Interview de Mme Marlène Schiappa, ministre de la citoyenneté, à CNews le 10 décembre 2020, sur l'épidémie de Covid-19, le projet de loi confortant les principes républicains et la police.

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Média : CNews

Texte intégral

LAURENCE FERRARI
Bonjour Marlène SCHIAPPA.

MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.

LAURENCE FERRARI
Bienvenue dans la Matinale de Cnews.

MARLENE SCHIAPPA
Merci.

LAURENCE FERRARI
Les chiffres des contaminations au Covid-19 ne baissent pas. Au contraire, ils sont remontés à près de 15.000 cas hier soir. L'objectif est loin des 5.000 cas fixés par le président. Et le Premier ministre, Jean CASTEX va sans doute nous annoncer une mauvaise nouvelle ce soir, à 18h, une intervention qu'on suivra en direct sur CNews. Le couvre-feu pourrait être avancé, les ouvertures des lieux de culte repoussées. Est-ce qu'il faut sacrifier les fêtes de fin d'année, selon vous, pour endiguer cette légère remontée de l'épidémie ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi, je pense qu'il faut trouver une ligne de crête, et qu'elle est difficile à trouver, moi, en tant que personne, j'ai très envie de fêter Noël avec ma famille, de retrouver mes grands-parents, d'aller au théâtre à partir du 15 décembre, etc. Mais en tant que ministre, en tant que personne qui a des responsabilités, je pense qu'on doit aussi prendre nos décisions en pensant à celles et ceux qui vont se retrouver hospitalisés, qui vont avoir des formes du Covid, peut-être avec des séquelles, et peut-être en mourir puisque c'est la réalité de ce qui se passe encore aujourd'hui dans le monde, avec cette maladie. Donc je crois qu'il est important de permettre à chacun d'avoir une soupape de décompression, de voir sa famille, mais dans le respect…

LAURENCE FERRARI
Mais Noël, on sanctuarise Noël ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi, je pense qu'il faut trouver un chemin de crête qui n'est pas facile à trouver, le Premier ministre va s'exprimer tout à l'heure, je crois que chacun est attaché aux fêtes de fin d'année, mais la vie humaine, elle doit être placée au-dessus de toutes considérations.

LAURENCE FERRARI
Et on sacrifierait le Nouvel An avec ces fêtes un peu nombreuses, avec un couvre-feu très tôt, a priori, c'est ce qu'on sait ?

MARLENE SCHIAPPA
On verra, je ne veux pas faire les annonces du Premier ministre avant le Premier ministre, il s'exprimera tout à l'heure. Mais je crois que partout dans le monde, il y a des décisions importantes qui sont prises, on a vu qu'aux Etats-Unis, chacun a fêté Thanksgiving, qui est une fête importante aux Etats-Unis, et ça a recréé des vagues de contamination, puisque les gens se voient, sont contents de se voir, et c'est normal, se prennent dans les bras, partagent un moment, respectent un peu moins au cours du repas les mesures barrières, et ensuite, il y a des contaminations, et des gens qui peuvent finir hospitalisés, et on veut notre système de santé tienne, et on veut éviter qu'il y ait encore cette vague de morts, tout simplement.

LAURENCE FERRARI
Mais vous parlez de soupape, est-ce que vous ne redoutez pas, encore une fois, la réaction des Français qui n'en peuvent plus des changements de stratégie, le président avait fixé une stratégie le 28 octobre, et on va encore en rechanger aujourd'hui ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr, non, moi, je trouve que les Français ont globalement très bien respecté les mesures barrières, et je le dis, parce qu'il y a beaucoup de gens qui disent tout le temps : les Français ne respectent pas les mesures, etc., râlent, eh bien, c'est normal de râler quand on vit la situation qu'on est en train de vivre, moi, je crois qu'il y a des gens qui sont très courageux, notamment les jeunes, les étudiants, moi, j'ai une fille adolescente, je trouve que ce n'est pas facile de vivre son adolescence en n'ayant pas le droit de sortir du tout, le droit de ne voir personne, de n'inviter personne, d'être masqué, pour les contacts à l'autre, c'est très dur, et également les personnes âgées qui sont déjà dans une grande solitude toute l'année, très souvent, et qui, là, en plus, sont privées de visites. Donc je pense que toutes ces personnes sont extrêmement courageuses, et je veux bien sûr avoir une pensée également pour les artistes, les commerçants, les restaurateurs qui voient le travail de leur vie bloqué et qui sont dans une situation à la fois frustrante psychologiquement…

LAURENCE FERRARI
Voire anéanti…

MARLENE SCHIAPPA
Mais aussi, parfois, exactement, parfois terrible financièrement.

