Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France Inter le 27 juillet 2020, sur l'organisation de la rentrée scolaire et "La priorité jeunesse" pour lutter contre les inégalités.

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Média : France Inter

Texte intégral

HELENE ROUSSEL

Notre invité, le ministre de l'Education, de la Jeunesse et des Sports. Jean-Michel BLANQUER bonjour.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.

HELENE ROUSSEL
Merci d'être avec nous. Alors, les secrétaires d'Etat ont été nommés hier soir, vous en avez deux, deux nouvelles recrues qui viennent du MoDem, une secrétaire d'Etat chargée de l'éducation prioritaire, Nathalie ELIMAS, une autre chargée de la Jeunesse et de l'engagement, Sarah EL HAÏRY. Elles vont vous aider toutes les deux à sauver la génération Covid ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, elles doivent contribuer à cette tâche très importante que nous avons, qui est de lutter contre les inégalités, de façon générale, et d'avoir une priorité jeunesse, et la priorité jeunesse elle a été affichée très fortement par le président et par le Premier ministre, encore tout récemment, avec notre plan jeunesse, et elle consiste à dire que le confinement a été fait pour protéger les plus fragiles dans notre société, et notamment les plus âgés. Aujourd'hui, les conséquences du confinement ne doivent pas être de « sacrifier la jeunesse », et bien entendu ce ne sera pas le cas, aussi bien par l'éducation que par l'emploi, c'est le sens du plan jeunesse et c'est aussi le sens de toute l'action qu'on va mener dans mon ministère, qui est maintenant un ministère très élargi, avec une force qui évidemment me fait plaisir, parce que ça va nous permettre d'agir toujours plus. Déjà le fait d'avoir rattaché les sports et d'avoir maintenant Roxana MARACINEANU avec nous, ça nous permet d'avoir une rentrée placée sous le signe du sport et de la culture pour les enfants, que ce soit dans le temps scolaire ou dans le temps périscolaire, mais en plus avec une nouvelle secrétaire d'Etat Jeunesse, qui succède à Gabriel ATTAL, plus une secrétaire d'Etat qui se consacre à l'Education prioritaire, c'est-à-dire aux élèves les plus défavorisés, on a une vraie stratégie pour la jeunesse.

HELENE ROUSSEL
Ne pas sacrifier la jeunesse, à ce propos le ministre de la Santé, Olivier VERAN, pointe du doigt lui les jeunes, accusés de vivre sans les gestes barrières, sans respecter les aînés. Jean-Michel BLANQUER, est-ce qu'il faut ainsi opposer les générations ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, mais ce n'est pas ce qu'il fait d'ailleurs. Il ne pointe pas du doigt la jeunesse. Pour ma part, j'étais d'abord très heureux les premiers temps…

HELENE ROUSSEL
Un peu quand même.

JEAN-MICHEL BLANQUER
... de voir qu'au moment du déconfinement eh bien on pouvait tout simplement retrouver l'air libre, et très heureux maintenant qu'il y ait les vacances, ce qu'on appelle les vacances apprenantes, qui permettent à beaucoup, des centaines de milliers d'enfants, d'aller en colonie de vacances, dans un dispositif école ouverte. Donc d'abord aujourd'hui ce qu'on doit faire, c'est dresser des perspectives positives, optimistes pour nos enfants, pour les adolescents, et bien entendu Olivier VERAN n'a pas stigmatisé qui que ce soit, simplement il est évident que dans ce bonheur qu'on a à retrouver l'air libre l'été, et tout ce que signifient les vacances, eh bien il ne faut pas oublier les gestes barrières, il ne faut pas oublier un certain nombre d'éléments de base pour aller contre la pandémie, et c'est ce qu'il a dit.

HELENE ROUSSEL
Parlons de cette rentrée par temps de Covid. Une rentrée quasi-normale pour 12 millions d'élèves en septembre, promet Emmanuel MACRON le 14 juillet. C'est encore une certitude, ça, aujourd'hui ?
JEAN-MICHEL BLANQUER

D'avoir une rentrée normale ?

