Déclaration de Mme Florence Parly, ministre des armées, sur le sous-marin nucléaire d'attaque Suffren, à Toulon le 6 novembre 2020.

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Circonstance : Cérémonie de réception du sous-marin nucléaire d'attaque Suffren

Texte intégral

Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le chef d'état-major des armées,
Monsieur le délégué général pour l'armement,
Monsieur le chef d'état-major de la marine,
Messieurs les présidents directeurs généraux,
Mesdames et messieurs les officiers généraux,
Officiers, officiers-mariniers, quartiers-maîtres, matelots,
Mesdames et Messieurs,


Aujourd'hui est un jour d'exception. C'est un jour mémorable pour nos armées, en particulier pour la Marine nationale, c'est un jour important pour notre industrie française, c'est un jour d'immense fierté pour notre Nation.

Aujourd'hui, au terme de 6 mois d'essais à la mer, la Marine nationale s'apprête à recevoir le tout premier sous-marin nucléaire d'attaque de la classe Suffren. Un sous-marin qui servira plusieurs générations de marins durant les décennies prochaines. Personne n'aurait aujourd'hui l'audace de prétendre savoir à quoi ressemblera le monde des années 2050, mais si nous devions n'avoir qu'une certitude, c'est celle-ci : sous les mers, les SNA Suffren seront là. Pour concourir à la permanence de notre dissuasion, pour garantir notre liberté d'action, pour protéger les Français.

Aujourd'hui, c'est donc l'aboutissement d'un projet de très longue haleine, qui demande patience et persévérance, détermination et passion. C'est une étape décisive sur un chemin qui a été parfois sinueux, parfois semé d'embûches, mais qui, grâce à l'implication de tous, est aujourd'hui un succès, dont peu de Nations peuvent s'enorgueillir.

Et alors que notre pays traverse de difficiles épreuves, il faut savoir célébrer chaque occasion qui nous rappelle que nous sommes une grande Nation.

"Un pays du temps long", avait dit le Président de la République il y a un peu plus d'un an, lorsque nous étions réunis à Cherbourg, pour la mise à l'eau du Suffren, le 12 juillet 2019. Un pays du temps long, oui, et il le faut car les mots du prince de Joinville ne se démentent pas : "Pour avoir une Marine, il faut la vouloir beaucoup, et surtout la vouloir longtemps." Mais nous sommes aussi un pays capable d'accélérer la cadence et de redoubler d'efforts lorsqu'il le faut.

Ces 16 derniers mois ont été particulièrement productifs. Ils ont été marqués par des étapes importantes, que nous avons menées avec succès : la première divergence de sa chaufferie nucléaire en décembre 2019, puis les premiers essais à la mer, pilotés par la direction générale de l'armement en avril 2020, au beau milieu de confinement, et il y a quelques jours les tirs de qualification de la torpille F21 et du Missile de croisière naval. En pleine crise sanitaire, vous avez tous fait preuve d'une mobilisation exceptionnelle, qui a permis de valider en 6 mois seulement, les essais à la mer et les performances techniques d'un sous-marin de nouvelle génération, de prononcer sa qualification avec celle de deux systèmes d'armes nouveaux, et de le livrer aujourd'hui à la Marine. C'est du jamais vu.

Je félicite aujourd'hui le maître d'oeuvre du navire et concepteur Naval Group ainsi que TechnicAtome, maître d'oeuvre de la chaufferie, mais aussi les sous-traitants et partenaires, notamment MBDA, Thales, Safran, ThermoDyn. Je félicite également l'engagement de la maîtrise d'ouvrage assurée par la DGA avec le CEA pour la chaufferie nucléaire. La DGA et le CEA oeuvrent ensemble depuis plus de vingt ans, en lien avec la Marine, pour spécifier et faire construire cette nouvelle génération de SNA.

Je n'oublie pas, bien sûr, les équipes qui ont conduit les essais de ce nouveau sous-marin, l'équipage d'armement du Suffren, qui conduit le bâtiment en essais, mais aussi les experts de la DGA, du CEA, des industriels. Cette période particulière a aussi nécessité l'implication sans faille des bases navales, particulièrement celle de Cherbourg et de l'Etablissement de contrôle de Cherbourg de la DGA.

Je tiens à saluer la force et la vigueur de l'engagement de l'ensemble des personnels, partout où ils se trouvent, engagement qui se poursuit aujourd'hui dans des conditions difficiles.

Je pense à toutes celles et ceux qui auraient souhaité être ici avec nous pour célébrer le fruit de leur travail, et voir se dresser majestueusement, derrière moi, le massif noir du Suffren, avec la fierté de pouvoir se murmurer à soi-même : "J'en ai été. Nous l'avons fait."