LAURENCE FERRARI
Est-ce que vous serez exemplaire, est-ce que vous ferez Noël et le Nouvel An en tout petit comité, et est-ce que vous vous ferez vacciner ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr. Alors, moi, je ferai Noël et le Nouvel An dans le respect des consignes qui sont données, donc on verra ce que donne comme nouvelles consignes, s'il y a des nouvelles consignes, le Premier ministre, en tout cas, j'en étais restée à 6 adultes à table, et je ne me déplacerai pas a priori dans le pays, sauf urgence familiale, évidemment, je me ferai vacciner dès lors qu'il y aura un vaccin qui sera mis sur le marché, et que les hautes autorités, dont c'est la mission, auront indiqué qu'on peut se faire vacciner ; je me ferai évidemment vacciner, pourquoi pas, juste pour moi, mais parce que le vaccin, il permet d'avoir une immunité collective, le vaccin, il a permis dans l'histoire, les vaccins d'autres maladies, d'éradiquer des maladies qui faisaient des morts, et je crois que si chacun, ou en tout cas, une très grande partie de la population se vaccine, on permet à la pandémie d'être freinée, et on protège ainsi les gens qui sont dans notre entourage.

LAURENCE FERRARI
Mais il y a beaucoup d'effets secondaires, on attend d'avoir les publications scientifiques…

MARLENE SCHIAPPA
Oui, le vaccin, en fait, de façon…

LAURENCE FERRARI
Exactes…

MARLENE SCHIAPPA
Exactement, vous avez raison, mais le vaccin, c'est un rapport bénéfice/risque, c'est-à-dire quels sont les risques qu'on encourt à se vacciner, quels sont les risques qu'on encourt à ne pas se vacciner. Et donc ça, c'est aux scientifiques de le dire et de tout mettre sur la table en toute transparence, c'est pour ça que le gouvernement a nommé le professeur FISCHER, un "Monsieur vaccin", comme on dit, pour justement partager avec les Français en toute transparence l'ensemble des informations dont nous disposons.

LAURENCE FERRARI
Hier, la présentation du projet de loi contre les séparatismes a été faite, en fait, c'est devenu le projet de loi confortant les principes républicains, c'est dommage, encore une fois, qu'on n'ait pas assumé le mot ou séparatisme ou laïcité dans ce titre-là, anyway ; on est quand même loin du discours des Mureaux du président de la République, qui désignait l'islamisme politique comme l'ennemi de la République, on s'en est éloigné, il y a des renoncements ?

MARLENE SCHIAPPA
Oh, non, moi, honnêtement, non, je ne crois pas qu'on s'en soit éloigné, quand on regarde les annonces qu'on avait faites à l'époque, et le contenu du texte, tout y est, c'est-à-dire à la fois l'obligation pour les associations de s'engager dans un contrat d'engagement des valeurs de la République, c'est important parce que ça va nous permettre de soutenir à la fois des maires courageux, comme le maire de Montpellier, et je le dis d'autant plus qu'il n'est pas de mon parti politique, qui est du Parti socialiste, mais qui s'est engagé justement pour défendre la laïcité et soumettre les associations à cette charte, mais ça nous permet aussi, quand il y a des dérives, comme ça a été le cas à Grenoble, où, là, la mairie a financé le CCIF, eh bien, ça permet d'exiger le remboursement des subventions qui auraient été données à des associations qui sont des associations ennemies de la République. Donc ce contrat d'engagement, il est très fort. Gérald DARMANIN a annoncé des mesures importantes sur la transparence dans le financement des cultes, ce qui va permettre de limiter les ingérences étrangères, et sur d'autres sujets, comme la haine en ligne et d'autres questions comme l'Education, il y a des mesures très fortes, on interdit également les certificats de virginité, il y a une lutte contre la polygamie, contre les mariages forcés…

