Interview de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, à BFM TV le 4 septembre 2020, sur le plan de relance et l'utilisation de néonicotinoïdes dans les champs de betteraves.

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Média : BFM TV

Texte intégral

ADELINE FRANÇOIS
Au lendemain de la présentation du plan de relance par Jean CASTEX, on accueille Barbara POMPILI, ministre de la Transition écologique. Bonjour et merci d'être avec nous.

BARBARA POMPILI
Bonjour.

ADELINE FRANÇOIS
30 milliards seront consacrés à la transition écologique dans ce plan de relance de 100 milliards, ça a été dur d'arracher cette enveloppe ? On avait parlé de 20 milliards initialement…

BARBARA POMPILI
Non, au départ, c'était même 15 milliards, c'était 15 milliards. Mais en fait, tout le monde s'est rendu compte qu'il fallait mettre le paquet, on avait l'occasion de le faire, parce que cette crise qui nous touche tous, c'est aussi le moment de préparer le monde de demain et de l'enseignement de demain, et donc c'est pour ça que, finalement, j'ai convaincu assez facilement Bruno LE MAIRE, le Premier ministre, le président de la République d'arriver à ces 30 milliards.

CHRISTOPHE DELAY
On se méfie toujours des effets d'annonce, et la question que l'on se pose, c'est de savoir quand on aura la traduction complète, sur le terrain, visible pour nous de ces investissements, quand ?

BARBARA POMPILI
Tout de suite, tout de suite…

CHRISTOPHE DELAY
Donnez un exemple. Le but, là, c'est qu'on commence notamment les travaux de rénovation des bâtiments tout de suite, là, on va mettre le paquet, on met à 7 milliards dont 5 milliards dans les bâtiments publics, alors l'idée des bâtiments publics, c'est non seulement que l'État fasse enfin les travaux qu'il doit faire dans les bâtiments qui relèvent de lui, mais aussi que toutes les collectivités fassent remonter les travaux qui étaient un peu, ce qu'on appelle un peu en stand-by, parce que ça manquait de moyens, sur un commissariat, sur des écoles, sur des hôpitaux, etc, etc.

CHRISTOPHE DELAY
Bon, c'est très bien tout ça, tous ces tous les exemples que vous donnez, mais on se dit que ça paraît un peu anecdotique par rapport à l'enjeu global, ça ne l'est pas ?

BARBARA POMPILI
Non, justement parce que, enfin ce plan, en fait, il s'attaque à ce qui crée des émissions de gaz à effet de serre, ce qui réchauffe la planète. Aujourd'hui, on a 4 secteurs grosso modo qui sont les transports, qui sont l'industrie et qui sont aussi l'agriculture et le bâtiment, et donc on focalise sur ces secteurs-là pour, entre guillemets, ce qu'on appelle les décarboner, c'est-à-dire, faire en sorte qu'on ait des transports plus verts, qu'on favorise les voitures électriques, qu'on favorise les transports en commun, le ferroviaire qui a été très délaissé pendant des années, etc…

ADELINE FRANÇOIS
Alors, justement sur les transports, 11 milliards pour les transports dont 4,7 pour redévelopper le fret ferroviaire, les petites lignes, sur le fret ferroviaire, l'enjeu, c'est quand même de réussir aussi à convaincre aujourd'hui les entreprises qui mettent toutes leurs marchandises sur des camions de les remettre sur des trains, ce qu'elles ne font plus depuis des années…

BARBARA POMPILI
Oui, mais d'abord, parce qu'il y avait un problème d'infrastructures, au bout d'un moment, quand vous avez des infrastructures qui ne sont pas performantes ou quand ils n'ont pas assez de sillons, vous savez, quand on n'a pas assez de sillons, on ne peut pas mettre les marchandises sur les trains. Donc là, on met le paquet sur les infrastructures pour notamment développer ce qu'on appelle les autoroutes ferroviaires, qui permettent aux camions qui traversent la France, par exemple de la Belgique jusqu'à l'Espagne, et qu'on voit sur nos routes, eh bien, ces camions-là, ils auront une infrastructure dédiée pour enfin libérer les routes, et en plus, ça crée de la sécurité, parce que, aujourd'hui, au-delà de la question du climat qui est très importante, il y a aussi les questions de sécurité routière. Donc tout est lié, il y avait un besoin, si vous voulez, le plan de relance, tout ne va pas s'arrêter en termes de politique écologique dans 2 ans, j'espère bien, l'idée, c'est vraiment, là, de relancer la machine, dans le bâtiment, par exemple, ça va nous aider aussi à développer des filières locales pour utiliser des matériaux, comme le bois, comme le lin, comme le chanvre, donc ça va aussi aider notre agriculture à trouver des débouchés, donc voyez, c'est très vertueux comme cercle, on est vraiment sur relancer l'économie. Ce que disait un de mes collègues, c'était, en fait, on redémarre le moteur, non, non, on ne le redémarre pas, on le change complètement.

