Interview de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à France Info le 14 août 2020, sur l'agriculture confrontée à la sécheresse, les droits de douane américains concernant les vins et l'aide alimentaire en faveur du Liban.

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Média : France Info

Texte intégral

JULIEN LANGLET
Bonjour Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.

JULIEN LANGLET
Vous êtes le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, vous êtes en déplacement aujourd'hui en Haute-Garonne pour répondre aux agriculteurs qui s'inquiètent des conséquences de la sécheresse, elles sont nombreuses. Je vous propose d'abord d'écouter ce reportage dans cette exploitation de Meurthe-et-Moselle, où l'ensilage du maïs a déjà commencé, et c'est une première, on se retrouve juste après, mais d'abord ce reportage donc signé Léo LIMON.

-Reportage-

JULIEN LANGLET
Le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation est donc avec nous. Julien DENORMANDIE, allez-vous prendre des mesures exceptionnelles pour venir en aide aux agriculteurs aux éleveurs, qui ont déjà connu donc des difficultés avec la crise sanitaire, le confinement, et puis la canicule, la sécheresse maintenant ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, je vous l'annonce aujourd'hui, on prend des mesures exceptionnelles pour accompagner les agriculteurs face à ces épisodes de sécheresse qui ne cessent de se répéter, année après année. Alors, quelles sont ces mesures exceptionnelles ? Il y a d'abord des mesures qu'on appelle agronomiques, c'est-à-dire qu'on adapte des pratiques agricoles à la réalité de terrain. C'est de pouvoir, quand vous êtes un éleveur par exemple, utiliser vos jachères pour pouvoir nourrir votre bétail. C'est de pouvoir décaler un certain nombre de semis, qui vous sont imposés, mais qui ne sont pas possible lorsque votre sol est complètement sec. La deuxième série de mesures, très importante, c'est des aides financières aux agriculteurs, et votre reportage l'a très bien montré, il va y avoir des dépenses supplémentaires, pour pouvoir ici acheter de l'alimentation complémentaire pour le bétail. Et donc ces aides c'est par exemple de pouvoir verser des acomptes de la politique agricole commune, plus élevés que d'habitude. C'est, et j'étais encore en lien avec le ministre des Comptes publiques hier, c'est de pouvoir avoir des dégrèvements sur la taxe foncière que paient les agriculteurs dans les régions les plus sinistrées. Nous allons le mettre en place, je vous l'annonce, et nous en avons encore discuté hier avec le ministre des Comptes publics. Mais au-delà de ces mesures de très court terme, agronomes et financières, il faut surtout préparer l'avenir, ça va être l'objectif du plan de relance, où une part conséquente du volet agricole de ce plan de relance sera consacrée justement à l'adaptation de notre agriculture, aux effets du changement climatique, c'est très important, et c'est ce sur quoi nous sommes en train de travailler.

JULIEN LANGLET
Julien DENORMANDIE, quel est le montant exact de ces aides exceptionnelles pour la sécheresse ? Vous venez d'en parler avec cette aide notamment pour la trésorerie. La présidente de la FNSEA disait sur France Inter en début de semaine que pour le plan de relance, nous avons comptabilisé le besoin à 1 milliard d'euros, et la priorité c'était donc une aide à la trésorerie.

JULIEN DENORMANDIE
Alors, nous sommes en train de finaliser. L'ensemble de ces annonces sur le montant du plan de relance et de son volet agricole, sera faite à la fin août, le 25 août précisément. Mais ce qui est sûr, et ça je vous le dis clairement, je vous l'annonce ce matin, c'est que dans ce volet agricole du plan de relance, sur lequel nous avons beaucoup échangé avec le Premier ministre, il y aura une part significative pour l'adaptation de nos cultures au changement climatique. C'est quoi ? C'est d'abord des matériaux de protection. Il y a la sécheresse, et puis après la sécheresse il y a souvent des orages très violents, de la grêle. Aujourd'hui on a des matériaux pour se protéger contre ces phénomènes, mais ils coûtent cher et donc il faut pouvoir les financer, accompagner nos agriculteurs. Deuxième élément, et votre reportage l'a bien montré d'ailleurs, c'est comment on adapte notre agriculture pour qu'elle soit plus résiliente, avec de la recherche sur d'autres semences, avec une adaptation agronomique. Ça aussi c'est de l'investissement de court terme, et nous le financerons. Et puis enfin, très important, il y a la gestion des ressources. La gestion des ressources, c'est par exemple la gestion de la ressource en eau. On sait aujourd'hui qu'on peut améliorer de manière évidente la gestion de la ressource en eau pour apporter plus d'eau aux agriculteurs lorsqu'ils en ont besoin, tout en veillant à ce qu'il n'y ait pas de conflit d'usage. Eh bien ça aussi ça nécessite des mesures fortes de simplification. Parce qu'aujourd'hui, quand vous voulez faire des retenues en eaux, ça peut prendre 8 à 10 ans, ce n'est absolument pas normal. Et puis aussi d'accompagnement pour financer, tout ça dans la concertation, c'est très important, parce qu'on connaît les conflits d'usage, mais on peut avancer sur ces sujets. Donc vous voyez, un plan de relance, avec un montant conséquent qui sera consacré pour préparer notre avenir sur les 10, 15, 20 années supplémentaires, que ce soit dans la protection, que ce soit dans sa résidence, ou que ce soit dans l'utilisation des ressources, on a les solutions aujourd'hui, il faut les mettre en oeuvre.

