Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : "La France peut-elle devenir un champion de l'énergie hydrogène ?"
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l'auteur de la demande du débat dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l'issue du débat, l'auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
(…)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l'hydrogène est l'une des grandes révolutions technologiques de ce début de siècle ; il représente une opportunité stratégique pour contribuer à la décarbonation de notre économie, particulièrement dans l'industrie et la mobilité lourde. Il représente une opportunité, que la France ne peut manquer, pour le climat, l'emploi et nos territoires. Telle est l'ambition du Gouvernement, que je suis venue rappeler aujourd'hui.
Notre pays a fait très tôt le pari du soutien à cette filière d'avenir : en 2018, Nicolas Hulot annonçait un premier plan Hydrogène, doté de plus de 100 millions d'euros, mobilisés via le programme d'investissements d'avenir (PIA). La crise actuelle a souligné le besoin criant d'aller encore plus loin et beaucoup plus vite et la nécessité de changer d'échelle pour faire face aux enjeux de nos usages et de notre consommation énergétique, tant du point de vue de l'impact environnemental que de notre souveraineté.
Une France neutre en carbone, ce sera d'abord une France qui améliore la santé de ses habitants. La crise sanitaire que nous vivons le rappelle violemment, la santé environnementale sera l'un des défis de notre temps. Ce sera aussi une France plus résiliente, donc plus souveraine dans ses choix présents et à venir. Ce sera également la France plus verte que réclament nos concitoyens, notamment les jeunes générations. Cette transition, ce nouveau regard sur le mix énergétique, fait sens et nous sommes très attendus sur ces sujets. Ce sera enfin une France taillée pour répondre aux défis. Il s'agit de cette fameuse résilience que nous appelons tous de nos voeux. Les moyens exceptionnels qui sont mobilisés doivent nous permettre d'aborder cette nécessaire transition.
Changer d'échelle et faire de notre pays un champion de l'hydrogène : tel est l'objectif de la Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France que nous avons présentée. Celle-ci traduit des ambitions, mais prévoit aussi et surtout des moyens sans précédent.
Notre ambition est de développer une filière française de premier ordre dans la chaîne de valeur, de construire des usines d'électrolyseurs et de composants clés dans nos territoires, de faire émerger et de déployer sur l'ensemble du territoire des solutions d'hydrogène décarboné. Nous visons 6,5 gigawatts de puissance installée d'ici à 2030. Cet objectif ambitieux permettra, d'ici à la fin de la décennie, d'éviter l'émission de près de 6 millions de tonnes de CO2 par an.
Ce sera bon pour le climat et pour l'économie française, car la mise en œuvre de la stratégie pourrait représenter, à terme, la création de 50 000 à 100 000 emplois indirects et une valeur ajoutée de plusieurs milliards d'euros.
Cette stratégie repose sur la mobilisation de moyens sans précédent, sur un soutien public de 7 milliards d'euros d'ici à 2030, dont 2 milliards d'euros mobilisables très prochainement, pour ne pas dire dès à présent : en 2021 et 2022. Cet investissement massif sera gage de notre succès, vous l'avez dit ; il faut absolument aller vite et fort, pour déployer les marchés les plus matures, soutenir la recherche et l'innovation sur les segments d'avenir, en pensant notamment aux nouveaux usages industriels et au stockage d'énergie.
L'hydrogène est une solution de décarbonation de l'industrie, mais également de la mobilité. On peut effectivement avoir quelques réserves sur la voiture à hydrogène. Malgré les grands espoirs que celle-ci suscite, elle ne constitue sans doute pas, en tout cas aujourd'hui, une réponse à nos problèmes les plus immédiats. En effet, la mobilité individuelle à base d'hydrogène entraîne une perte énergétique très importante, le rendement étant inférieur à 30 %, contre 70 % pour les batteries électriques.
Dès lors, le choix qui s'impose consiste à concentrer la stratégie de l'hydrogène sur les usages de mobilité lourde : bus, camions et, bien sûr, trains sur les lignes non électrifiées.
L'exemple du train montre bien que l'hydrogène est aussi une solution d'avenir pour nos territoires – on y revient –, non seulement parce qu'il permettra de créer des emplois et de développer nos entreprises, mais également de revitaliser nos villes petites et moyennes, en renforçant le lien qui les unit et en leur donnant une nouvelle attractivité verte, grâce à des déplacements neutres.
