Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de l'industrie, à CNews le 27 juillet 2020, sur la politique industrielle.

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Média : CNews

Texte intégral

DAMIEN FLEUROT
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Damien FLEUROT.

DAMIEN FLEUROT
On a eu la nomination hier enfin des secrétaires d'Etat et le commentaire que cela inspire, c'est tout ça pour ça finalement, beaucoup de reconductions, quelques arrivées c'est de nouvelles personnalités mais pas de personnalités de poids, c'était une volonté finalement, une stratégie de ne pas faire de vague avec ces nominations ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est un gouvernement qui mise sur la compétence, que l'on regarde les secrétaires d'Etat qui sont reconduits, je pense à Cédric O avec qui je travaille en grande proximité sur le numérique.

DAMIEN FLEUROT
Au ministère de l'économie.

AGNES PANNIER-RUNACHER.
Qui élargit son portefeuille et qui va porter les enjeux essentiels comme la transformation numérique de notre pays et tout ce qui est télécommunication et on a vu combien c'était prioritaire pendant le confinement ou Olivia GREGOIRE qui a joué un rôle essentiel dans la majorité sur la loi Pacte qui connaît parfaitement toutes les questions économiques et qui va apporter beaucoup sur un sujet qui n'est peut-être pas encore suffisamment traité aujourd'hui, qu'est l'économie sociale et solidaire. Donc c'est n'est pas un gouvernement paillettes, c'est un gouvernement de combat, un gouvernement de travail et de compétences.

DAMIEN FLEUROT
Alors avec un secrétaire d'Etat qui n'est pas reconduit, celui qui s'occupait de la lutte contre la pauvreté et pourtant le Premier ministre avait dit alors c'est vrai sans plus de précisions qu'il souhaitait relancer ce plan, ce n'est pas un mauvais signal ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors en l'occurrence si vous faites allusion à Christelle DUBOS, elle était en charge de l'ensemble des sujets santé et social, donc elle n'était pas spécifiquement en charge de la lutte contre la pauvreté et Olivier VERAN a des secrétaires d'Etat notamment sur des sujets comme l'inclusion.

DAMIEN FLEUROT
Donc ce dossier sera récupéré, c'est ce que vous nous dites.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais il est essentiel, il est parfaitement essentiel et je rappelle que dans le plan de relance un des piliers de ce plan de relance, il y en a 4, c'est la solidarité et dans la solidarité vous avez le sujet d'accompagner les plus modestes qui sont touchés par la crise.

DAMIEN FLEUROT
Agnès PANNIER-RUNACHER, vous allez vous rendre après cette interview à Lannion avec pour objet de ce déplacement, rencontrer l'intersyndicale de Nokia, cette entreprise qui a annoncé un plan social et 4 sont plus de 400 postes sont concernés sur ce site de Lannion, ce sera votre 3e visite. Qu'est-ce que vous attendez de plus, qu'est-ce que vous allez dire ce matin à l'intersyndicale, à ces représentants des salariés ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Dire c'est ma première visite à Lannion, j'ai évidemment rencontré les organisations syndicales à Paris mais je souhaitais me rendre sur place pour faire le point et très précisément prendre la mesure du sujet, échanger avec les salariés et pas seulement avec les organisations syndicales, échanger avec les élus locaux. Il n'est pas question de laisser Lannion mourir à petit feu et moi je conteste ce plan social de Nokia.

DAMIEN FLEUROT
Mais vous arrivez avec des annonces, des promesses, des bonnes nouvelles ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
j'arrive pas avec des promesses qui ne seront pas tenues, j'arrive avec une volonté farouche de remettre en cause ce plan social que je ne m'explique pas, je ne comprends pas comment Nokia peut faire un plan social aujourd'hui alors qu'ils sont positionnés sur les équipements télécoms et la 5 G qui sont un marché d'avenir, qu'ils sont positionnés sur la cyber sécurité qui est un marché d'avenir et que Lannion réunit des forces de R&D dans ces 2 domaines donc l'enjeu pour nous, c'est effectivement de prendre la mesure de ce que veut faire Nokia. Nokia aujourd'hui n'a pas de patron, nous devons avoir un interlocuteur, un interlocuteur qui est un propos stratégique, pas des gens qui finalement n'ont pas de vision pour l'entreprise, pas de vision pour l'empreinte industrielle de Nokia en France et avec qui on discuterait uniquement sujet…

DAMIEN FLEUROT
Vous avez l'impression qu'il y a un effet d'aubaine, la crise a bon dos et on est on peut annoncer ici ou là des plans sociaux.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne crois pas que ce soit le sujet et ce que je souhaite faire préciser par Nokia lorsque son nouveau patron arrivera, c'est très exactement quelle est sa stratégie, sa stratégie en matière de 5G, sa stratégie en matière de cyber-sécurité et sa stratégie en matière de géographie. La France doit être un des pays essentiels dans la stratégie de Nokia, si ce n'est pas le cas nous devons en tirer les conséquences. Nous soutenons de manière massive tous les programmes de développement en matière de télécoms, nous réfléchissons sur la 5G, nous voulons investir sur la souveraineté numérique, il faut le faire donnant-donnant avec les entreprises qui portent ces programmes.

