Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, bonjour.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous, ministre déléguée à la Citoyenneté, vous travaillez avec Gérald DARMANIN. Demain soir, 20h00, allocution d'Emmanuel MACRON, les Français ont moins peur du virus, tout le monde le constate, vous l'entendez, comment les contraindre encore ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors je crois que l'idée ce n'est pas forcément de contraindre encore, l'idée c'est vraiment de partager avec l'ensemble des Français les données, en toute transparence, comme c'est fait depuis le début de la pandémie, régulièrement le ministre de la Santé et le directeur général des services de la Santé continuent à s'exprimer, mais là je crois que l'idée du président de la République c'est surtout de pouvoir donner des perspectives et donner un sens, rappeler à chacun qu'on ne va pas être confinés éternellement, mais que le virus circule toujours, et que donc il nous faut nous adapter à la circulation du virus et qu'il y aura des étapes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dire aux Français où vous les conduisez.
MARLENE SCHIAPPA
Exactement, où on va et quelle est la stratégie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où on va, on a besoin de clarté, de transparence.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument, on est dans quelque chose qui est très incertain, on a découvert cette pandémie de Covid-19, et donc chaque pays dans le monde a dû s'adapter, et donc là le président de la République va redonner un cap, un sens, et une vision de la stratégie globale pour vivre avec le virus, ou malgré le virus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, la stratégie en trois temps, on est bien d'accord ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Premier temps, le week-end prochain, avec une probable ouverture des commerces dès samedi, c'est cela ?
MARLENE SCHIAPPA
Le président va s'exprimer, je ne peux pas m'exprimer avant le président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais Marlène SCHIAPPA, on sait bien.
MARLENE SCHIAPPA
C'est la tendance vers laquelle le porte-parole du gouvernement a indiqué qu'on allait, puisque Bruno LE MAIRE s'est exprimé aussi sur le sujet du calendrier de réouverture…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà, c'est indispensable.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, et le gouvernement a obtenu, via Bruno LE MAIRE et Alain GRISET, de reporter le Black Friday pour, très simplement, qu'on puisse envisager d'ouvrir les magasins sans qu'il y ait une ruée à l'occasion du Black Friday et que donc on puisse être cohérent dans les ouvertures de magasins.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, on ouvre les magasins samedi, ensuite les vacances de Noël approchent, là il va falloir prendre des mesures.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que nous pourrons toujours circuler, circuler partout en France, avec un certificat j'imagine ?
MARLENE SCHIAPPA
Très honnêtement je ne suis pas en mesure de vous le dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, vous ne savez pas !
MARLENE SCHIAPPA
Le président va s'exprimer mardi, 24 heures…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les premiers jours de janvier ce sera le troisième temps si j'ai bien compris.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Premiers jours de janvier, où on pourrait ouvrir si, encore une fois la situation sanitaire est bonne, où on pourrait ouvrir les restaurants, les cafés.
MARLENE SCHIAPPA
Moi je le souhaite de tout coeur parce que la situation est très difficile pour les gens qui dirigent ou qui travaillent dans des bars, dans des cafés, dans des restaurants, dans des hôtels, elle est difficile économiquement, mais elle est aussi difficile personnellement. Moi j'ai rencontré un couple qui avait ouvert un petit bar-restaurant dans Paris juste avant les Gilets jaunes, et ils m'ont dit on a vécu les Gilets jaunes, le premier confinement, le reconfinement, la pandémie, et donc la situation elle est difficile parce que ce sont des gens qui ont envie d'aller travailler et qui en sont empêchés, et ça c'est extrêmement dur, y compris psychologiquement, c'est pour ça qu'Olivier VERAN et Gabriel ATTAL ont lancé des dispositions pour soutenir les Français qui sont dans des difficultés de santé mentale ou dans des difficultés psychologiques face à tout cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, parallèlement à cela, le président de la République parlera de vaccin, de la vaccination, campagne de vaccination massive en France dès janvier. Vous vous feriez vacciner, vous ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je me ferai vacciner, à titre personnel…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vos enfants aussi ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, oui, je ferai vacciner ma famille.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout de suite ?