Je pense évidemment aux lignes interrégionales. Le parc du transport express régional (TER) est actuellement composé de plus de 2 000 trains, dont entre 400 et 500 fonctionnent au diesel et arriveront à mi-vie à la fin de la décennie. On peut donc évidemment voir en l'hydrogène une solution d'avenir pour ces lignes absolument essentielles, tout en étant en accord avec nos objectifs climatiques.
En 2018, la première exploitation commerciale, en Allemagne, d'un train de voyageurs à hydrogène a démontré que c'était faisable. Ce pays l'a fait, nous pouvons donc espérer y parvenir également. Par conséquent, l'État a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour aider à l'émergence de la mobilité à l'hydrogène dans le ferroviaire, pour lever tous les verrous techniques et organisationnels et pour préparer la mise en service des premières rames d'ici à cinq ans. Quatre régions pionnières de l'hydrogène et du TER de demain ont été retenues : le Grand Est – en tant que Haut-Marnaise, je m'en félicite –, la Bourgogne-Franche-Comté, l'Occitanie et la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Ainsi, vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ambition du Gouvernement est bien de relever le pari de l'hydrogène, afin que notre stratégie se déploie rapidement et avec force. Les premiers appels à projets ont été lancés le 15 octobre dernier pour créer, d'abord, des hubs territoriaux de l'hydrogène – de véritables écosystèmes de l'hydrogène dans nos territoires –, avec 275 millions d'euros sur deux ans, et, ensuite, des briques technologiques et des démonstrateurs, dont nous avons besoin, avec 350 millions d'euros sur la période 2020-2023.
L'hydrogène est, pour notre pays, l'opportunité stratégique de décarboner l'industrie et les transports et de créer de l'emploi dans nos territoires. C'est sans doute un moment historique ; nous devons être au rendez-vous de l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
- Débat interactif -
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d'une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l'auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n'ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Madame la secrétaire d'État, j'ai eu la chance de participer, le 2 septembre dernier, au déplacement d'une délégation de la Commission de régulation de l'énergie à Dunkerque et à Cappelle-la-Grande visant à discuter, avec plusieurs partenaires, de la place de l'hydrogène dans la décarbonation des réseaux énergétiques et du retour d'expérience sur la gestion des réseaux par injection d'hydrogène pour décarboner les énergies (Grhyd).
Plusieurs aspects de ce projet expérimental unique, lancé en 2014 pour une période de six ans, l'injection d'hydrogène ayant été arrêté en mars 2020, ont été évoqués : la sécurité de la distribution de cette nouvelle énergie à taux fixe et variable, la perception par les habitants de la consommation de ce nouveau gaz et le modèle économique nécessaire au développement de la technologie que l'on appelle le "power to gas".
À l'issue de ces six années d'expérimentation, les onze partenaires sont unanimes : la mise en œuvre du projet Grhyd, véritable test sur le terrain, a permis de démontrer la pertinence technique de l'utilisation d'une énergie fondée sur l'hydrogène vert pour les habitations. En bref, ce projet a permis de valider les technologies et l'efficacité du power to gas, en toute sécurité, et d'évaluer les bénéfices environnementaux d'une telle filière. Tous ces éléments seront de précieux enseignements pour la suite, lors du développement du power to gas à l'échelle locale et nationale, voire internationale.
Quelque 100 logements et la chaufferie d'un centre de soins ont été alimentés par un nouveau gaz, composé d'une part variable d'hydrogène – à hauteur de 20 % au maximum – et de gaz naturel, avec des résultats plus que pertinents en termes de réduction des émissions de polluants atmosphériques. Ce projet est un succès, même s'il reste quelques champs à examiner avant de pouvoir généraliser l'injection d'hydrogène dans le réseau de gaz naturel.
La question de l'acceptabilité sociale de l'hydrogène est l'une des clés de la réussite du déploiement de ce gaz dans nos maisons et dans notre vie quotidienne. La participation citoyenne aux discussions sur l'hydrogène et la diffusion des connaissances scientifiques auprès du public constituent donc des enjeux essentiels. À cet égard, l'expérience menée avec les habitants du petit village de Cappelle-la-Grande est riche d'enseignements.
Aussi est-il essentiel que le plan Hydrogène puisse intégrer des outils de participation citoyenne. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement en la matière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Marchand, nous sommes convaincus que l'acceptabilité est un élément clé pour le développement de la filière hydrogène.