LAURENCE FERRARI
Ce sont des sujets que vous avez portés effectivement…

MARLENE SCHIAPPA
Exactement…

LAURENCE FERRARI
Alors, juste pour prendre dans l'ordre, les certificats de virginité, ça concerne combien de personnes aujourd'hui dans notre pays, est-ce qu'il y a eu une progression, est-ce qu'on a des statistiques, des chiffres ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, on n'a pas de statistiques sur les certificats de virginité, j'ai des statistiques sur les mariages forcés, sur les excisions, sur d'autres sujets, sur les certificats de virginité, souvent, c'est fait un peu en cachette ou de la main à la main, en revanche, nous, pourquoi on a décidé de mettre ça dans la loi, parce qu'on a eu beaucoup de retours de gynécologues, de sages-femmes, de médecins, d'associations qui accompagnent les jeunes filles en nous disant qu'on leur demandait des certificats de virginité, alors j'entends les gens qui disent : oui, mais qu'est-ce qui se passe pour une jeune fille si elle demande son certificat, qu'elle ne l'a pas et qu'elle rentre chez elle sans certificat…

LAURENCE FERRARI
Est-ce que ça ne l'expose pas aux violences de sa famille ?

MARLENE SCHIAPPA
Eh bien, moi, la question que je pose, c'est qu'est-ce qui se passe pour la jeune fille qui rentre chez elle avec son certificat de virginité, quand l'acte fondateur de votre mariage, c'est que votre fiancé ou sa famille exige de vous que vous alliez vous faire examiner de manière intime chez un gynécologue pour justifier de votre virginité, comme un cheval à qui enverrait regarder les dents, je trouve que ça n'augure pas d'un grand respect de la dignité de la personne pour le reste du mariage. Il y a des années de ça, la République française a dit non à l'excision, pour mettre fin à cette pratique, je pense qu'il est important aujourd'hui que la République française dise non au certificat de virginité pour mettre fin à cette pratique.

LAURENCE FERRARI
Sur la polygamie, vous dites qu'il y aura le retrait du titre de séjour si un homme est polygame, et après, si cet homme est sur le territoire français, qu'il a des enfants, il ne sera absolument pas expulsable, donc ça changera quoi ?

MARLENE SCHIAPPA
Ah, si, on lui retirera son titre de séjour, moi, ce que je veux dire là-dessus, parce que j'ai entendu beaucoup de commentaires et des gens gloser, il ne s'agit pas d'interdire ni le polyamour, ni les troupes, ni l'infidélité, et je le dis, parce qu'à chaque fois que je m'exprime sur la polygamie, des gens qui revendiquent le droit à l'infidélité et la vie amoureuse et sexuelle des Français ne nous regarde pas, ce qui nous regarde, c'est que quand on contracte un mariage, on ouvre des droits, des droits, droits de la famille, droits de l'héritage, etc.

LAURENCE FERRARI
Donc il y avait aujourd'hui des mairies qui accordaient des mariages systématiques à la même personne… ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, en général, ce sont des gens qui arrivent sur le sol français et qui sont mariés avec plusieurs personnes et qui ont des reconnaissances de mariages effectivement et qui se trouvent, en général, quand il y a des contrôles par exemple de la CAF, qui disent : attendez, mais la situation ne nous semble pas conforme, etc., là, les situations de polygamie sont révélées. Et là, encore, ce sont les élus locaux qui nous ont dit : mais il y a des situations de polygamie en France, c'est interdit, mais il y en a…

LAURENCE FERRARI
Et quand la CAF constatait ça, il ne se passait rien ?

MARLENE SCHIAPPA
Eh bien, en général, c'était assez difficile de réussir immédiatement à retirer le titre de séjour, c'est pourquoi, nous, on veut le faire pour protéger les femmes, parce qu'en général, ce sont les femmes qui pâtissent de la situation de polygamie et qui ont moins de droits du coup dans cette situation de mariage.

LAURENCE FERRARI
Est-ce qu'il faut interdire le voile pour les petites filles, la députée de La République En Marche, Aurore BERGE, a confirmé qu'elle comptait défendre un amendement au texte interdisant le port du voile aux petites filles de 3 ans, par exemple, est-ce que vous la soutenez ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, moi, je soutiens globalement l'action d'Aurore BERGE, parce que c'est une députée qui est courageuse et qui défend les droits des femmes et la laïcité, donc pour la question d'Aurore BERGE, je la soutiens en tant que personne.