MARLENE SCHIAPPA
Dès lors que les autorités sanitaires… moi je ne suis pas chercheur, je ne suis pas épidémiologiste, et donc dès lors que les gens dont c'est le travail ont fait tous les tests nécessaires sur les vaccins et ont indiqué que les vaccins étaient efficaces et sûrs d'un point de vue sanitaire, bien évidemment je me ferai vacciner. Le vaccin c'est quoi ? ce n'est pas une fin en soi, le vaccin c'est pour éviter de tomber malade, donc j'aimerais qu'on évite de tomber malade, et éviter aussi de faire circuler le virus et de contaminer les autres, c'est pour ça qu'on vaccine nos enfants contre pas mal de maladies qui ont pu disparaître, ou en tout cas être réduites, grâce à la vaccination.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, vous avez demandé aux préfets d'accélérer la naturalisation de travailleurs étrangers qui sont en première ligne, ou en seconde ligne, et je pense à ceux qui travaillent dans des hôpitaux, ou dans des commerces, certains commerces, combien de naturalisations ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, pour l'instant, dans les remontées des demandes, nous avons entre 600 et 700 demandes de naturalisation, qui sont toutes en train d'être étudiées une par une, et je voudrais vous dire que le député Mounir MAHJOUBI nous a interpellés sur le fait que nous avons voulu accélérer la naturalisation des personnes qui ont travaillé, comme femme de ménage, comme aide-soignant dans les hôpitaux, comme médecin, etc., il nous a demandé d'étendre les critères de naturalisation aux personnes qui ont travaillé en étant à leur compte, comme auto-entrepreneur ou comme indépendant, et nous l'avons accepté, et donc nous avons élargi les critères pour pouvoir accélérer cette naturalisation. Et juste en une phrase, rappeler pourquoi je veux faire ça, parce qu'il y a des gens qui n'ont pas la nationalité française, mais qui pendant le premier confinement ont fait complètement part de leur engagement pour la Nation et pour les autres, qui ont été en première ligne pendant que beaucoup d'entre nous étions chez nous, et donc je crois que cet engagement il mérite que la République fasse un pas vers eux et les accueille en tant que citoyens et en tant que nos compatriotes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, il y aura des élections, peut-être, probablement au mois de juin, les élections régionales, locales, est-ce que vous êtes favorable au vote par correspondance, comme François BAYROU qui défend cette idée ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi, je vais vous…permettez-moi une petite nuance, sur le vote par correspondance. Moi je suis favorable à tout ce qui peut permettre de renforcer la participation, on a vu que dans les dernières élections, particulièrement les élections municipales, il y a une abstention terrible, qui fait que certains d'ailleurs contestent la légitimité des personnes qui sont élues, donc philosophiquement je suis favorable à tout ce qui peut étendre ce votre. Maintenant, moi je suis au ministère de l'Intérieur, et quand j'interroge les services en leur disant comment on s'organise, puisqu'on a la responsabilité de l'organisation des élections, si on a les votes par correspondance, à l'heure actuelle, d'abord on n'est pas fondé à organiser matériellement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est incapable aujourd'hui d'organiser un vote par correspondance quoi !
MARLENE SCHIAPPA
Pour l'instant on n'est pas prêt en tout cas, je ne dis pas qu'on n'est pas capable, où il y a une volonté il y a… mais on n'est pas prêt, d'une part. D'autre part, moi je vais vous dire quelque chose, on s'est beaucoup battu, depuis des générations, pour que les femmes puissent obtenir le droit de vote, et ça a été fait en France, et dans d'autres pays avant la France, moi je m'interroge sur les pressions qui pourraient survenir dans le cadre d'un vote par correspondance, y compris les pressions communautaires par exemple, ou le fait que vous n'êtes plus tout seul face à votre vote dans l'isoloir, le secret du vote c'est un des fondements de la démocratie. Donc, si on peut garantir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et le vote numérique, un vote numérique ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est la même question qui se pose.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même question qui se pose ?
