Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les relations entre la France et la Lettonie, l'OTAN et la construction européenne, à Riga le 29 septembre 2020.

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Circonstance : Déplacement en République de Lettonie

Texte intégral

Merci beaucoup. Merci, Monsieur le Président, cher Egils.


Je suis très heureux aujourd'hui d'être parmi vous à Riga avec mon épouse et notre délégation et vous remercie très chaleureusement pour votre accueil. Je connais moins bien votre pays que vous ne connaissez le nôtre ainsi que notre langue, et votre carrière d'éminent juriste vous a en effet permis de connaître tout à la fois notre langage et notre droit. Je vous envie et j'aimerais avoir la même connaissance de votre pays. Il n'en demeure pas moins que, comme vous l'avez souligné, cette visite officielle bilatérale d'un Président français est la première depuis celle de Jacques CHIRAC en juillet 2001. Je suis aujourd'hui à Riga pour, au fond, réparer cette longue absence, mieux comprendre, mieux nous connaître, aussi expliquer plusieurs éléments importants de notre politique européenne et internationale, mais développer aussi nombre de voies bilatérales que nous devons et pouvons renforcer sur le plan académique, culturel et économique, vous l'avez parfaitement évoqué.

Néanmoins, cette absence de visites officielles bilatérales ne doit pas masquer les liens de l'histoire si forts qui nous unissent, et vous l'avez, en creux, rappelé. En novembre 1919, quand des navires français s'engagèrent aux côtés des marins lettons dans le golfe de Riga pour appuyer leur aspiration à la liberté, quand Aristide BRIAND, ensuite, se fit l'avocat de l'indépendance de la Lettonie devant la Société des Nations, et lorsque François MITTERRAND fut le premier chef d'État occidental à se rendre en Lettonie à l'occasion de son indépendance recouvrée. Ces quelques jalons suffisent à dire, au-delà des échos entre nos devises et nos textes constitutionnels, les liens qui nous unissent. Cette identité lettone affirmée, singulière, c'est celle aussi que je veux mieux découvrir et reconnaître, celle qui fait que votre pays, en s'engageant à plein au sein de l'Union européenne, n'en a pas pour autant renoncé à son identité profonde, à son attachement profond à sa culture et je sais combien aussi cette culture européenne compte. C'est pour cela et pour rendre hommage à cet attachement viscéral à votre vie intellectuelle, culturelle, mais à la part européenne de celle-ci, que la tragique histoire du groupe français, comme on l'appelait, démontre, que je rendrai demain hommage au Musée des occupations à cet écho de notre histoire, si je puis dire, de votre histoire, le courage de celles et ceux qui ont voulu penser librement, défendre la liberté, et dont je dois vous dire que c'est pour moi un extrême honneur qu'ils aient eu ce nom de baptême. Je veux aussi ici rappeler la contribution à la culture européenne de votre pays, les poètes RAINIS, ZIEDONIS, les peintres ROSENTHAL, ROTHKO, l'architecte EISENSTEIN, le violoniste KREMER, qui font partie de notre patrimoine européen et dont les noms, en écho, j'en suis sûr, éveillent chez beaucoup d'entre nous des souvenirs et sont largement présents à Paris.

Monsieur le Président, vous l'avez rappelé, nos pays sont unis à plusieurs égards, unis au sein de l'OTAN et vous savez l'engagement de la France au sein de l'eFP pour protéger et participer à cette mission essentielle qui est la nôtre en tant qu'allié et dans laquelle nous nous inscrirons dans la durée. J'étais il y a quelques instants, juste avant de vous rejoindre, en Lituanie auprès de nos forces qui sont adjointes à l'eFP et vous savez combien nous sommes engagés pour la sécurité de votre pays dans le cadre de l'OTAN. Nous tenons à ce cadre et nous sommes conscients de votre voisinage comme de votre histoire. Et c'est aussi dans cet esprit de compréhension réciproque, de transparence et de protection de votre sécurité que nous avons voulu contribuer à réenclencher un dialogue stratégique avec la Russie. Je sais qu'il éveille parfois des interrogations ou beaucoup de commentaires. Je veux ici dire avec beaucoup de force que ce dialogue ne nie rien de toutes nos histoires européennes mais vise à regarder en face notre histoire et notre géographie sans aucune naïveté ou crédulité, à réengager un dialogue stratégique exigeant avec nos voisins russes pour justement trouver les voies des désescalades lorsqu'elles s'imposent. Mieux lutter contre les cyberattaques ou les intrusions parfois les manipulations, et construire une architecture de sécurité en bâtissant les voies d'une confiance que, dans le temps, nous devons savoir reconstruire. Ça ne se fera pas en un jour mais je pense que c'est une nécessité et c'est pourquoi, au-delà de notre partenariat au sein de l'OTAN, notre partenariat au sein de l'Union européenne est à mes yeux essentiel.