LAURENCE FERRARI
Mais, là-dessus ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, sur le voile, je vais vous répondre, moi, philosophiquement, je la rejoins tout à fait, je ne comprends pas l'idéologie qui vise à dire : on va faire porter le voile à une petite fille de 4 ans, je ne comprends pas le projet qui sous-tend de dire qu'une petite fille de 4 ans doit cacher ses cheveux et porter un voile, d'ailleurs, c'est pour ça que c'est interdit à l'école. En revanche, nous, ce que nous nous sommes dit, c'est que dans ce projet de loi, nous essayons de traiter vraiment des sujets relevant de l'idéologie islamiste, pas nécessairement du voile, maintenant, il y a une liberté d'amendement, Aurore BERGE, elle est parlementaire, elle déposera son amendement, il y aura une discussion au Parlement et un vote.

LAURENCE FERRARI
Mais vous, vous la soutenez sur cet amendement très précis ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi, je suis d'accord avec le fait… je ne peux pas vous dire, il y a une position du gouvernement pour les amendements, donc, je ne peux pas préjuger de la position du gouvernement sur cet amendement, parce qu'il y a plusieurs ministres qui sont concernés, mais je peux vous dire qu'à titre personnel, oui, je suis défavorable au fait de voiler des petites filles de 4 ou 5 ans, évidemment.

LAURENCE FERRARI
Et donc vous irez jusqu'à accepter cet amendement ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, comme je le disais, ça sera une position du gouvernement, il y aura une discussion interministérielle…

LAURENCE FERRARI
J'ai bien entendu. Vous dites : on n'a jamais tué au nom de la laïcité, et évidemment, vous renvoyez dos à dos les islamistes et la laïcité, aujourd'hui, il y a l'avocate de la famille de Samuel PATY, ce professeur martyr qui a été décapité, qui accuse les institutions aujourd'hui, dans un entretien au journal Le Monde, elle estime qu'une erreur grave d'appréciation a été commise par les autorités, il y a eu une manoeuvre politique derrière le rapport de l'Education nationale, qui dédouane l'institution. Elle dit : l'Etat a failli. Samuel PATY n'aurait pas dû mourir. Est-ce que, encore une fois, vous êtes d'accord avec elle ?

MARLENE SCHIAPPA
D'abord, moi, je considère que quand on arrive à une situation où on décapite dans la rue à 17h un professeur parce qu'il a montré des caricatures, c'est une faillite collective, c'est une faillite de la société, et donc, moi, je ne vais pas dire : untel, c'est bien, untel a eu raison, untel a bien fait, untel a mal fait, je ne sais pas. Il faut que la justice puisse reprendre les faits, les décortiquer et dire comment nous avons pu en arriver à cette situation qui est une situation…

LAURENCE FERRARI
Mais on ne va pas juger l'Education nationale dans ce procès…

MARLENE SCHIAPPA
Non, ce n'est pas la question de juger l'Education nationale, mais je crois qu'il faut qu'il y ait une remise en question de l'ensemble de la société, vous savez, hier, j'étais avec le Premier ministre, Jean CASTEX, et avec Gérald DARMANIN et Jean-Michel BLANQUER, nous étions dans l'Essonne, et nous avons échangé avec des équipes du rectorat, des équipes, des référents "Valeurs de la République", que le gouvernement a mis en place, dont la mission est justement celle-là, est justement de faire en sorte de repérer les moments où il y a des problèmes liés à la laïcité et où on doit intervenir, où l'Etat doit protéger ses fonctionnaires, et c'est pour ça qu'avec Gérald DARMANIN, nous allons nommer des référents laïcité auprès des préfets directement, dans tous les territoires, pour qu'on sache vers qui se tourner quand il y a une question de cet ordre, et ne plus jamais laisser quelqu'un dans une difficulté comme ça a été le cas avec Samuel PATY.

