Entretien de M. Franck Riester, ministre du commerce extérieur et de l'attractivité, à France Info TV le 5 octobre 2020, sur le projet de fusion entre Veolia et Suez, les tensions commerciales entre l'Europe et les États-Unis et le Brexit.

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  • Franck Riester - Ministre du commerce extérieur et de l'attractivité

Média : France Info TV

Texte intégral

Q - Bonjour à tous, ":l'éco" avec Franck Riester qui est le ministre du commerce extérieur et de l'attractivité. Avec lui, nous allons parler du Brexit, de la guerre commerciale entre l'Europe et les Etats-Unis. Mais d'abord, une guerre franco-française, celle entre Veolia et Suez. C'est la dernière ligne droite, aujourd'hui l'offre s'éteint du côté de Veolia, que va faire l'Etat qui est actionnaire d'Engie ?

R - L'Etat demande à ce qu'il y ait un accord, à ce que les parties puissent s'entendre pour proposer un projet industriel à la hauteur des enjeux. Vous savez que les secteurs de l'environnement et de la ville durable sont des secteurs essentiels pour notre économie française, tant en France que dans son déploiement à l'international, il y a des potentiels de développement considérables autour de ces secteurs d'activités. Nous devons avoir, à l'issue de ces tractations, un dispositif France encore plus performant pour ce secteur si important qu'est le secteur de l'environnement.

Deuxièmement, on demande que cette organisation nouvelle ne soit pas au détriment, d'une part de la concurrence légitime qu'il doit y avoir sur ces secteurs d'activités, notamment pour les communes, les collectivités territoriales qui font des appels d'offres, et d'autre part, que ce ne soit pas au détriment de l'emploi.

Q - Oui mais justement, pour Suez, c'est au détriment de l'emploi, c'est une action hostile. Engie est prêt à vendre, l'Etat peut-il laisser faire ?

R - L'Etat est mobilisé, Bruno Le Maire et ses équipes, pour faire en sorte qu'il y ait un accord, et que cet accord soit positif à la fois en terme de dispositif industriel et commercial pour demain, pour que la France continue d'être parmi les leaders mondiaux de ce secteur de l'environnement, et deuxièmement, que ce ne soit pas au détriment de l'emploi. Le tout permettant de garantir que quand une collectivité fait un appel d'offres, il puisse y avoir une concurrence française dans le domaine de l'eau, de l'assainissement, pour que nous n'ayons pas, après cet accord, trop de concurrents étrangers qui viennent prendre des parts de marchés, alors qu'aujourd'hui, nous avons des acteurs français qui, dans bien des cas, prennent ces parts de marché au service de la qualité du service public en France.

Q - Le commerce extérieur, parlons-en, puisque dans la guerre commerciale avec les Etats-Unis, l'OMC devrait autoriser l'Europe à des sanctions contre les produits américains, à notre tour.

R - Oui, alors on ne se réjouit pas du tout de cette situation, on préférerait qu'il y ait moins de guerre commerciale. On souhaiterait plutôt que les Etats-Unis retirent leurs tarifs douaniers qu'ils ont mis suite à une décision de l'OMC concernant Airbus. Vous savez qu'Airbus et Boeing sont deux concurrents qui sont évidemment très en concurrence ...

Q - Et par leurs Etats et finances publiques ?

R - Oui, exactement, ce sont des secteurs stratégiques. Donc il y a eu une décision de l'OMC autorisant les Etats-Unis à prendre des sanctions. On l'a regretté parce que Boeing est aussi accompagné par les Etats-Unis et donc, du coup, l'Europe, qui ne veut pas se laisser faire, ne veut pas laisser ses entreprises en fragilité par rapport à ses concurrents internationaux, a obtenu aussi des sanctions possibles.

Q - Alors combien ?

R - Plusieurs milliards, ce sera précisé dans les jours qui viennent.

Q - On dit quatre milliards de dollars.

R - Cela sera autour de ce montant-là, mais cela sera précisé le 13 octobre par l'OMC et on prendra ensuite les décisions au niveau européen, parce que ce sont des décisions européennes comme vous le savez, de taxer tel ou tel produit américain. Mais avec comme message qu'on envoie aux Etats-Unis, c'est de dire : "trouvons un accord, faisons en sorte de supprimer plutôt les barrières douanières plutôt que d'en rajouter". Sachant qu'Airbus a joué le jeu puisqu'Airbus a pris un certain nombre de décisions à la demande des Etats membres de faire en sorte qu'ils réduisent les aides dont ils bénéficiaient notamment sur le financement de l'A350. Ce qui représente un effort considérable pour Airbus, c'est un milliard deux cent millions d'euros sur dix ans d'efforts. La contrepartie, c'est qu'on demande aux Etats-Unis de supprimer les barrières douanières. Mais en tout cas, nous, si les Etats-Unis continuent dans cette détermination à mettre des barrières douanières, à mettre des tarifs douaniers, eh bien l'Europe ne laissera pas ces entreprises seules et appliquera aussi des barrières douanières.

Q - L'autre grand sujet à l'international, c'est le Brexit. Est-ce qu'on se prépare à une absence d'accord et donc à ce que l'on appelle un no deal, côté français ?

R - Oui, on se prépare à toute éventualité. On préférerait qu'il y ait un accord mais s'il ne devait pas y avoir d'accord, il faut que l'Europe soit prête, il faut que la France soit prête, il faut que les entreprises se préparent. C'est tout le travail interministériel que nous faisons pour, par exemple, préparer les douanes aux contrôles sanitaires, aux contrôles douaniers en tout genre. C'est ce que l'on fait avec Business France, vous savez que c'est l'opérateur qui est au service des entreprises françaises à l'international. Et donc j'invite, moi, toutes les PME qui ont des échanges avec les Britanniques de travailler avec Business France pour voir de quelle manière elles doivent se préparer à un éventuel no deal.

Pour autant, on mobilise toute notre énergie derrière le négociateur européen, Michel Barnier, pour trouver un accord. Mais pas à n'importe quel prix. Oui, à avoir des échanges toujours aussi nombreux avec les Britanniques, voire encore peut-être davantage demain après le Brexit, mais pas à n'importe quel prix. C'est-à-dire pas au prix d'un dumping qui mettrait nos entreprises en situation de concurrence déloyale par rapport aux entreprises britanniques. Et c'est le mandat qui a été confié à Michel Barnier.

Donc, c'est vrai pour ce que l'on appelle les règles de commerce équitable. C'est vrai au niveau de la pêche parce qu'il faut que nos pêcheurs puissent continuer d'aller pêcher dans les eaux britanniques. Et puis, troisièmement, c'est la gouvernance que l'on va avoir demain après le Brexit entre les Britanniques et l'Union européenne. Et quand on voit que les Britanniques se sont déjà, je dirais, assis sur leur signature...

Q - ...vous vous méfiez...

R - ...on se méfie. Vous savez que l'accord de retrait avait spécifié un certain nombre de choses et les Britanniques ont dit "non, on ne va pas accepter, on revient sur ces modalités-là", ce n'est pas acceptable.

(...)

Q - Merci beaucoup d'avoir été avec nous. Très bonne journée à vous tous.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 octobre 2020