HELENE ROUSSEL
Bien sûr, l'objectif est celui-là et c'est notre scénario principal. Maintenant, nous avons quand même travaillé sur d'autres scénarios au cas où, donc on a toujours les possibilités de confinement, éventuellement de confinement partiel, et puis les scénarios intermédiaires, c'est-à-dire des scénarios avec un protocole sanitaire renforcé, mais aujourd'hui, ce que nous privilégions, c'est le scénario avec le protocole sanitaire allégé, qui nous permet de recevoir tous les élèves dans des conditions normales.

HELENE ROUSSEL
Avec gestes barrières, avec gel hydro-alcoolique, toutes ces choses-là.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Exactement, avec tous ces éléments que nous avons connus dans les deux dernières semaines de juin/juillet, dans les deux semaines qui ont précédé le 4 juillet, et donc ce serait à peu près cette façon-là. Tout est détaillé sur le site du ministère, où nous avons fait un plan de continuité qui décrit les trois scénarios et sur lesquels évidemment nous continuons à travailler pour être prêts à la façon dont les choses se passeront début septembre, puisque ça dépendra aussi de des derniers éléments fin août que nous connaîtrons sur la pandémie.

HELENE ROUSSEL
Et on voit bien que le virus circule de plus en plus, il y a en France des départements sous surveillance. Si jamais des écoles doivent fermer à nouveau, certaines écoles tout au moins, avez-vous cette fois anticipé pour accompagner les enseignants, les directeurs ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr…

HELENE ROUSSEL
Sur le plan matériel, pédagogique.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. Vous savez, on fait un retour d'expérience sur ce qui s'est passé pendant le confinement et le déconfinement, il y a eu des choses très positives, et des limites. La France est un des pays qui a le mieux réussi l'enseignement à distance, c'est aussi un de ceux qui a le plus fort taux de satisfaction vis-à-vis des professeurs, 75% des parents disent qu'ils ont trouvé que ça s'est bien passé pour l'enseignement à distance. Nous avons une institution comme le CNED qui a bien travaillé, et bien d'autres. Donc la France peut être plutôt fière de son Education nationale et de ses professeurs, de ses personnels, qui ont vraiment fait le maximum…

HELENE ROUSSEL
Mais vous donnez des aides aux profs, par exemple, pour leur connexion, pour tout ça ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'est tout à fait une des choses sur lesquelles nous travaillons, j'en parlais encore avec les organisations syndicales ces derniers temps. La question d'une prime pour un équipement informatique est sur la table, et de façon plus générale, c'est nos pratiques de…

HELENE ROUSSEL
Combien cette prime, vous avez une idée ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ah non, ça c'est justement ce qui se discute, parce que ça fait beaucoup de monde, donc c'est forcément beaucoup de moyens, mais en tout cas le fait que allions vers un équipement systématique de chaque professeur et de chaque élève, est évidemment notre objectif. Nous allons aussi avoir des départements expérimentaux à la rentrée dans lesquels ce sera fait d'emblée. Et puis nous allons avoir tout simplement une formation à l'enseignement à distance, qui va se généraliser. En fait le confinement et le déconfinement ont amené chacun à la fois, je dirais, mentalement et techniquement à progresser sur ces questions et on va passer à une nouvelle étape à partir de septembre pour être bien prêt à toute éventualité.

HELENE ROUSSEL
Avec des plateformes de contenus pédagogiques, ce genre de choses.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui alors encore une fois nous partons d'une situation forte déjà, nous avons, encore une fois la France avec le CNED a quelque chose d'unique. Ce que nous avons fait avec France 4 et toute l'opération qu'on a appelé nation apprenante, ça veut dire maintenant des centaines d'heures de cours…

HELENE ROUSSEL
Ça va se poursuivre en fait tout ça.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça va se poursuivre bien sûr, vous savez il y a des acquis de la période, par exemple nation apprenante, c'est-à-dire des contenus éducatifs auxquels vous France Inter vous avez participé pour donner des contenus éducatifs aux émissions, ce que vous faites même avant la crise bien entendu mais qui se renforce actuellement, ça fait partie de ce développement des ressources de l'Education nationale.

