Interview de Mme Nadia Hai, ministre de la ville, à Sud Radio le 24 août 2020, sur les violences urbaines, l'épidémie de Covid-19, le plan de relance de l'économie et la politique de la ville.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

JUDITH BELLER
C'est l'heure d'accueillir notre invitée politique, Nadia HAI, qui est ministre déléguée à la Ville, Benjamin.

BENJAMIN GLAISE
Bonjour Nadia HAI.

NADIA HAI
Bonjour.

BENJAMIN GLAISE
Merci d'être avec nous ce matin, alors on va parler du plan de relance du gouvernement qui a été reporté, il sera finalement présenté la semaine prochaine et non cette semaine, on va aussi faire le bilan de l'opération Quartiers d'été qui était lancée par le gouvernement effectivement cette année, mais d'abord, un mot sur ce qu'on a vécu hier soir avec de nouveaux des scènes de débordements de violences à Paris en marge de cette finale de la Ligue des champions, ce n'est pas la première fois, est-ce qu'on doit s'habituer à avoir de telles scènes en marge d'événements sportifs comme celui-ci ?

NADIA HAI
Je pense qu'on ne doit absolument pas s'habituer à la violence, elle n'a pas sa place dans notre société, maintenant, visiblement, certains sont venus en découdre hier, ils n'avaient pas forcément la tête à la fête. Ce qu'on peut saluer, c'est le dispositif de sécurité qui a été mis en place par le ministre de l'Intérieur et par le préfet LALLEMENT, c'est un dispositif qui a fait ses preuves, qui s'est avéré, efficace et qui a conduit à ces interpellations, et j'espère qu'ils seront très vite déférés devant la justice et condamnés pour ce qu'ils ont fait.

BENJAMIN GLAISE
Ce qu'on a vu aussi, c'est le port du masque, ou en tout cas, l'absence de port du masque, que ce soit à Paris ou à Marseille aussi, sur les rassemblements, ces jeunes, on a l'impression qu'il n'y a pas, en gros, il y a du mal à comprendre finalement sur l'intérêt de ce masque pour eux, on a souvent dit, longtemps dit qu'ils étaient… qu'ils avaient moins de risques justement face au coronavirus, qu'est-ce qu'on peut faire de plus pour dire à ces jeunes-là qu'il faut porter le masque, c'est quoi, c'est : il faut… c'est des coups de bâton en fait au final ?

JUDITH BELLER
Alors, moi, je ne veux stigmatiser personne sur le port du masque ou sur tout autre sujet, en tout cas, on s'aperçoit que parfois l'inconscience rime avec insouciance ou insouciance rime avec inconscience, il faut se tenir aux mesures sanitaires, aux mesures de sécurité, d'abord, pour se protéger soi-même, et ensuite, pour protéger les autres, et là, on ne le répétera jamais assez, je pense que, collectivement, on doit répéter ce message, que la protection passe par le port du masque, même si, évidemment, cela ne nous fait pas forcément plaisir d'avoir un masque très longtemps dans la journée, plusieurs heures par jour. Mais c'est d'abord une mesure de protection pour soi-même, et pour ceux que nous aimons. Et je ne peux qu'inciter les jeunes à respecter évidemment toutes les précautions qui vont dans ce sens.

BENJAMIN GLAISE
On a de plus en plus de villes qui imposent le port du masque, des départements même, puisque le nord l'a imposé, est-ce qu'on sait aujourd'hui combien de villes en France sont concernées et quels sont justement… Que dit le gouvernement à ce niveau-là, que conseille le gouvernement ?

NADIA HAI
Je n'ai absolument pas de chiffre sur le nombre de villes qui obligent le port du masque. En tout cas, ce que dit le gouvernement, c'est que, en fonction de l'état sanitaire de la ville, le couple préfet/maire continue à fonctionner, nous l'avons vu pendant le confinement, l'efficacité du fonctionnement du couple préfet/maire, nous continuons évidemment dans ce sens à encourager les maires et les préfets à prendre les décisions qui conviennent dans l'état sanitaire de la ville en question.

BENJAMIN GLAISE
La Provence annonce ce matin un durcissement des mesures de la part du gouvernement à Marseille, avec par exemple la fermeture des bars à 20h, la limitation des déplacements, l'interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes ; ce sont des mesures envisageables à Marseille ou ailleurs sur les zones où circule le virus de manière active ?

NADIA HAI
Alors, ça peut être des mesures envisageables. Alors, il y a une restriction effectivement peut-être des déplacements ou des lieux que l'on a l'habitude de fréquenter, mais il vaut peut-être mieux avoir des restrictions plutôt qu'un reconfinement général, nous ne le souhaitons pas. Mais encore une fois, je pense qu'il ne faut pas laisser la place à la peur, on a un virus qui circule aujourd'hui de manière très active, il faut pour cela prendre des mesures qui s'imposent, et c'est ce que font aujourd'hui et les élus et le gouvernement.