MARLENE SCHIAPPA
Si on peut garantir techniquement la confidentialité et le secret du vote, que chacun a le choix de voter pour qui il veut voter, et pas voter comme sa femme ou son mari, ou ses parents, etc., très bien, mais si on n'est pas capable de le faire, je crois qu'il faut encore travailler sur cette question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La loi sécurité globale, qui a été adoptée à l'Assemblée nationale, alors je rappelle l'adoption de l'article 24 en première lecture : 1 an de prison, 45.000 euros d'amende, c'est le délit, le fait de diffuser des images d'un policier ou d'un gendarme dans le but manifeste qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, je dis bien le but manifeste, la mesure ne peut porter préjudice au droit d'informer, ça c'est le texte, on est bien d'accord.
MARLENE SCHIAPPA
C'est le texte, absolument, et même ce qu'il veut dire d'ailleurs, parce que beaucoup de choses fausses ont été dites sur ce qu'il y avait dans le texte, donc je vous remercie de le lire et de le rappeler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je regarde les choses clairement et franchement. Observer le comportement des forces de l'ordre, montrer des actions dangereuses ou hors la loi, est-ce aussi le rôle des journalistes Marlène SCHIAPPA, je pose la question, c'est le rôle des journalistes ?
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr. Moi, vous savez, peut-être que vous ne savez pas, mais, il s'avère que j'ai 38 ans, et que dans ma prime jeunesse j'ai exercé d'autres métiers que la politique, et notamment j'ai été journaliste, et j'ai même été codirectrice d'une petite agence de presse, et j'ai écrit pour quelques titres de presse et quelques titres de presse en ligne, et donc moi je suis très respectueuse du travail des journalistes et de la liberté de la presse. Mais, peut-être est-ce qu'on peut rappeler qu'il n'a jamais été question d'interdire à des journalistes de filmer, par exemple des manifestations, les journalistes peuvent continuer à filmer tout ce qu'ils veulent filmer, ils peuvent continuer à diffuser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ils sont obligés de flouter ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors pas nécessairement. Là, ce qu'on voit, c'est qu'on demande s'il y a une intention manifeste. Je vous donne deux exemples. Exemple un, vous avez un journaliste d'une chaîne d'information continue, qui va filmer une manifestation, qui filme la charge par exemple de la police pour maintenir l'ordre dans la manifestation et qui le diffuse, eh bien il en a tout à fait le droit, il n'y a pas d'intention de nuire à la police, en revanche…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même en montrant le visage du policier ?
MARLENE SCHIAPPA
Absolument. En revanche…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a le droit de diffuser des images… un policier, par exemple, se conduit mal lors de la manifestation, le journaliste diffuse l'image de ce policier, avec son visage, est-ce qu'il aura le droit de le faire, toujours ?
MARLENE SCHIAPPA
Justement, je vous donne le deuxième exemple. Deuxième exemple, vous avez quelqu'un qui, sur la base de cette diffusion d'images, fait un zoom, une capture d'écran, garde uniquement le visage du policier, et sur une page Facebook, comme on en trouve parfois, qui s'appellent par exemple "Un bon flic est un flic mort", ou "All cops are bastards", diffuse la photo, et parfois le nom, ou parfois l'adresse du policier, là, eh bien on réussira, grâce à cet article de loi, à les poursuivre en justice et à les faire condamner. Ça répond au fait que nous on a rencontré, à la rentrée scolaire, des petits garçons, des petites filles, de 8 ans, 9 ans, qui nous disent qu'à l'école ils n'osent pas dire que leur papa est policier, ou que leur maman est policière, parce qu'ils ont peur que leurs parents soient menacés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Là on porte atteinte à l'intégrité, on est bien d'accord.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, quand le journaliste diffuse l'image, sur une chaîne nationale, ou sur les réseaux sociaux, l'image d'un policier qui commet une faute, et qu'on voit son visage, le journaliste ne sera pas poursuivi ?
