-dessus ?

OLIVIER DUSSOPT
Cela signifie que par rapport à l'année 2019, nous produisons 11% de richesses en moins et quand on produit moins de richesses, il y en a moins à partager. Quand on produit moins de richesses et que l'on n'augmente pas les impôts puisque nous ne voulons pas augmenter les impôts, ça veut dire qu'il y a moins de recettes pour l'Etat. Nous sommes toujours sur cette hypothèse, nous avons plusieurs …

STEPHANE CARPENTIER
Il y a quand même de l'activité aujourd'hui, les gens, ils travaillent, les entreprises, elles tournent ? On vend, on achète, on consomme bien, non ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y a une reprise d'activité, elle est progressive, elle est importante mais elle est progressive et mois après mois, nous actualisons les prévisions ; certains instituts considèrent que 11% est une hypothèse qui pourrait être encore dégradée, ce qui sera un mauvais scénario. D'autres considèrent que cette hypothèse sera moins importante, moins grave que prévu, et que finalement, la récession serait moins importante. Il y a un haut conseil des finances publiques, qui est rattaché à la Cour des comptes et qui a considéré que notre prévision était prudente et on reste sur cette prudence et je n'ai qu'un espoir, qu'un voeu, c'est qu'à la fin de l'année, on puisse constater que finalement, ça n'a pas été moins 11, que ça a été une récession moins importante parce que les dégâts auront été limités. Ça restera une récession importante.

STEPHANE CARPENTIER
Mais notre pays, il a les moyens d'ouvrir à ce point les robinets en ce moment ?

OLIVIER DUSSOPT
Quand il y a un incendie, on ne compte pas les seaux d'eau, et nous l'avons dit à plusieurs reprises. Par contre, nous avons un objectif avec ces plans d'aide et ce plan de soutien, parce que derrière il y a de la dette, il y a de l'endettement, et la dette ça se paie un jour, c'est de relancer l'activité, de retrouver aussi vite que possible le niveau de production de richesses que nous avions auparavant. Derrière votre question, il y a une interrogation que nous partageons et que les parlementaires doivent partager, nous faisons ce qu'il faut et nous engageons les moyens qui sont nécessaires. Il faut que l'activité reprenne, parce qu'effectivement, même le ciel a des limites. Il y a un moment où il faudra arrêter d'arroser comme on arrose, mais on arrêtera d'arroser lorsque le feu sera éteint.

STEPHANE CARPENTIER
Monsieur le Ministre, la suite et après, les orientations des finances publiques en 2021, vous avez planché, vous avez fait les comptes. Il y aura l'an prochain plus de moyens pour la police, pour la santé, pour la justice, progression de 6 % d'ailleurs du budget du ministère d'Eric DUPOND-MORETTI. Il voulait des moyens, il doit être content là.

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons eu une discussion avec le Garde des Sceaux, qui est une bonne discussion effectivement, et Eric DUPOND-MORETTI souhaitait qu'en termes de créations d'emploi, de moyens, d'aide aux victimes, nous puissions retrouver ce que l'on appelle la trajectoire de programmation, c'est un peu technique, un peu barbare, mais c'est la trajectoire qui avait été fixée dans la loi de programmation pour l'augmentation des moyens de justice. L'année prochaine, en 2021, notre budget, il va servir à quoi ? Il va d'abord servir à relancer l'économie, et nous aurons une mission consacrée à la relance, avec sur deux ans, 2021/2022, 100 milliards d'euros de soutien à la transition écologique, à l'industrie, au rebond social, et nous pouvons faire cela parce que l'Europe va nous aider à hauteur de 40 milliards d'euros. Et puis nous avons le budget que l'on va qualifier de classique, avec des priorités, que nous continuons de poursuivre, pour la sécurité des Français, pour l'éducation, pour la santé, pour faire en sorte que la justice, comme vous l'avez dit, soit mieux accompagnée. Et ce budget-là, on essaie de le construire en maintenant le plus possible les équilibres, parce que c'est le gage du sérieux, de la crédibilité, et c'est aussi le gage d'une capacité à retrouver un équilibre à terme des finances publiques, une fois la crise passée, le plus rapidement possible.

STEPHANE CARPENTIER
Tout le monde en a besoin et tout le monde lève la main en ce moment. Le budget des Armées sera doté de 1,7 milliard d'euros supplémentaire l'an prochain, notamment en faveur de la défense spatiale. Il y avait besoin de ça, en ce moment ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y a besoin de cela, et…

STEPHANE CARPENTIER
La défense spatiale, en période de crise, ça parle aux gens, vous pensez ?

OLIVIER DUSSOPT
Je pense que ça parle aux gens, et en tout c'est très important pour préparer l'avenir. Parce que, construire un budget, c'est à la fois répondre aux besoins du quotidien, aux besoins du moment, et c'est aussi préparer l'avenir. Préparer l'avenir, c'est permettre à la France d'être positionné sur la maîtrise de l'espace, sur la maîtrise des informations, et la capacité à avoir nos propres réseaux spatiaux, pour garantir et gager nos souverainetés et notre indépendance. Préparer l'avenir, c'est aussi tout ce que l'on investit dans la transition écologique, dans la formation, dans le numérique, parce que je le répète, il faut répondre aux besoins du moment, mais il faut aussi penser à demain, et faire en sorte que ce que l'on fait aujourd'hui, ce que l'on va faire en 2021, permette à la France de rester libre et indépendante dans les années qui viennent.

STEPHANE CARPENTIER
Tout est prioritaire, donc, rien n'est prioritaire, c'est ce que disait hier Eric WOERTH, de l'opposition, il a le sentiment que ça part dans tous les sens.

OLIVIER DUSSOPT
Je pense qu'Éric WOERTH joue son rôle d'opposition, et c'est la démocratie...

STEPHANE CARPENTIER
Il est président de la Commission des finances.

OLIVIER DUSSOPT
... c'est le débat, et c'est devenu une règle de confier la présidence de la Commission des finances à un représentant de l'opposition, et ça participe de l'équilibre démocratique. Nous avons des priorités qui sont très claires, ce sont celles qu'Emmanuel MACRON a tracé dans son programme de 2017. Nous restons sur ce programme-là, avec ce que je viens d'évoquer, la question de l'éducation, de la santé, et à nous aussi de demander à d'autres ministères, de demander à nos administrations, de faire des efforts, de modérer l'augmentation des dépenses quand il le faut, parfois aussi de réaliser des économies. Vous avez évoqué des moyens pour la justice, les moyens que nous allons donner à la fois en crédits, mais aussi en effectifs, les effectifs dans le secteur de la sécurité, notamment au ministère de l'Intérieur. Et nous sommes dans une logique qui consiste à ce qu'en 2021 le nombre d'emplois de l'Etat, le nombre d'agents publics de l'Etat, reste stable. Donc, quand on crée des emplois dans un secteur, on en supprime dans d'autres, et quand je dis qu'on en supprime, c'est qu'on ne renouvelle pas des départs à la retraite.

STEPHANE CARPENTIER
Et ce sera le mot de la fin. Merci à vous Olivier DUSSOPT, d'avoir été l'invité de RTL matin.

OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 juillet 2020