Nous devons développer à la fois des acteurs de taille significative pour faire face à la concurrence mondiale et tout un réseau de projets au plus proche des territoires. C'est pourquoi nous devons soutenir en priorité le développement d'écosystèmes locaux, caractérisés par une production et une consommation dans une zone géographique proche.
L'Ademe, l'Agence de la transition écologique, a ainsi transmis aux conseils régionaux une proposition afin de contribuer à l'émergence et au soutien des dossiers dans le cadre de l'appel à projets pour constituer des écosystèmes territoriaux. Nous portons une attention particulière aux enjeux de sécurité dans cette filière en veillant à ce que la réglementation soit adaptée aux évolutions rapides et à ce qu'elle préserve la sûreté des installations.
Comme pour de nombreux projets, la conception en amont, ainsi que les procédures réglementaires d'autorisation devront être particulièrement soignées. Elles devront favoriser la mise en relation des acteurs, dont les futurs consommateurs d'hydrogène, pour que se mette en place un véritable projet de territoire ; elles devront aussi prendre en compte les enjeux environnementaux, typiquement la consommation d'eau des électrolyseurs, et veiller à une concertation de qualité avec les riverains et les collectivités locales.
Le projet Grhyd que vous évoquez a été soutenu par l'Ademe. Il vise à réaliser un premier démonstrateur d'injection d'hydrogène dans le réseau de gaz naturel et à développer l'acceptabilité locale. Une aide de près de 5 millions d'euros sur 15 millions d'investissements a ainsi été apportée à cet effet. Comme vous le soulignez, c'est une première étape pour l'injection ; de nombreux autres projets de démonstrateurs sont à l'étude pour en déterminer le potentiel.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Madame la secrétaire d'État, la région Occitanie a l'ambition de devenir la première région d'Europe à énergie positive d'ici à 2050.
Pour cette transition énergétique, elle mise sur un volet hydrogène très ambitieux. Pionnière, elle est labellisée Territoire d'hydrogène depuis 2016. Son plan de développement Hydrogène vert destiné à favoriser de nouvelles productions et de nouveaux usages est doté de 150 millions d'euros d'ici à 2030 et pourrait générer jusqu'à un milliard d'euros d'investissements.
Déjà, les projets HyDéO, HyPort à l'aéroport de Toulouse-Blagnac ou encore Hyd'Occ à Port-La-Nouvelle sont lancés. L'achat de trois trains hybrides à hydrogène est programmé, ce qui est une grande première. La région prévoit aussi la mise en circulation de 3 250 véhicules à hydrogène d'ici à 2030. À Gignac, dans l'Hérault, une station de distribution va s'installer. À Béziers, grâce aux électrolyseurs développés par le Commissariat à l'énergie atomique, un site produira en 2021 de l'hydrogène vert trois à quatre fois moins cher qu'aujourd'hui. Dans ces conditions, cette énergie devient très compétitive face aux hydrocarbures et aussi en termes de bilan carbone.
Notre collègue Éric Gold compte dans son département un champion industriel, Michelin, qui est engagé dans la filière hydrogène et qui entend devenir l'un des leaders mondiaux de la mobilité. Ce n'est sans doute pas un hasard si la région Auvergne-Rhône-Alpes concentre 80 % des acteurs de la filière hydrogène en France.
Pour relever ce défi, il faudra cependant résoudre une équation qui reste encore floue, celle de l'équipement de notre territoire en stations de distribution pour approvisionner les véhicules grand public en hydrogène. Madame la secrétaire d'État, avez-vous prévu un plan national de déploiement de telles stations de distribution ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Bilhac, la stratégie nationale de l'hydrogène vise d'abord à décarboner l'industrie et la mobilité lourde, non à accroître la production de véhicules à hydrogène pour les particuliers.
En effet, pour différentes raisons, l'hydrogène s'adresse plus directement à une mobilité lourde. D'une part, il permet une autonomie bien supérieure – entre 600 et 700 kilomètres – à celle que permettent les batteries électriques – entre 300 et 400 kilomètres. D'autre part, le temps nécessaire pour faire le plein d'hydrogène est comparable à celui d'un plein classique de diesel, quand il faut plusieurs heures pour recharger une batterie.
Le véhicule léger à batterie, qui progresse très rapidement, y compris en termes d'autonomie, nous semble répondre de mieux en mieux aux besoins de la mobilité individuelle. Il est bien plus avancé que le véhicule léger à hydrogène, tout en étant moins cher.