DAMIEN FLEUROT
Dans votre agenda aussi cette semaine un autre déplacement en Moselle cette fois-ci, sur le site de l'usine Smart, le groupe DAIMLER veut vendre, se séparer de ce site et là 1500 personnes sont concernées, est-ce que s'il y a une possibilité que l'on mette définitivement la clé sous la porte sans reprise du site, sans un avenir industriel pour ce site ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors on n'en est pas du tout là, il faut savoir que DAIMLER aujourd'hui produit la Smart dans ce site, que l'horizon de terminaison de cette production c'est entre 2022 et 2024 donc nous avons du temps pour travailler et DAIMLER propose un repreneur.

DAMIEN FLEUROT
Alors un britannique voilà qui produit, qui entend produire un futur véhicule sur ce site.

AGNES PANNIER-RUNACHER
exactement donc l'enjeu aujourd'hui c'est de faire une contre-expertise et nous avons décidé à Bercy de demander à Roland BERGER de faire cette contre-expertise indépendante du projet qui est proposé par DAIMLER parce que c'est peut-être un très bon projet mais c'est un projet qui, je vais dire, soulève des questions, est-ce que ça donnera suffisamment de travail à l'ensemble des opérateurs qui sont aujourd'hui sur le site, quel impact cela aura sur la sous-traitance et ne faut-il pas d'autres projets pour compléter de ce 1er projet et s'assurer qu'on donne un avenir à ceux-ci. On a du temps pour travailler mais on doit être extrêmement vigilant et moi j'ai dit à DAIMLER que je ne balaye pas du tout du revers de la main ce projet qui est intéressant et qui est porté par un groupe industriel britannique de grande qualité mais on veut avoir un plan complet.

DAMIEN FLEUROT
Agnès PANNIER-RUNACHER, on parle d'un projet qui prévoit eh bien de produire un véhicule thermique, est-ce que c'est l'avenir de l'industrie automobile ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas nécessairement l'avenir mais c'est un projet qui prévoit de produire un véhicule thermique, donc moteur essence en l'occurrence à horizon 2000, début 2022, c'est-à-dire l'essentiel encore des véhicules qui seront produits en France seront thermiques, attention à ne pas balayer du revers dans ce type de production.

DAMIEN FLEUROT
Vous avez raison mais Bruno LE MAIRE dans son interview hier au Journal du Dimanche qui parle de la filière hydrogène comme voilà d'une filière sur laquelle il faut investir et là on est sur un autre…

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est exactement les questions que nous allons poser à INEOS et à DAIMLER, c'est-à-dire ce premier véhicule, il a sa légitimité dès lors qu'il sort très vite parce que il est encore dans un temps où on aura des véhicules thermiques mais en revanche il faut un avenir. Quelles sont les autres véhicules qu'INEOS prévoit de produire, quels sont les éléments non thermiques que l'on peut mettre dans l'usine, est-ce que DAIMLER peut confier à … une des usines les plus productives d'Europe pour DAIMLER des modules ou des parties de véhicules, plutôt sur la chaîne électrique, est-ce qu'on peut enfin envisager un projet hydrogène. C'est autant de questions que je veux aborder très directement avec l'appui du cabinet Roland BERGER, avec INEOS et avec DAIMLER.

DAMIEN FLEUROT
Très rapidement vous avez présenté des nouveaux sites un peu clé en main en quelque sorte pour installer de nouveaux projets industriels, faire repartir l'activité sur des bassins qui sont en difficulté, est-ce que sur ces nouveaux sites, 66 nouveaux en tous les cas, vous avez déjà des pistes et vous savez si des entreprises vont s'installer avec des créations à la clé des créations d'emploi ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui tout à fait nous avons déjà des investisseurs étrangers et des investisseurs français qui sont intéressés par ces sites.

DAMIEN FLEUROT
Lesquels par exemple ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est encore je dirais confidentiel puisqu'ils avancent, ils sont en train de sélectionner des sites sur lesquels ils peuvent installer de nouveaux sites.