MARLENE SCHIAPPA
Il a une loi, et donc maintenant le journaliste, il appartient aux magistrats de dire si le journaliste sera condamné, chacun peut poursuivre qui il veut poursuivre sur la base des lois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on ne pourra plus montrer, parce qu'on risque la condamnation.
MARLENE SCHIAPPA
Non, pas du tout. Non, non, non…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Je n'ai pas terminé ma phrase.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien oui, allez-y.
MARLENE SCHIAPPA
Il y a une autre disposition qui est très importante dans cette loi, "sans préjudice de la liberté d'informer", c'est-à-dire qu'à partir du moment où ça relève de la liberté d'informer, les journalistes sont…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On pourra tout montrer.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument, les journalistes sont tout à fait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même le visage du policier ou gendarme ?
MARLENE SCHIAPPA
Je vous renvoie au titre de la loi que vous avez lue à l'instant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous pose la question.
MARLENE SCHIAPPA
S'il n'y a pas… qu'est-ce qu'elle dit cette loi ? elle dit "sans préjudice de la liberté d'informer", d'une part, et d'autre part elle dit que "l'intention manifeste doit être caractérisée", si manifestement elle n'est pas caractérisée comme voulant nuire aux policiers, appeler à la haine, au meurtre, etc., non, en revanche, ce que je vous dis c'est qu'il y a des gens qui se servent parfois des images et des informations issues de reportages pour les isoler, pour identifier et appeler à la haine des policiers, et ça non, on ne laissera pas passer, et ça sera poursuivi et condamné.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour être clairs, pour couvrir une manifestation les journalistes devront-ils se déclarer à la préfecture de police, obtenir une accréditation, oui ou non ?
MARLENE SCHIAPPA
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, absolument pas ? Parce qu'il s'agit, c'est ce qu'a dit Gérald DARMANIN, il s'agit d'assurer la protection des journalistes, mais ça veut dire quoi ça, je ne comprends pas très bien ?
MARLENE SCHIAPPA
D'abord, dans quel article de la loi pour la sécurité globale est-ce qu'il est fait référence à ça ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas fait référence, ce sont des propos de Gérald DARMANIN.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument, vous avez absolument raison de le rappeler Monsieur BOURDIN, et donc ce n'est pas dans la loi, donc les gens qui disent avec cette loi on oblige les journalistes à s'accréditer, c'est faux, nulle part dans la loi il n'est question de la manière dont les journalistes couvrent ou ne couvrent pas des manifestations. Qu'a dit Gérald DARMANIN ? il a dit, en présentant le schéma du maintien de l'ordre, qui est issu des travaux du Livre blanc pour le maintien de l'ordre, il a rappelé qu'il était une possibilité, et non une obligation, mais une possibilité pour les journalistes, quand ils souhaitent se déclarer à la préfecture pour qu'on ne les confonde pas avec les manifestants, de le faire, ce n'est pas une obligation, et la préfecture n'accrédite pas les journalistes pour les manifestations, et ça ne figure absolument pas dans la loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, parlons d'une autre loi, un projet de loi cette fois, ce n'est pas une proposition de loi, ce qui est bien différent, un projet de loi, renforçant la République et contre le séparatisme, en fait le séparatisme, on a oublié ce mot, projet de loi conformant les principes républicains maintenant, c'est tout à fait nouveau. Alors, on va entrer, j'ai deux, trois questions à vous poser sur ce texte, qui sera présenté le 9 décembre à l'Assemblée nationale, au Parlement quand ?
MARLENE SCHIAPPA
Début 2021.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Début 2021 au Parlement. Alors, interdiction à toute personne ayant commis des délits de provocation ou apologie d'actes terroristes d'exercer des fonctions en contact du public, des personnes qui pourraient travailler, je ne sais pas moi, dans un bus, à la SNCF ou dans un aéroport.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, eh bien non, ça ne sera plus possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Là ça ne sera plus possible. Fin de l'instruction à domicile.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
50.000 enfants, avec quelques exceptions, on est bien d'accord ?