Oui, vous l'avez fait. Ensemble, vous avez conçu et réalisé un sous-marin d'exception qui garantira notre indépendance, qui sera le symbole de notre souveraineté et la cheville ouvrière de notre liberté d'action. Ensemble, vous avez participé activement au renouvellement des capacités stratégiques de la Marine, porté par la loi de programmation militaire, et qui permet de doter la Marine d'un système d'armes dont seules les plus grandes puissances mondiales sont dotées. Et j'en suis sûre, l'admiration de nos sous-mariniers devant les performances de ce nouveau SNA, leurs yeux brillants devant le Suffren, c'est le plus bel hommage qui puisse être rendu à votre travail.

Je n'aurai pas le temps de détailler chacun des 70 000 équipements, des 160 kilomètres de câbles, 20 kilomètres de tuyaux et tout le concentré de technologie intégrés au Suffren. Mais je prendrai le temps d'évoquer les principales innovations qui en font un sous-marin deux fois plus silencieux, qui navigue deux fois plus loin, et qui frappe deux fois plus fort.

Il est plus discret grâce à des barres de plongée avant rétractables qui améliorent sa progression silencieuse dans les profondeurs sous-marines. Il est plus endurant et plus autonome, notamment grâce à sa propulsion hybride qui combine moteur électrique et turbines de propulsion. Le Suffren sera aussi capable de tirer contre la terre, dans la profondeur, grâce à un système de combat non seulement renouvelé, mais étendu : aux torpilles lourdes F21, aux missiles SM39 s'ajoutent désormais des missiles de croisière navals. Les essais de ces différents armements ont été réalisés avec succès. Avec le missile de croisière naval, Le Suffren dote ainsi notre pays d'une capacité de frappe conventionnelle vers la terre depuis un porteur indétectable.

Une grande innovation du Suffren réside enfin dans sa capacité à accueillir et à projeter des nageurs de combat, sans faire surface. Il met à notre portée des interventions qui ne pouvaient être envisagées jusqu'à présent.

Il n'y a pas l'ombre d'un doute : les SNA de la classe Suffren seront des instruments de puissance et des navires de combat d'exception. Tenir une permanence sous la mer, en toute discrétion, au plus loin comme au plus proche des côtes, procure une supériorité essentielle à notre pays.

Le Suffren constitue le premier de cette nouvelle classe de sous-marins, mais nous en avons 5 autres à construire, et ce programme majeur occupera des milliers d'emplois à travers notre pays au cours des 10 prochaines années.

Car il ne faut jamais l'oublier, l'investissement dans la défense c'est la garantie de notre autonomie stratégique et de la protection de notre pays, mais c'est aussi de l'emploi hautement qualifié pour les ingénieurs, techniciens et ouvriers français. Et c'est aussi un vecteur d'exportation, avec le programme FSP en Australie, dont les technologies ont été inspirées du programme Barracuda.

Notre investissement dans la LPM, aujourd'hui plus de 22 milliards d'euros chaque année, c'est une force extraordinaire pour notre économie.

Renseigner, pouvoir exprimer notre capacité à agir sur les forces militaires ou contre les intérêts d'un adversaire, qu'il s'agisse de ses navires, de ses sous-marins ou désormais de ses cibles à terre, escorter une force navale, amphibie ou aéronavale, déployer des forces spéciales sans bruit à distance d'une côte : ce sont autant de missions qui pourront être confiées au Suffren, en toute confiance.

Car nous avons la chance de compter, dans les rangs de nos armées, des équipages remarquables, héritiers de toute la longue histoire de nos forces sous-marines. Nos sous-mariniers ont, depuis toujours, la rigueur et l'humilité qui permettent de transformer cette histoire en expérience.


Officiers, officiers-mariniers, quartiers-maîtres et matelots du Suffren,

Vous avez choisi un métier unique. Un métier qui fascine, de rigueur, de passion, et de précision : certains au cinéma ont même dit au commandant Ramius que vous pourriez, "avec une carte et un chronomètre, traverser les Alpes dans un avion sans fenêtre". Je ne sais pas si c'est vrai, mais je sais que chacun de vos gestes compte. Au large ou près des côtes, en patrouille comme à l'offensive, vous êtes vigilants à chaque menace.

Le Suffren est remarquable, mais l'âme de ceux qui le servent, qui ont répondu à une vocation hors norme au service de notre pays, est ce qui fera toujours, par-dessus tout, la grandeur de la France.


Vive la République ! Vive la France !


Source https://www.defense.gouv.fr, le 19 novembre 2020