Entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État au tourisme, aux Français de l'étranger et à la francophonie, à BFM TV le 10 août 2020, sur la mise en place d'une procédure dérogatoire permettant aux binationaux séparés à cause du Covid-19 de se rejoindre.

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  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'État au tourisme, aux Français de l'étranger et à la francophonie

Texte intégral

Q - Jean-Baptiste Lemoyne, vous êtes avec nous en duplex. Alors, une procédure dérogatoire pour permettre les retrouvailles des binationaux séparés à cause du Covid, c'est une chose, mais cela concernera qui et, surtout, comment on met cela en place ?

R - Depuis plusieurs mois effectivement, des Français qui ont une relation sentimentale avec un partenaire de vie étranger, sont séparés de lui parce que les frontières se sont fermées dans beaucoup de pays, dans beaucoup d'espaces géographiques, et cette capacité de circulation à se retrouver n'existe plus.

Et, on l'a compris, ce virus n'aime pas l'amour. Nous, si, et donc, nous avons souhaité mettre en place une procédure dérogatoire permettant à ces quelque centaines, milliers de cas - le collectif "love is not tourism" répertorie entre mille et deux mille cas - d'apporter une réponse très concrète en leur permettant d'obtenir un laissez-passer pour pouvoir venir en France, se retrouver, enfin, après plusieurs semaines, plusieurs mois d'attente.

Très concrètement, cela prendra la forme d'une demande déposée, y compris par voie électronique, auprès du consulat français le plus proche où réside ce partenaire de vie étranger. Ces documents seront donc étudiés et la commission interministérielle de crise octroiera ces laissez-passer au vu de l'examen de ces dossiers.

Nous sommes le septième pays, je crois, en Europe, à mettre en place une procédure dédiée, une procédure spécifique. Et cela répond à une détresse, aussi, morale, bien compréhensible, de la part de personnes qui ont été privées de véritables relations avec leur partenaire. Imaginez ce que c'est que d'être séparé, pendant plusieurs mois. Parfois des familles, d'ailleurs, recomposées, sont dans ce cas.

Donc, voilà, je crois, une réponse qui était attendue par le collectif et, au-delà, par de nombreuses personnes.

Q - Comment prouve-t-on que la personne, qu'on veut retrouver, est bien une relation amoureuse ? Est-ce que c'est une déclaration sur l'honneur comme cela s'est beaucoup fait depuis le début de la crise sanitaire, finalement, dans les attestations et tout cela ? Ou est-ce qu'il va falloir le prouver avec des documents ?

R - Alors, c'est simple : soit vous avez des documents administratifs qui en attestent, parfois des comptes communs, des baux communs, etc., ou par tout autre document susceptible d'étayer cette relation sentimentale, qui doit avoir plus de six mois ; c'est, notamment, le cas, par exemple, de visas ou de billets d'avion pris pour des destinations communes, pour des vacances ou pour se retrouver. Donc, là aussi, nous allons donner toutes les instructions utiles pour que les consulats puissent, justement, regarder avec discernement les situations et favoriser ces rapprochements.

Q - Est-ce que vous ne craignez pas que cette nouvelle possibilité, finalement, ouvre la voie à certains abus ?

R - C'est pourquoi nous demandons un certain nombre de documents pour étayer, objectiver le fait qu'il y a bien une relation sentimentale qui existe depuis plusieurs mois avant le déclenchement de cette pandémie mondiale. C'est bien le moins qu'il faut demander. Mais, vous savez, j'ai pu voir et mesurer le sérieux avec lequel le collectif "Love is not tourism" avait travaillé sur la question, avait signalé des situations de personnes, je dirais, objectivement empêchées, et c'est ce à quoi nous avons voulu apporter une réponse. Mais pour veiller à ce qu'il n'y ait aucun détournement, aucun abus, ce sont bien des dérogations qui seront émises, au cas par cas, par la commission interministérielle de crise.

Ce dont je me réjouis aujourd'hui, c'est qu'il y ait enfin une solution à une détresse morale qui pèse sur ces personnes.

Q - Il y aurait près de deux mille personnes qui seraient écartelées, comme cela entre, la France et l'étranger, environ mille couples. Comment les avez-vous recensés, justement ? Comment peut-on arriver à un décompte précis ?

R - Il y a d'une part les parlementaires représentant les Français établis hors de France qui se sont mobilisés sur le sujet, la députée Anne Genetet par exemple a mis en place une plateforme et a recensé un certain nombre de situations, mais également d'autres. Et puis, par ailleurs, le collectif a fédéré un certain nombre de situations. Et, vous le savez, nous sommes aussi des ministres de terrain, de proximité : sur mes réseaux sociaux, beaucoup de situations m'ont été signalées, que je relaie également pour que nous puissions trouver une issue.