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sauf pour des motifs très limités, mais fin de l'instruction à domicile…
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, par exemple des enfants qui sont en situation de handicap lourd et pour lesquels il est trop difficile d'être scolarisé, même si on veut que les enfants en situation de handicap soient à l'école, mais quand ce n'est pas possible, évidemment il y aura un travail pour leur permettre de poursuivre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien d'enfants non scolarisés en France ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est très difficile d'avoir un chiffre, et c'est justement pour cette raison que le président de la République a souhaité prendre cette disposition, parce que vous avez, parfois quand vous interrogez les élus locaux, on n'a pas un chiffre exact d'enfants qui n'ont jamais été à l'école, et pourquoi le président a souhaité prendre cette mesure, c'est parce que vous avez une inégalité terrible de destin entre un enfant qui a 10 ans et qui a pu aller à l'école, apprendre à lire, à écrire, à réfléchir, à être au contact d'autres enfants qui ne sont pas élevés comme lui, qui n'ont pas les mêmes origines forcément, peut-être pas la même religion, pas les mêmes pratiques, pas la même éducation, et de l'autre côté vous avez des enfants de 10 ans qui n'ont jamais mis les pieds dans une école et qui sont… ce qu'on veut attraper c'est non pas les parents qui font des écoles alternatives, etc.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des enfants fantômes, c'est ce que dit Gérald DARMANIN.
MARLENE SCHIAPPA
Exactement, c'est tout à fait ça, ce sont des enfants dont on ne connaît même pas l'existence et qui n'ont jamais ouvert un livre de classe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc chaque enfant aura un identifiant.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, l'identifiant c'est en train d'être discuté, mais l'idée c'est en tout cas qu'ils puissent aller à l'école.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ou non ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est en train d'être discuté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ce n'est pas décidé encore ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, il y a une discussion autour de ça, et surtout ce que je voudrais dire, parce que ça a été dit dans la presse anglo-saxonne, il a été dit la France va donner des numéros aux petits enfants musulmans, ce n'est pas vrai du tout, c'est une mesure qui est en discussion, qui concernerait l'ensemble des enfants. Vous savez que tous les élèves ont déjà un numéro d'identifiant, qui est leur numéro d'élève, donc il ne s'agit pas ni de ficher, ni quoi que ce soit, et certainement pas, en aucun cas, sur la base de la religion ou de l'origine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il sera interdit de voiler les fillettes ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors il est déjà interdit de voiler les fillettes à l'école.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A l'école oui…
MARLENE SCHIAPPA
Une fille, à l'école, ne vient pas avec un voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça oui. Interdiction du port du voile pour les enfants.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, ça ce n'est pas dans le projet de loi à l'heure actuelle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous y êtes favorable.
MARLENE SCHIAPPA
Moi je ne comprends pas si vous voulez, mais c'est une position très personnelle, mais philosophiquement je ne comprends pas le procédé qui veut qu'on mette un voile, ou parfois même des voiles intégraux, à des petites filles de 4 ans en disant qu'elles seraient provocantes si elles n'auraient pas de voile, philosophiquement ça me heurte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça vous heurte et vous êtes donc favorable à cette interdiction, vous l'avez dit, c'est vrai, Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, ça ne figure pas dans la loi, je ne veux pas induire en erreur…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, je ne dis pas que ça figure dans la loi, je dis que vous êtes favorable à l'interdiction du port du voile pour les enfants.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, je viens de dire, je ne comprends pas philosophiquement la démarche qui consiste à cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable, vous l'avez dit, donc vous y êtes toujours favorable, vous n'avez pas changé d'avis.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, oui, je viens de vous répondre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord ?
MARLENE SCHIAPPA
On est d'accord.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Polygamie, mariages forcés, recours aux certificats médicaux de virginité, là aussi il y a tout un tas de mesures.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument, qui visent à renforcer la dignité humaine et l'égalité entre les femmes et les hommes, on interdira les certificats de virginité. Si vous me donnez une minute pour en parler…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y.