LAURENCE FERRARI
Mais le texte, là, que vous présentez, en aucun cas, il n'aurait protégé Samuel PATY, il y aura peut-être encore des Samuel PATY, ce texte, il ne répond pas à ça ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord, il y a des volets du texte qui auraient permis, alors, c'est toujours facile de dire après, ça aurait évité, etc, je ne peux pas dire ça comme ça, mais il y a des volets du texte qui sont issus directement de cette affaire, par exemple, sur le fait de divulguer sur Internet des informations personnelles, qu'est-ce qui s'est passé pour Samuel PATY, on a des gens qui ont fait des vidéos pour s'en prendre à ce professeur et donner son nom, et ensuite, vous avez des gens qui ont fait tweets en donnant son adresse, ses horaires de sortie, sa photo, pour faire des appels à la haine, et donc, dans ce texte, nous avons décidé, avec Gérald DARMANIN, Eric DUPOND-MORETTI et Jean-Michel BLANQUER, de proposer une disposition qui permette de créer un délit de mise en danger de la vie d'autrui, maintenant, quand quelqu'un, et souvent, les islamistes procèdent de la sorte, que ce soit contre des journalistes, contre des profs, contre des politiques, ils mettent en ligne des informations en disant : cette personne habite à telle adresse, 2ème étage, voilà le code, et vous savez ce que vous avez à faire, eh bien, maintenant, ce sera un délit.

LAURENCE FERRARI
La colère des policiers ne retombe pas, Marlène SCHIAPPA, est-ce que vous les comprenez, ils ont manifesté encore hier à Nantes, c'est la base qui manifeste, ils sont écoeurés après les propos d'Emmanuel MACRON qui a répondu à nos confrères de Brut, au long de l'interview, évidemment, il a défendu pied à pied les forces de l'ordre, mais il a eu une phrase sur les violences policières, sur les contrôles au faciès, qui a fait un peu déborder le vase, c'est la goutte qui a fait déborder le vase pour les policiers, vous comprenez leur colère ?

MARLENE SCHIAPPA
Je comprends leur colère, je vais répondre à votre question, permettez-moi de prendre juste une minute avant de répondre à cette question pour vous remercier, pas en mon nom, mais au nom des femmes pour les propos que vous avez eus quand un député dans le cadre de ce débat a dit que j'étais hystérique, qui est un mot complètement sexiste, et j'ai beaucoup de messages de femmes qui m'ont dit : on aimerait bien avoir une Laurence FERRARI quand on est traité d'hystérique au travail, pour avoir une solidarité féminine, une sororité, et faire en sorte qu'on n'utilise pas ce mot contre les femmes. Donc merci pour ça. Je vous réponds…

LAURENCE FERRARI
Merci à vous. Mais je l'aurais fait pour n'importe quelle autre femme attaquée de la sorte, de façon inacceptable…

MARLENE SCHIAPPA
Je sais, bien sûr, c'est une question de principe, et c'est d'autant plus pour ça que je vous remercie. Pour répondre à votre question, parce que je sais que vous n'en êtes pas moins extrêmement pugnace, notamment vis-à-vis du gouvernement, pour répondre à votre question, oui, je comprends la colère des policiers, le président de la République, en revanche, n'a pas dit qu'il y avait des violences policières, la question qui lui était été posée, c'était une question sémantique, il a dit : si vous voulez que je vous dise « violences policières », je vous dis « violences policières », mais, il a aussi défendu l'institution de la police. Et je ne veux pas laisser déformer – comme ça a été fait dans le débat public par les oppositions – les propos du président qui ont été très clairs…

LAURENCE FERRARI
Vous avez raison…

MARLENE SCHIAPPA
Comme ceux de Gérald DARMANIN…

LAURENCE FERRARI
Mais les policiers de terrain, ils ont entendu ce qu'ils ont entendu, ils ne sont pas idiots, ils sont aujourd'hui dans la rue, ils disent : on n'en peut plus encore une fois d'être jetés à la vindicte populaire…