HELENE ROUSSEL
Jean-Michel BLANQUER, comment est-ce qu'on va faire pour rattraper une année compliquée, vous avez promis un plan ultra volontariste, ça veut dire quoi ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors ça veut dire dans le premier degré des créations de postes que nous avons réalisées pendant la crise hein pour cette rentrée qui nous permettent d'améliorer le taux d'encadrement dans le premier degré, commune par commune, de développer l'aide personnalisée sur la base aussi de d'évaluation de début d'année qui seront systématique pour certaines classes comme le CP, le CE1, la classe de 6e en particulier. et vous le savez ces dernières années on a développé des outils très forts pour cela et puis des outils que nous donnons aux professeurs qu'ils peuvent utiliser en début d'année aussi pour les autres classes, de façon ensuite à avoir bien cette aide personnalisée pour laquelle on dégage plusieurs centaines de milliers d'heures supplémentaires notamment pour les mois de septembre et octobre de façon à ce que notamment en français et en mathématiques, les fondamentaux soient consolidés en en début d'année. Par ailleurs vous avez des stages de réussite scolaire à la dernière semaine du mois d'août, par exemple pour les élèves de CM2, dont on sait qu'ils ont pu être fragilisés par la crise et qui avant d'entrer en 6e doivent consolider leurs français et leurs maths. Eh bien d'ailleurs je le dis, j'en profite pour le dire, il est encore possible de s'inscrire aujourd'hui au travers des sites académiques et puis d'autres dispositifs, ils sont nombreux mais…

HELENE ROUSSEL
Il est question, Jean-Michel BLANQUER, d'adapter les programmes scolaires à la rentrée, je pense notamment à une période de révision qui pourrait être beaucoup plus longue et empiéter sur le programme de l'année qui vient ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors l'objectif n'est pas d'avoir un allégement en soi, vous savez évidemment c'est toujours un réflexe qu'on peut avoir, moi-même je suis je suis quand même très attentif et à la lutte contre les inégalités et à la hausse du niveau général, je pense que les deux vont ensemble et donc l'objectif est pas de baisser les exigences. mais par contre de lisser davantage les choses donc on raisonne beaucoup par cycle par exemple pour que en début d'année scolaire on puisse réviser des points qui étaient, qui relevaient de l'année précédente, mais cet allègement ne doit pas être le principe parce que si vous voulez mon objectif depuis le début, c'est quand même de rehausser le niveau général, donc nous avons plutôt bien réussi l'enseignement à distance, vous avez des élèves qui ont pu se maintenir au niveau, d'autres qui ont baissé et c'est vis-à-vis de ces élèves qui ont pu baisser que nous allons mettre le paquet, notamment en heures supplémentaires pour que le niveau soit atteint.

HELENE ROUSSEL
Le nouveau gouvernement avec Jean CASTEX a ce mot beaucoup à la bouche, le dialogue, les syndicats vous reprochent Jean-Michel BLANQUER d'avoir beaucoup imposé sans dialoguer, vous allez changer de méthode ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
alors vous savez que je ce reproche, je peux l'entendre mais je l'entends que partiellement parce qu'il y a évidemment des choses… du dialogue il y en a eu, si vous prenez la réforme du baccalauréat, elle a été conçue, toutes les réformes en fait ont été conçues avec un très fort dialogue, je rappelle qu'il y a 400 000 lycéens qui ont été consultés pour faire la réforme du Baccalauréat, 40 000 pardon lycéens ont été consultés, vous avez eu d'après ce qu'on appelle le comité de suivi du baccalauréat, j'en parlais avec des syndicalistes encore la semaine dernière, ils me disaient que ce comité de suivi, ils trouvaient que ça fonctionnait bien. C'est un comité de suivi qui nous a permis d'ajuster un certain nombre de choses, par exemple…