MARLENE SCHIAPPA
Parce que je regarde votre émission le matin, et j'ai vu que vendredi matin vous aviez abordé le sujet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Claire HEDON, la Défenseure des droits…
MARLENE SCHIAPPA
Tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui ne comprends pas.
MARLENE SCHIAPPA
Je ne suis pas d'accord avec elle, et je vais vous expliquer pourquoi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien dites-le !
MARLENE SCHIAPPA
Mais elle a tout à fait le droit d'exprimer sa position, mais moi en tant que personne qui défend les droits des femmes depuis très longtemps je considère que ce n'est pas un droit que de délivrer un certificat de virginité. Je crois qu'aucune femme, et aucune fille, n'a à justifier de sa virginité en 2020, et j'entends qu'elle nous dit "des gynécologues disent que, eux ils délivrent des certificats de complaisance et comme ça la jeune fille rentre dans sa famille avec son certificat et elle n'est pas ennuyée." Moi je pose la question, qu'est-ce qui se passe pour cette jeune fille, ou cette jeune femme, qui rentre dans sa famille avec un certificat de virginité comme acte fondateur de son mariage ? Ça veut dire qu'elle a un fiancé, ou la famille de son fiancé, qui considéré que ce n'est pas lui manquer de respecter que de l'envoyer se faire examiner pour qu'elle certifie de ce qui se passe dans son intimité. Moi je crois que ça veut dire que cette femme elle n'est pas promise à un mariage heureux et serein, dans lequel sa dignité de femme sera respectée. Et puis, par ailleurs, pour finir là-dessus, nous, nous avons été alertés par des associations et par des gynécologues qui nous disent que parfois il est demandé des certificats de virginité de complaisance pour dédouaner des agresseurs sexuels, ou des violeurs, dans la sphère intrafamiliale, donc il n'y a que de bonnes raisons d'interdire les certificats de virginité, et tout certificat qui n'a pas de lien avec la santé de la patiente, c'est ce que nous proposerons dans ce projet de loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que dans le projet de loi il y aura l'instauration d'une rétention de sûreté des détenus condamnés pour terrorisme, sortant de prison ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, la question des sortants de prison elle est extraordinairement sensible, si vous me permettez de le dire comme ça, et je voudrais rappeler, c'est très important, j'étais à l'Assemblée nationale, je représentais le gouvernement, nous avons voté la prorogation de la loi pour la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, et en ce qui concerne les sortants de prison, ça me semble absolument fondamental de rappeler les dispositions qui existent, j'étais avec Laurent NUNEZ la semaine dernière, le coordonnateur général du Renseignement, nous avons fait un bilan très précis de ce qui se passe pour les MICAS, les MICAS, vous savez, ce sont les missions de mise sous surveillance administrative, qui sont ordonnées sous le contrôle du juge, plus facilement grâce à la loi effectivement, et qui permettent une surveillance accrue de tous les détenus qui sortent de prison et qui étaient condamnés pour terrorisme. Donc, on renforce considérablement les moyens qui sont mis en place, y compris via les services de renseignement, et y compris, oui, via cette loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les violences faites aux femmes, je termine, +15% de signalement sur la plateforme en ligne des violences sexuelles et sexistes. Alors, 3 ans de travail, 400.000 français qui se sont exprimés, c'est formidable, des associations, des entreprises, et qui font des propositions pour faire avancer les choses. Alors, quatre propositions. La première, la mise en place d'une plateforme appelée "Memo de vies", qui est en quelque sorte un coffre-fort électronique, une femme, menacée, explique ce qui lui arrive, c'est bien cela, à l'abri du regard de son entourage.