Nous sommes deux pays qui jouons un rôle important et avons beaucoup de valeurs communes et des volontés communes. Ce dialogue, d'ailleurs, doit s'inscrire dans ce cadre comme d'ailleurs plusieurs combats communs que nous menons s'y inscrivent. Je n'oublie pas qu'il y a maintenant un an et demi, la Lettonie a pris la décision de rejoindre une initiative franco-néerlandaise pour la neutralité carbone. Et votre décision – j'en avais alors parlé lors du sommet de Sibiu avec votre Premier ministre – a déclenché véritablement un mouvement de fond. Nous avons ensuite été 8, puis 10 et nous avons réussi à convaincre l'ensemble du groupe et je crois que cet attachement, qui est une conviction contemporaine de votre pays pour la lutte contre le changement climatique, est un élément important de notre stratégie ensemble.

De la même manière, nous oeuvrons ensemble sur le plan de relance européen. Je veux saluer le rôle de votre pays pour contribuer à une solution en juillet dernier, bâtir véritablement une volonté et une ambition commune pour notre Europe sur le plan économique, industriel, technologique mais aussi sanitaire. Vous l'avez rappelé, notre volonté, aussi, commune, et c'est la force de ce texte que nous signons à trois – Lettonie, Lituanie et France – c'est de protéger notre démocratie et notre information contre les manipulations, les intrusions, parfois les attaques. Et donc, de déployer à la fois l'organisation politique et administrative pour le protéger. L'organisation aussi technologique qui nous permettra de rendre nos démocraties, à la fois dans le processus électoral mais le quotidien aussi de notre vie démocratique qui suppose une information libre, plus sûre. Cette initiative est importante, nous en débattrons demain, mais elle constitue, je crois, un jalon essentiel de notre combat européen. Il y a beaucoup d'autres sujets que nous portons ensemble et la conférence pour l'avenir de l'Europe, qui débutera bientôt ses travaux, sera à mes yeux un lieu privilégié, assemblant toutes les institutions, toutes les sensibilités politiques de cette redéfinition de notre Europe que vous avez évoquée.

Je salue votre volonté, Monsieur le Président, de donner à la Lettonie plus de place non seulement en Europe, mais au sein des Nations Unies et à l'international. Nos discussions de ce soir et de demain matin permettront d'aller plus loin sur ces sujets. Nous sommes, je le disais, ensemble, dans la présence avancée de l'OTAN, la police du ciel mais je veux aussi saluer la présence de la Lettonie dans le cadre de l'alliance internationale que nous avons su bâtir au Mali. C'est un signe important de cet engagement pour la paix, la lutte contre le terrorisme et la stabilité du continent africain qui montre l'ambition légitime de votre pays, mais aussi les combats que nous menons épaule contre épaule, ensemble.

Voilà, Monsieur le président de la République ce que je voulais vous dire en vous remerciant à nouveau pour votre accueil et vos mots. Voyez toujours dans la France une amie et une alliée, un partenaire fiable et à l'écoute. Nous aimons la liberté, et la France est toujours du côté des combattants de la liberté. Vous en fûtes, vous en êtes. Et dans un présent souvent bousculé, une géographie qui demeure extraordinairement incertaine, nous serons aux côtés de la Lettonie en tant que membre de l'Union européenne, en tant qu'allié de l'OTAN, en tant qu'ami. Merci Monsieur le Président.