Cette crise bouleverse effectivement un certain nombre d'habitudes, un certain nombre d'automatismes. Avant on pouvait voyager sans difficulté, avec beaucoup de facilité. En Europe, nous avons retrouvé cette capacité à aller d'un Etat membre à un autre. Mais, au-delà de l'espace Schengen, on le sait, il y a encore beaucoup de pays interdits pour les Français et beaucoup de nationalités qui ne peuvent pas venir en Europe, sauf cas impératif. Eh bien, justement, on a fait en sorte que ces dérogations, pour ces cas impératifs, puissent également voir le jour, dans ces conditions-là.

Q - On entend, Jean-Baptiste Lemoyne, que vous êtes du côté de l'amour. Est-ce que cela veut dire que d'autres cas particuliers sont à suivre ? Je pense là, forcément, à des questions un peu plus concrètes : c'est-à-dire des entrepreneurs, des travailleurs frontaliers. Là aussi, êtes-vous pour des cas particuliers à étudier ?

R - Vous savez, concernant les travailleurs frontaliers, depuis le début de la mise en place parfois de certaines restrictions de circulation, y compris au sein de l'espace européen, un très gros travail a été conduit pour permettre à ces frontaliers de continuer leur activité, de pouvoir franchir la frontière, parfois de pouvoir concilier télétravail et activité en présentiel dans leur entreprise. Ces cas-là, je crois, ont bien été pris en compte.

Nous avons, dans les semaines à venir, encore à gérer la situation d'étudiants internationaux qui ont été reçus, acceptés dans des universités, dans des écoles françaises ; là aussi, nous mettons en place ce qu'il faut pour pouvoir les accueillir dans les meilleures conditions. La France, justement, est très attractive aussi du point de vue universitaire. Nous tenons à ce rayonnement de l'université et de la formation française, c'est le genre de cas sur lesquels nous travaillons, également, très concrètement.

Q - Jean-Baptiste Lemoyne, je voulais vous interroger sur l'actualité de ce matin. Vous accompagnez tout à l'heure Bruno Le Maire à Lourdes. Il a annoncé notamment l'élargissement de mesures, de dispositifs prévus pour le tourisme à un certain nombre de secteurs, l'élargissement notamment du chômage partiel, par exemple. Est-ce que vous pouvez nous confirmer cette information ?

R - Oui, vous savez, nous sommes très mobilisés sur la situation de Lourdes. J'avais obtenu, dès le 14 mai, que dans le comité interministériel pour le tourisme soit mentionnée, justement, la situation très particulière de Lourdes, mais également de la Corse et des territoires ultramarins, pour lesquels l'activité touristique représente 25, 30, 35% parfois de l'économie locale, départementale. Et donc, nous avons travaillé avec les acteurs, les élus locaux, les professionnels sur des feuilles de route territoriales.

Et oui, ce matin, avec Bruno Lemaire, nous avons annoncé par exemple l'intégration des commerces de souvenirs, des commerces de piété, dans les dispositifs permettant d'être éligible au fonds de solidarité, permettant justement d'avoir des exonérations de charges. Et puis, nous l'avons redit, le président de la République ayant fait du tourisme une priorité nationale, nous allons aider dans la durée le secteur avec, effectivement, une activité partielle qui se poursuivra encore au-delà du mois de septembre, jusqu'à la fin de l'année. On le voit bien : ici, les hôteliers, les restaurateurs font face à une baisse du chiffre d'affaires qui peut aller de l'ordre de 80 à 90%, avec, hélas, peu d'espoir avant les mois de mars ou d'avril 2021, parce que la saison des pèlerinages, elle commence avec Pâques. Il y aura donc un besoin d'accompagnement dans la durée.

Mais ce que je peux vous dire, c'est que nous avons vu ici, en tous les cas, des élus, des commerçants, et également les autorités du sanctuaire qui se redressent les manches, qui travaillent ensemble. Il y a une union sacrée pour pouvoir travailler au sauvetage des entreprises, des emplois, et puis, également au rebond. Lourdes, c'est une destination mondiale, cela parle partout dans le monde. Ils ont été touchés de plein fouet parce que c'est une activité très saisonnière, parce que c'est 62% de nuitées qui viennent de l'étranger et parce que c'est souvent des clientèles seniors. Eh bien, face à cela, nous nous devions d'être aux côtés des acteurs de Lourdes pour faire face à cette crise inédite, trouver les solutions et aller de l'avant.

Q - Le message est passé, merci beaucoup Jean-Baptiste Lemoyne d'avoir répondu à nos questions.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 août 2020