DAMIEN FLEUROT
On parle de quoi, de plusieurs centaines d'emplois, de plusieurs milliers ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On parle aujourd'hui de plusieurs centaines d'emplois et l'enjeu est d'en faire plusieurs milliers d'emplois. Qu'est-ce qu'un site clé en main, c'est un site où en 3 mois vous avez un permis de construire, en 9 mois une autorisation environnementale.

DAMIEN FLEUROT
Là où parfois il faut …

AGNES PANNIER-RUNACHER
Des années parce que ce sont des sites qui sont déjà artificialisés. Au fond c'est lié, l'écologie c'est-à-dire le fait de ne pas artificialiser des terres avec l'économie, c'est-à-dire le fait d'aller vite sur des sites où il n'y a pas de problème environnemental, où il y a pas non plus de problème, d'archéologie préventive, vous n'êtes pas sur un village gaulois particulièrement intéressant et donc vous pouvez construire rapidement et créer de l'emploi.

DAMIEN FLEUROT
Un mot sur votre mission Agnès PANNIER-RUNACHER, j'ai relu une déclaration d'Arnaud MONTEBOURG qui en 2013 en tant que ministre du Redressement productif disait qu'il était un ministre en résistance, est-ce que c'est aussi comme ça que vous qualifiez votre mission à Bercy, en résistance face aux plans sociaux en quelques sorte ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je suis un ministre en reconquête et c'est très différent, c'est-à-dire qu'on ne va pas mettre des sacs de sable devant les entreprises qui vont mal en disant il n'y aura pas de plan social parce que ça, ça serait mentir aux salariés ce que nous leur devons c'est de trouver des solutions, des solutions où on remplace une activité qui est en perte de vitesse, par une activité qui est en croissance et on ne manque pas d'activités qui peuvent être en croissance, que ce soit dans les déchets, que ce soit dans les services essentiels, autour de l'eau, que ce soit dans les nouvelles énergies et les énergies renouvelables, donc nous devons nous battre et je retrouve cette notion de combat qu'avait Arnaud MONTEBOURG mais nous devons nous battre pour réimplanter des industries qui soit durable et qui créent de l'emploi, c'est ça l'enjeu.

DAMIEN FLEUROT
Donc on ne vous verra pas monter sur des camionnettes haranguant entre guillemets les salariés en colère qui dénoncent des plans…

AGNES PANNIER-RUNACHER
je crois que l'enjeu c'est aussi d'être dans les actes et l'action et ne pas être dans les paroles, moi je n'ai pas de talent particulier pour le théâtre, en revanche je suis dans l'action et je suis dans la recherche de solutions, je l'ai fait pour un certain nombre de dossiers, Arques qui aujourd'hui est toujours debout grâce à l'action de l'Etat, Famar dont on a beaucoup parlé et qui aujourd'hui a trouvé un repreneur et nous travaillons pied à pied, l'heure par heure pour trouver des solutions sur chaque site en difficulté, mais nous ne nous contentons pas de ça, il faut être offensif, il faut partir à la conquête, il faut installer de nouveaux sites, si la France en 2019 était la première destination pour les investissements industriels, c'est parce qu'il y a eu beaucoup de travail devant pour le faire et nous devons continuer même si nous sommes en situation de crise économique.

DAMIEN FLEUROT
Dernière question Agnès PANNIER-RUNACHER qui a fait réagir, les déclarations du maire de Colombes, le nouveau maire écologiste lors des commémorations de la rafle du Vel d'Hiv dans sa ville, c'était le 19 juillet dernier Patrick CHAIMOVITCH a dénoncé la politique migratoire française. Il a fait une comparaison, je suis persuadé que les ressorts qui ont permis la rafle du Vel d'Hiv' il y a 78 ans sont toujours en oeuvre dans notre société contemporaine et en France. Gérald DARMANIN a annoncé son intention de porter plainte ainsi les propos étaient confirmés, votre réaction sur ce parallèle ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je suis stupéfaite parce qu'on compare des épisodes de l'histoire qui n'ont rien à voir et je trouve que cette façon finalement de banaliser ce moment qui a été la Rafle du Vel d'Hiv mais toute cette période qui est une période extrêmement troublée de notre histoire contemporaine et de le ramener à des événements qui se passent dans un Etat de droit, dans un état démocratique, dans un état où la presse est libre est absolument scandaleuse. Et je crois que ce type de déclaration nuit gravement à l'Etat de droit et à la démocratie et j'invite chacun à bien faire la part des choses, on ne peut pas comparer la rafle du Vel D'Hiv et comme ça épingler les forces de l'ordre, c'est scandaleux et voilà les mots me manquent pour qualifier ce genre de choses et surtout pour faire du buzz médiatique, ce qui est encore plus scandaleux.

DAMIEN FLEUROT
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER d'être venue sur le plateau de CNEWS.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 juillet 2020