BENJAMIN GLAISE
Alors, Nadia, on attendait cette semaine la présentation du plan de relance, finalement, ce sera pour la semaine prochaine, comment vous expliquez un tel report, certains disent que vous n'étiez pas prêt, c'est le cas ?

NADIA HAI
Alors, là, je ne peux pas confirmer le fait qu'on n'était pas prêt, nous le sommes, nous sommes prêts pour présenter ce plan de relance, nous y avons travaillé tout l'été, l'ensemble du gouvernement était mobilisé sur le plan de relance, maintenant, nous avons une situation sanitaire qui est différente que celle que nous avions au mois de juillet et quand on avait annoncé cette date du 25 août, nous sommes aujourd'hui à la tâche pour préparer cette rentrée scolaire, pour préparer cette rentrée tout court après les vacances, donc dans le milieu également de l'entreprise pour que toutes les mesures sanitaires, que la protection de nos concitoyens soient au coeur de notre action. Et donc nous le faisons, et évidemment le plan de relance est décalé d'une semaine dans sa présentation, mais il est prêt pour justement pouvoir relancer cette économie et remettre nos concitoyens, en tout cas, dans des mesures de protection sanitaire, et à côté de ça, travailler sur la relance de l'économie française.

BENJAMIN GLAISE
Alors, on cite souvent l'exemple ou le modèle allemand, mais c'est vrai que là, l'Allemagne a présenté son plan de relance en l'occurrence en juin déjà, du côté de l'opposition notamment, Bruno RETAILLEAU, le patron des Républicains au Sénat, affirme que compte tenu de l'urgence, le plan aurait dû être prêt dès la mi-juillet, il estime que cette décision de report est inquiétante pour nos entreprises, pour nos emplois, est ce qu'il a raison de s'inquiéter ?

NADIA HAI
Moi, je me méfie toujours de "y a qu'à, faut qu'on…" et il y en a en ce moment beaucoup et notamment dans l'opposition Bruno RETAILLEAU est dans son rôle de chef de l'opposition au Sénat. Maintenant, le plan de relance est prêt encore une fois, il y a des mesures qui ont commencé à être annoncées, nous avons également attribué des budgets sur certaines thématiques, je pense notamment à l'écologie où presque un tiers du budget du plan de relance lui est dédié. Le budget est prêt, maintenant, nous sommes en responsabilité, notre responsabilité, c'est la protection des Français, donc place…, la protection des Français avec la préparation de cette rentrée sur toutes les mesures sanitaires, nous sommes sur le terrain pour cela, et le plan de relance sera présenté en temps et en heure.

BENJAMIN GLAISE
Vous l'avez dit, alors, il y a un rebond finalement des cas de Covid-19 en France depuis quelques semaines déjà, ce qui a poussé, vous le disiez, à reporter ce plan de relance et à se concentrer sur cette rentrée, ça veut dire qu'il va falloir réfléchir, annoncer des mesures pour renforcer peut-être le protocole sanitaire dans les écoles par exemple, dans les entreprises encore davantage ?

NADIA HAI
Alors, il y a un Conseil de défense qui aura lieu demain matin présidé par le président de la République, Jean-Michel BLANQUER va s'exprimer également mercredi sur les conclusions de ce Conseil de défense. Nous sommes effectivement très attentifs, mais en tout cas, ce que nous savons aujourd'hui, c'est que la rentrée doit se faire pour permettre à ces enfants, à ces jeunes d'entrer dans leur année scolaire, tout en garantissant leur protection, et donc, là, on a eu effectivement l'annonce des mesures sanitaires pour cette rentrée scolaire, pour les collégiens, pour les lycéens, avec l'obligation du port du masque, voilà, et pour les maternelles et les élémentaires, pas cette obligation, puisque pour eux-mêmes, là aussi, le masque peut être un vecteur de transmission du virus.

BENJAMIN GLAISE
Alors il y a des choses qu'on a quand même du mal à comprendre parce que, d'un côté, on a le masque effectivement obligatoire, alors, dans les entreprises en lieu clos, et puis, de l'autre, dans les écoles, les enseignants pourront retirer ce masque-là s'ils sont à 2 mètres toujours en en lieu clos, est-ce que vous comprenez que les Français sont un peu perdus ou ne comprennent pas ou se disent qu'on n'est pas forcément logés à la même enseigne ?