MARLENE SCHIAPPA
Moi, je comprends, bien sûr…

LAURENCE FERRARI
Alors qu'on risque notre peau tous les jours sur le terrain…

MARLENE SCHIAPPA
Exactement, mais ça, je le dis sans cesse, et moi, je comprends vraiment leur ras-le-bol parce que vous savez, au ministère de l'Intérieur, il y a 290.000 femmes et hommes qui, tous les jours, se dévouent, se lèvent et donnent leur vie et dédient leur vie au fait de protéger les autres et de garantir l'ordre républicain, et tout ça, avec, à mettre en face, le fait que, très souvent, dans le débat public, la police a bon dos, la gendarmerie a bon dos, il y a des discriminations dans la société, on nous parle de contrôles au faciès, entendu, mais les premières causes de discriminations, ce sont le logement, c'est l'emploi et c'est les loisirs, notamment le fait de ne pas pouvoir entrer dans les restaurants, les boîtes de nuit en temps habituel, quand elles sont ouvertes, etc. Donc moi, j'entends qu'il y a un travail à faire dans la police, et ce travail, il est mené très fortement avec le ministre de l'Intérieur, mais je crois qu'il ne faut pas non plus jeter l'opprobre sur l'ensemble de l'institution policière, moi, la semaine dernière, j'étais avec des policiers et des gendarmes qui s'engagent pour protéger les femmes et les enfants face aux violences intrafamiliales, c'est celle-là la police que je connais, et c'est celle-là qui est immensément majoritaire par rapport au cas isolés de policiers qui vont agresser un producteur de musique par exemple.

LAURENCE FERRARI
Est-ce que le Beauvau de la sécurité, c'est une façon encore une fois polie de répondre à la colère des policiers, est-ce que ça va régler leurs problèmes concrets sur le terrain, il va y avoir des associations, des citoyens, ça va être un grand procès de la police, ce Beauvau ?

MARLENE SCHIAPPA
Non, absolument pas, ce n'est vraiment pas l'idée, l'idée, c'est justement de répondre aussi aux policiers qui manifestent leur colère, et vous savez, depuis 6 mois, depuis quelques mois que nous sommes arrivés avec Gérald DARMANIN, nous n'avons eu de cesse d'être dans l'écoute, dans le dialogue, dans la valorisation du travail difficile qui est mené par les forces de l'ordre. Gérald DARMANIN, il a obtenu un budget avec une hausse historique pour le ministère de l'Intérieur, et notamment pour les forces de sécurité, et notamment en termes de matériels, ce qui était une demande des forces de l'ordre depuis très longtemps, 1 véhicule sur 4 par exemple est renouvelé, c'est quelque chose qui ne s'était pas produit depuis des dizaines d'années. Donc je crois qu'il est extrêmement important de dire aux policiers et aux gendarmes que nous sommes avec eux, que nous nous démenons pour qu'ils aient plus de moyens, pour qu'ils soient plus respectés, et pour qu'ils puissent mener leur métier dans de bonnes conditions.

LAURENCE FERRARI
Mais effectivement les paroles du président de la République ont jeté le trouble, et ça, vous ne pouvez pas le nier.

MARLENE SCHIAPPA
Moi, ce que je vous dis, c'est que, honnêtement, et je vous dis sincèrement ce que je pense, il y a beaucoup d'instrumentalisation, c'était la question à laquelle je répondais aux questions au gouvernement, quand on nous dit : oui, le président a dit que la police était raciste, ce n'est pas vrai, le président n'a pas dit ça, le président a dit que les dérives racistes et tout propos raciste devaient être extraordinairement sévèrement condamnés, et c'est le cas à chaque fois, mais il n'a absolument pas dit que la police dans son ensemble était une institution raciste, il n'a pas dit ça.

LAURENCE FERRARI
Un dernier mot à propos de racisme, vous saluez l'initiative des joueurs de football, PSG et d'Istanbul, qui ont quitté le terrain après des propos racistes à l'encontre d'un joueur ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, d'autant plus que c'est, là aussi, une belle initiative de solidarité, c'est-à-dire qu'il y a un joueur qui est invectivé, victime de racisme, et ce sont ses coéquipiers qui disent : eh bien, ensemble, nous allons défendre la personne qui est victime de racisme et quitter le terrain, les deux équipes au demeurant, et dont je trouve que c'est un très beau message de solidarité face au racisme qui nous est envoyé par les sportifs.

LAURENCE FERRARI
Merci beaucoup Marlène SCHIAPPA d'être venue ce matin dans « La Matinale de CNews ».

MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 décembre 2020