En matière de transports, la stratégie nationale fixe comme objectif prioritaire de décarboner la mobilité lourde, ce qui aura un impact plus important, en accompagnant l'ensemble de la chaîne de valeur de la filière hydrogène, de la production par électrolyse à la station de distribution, lesquelles permettront de ravitailler en hydrogène les véhicules des flottes professionnelles, comme les bus, les autocars, les poids lourds et les véhicules utilitaires.
Le soutien au marché de la mobilité lourde concernera les composants et les opérations locales de déploiement cofinancées par l'État et les collectivités territoriales. D'ailleurs, l'appel à projets Briques technologiques permettra, entre autres, de soutenir les porteurs de projets pour industrialiser la production de stations de ravitaillement. L'appel à projets Écosystèmes territoriaux permettra quant à lui de soutenir notamment les infrastructures de distribution d'hydrogène à l'intention des flottes professionnelles.
À plus long terme, d'ici à une dizaine d'années, quand les procédés de production des différents systèmes seront devenus très compétitifs, l'hydrogène pourra éventuellement s'adresser aux véhicules destinés à l'usage des particuliers. D'ici là, les investissements prévus pour la mobilité contribueront à préparer les infrastructures de ravitaillement sur l'ensemble du territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.
M. Christian Bilhac. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État. Mon inquiétude est que nous renouvelions l'erreur que nous avons commise avec les véhicules électriques : les citoyens, surtout dans les territoires ruraux, ne s'équipent pas parce qu'il leur faudrait parcourir des kilomètres et des kilomètres pour trouver une borne de recharge. Les véhicules hybrides, électriques et à hydrogène, étant l'avenir, il faut, pour qu'ils soient un succès, que les gens puissent se ravitailler près de chez eux.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d'État, nous remercions tout d'abord le groupe du RDSE d'avoir proposé l'organisation de ce débat sur l'hydrogène, qui nous donne l'occasion d'insister sur l'importance du développement et du maintien de l'industrie sur notre territoire.
Si l'hydrogène comme solution de remplacement et comme moyen de réduire l'empreinte carbone des carburants est prometteur, il pose encore un certain nombre de questions. Dans le secteur de l'aviation par exemple, son poids risque d'entraîner une réduction du nombre de passagers et donc une hausse du coût des billets. D'autres questions se posent en ce qui concerne l'automobile et le train.
Aussi, pour que la France devienne un champion de l'hydrogène, des investissements massifs doivent être réalisés. Surtout, une filière industrielle complète et publique doit impérativement être constituée, tant en termes de recherche et de développement que de production et de réalisation d'installations.
La constitution d'une filière publique est nécessaire pour éviter un gaspillage de l'argent public. C'est d'autant plus le cas que, à l'heure actuelle, la production d'hydrogène est majoritairement réalisée à partir de gaz naturel, une tonne d'hydrogène étant produite pour dix tonnes de CO2 émis. De fait, pour produire de l'hydrogène de façon décarbonée, il serait nécessaire en l'état actuel de relancer la filière nucléaire.
Seule la mise en place d'une filière industrielle complète permettra de faire de l'hydrogène une alternative aux carburants véritablement avantageuse, que ce soit pour l'environnement, pour notre souveraineté, pour le développement de nos territoires ou la création d'emplois.
Dès lors, madame la secrétaire d'État, au-delà des 2 milliards d'euros prévus d'ici à 2022 dans le plan de relance, quelle stratégie industrielle intégrée comptez-vous mettre en place pour que naisse une véritable filière stratégique et de services permettant de produire de l'hydrogène de manière propre ? Sur quel opérateur allez-vous vous appuyer pour la construire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Fabien Gay, la France a la conviction que l'hydrogène produit par électrolyse sera, dans les années à venir, un vecteur clé de décarbonation du secteur industriel, en particulier pour développer et déployer des solutions de mobilité lourde sans émission.
Les 7 milliards d'euros de soutien public d'ici à 2030 vont permettre d'alimenter une stratégie d'offre et de demande équilibrée.
D'une part, la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène permettra de soutenir les industriels français sur l'ensemble de la chaîne de valeur de la filière – électrolyseurs, piles à combustible, constructeurs de véhicules pour la mobilité lourde, systèmes sous-jacents… – afin qu'ils puissent mettre sur le marché des systèmes fiables, robustes, performants et produits à des cadences industrielles.
D'autre part, et en parallèle, la stratégie nationale a pour ambition de soutenir le déploiement sur le territoire d'infrastructures de production et de distribution d'hydrogène pour décarboner l'industrie et la mobilité lourde.