NADIA HAI
Alors, il y a certaines fonctions, certains postes effectivement qui vont nécessiter peut-être des dérogations, mais là aussi, je laisse mes collègues qui sont spécialistes de ces questions, que ça soit Elisabeth BORNE dans le milieu du Travail, Jean-Michel BLANQUER dans le milieu de l'Education nationale, avec le ministre de la Santé, Olivier VERAN pour prendre les décisions qui s'imposent, et je leur fais confiance sur, là aussi, les recommandations qui seront faites, aussi bien dans le milieu de l'entreprise que dans le milieu scolaire.

BENJAMIN GLAISE
Nadia HAI, cet été, donc près de 500.000 jeunes de quartiers populaires ont pu bénéficier d'activités, d'ateliers sportifs, notamment, c'est l'opération des Quartiers d'été lancée cette année, cet été par le gouvernement, quel bilan vous en tirez ?

NADIA HAI
Le bilan est très, très bon des Quartiers d'été, donc je rappelle juste ce dispositif qui a été pris, enfin, la décision a été prise après…, pendant le confinement, donc pour assurer une continuité éducative pédagogique de ces millions de jeunes et d'enfants qui ont vécu cette période de confinement, et donc le Quartiers d'été vient dans un dispositif global, donc qui est un dispositif interministériel, donc des vacances apprenantes, et les Quartiers d'été a pu bénéficier à 500.000 jeunes, donc soit plus d'un jeune sur trois, ce qui est pour nous une réussite après la période que nous avons connue, ça a tellement été une réussite que beaucoup d'acteurs, d'élus, de bénévoles, de salariés, même, saisonniers de ces Quartiers d'été ont demandé à ce qu'on prolonge cette initiative, en tout cas, ce programme. Et j'annonce ce matin que nous allons… que je vais lancer les Quartiers d'automne, et donc aux vacances de la Toussaint, nous mettrons également…

BENJAMIN GLAISE
Pour les vacances de la Toussaint.

NADIA HAI
Tout à fait, nous mettrons également ce dispositif en place, en fonction des projets et des programmes qui nous seront présentés par les élus, et mon ministère financera ces Quartiers d'automne.

BENJAMIN GLAISE
Avec des objectifs comme ceux qu'on a eus pour l'été, donc autour de 500.000 jeunes encore qui pourront bénéficier…

NADIA HAI
Alors nous espérons en toucher un maximum de jeunes évidemment, maintenant, j'espère que ce nombre-là sera atteint, voire dépassé, mais en tout cas, nous mettons les moyens pour pouvoir prolonger ce dispositif, donc dès les vacances de la Toussaint, nous profiterons de cette rentrée, des quelques jours de rentrée scolaire en tout cas de ces jeunes pour établir ensemble des projets, des programmes pour les vacances de la Toussaint.

BENJAMIN GLAISE
Est-ce que ce sont autant de jeunes qui ont souffert finalement de ce confinement et de cette période de coronavirus, ça a été particulièrement dur pour eux dans les quartiers ?

NADIA HAI
C'était particulièrement dur dans les quartiers évidemment prioritaires, puisqu'il y a ce confinement, dans ces appartements, dans ces tours, parfois petits, trop petits, pour les familles, et je tiens vraiment à saluer le respect des consignes et des recommandations qui ont été faites, on entend parfois souvent que les quartiers, dans les quartiers, on n'a pas respecté forcément les mesures sanitaires, le confinement, le port du masque, j'étais élue de Trappes, de la ville de Trappes, j'étais parlementaire, et donc j'ai été en contact avec ces habitants des Quartiers, et ce que je peux vous dire, c'est que les cas de non-respect des recommandations étaient à la marge, et que la plupart des personnes qui y vivent ont respecté les mesures sanitaires, donc ça, c'est quelque chose qu'il faut saluer malgré effectivement les conditions de vie de ces personnes.

BENJAMIN GLAISE
Ces quartiers d'été, ce n'est pas aussi un dispositif pour garder un pied dans certains quartiers ? On sait que certains Français sont inquiets de voir ces quartiers peut-être laissés pour compte ou, d'une certaine façon, abandonnés ? Est-ce que pour vous, c'est une façon aussi de remettre un pied dans ces quartiers-là ?

NADIA HAI
Là, je ne partage pas encore une fois… Les quartiers ne sont pas des quartiers abandonnés, ce ne sont pas des territoires abandonnés ni par la République ni par le gouvernement. J'ai été parlementaire pendant trois ans, élue également de ces quartiers. Ce que je peux vous dire, c'est que nous sommes à la tâche depuis trois ans pour mener une politique en faveur de ces quartiers. Beaucoup de choses ont été faites. Evidemment beaucoup reste à faire mais nous le faisons et nous sommes évidemment présents dans ces quartiers. D'ailleurs j'y suis depuis ma nomination très régulièrement, j'y retourne encore à trois reprises cette semaine dans trois villes différentes. Demain je me rendrai en Seine-Saint-Denis avec l'association Banlieue santé qui, elle, travaille dans la prévention justement et de l'égal accès aux soins des habitants des quartiers prioritaires. C'est une association que je finance et donc là aussi, j'affirme avec beaucoup de conviction que l'Etat n'abandonne pas les quartiers. L'Etat est présent et le sera davantage au cours des mois.et années à venir.