HELENE ROUSSEL
Le SNES-FSU dit que si vous êtes toujours à votre poste, c'est qu'Emmanuel MACRON fait une croix sur le vote enseignant en 2022.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non mais, une personne a pu dire ça, vous savez ça, ça c'est vraiment le tout petit bout de la lorgnette de dire les choses ainsi, ce qui est très important c'est d'avoir justement de la continuité. Vous savez beaucoup de gens disaient oui mais les ministres passent, les réformes sont des réformettes et cetera, depuis le début je dis c'est sur 5 ans qu'on peut arriver à transformer vraiment les choses, nous l'avons fait pour l'école primaire avec insistance sur les savoirs fondamentaux qui est le premier des sujets, une politique de l'éducation prioritaire avec le dédoublement des classes. C'est un des points très important, c'est 300 000 enfants qui en bénéficient chaque année, tout ça va porter des fruits et la réforme du baccalauréat évidemment je continue à la suivre avec cet esprit d'écoute qui est indispensable et on n'écoute jamais trop donc je vais évidemment continuer à écouter et peut-être davantage encore.

HELENE ROUSSEL
Voilà pour nos enseignants qui nous écoutent de l'autre côté du poste. Vous êtes aussi devenu le ministre des Sports dans ce nouveau gouvernement, vous en faites, vous du sport ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je fais du football, évidemment j'en fais de manière plus sporadique depuis 3 ans.

HELENE ROUSSEL
On a vu à la finale de la Coupe de France vendredi, 5000 supporters dans un stade à 80 000 places, est-ce qu'on peut imaginer que la jauge puisse être proportionnelle à la taille du stade à l'avenir ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Evidement un jour, ça va arriver et avec Roxana MARACINEANU, nous y travaillons pour faire des propositions qui soient crédibles et qui soient compatibles avec la situation sanitaire, donc bien sûr qu'un jour on va y arriver, la question c'est quand et je peux vous dire que nous en avons encore parlé au dernier conseil de défense et que nous poussons en mêlée pour que ça évolue, mais en évidemment de manière raisonnable.

HELENE ROUSSEL
Bon dernière question et c'est une des polémiques du week-end le terme ensauvagement utilisé par ministre de l'Intérieur, Gérald DARMANIN au sujet des récentes agressions assure au Figaro qu'il faut stopper l'ensauvagement d'une partie de la société, je le cite, un champ lexical emprunté à l'extrême droite, vous en pensez quoi ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qui compte c'est la chose plutôt que le mot, c'est-à-dire il est évident qu'il y a des phénomènes de violence dans notre société, on aurait bien tort de s'aveugler par rapport à cela, donc il faut dire les choses, après chacun choisit les mots qu'il veut.

HELENE ROUSSEL
L'ensauvagement, ça ne vous pose pas de questions à vous ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, moi je ne m'arrête pas sur les sujets de sémantique de ce type, ce qui ce vrai c'est qu'il y a évidemment des phénomènes de violence inacceptable et qu‘on a grand tort quand on fait semblant de ne pas les voir, moi-même sur les sujets de violence scolaire je suis évidemment très attentif et c'est précisément …

HELENE ROUSSEL
Mais vous ne dites pas ensauvagement.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je le prends par le bout, c'est-à-dire ce qui est mon rôle, c'est l'éducation, c'est-à-dire c'est évidemment par la réussite de l'éducation que l'on va arriver d'en plus à lutter contre toute forme de violence, les mots, c'est la meilleure arme contre la violence et justement …

HELENE ROUSSEL
Justement est-ce qu'ensauvagement ce n'est pas un mot violent ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Après il doit y avoir un grand spectre lexical pour tout le monde mais ce qui compte c'est de lutter contre la violence.

HELENE ROUSSEL
Le ministre de l'Education national, de la Jeunesse et des Sports, Jean-Michel BLANQUER avec nous ce matin sur Inter merci beaucoup, au revoir.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 juillet 2020