Les outils mis en place dans le cadre de cette stratégie visent donc à soutenir l'industrialisation des composants clés sur le territoire, notamment celle des électrolyseurs, ainsi que le déploiement des solutions à un rythme compatible avec les acteurs français, tout en donnant à ces derniers de la visibilité. Par exemple, les appels à projets Écosystèmes territoriaux de l'Ademe prévoient une éligibilité progressive de certains segments de mobilité, comme les camions.
Enfin, un appel à projets Briques technologiques et démonstrateurs, destiné à soutenir l'innovation, a été lancé le 14 octobre. Financé à hauteur de 350 millions d'euros, il vise à développer et à améliorer les composants et les systèmes liés à la production et au transport de l'hydrogène. Il permettra aussi de soutenir des pilotes et des démonstrateurs à grande échelle sur le territoire national. Un appel à projets pour développer des écosystèmes territoriaux de l'hydrogène a également été lancé le 14 octobre. Financé à hauteur de 275 millions d'euros, il permettra de soutenir des investissements dans la production et la distribution d'hydrogène décarboné.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.
M. Fabien Gay. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État, mais je pense que nous devrons poursuivre ce débat, parce que vous n'avez pas vraiment répondu à mes questions, qui étaient pourtant précises.
Ainsi, le Président de la République a nommé un haut-commissaire au plan qui doit travailler sur la question de la souveraineté industrielle. Va-t-il travailler sur la filière de l'hydrogène ?
Ensuite, allez-vous construire une filière industrielle, dans laquelle le secteur public aura toute sa place, alors que vous êtes justement en train de démanteler de grandes entreprises publiques comme EDF ou Engie, celle-ci devant même, malheureusement, être privatisée ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Denise Saint-Pé. Madame la secrétaire d'État, je tiens à mon tour à remercier le groupe du RDSE pour ce débat, qui est particulièrement d'actualité, à l'heure où la transition écologique devient plus urgente que jamais.
Dans ce contexte, l'un des enjeux environnementaux des dix prochaines années est de décarboner l'industrie et la mobilité lourde. Or, de ce point de vue, l'hydrogène dispose de nombreux atouts, même si ses débuts sont encore timides, faute d'une industrialisation à grande échelle.
Toutefois, une approche durable de cette énergie implique de remplacer l'hydrogène dit "gris" – sa production dépend d'énergies fossiles et génère des émissions de gaz à effet de serre – par de l'hydrogène décarboné. Ce dernier est produit par électrolyse à partir d'eau et d'électricité verte – celle-ci provient d'énergies renouvelables comme l'éolien, le photovoltaïque ou l'hydroélectricité.
D'ores et déjà, des collectivités ont franchi le pas ; c'est le cas de la communauté d'agglomération paloise qui a, par exemple, mis récemment en service une flotte de bus équipés d'une motorisation à hydrogène, dont la production est issue de l'hydroélectricité certifiée d'origine, provenant des barrages de la Société hydroélectrique du Midi situés dans la vallée pyrénéenne voisine.
Le choix de l'hydroélectricité, qui n'est pas une énergie renouvelable intermittente, contrairement au photovoltaïque et à l'éolien, est tout à fait pertinent pour verdir la production d'hydrogène. Malheureusement, l'hydroélectricité est rare en dehors des grands barrages existants et les certificats d'origine sont discutables.
Aussi, madame la secrétaire d'État, le Gouvernement envisage-t-il de relancer le développement, tant attendu sur l'ensemble du territoire, de la petite hydroélectricité, en parallèle des efforts qu'il fournit pour la filière de l'hydrogène ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Saint-Pé, la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène est fondée sur une production décarbonée à partir d'électricité elle-même décarbonée et renouvelable.
La petite hydroélectricité contribue à l'atteinte des objectifs énergétiques nationaux comme au développement économique des territoires. Pour ces raisons, la petite hydroélectricité fait l'objet, au même titre que plusieurs autres filières d'énergie renouvelable, d'un soutien clair du Gouvernement via à la fois un arrêté tarifaire et des appels d'offres périodiques lancés par le ministère de la transition écologique.