BENJAMIN GLAISE
Nadia HAI, vous vous êtes engagée très récemment en politique auprès d'Emmanuel MACRON en 2017. Vous voilà déjà ministre déléguée à la Ville. Quel bilan vous faites justement de vos premiers mois dans ce gouvernement ?

NADIA HAI
Premières semaines dans le gouvernement. Non, je n'ai pas encore tiré de bilan. Nous avons été nommés il y a quelques… Enfin, au tout début du mois de juillet.

BENJAMIN GLAISE
En tout cas, j'imagine que c'est assez intense probablement.

NADIA HAI
C'est très intense évidemment. Nous nous sommes tout de suite mis à la tâche dès notre nomination. On m'a attribué effectivement ce Ministère de la ville. Ce n'est pas un hasard. J'ai pendant, encore une fois comme je vous le disais, pendant trois ans travaillé sur la question des quartiers politique de la ville. J'en suis moi-même issue, j'y ai vécu presque trente ans.

JUDITH BELLER
Vous êtes issue d'où ?

NADIA HAI
De Trappes, de la ville de Trappes. Voilà, je suis native et j'y ai vécu presque trente ans. Donc non seulement la politique de la ville je l'ai vécue, mais également j'ai travaillé pendant trois ans sur la question de la rénovation urbaine qui est une thématique qui permet de balayer l'ensemble des thématiques de la politique de la ville. J'ai beaucoup travaillé aussi avec mon prédécesseur Julien DENORMANDIE sur ces questions. Donc et le côté justement natif et du vécu et celui de l'expertise aide effectivement à intégrer ce ministère qui a, je le rappelle, beaucoup, beaucoup d'enjeux majeurs pour notre société et je suis à la tâche depuis maintenant le 6 juillet et je continuerai avec autant de détermination et de conviction à apporter les réponses tant attendues par nos habitants des quartiers.

BENJAMIN GLAISE
Nadia HAI, le mot de la fin, le dernier mot. Il est pour Judith BELLER.

JUDITH BELLER
Oui. Concrètement Nadia HAI, on aura parlé du plan de relance, on parle des quartiers d'été, on parle des 100 milliards. Est-ce que sur ce plan de relance, il y en a une partie qui est destinée aux quartiers qui souffrent, on le sait, en ce moment ?

NADIA HAI
En fait ce qu'il faut savoir, c'est qu'effectivement il va y avoir une attribution budgétaire en fonction des thématiques, mais l'ensemble des thématiques concerne les quartiers politiques de la ville. Quand on a cité l'exemple tout à l'heure de l'écologie, des 30 milliards de l'écologie, évidemment qu'il y a une partie qui va être consacrée aux quartiers politique de la ville. Quand vous parlez de rénovation énergétique de bâtiments, on ne parle pas que de l'immeuble de Paris. On parle également de l'immeuble de Trappes ou d'ailleurs. Et d'ailleurs, il y a aussi un grand plan de rénovation des bâtiments publics, des écoles des EHPAD. Mais quand on parle d'écoles qui sont des passoires thermiques, eh bien, bien évidemment, ça concerne les quartiers politiques de la ville. Donc une grande partie sera affectée. Moi, mon rôle à moi, c'est de faire en sorte que les budgets qui doivent arriver aux quartiers…

JUDITH BELLER
Vous savez combien ?

NADIA HAI
Ce n'est pas une question de montant. Je pense que là pour le coup, c'est une question de projet et ce dont on a besoin sur le terrain. Mais en tout cas, voilà, mon rôle à moi c'est de m'assurer que le plan de relance puisse bénéficier aux quartiers politique de la ville, que ça soit en matière d'écologie, que ça soit en matière de travail parce qu'on sait très bien que la relance économique, quand elle a lieu sur le territoire national, eh bien elle est plus compliquée dans les quartiers politique de la ville. Donc moi, mon rôle à moi, c'est de faire en sorte que cette relance économique arrive également dans les quartiers prioritaires. Je m'y atèle et je m'en assurerai.

JUDITH BELLER
Merci Nadia HAI.

BENJAMIN GLAISE
Un grand merci, Nadia HAI, d'avoir été avec nous, Ministre déléguée de la Ville.

NADIA HAI
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 août 2020