JULIEN LANGLET
Y aura-t-il une déclaration de calamités agricoles ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, évidemment, tous les départements qui pourront relever de cette calamité agricole nous le ferons, et ça c'est quelque chose sur lequel je serai très vigilant. Quand est-ce que cela se passe ? C'est à la fin de l'épisode de sécheresse où on constate les conséquences, les diminutions de rendements, et on fait ces déclarations de calamités agricoles qui donnent lieu ensuite à des accompagnements financiers, mais bien entendu, dès lors que c'est nécessaire, nous le ferons.

JULIEN LANGLET
Julien DENORMANDIE, une autre mauvaise nouvelle est tombée pour les agriculteurs, elle est venue des Etats-Unis qui ont décidé de maintenir les droits de douane, 25% sur les vins notamment, qu'allez-vous faire ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien c'est un secteur, la viticulture, qui a été extrêmement impacté ces derniers temps par cette taxe, qu'on appelle la taxe Trump, et puis surtout parce que beaucoup de marchés se sont fermés dans le cadre du confinement. La semaine dernière nous étions en déplacement avec le Premier ministre dans le pays des Sancerre, et nous avons annoncé que le plan de soutien à la viticulture aurait 250 millions d'euros pour accompagner tout ce secteur sinistré. Mais c'est vrai qu'au-delà de cet accompagnement, il faut continuer les discussions diplomatiques avec une très grande implication du gouvernement et notamment du ministre de l'Economie et du ministre des Affaires étrangères, pour trouver des solutions. On parle de quoi ? On parle d'un différend sur l'aéronautique, sur AIRBUS, mais ce différend sur AIRBUS, il impacte le secteur de la viticulture et de l'agronomie de manière plus générale, parce que ce sont des mesures de rétorsion qui sont prises par les Etats-Unis. On se bat tous les jours d'un point de vue diplomatique, pour pouvoir les lever. Nous n'y sommes pas encore parvenus, c'est des sujets compliqués, mais je peux vous dire que le gouvernement est à la tâche.

JULIEN LANGLET
Dernière question, Julien DENORMANDIE, vous avez été interpellé cette semaine par un agriculteur de Lunéville qui avait envie et qui a envie de donner une tonne de blé pour le Liban. Est-ce que vous avez réussi à rentrer d'abord en contact avec lui et est-ce que vous allez mettre en place une chaîne de solidarité des agriculteurs qui veulent aider les Libanais ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors oui, on a déjà dans le porte-hélicoptères qui est parti, qui est arrivé au Liban, on a grâce à une grande solidarité de tous les acteurs, notamment du blé, de la farine, les céréaliers mais aussi laitiers, on a mis plus de 660 tonnes d'aliments à destination de nos amis libanais, et c'est déjà arrivé sur place, c'était dans le porte-hélicoptères. Et puis cette solidarité elle continue, et donc nous sommes en train de travailler pour envoyer encore plus de tonnes de blé, de farine et de produit dont nos amis libanais ont besoin pour les acheminer dans les meilleurs délais. Donc cette solidarité, elle est là, elle est organisée, c'est très important d'avoir une bonne organisation, évidemment, dans l'acheminement mais surtout sur place, et cette solidarité c'est déjà 660 tonnes qu'avait annoncé le président de la République, et nous allons continuer. Le président de la République nous a demandé d'être à la hauteur de l'impact de cette tragédie libanaise, et je crois que la solidarité des meuniers, des céréaliers, elle est remarquable, et nous l'organisons, et nous la continuons.

JULIEN LANGLET
Merci beaucoup Julien DENORMANDIE, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation. Merci d'avoir accepté ce matin l'invitation de France Info.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 août 2020