MARLENE SCHIAPPA
Oui. Alors moi je voudrais rappeler que ce que vous évoquez c'est la consultation Make.org, que j'avais lancée… qui fait ses propositions aujourd'hui au gouvernement, nous allons accepter l'ensemble des propositions avec…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez accepter les quatre propositions ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, avec Eric DUPOND-MORETTI, avec Elisabeth MORENO, mes collègues sont impliqués là-dessus. Cette proposition, cette consultation citoyenne, elle vient en plus du Grenelle des violences conjugales, et notamment, en ce qui nous concerne ministère de l'Intérieur, le ministère de l'Intérieur a travaillé avec des associations féministes pour créer des Moocs et des formations continues qui viennent en plus des 120 heures de formation initiale de la police et de la gendarmerie, pour mieux accueillir les femmes dans les commissariats.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, ces documents pourront être stockés dans cette plateforme, à l'abri des regards, encore une fois. Deuxième mesure, loger à l'hôtel les victimes, des hôtels qui ont des nuitées libres.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, c'est quelque chose que déjà le gouvernement a mis en place, au précédent confinement, en partenariat par exemple avec l'Olympique de Marseille, qui a gentiment mis à disposition de l'Etat et des associations, son centre d'entraînement pour y loger les femmes, et j'étais en maraude vendredi soir avec Emmanuelle WARGON et le préfet de la région Ile-de-France, Marc GUILLAUME, et nous étions en train justement de travailler sur la manière dont, dans des hôtels, on peut loger des femmes victimes de violences, ou des femmes qui sont à la rue avec leur bébé, qui viennent de sortir de la maternité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
10.000 femmes par an.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
10.000 par an. Et puis, formation à distance des policiers et gendarmes, c'est indispensable.
MARLENE SCHIAPPA
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et puis j'ai vu, ce dessin animé, c'est bien cela, contre les clichés sexistes.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, c'est ça. C'est une proposition qui ressort de cette consultation citoyenne, moi je trouve ça assez positif de se dire qu'on va travailler sur la prévention et sur l'éducation, et qu'effectivement, dès le début on va accompagner ces enfants. Mais derrière, moi ce que je voudrais vous dire, c'est que notre volonté c'est de faire en sorte, en ce qui concerne le ministère de l'Intérieur, d'aller vers les femmes pour qu'elles puissent mieux déposer plainte et plus facilement, sans forcément pousser la porte d'un commissariat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ces quatre mesures seront reprises par le gouvernement, on est bien d'accord ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je voudrais terminer en pensant aux enfants. Un homme qui bat sa femme peut-il être un bon père ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, sans aucune discussion, et c'est pour ça que dans la loi issue du Grenelle des violences conjugales nous avons prévu le retrait de l'autorité parentale, ça m'a été inspiré par les auditions que j'ai menées avec la famille de Madame Julie DOUIB, et le papa de Julie DOUIB a la garde de ses petits-enfants, des enfants de sa fille qui a été tuée par son mari, et le père, l'assassin de la mère, le tueur de la mère en tout cas, qui est en prison, a toujours l'autorité parentale et prend toujours les décisions qui concernent l'éducation des enfants, ça m'est insupportable, et donc nous avons décidé de renforcer la loi dans le cadre du Grenelle des violences conjugales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous allez engager un partenariat avec CARREFOUR, j'ai vu, pour que les femmes puissent…
MARLENE SCHIAPPA
Mardi on lancera le fait que le site CARREFOUR.FR, en partenariat avec la gendarmerie, les femmes pourront déposer des plaintes et avoir des informations sur les dépôts de plainte, tout en faisant les courses, grâce à l'engagement de la Gendarmerie nationale, que je voudrais saluer. D'ailleurs tout à l'heure nous illuminons en orange la place Beauvau, le ministère de l'Intérieur, en présence de Sylvie TELLIER, et en présence d'une femme gendarme qui est très engagée contre les violences intrafamiliales, c'est un partenariat avec l'ONU, puisque l'ONU, autour du 25 novembre, propose à des grands bâtiments de s'illuminer en orange, c'est la première fois que le ministère de l'Intérieur le fait et c'est en marque de l'engagement des forces de l'ordre pour protéger les femmes face aux violences conjugales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 novembre 2020