CHRISTOPHE DELAY
Alors, réouverture des petites lignes aussi, voilà, alors qu'il y a deux ans, la tendance était exactement l'inverse, les fermer, là aussi, est-ce que ça participe vraiment à l'enjeu, au grand enjeu de la transition écologique, et est-ce qu'on ne va pas faire le contraire dans deux ans ?

BARBARA POMPILI
J'espère bien que non…

CHRISTOPHE DELAY
Mais vous voyez, la parole politique change tellement d'une année sur l'autre…

BARBARA POMPILI
Non, parce que je crois que là, il y a quand même un état d'esprit qui a évolué sur ces questions-là, on s'est rendu compte que l'écologie, c'est un vecteur de développement économique, c'est un vecteur de création d'emplois, et en plus, on va arrêter de faire aussi du haut vers le bas, de prendre des grandes décisions d'en haut qui sont un peu déconnectées. Là, l'idée, c'est de voir les besoins sur les territoires, y compris sur les petites lignes, sur les petites lignes, il peut y avoir une petite ligne qui est intéressante de laisser comme ça, peut-être qu'il y a d'autres petites lignes qu'il faudra revoir pour mettre des trains légers ou bien pour mettre des navettes, etc, donc chaque territoire va identifier ses besoins, et c'est ça qui est très important, c'est par le bas, par de terrain, qu'on va connaître ce qu'il faut, et que, nous, on va mettre les sous pour le financer.

CHRISTOPHE DELAY
Des fois, l'écologie et l'économie, c'est compliqué Barbara POMPILI, le gouvernement a autorisé hier, jusqu'en 2023, l'utilisation de néonicotinoïdes dans les champs de betteraves, victimes en ce moment de la jaunisse transmise par le puceron vert, je voulais d'abord qu'on réécoute ce que vous disiez à propos des néonicotinoïdes en 2016.

BARBARA POMPILI (DOC 2016)
Si on commence à dire : on interdit là où il y a des alternatives, mais on fait des dérogations, et on les laisse courir dans le temps, on sait très bien que ça, c'est la porte ouverte au fait qu'il y ait certains néonicotinoïdes qui ne soient jamais interdits.

ADELINE FRANÇOIS
Vous avez mangé votre chapeau ?

BARBARA POMPILI
Absolument pas, absolument pas. Les néonicotinoïdes, aujourd'hui, ils sont quasiment tous interdits, et si je n'avais pas dit ça à l'époque, aujourd'hui, ils ne seraient pas interdits, aujourd'hui, on a 90% néonicotinoïdes interdits, on a un problème sur les betteraves, pourquoi, il y a quatre ans, quand j'ai dit cette phrase, on avait le temps de le faire, d'ailleurs la présidente de la FNSEA nous dit aujourd'hui : il nous faut 2, 3 ans pour trouver des solutions, donc on avait le temps, sauf que ça n'a pas été fait ,parce que la filière n'a pas bougé ce qu'il fallait, parce que la recherche n'a pas avancé suffisamment, parce que l'État n'a pas assez piloté, on a perdu 4 ans, et donc moi, quand j'arrive aux responsabilités, je me rends compte que ce qui aurait dû être fait en 4 ans n'a pas été fait, donc après, on peut pleurer ou on peut se retrousser les manches et dire : maintenant, on va le faire pour que, définitivement, les néonicotinoïdes soient interdits le plus vite possible…

ADELINE FRANÇOIS
En attendant, on aura le droit de mettre des semences enrobées de néonicotinoïdes dans les champs de betteraves pour qu'il n'y ait plus les pucerons verts qui viennent leur donner la jaunisse ?

BARBARA POMPILI
Le moins longtemps possible, et les filières, là, vont devoir travailler très vite à trouver des alternatives, parce qu'après, ce sera terminé, donc si on veut encore, et ça, moi, j'appelle tout le monde, si on veut encore avoir de la betterave sucrière et une industrie du sucre en France dans les années qui viennent, on doit trouver des alternatives, là, maintenant on n'attend plus, et on ne laisse plus traîner comme ça a été fait depuis 4 ans.

CHRISTOPHE DELAY
Merci beaucoup Barbara POMPILI d'être venue nous voir ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 septembre 2020