Toutefois, la multiplication de ces installations dans les cours d'eau peut avoir, par effet de cumul, des effets importants sur l'environnement. En effet, les seuils fragmentent les cours d'eau et empêchent, plus ou moins fortement, le déplacement des espèces qui est nécessaire à l'accomplissement de leur cycle de vie. Ils peuvent également ralentir les eaux qui se réchauffent alors plus vite l'été, perdent en oxygène et créent des habitats de milieux stagnants, lesquels favorisent malheureusement des espèces moins exigeantes et moins diversifiées, parfois incompatibles avec le bon état des cours d'eau. Ces retenues peuvent en outre ennoyer des habitats, qu'il faut ensuite reconquérir pour restaurer une biodiversité aquatique.
Le développement de la petite hydroélectricité devra donc être sélectif et limité et faire l'objet d'une réflexion à l'échelle du cours d'eau sur la proportionnalité des impacts par rapport à la production électrique générée.
Je souligne aussi que, compte tenu de la taille et de la puissance de ces installations, elles ne pourront jouer qu'un rôle limité dans l'atteinte des objectifs nationaux. La production d'hydrogène nécessitant des puissances relativement importantes, le couplage petite hydroélectricité–électrolyseurs sera, me semble-t-il, un cas rare.
De ce fait, la contribution de cette ressource renouvelable restera vraisemblablement limitée pour le système électrique, a fortiori pour le développement de la filière hydrogène, consommatrice d'électricité décarbonée et renouvelable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Angèle Préville. Madame la secrétaire d'État, notre avenir énergétique est dans le mix électrique. À cet égard, l'hydrogène vert est un vecteur de premier plan pour réussir la transition énergétique.
L'hydrogène peut être produit par électrolyse de l'eau, grâce à l'électricité produite en période creuse en provenance d'installations d'énergies renouvelables – éolien, photovoltaïque… C'est alors de l'hydrogène vert, par essence renouvelable et décarboné, mais aussi facilement stockable puisque c'est un gaz.
Si les propositions législatives de l'Union européenne pour une Europe climatiquement neutre sont en cours, plusieurs pays membres ont déjà demandé à la Commission de garantir la traçabilité de l'hydrogène renouvelable. Pour être en accord avec nos engagements climatiques pris dans le cadre de l'accord de Paris, nous devons produire de l'hydrogène vert.
Développer une filière compétitive en France est donc non seulement une nécessité écologique, mais aussi une question de souveraineté. Pour être compétitive en la matière, la France doit avoir un plan ambitieux et cohérent de structuration de cette filière. C'est un défi en raison du coût élevé de la production par électrolyse de l'eau et de la chute du prix des énergies fossiles, deux éléments qui favorisent la production d'hydrogène par vaporeformage.
Nous devons être en mesure de rendre le prix de l'hydrogène vert suffisamment attractif pour favoriser les investissements dans les infrastructures.
Nos territoires sont la clé du dynamisme et de l'équilibre de cette filière, dont le potentiel est non négligeable pour le marché de l'emploi. C'est depuis les territoires, avec les collectivités, que devront se développer les projets qu'il faut dès lors accompagner par une stratégie nationale simplifiée et une politique forte de soutien. C'est ainsi que nous entrerons dans une dynamique vertueuse, condition sine qua non de l'équilibre financier de la filière.
Ma question porte sur les électrolyseurs. Où en est-on dans le développement de cette technologie d'avenir ? Des fabricants français sont-ils d'ores et déjà prêts à se lancer dans l'aventure ? Proposeront-ils des modèles avec des volumes différents, adaptés aux besoins territoriaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Préville, dans le cadre de la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné annoncé par le Gouvernement le 8 septembre, l'électrolyse sera privilégiée, l'objectif étant d'atteindre une puissance installée de 6,5 gigawatts sur le territoire national d'ici à 2030.
L'un des objectifs de la stratégie est de positionner notre pays, à travers ses industriels, comme un leader mondial dans la production d'électrolyseurs performants et de bon rendement, à des coûts permettant de les diffuser largement sur les marchés de la filière hydrogène. Clairement, la stratégie nationale a vocation à favoriser l'implantation sur le territoire national de gigafactories d'électrolyseurs.
L'appel à projets Briques technologiques et démonstrateurs a ainsi vocation, entre autres, à soutenir les industriels dans leur effort d'industrialisation d'électrolyseurs made in France, du prototype au démonstrateur de grande taille.
Par ailleurs, des discussions sont en cours avec d'autres États membres pour établir des projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC). Ces projets partenariaux sont destinés à soutenir les industriels français et européens de la filière de l'hydrogène, qui ne pourront pas, sans appui de la puissance publique, investir aussi massivement que cela est nécessaire.
Le dispositif PIIEC est un mécanisme européen de soutien à la recherche et à l'innovation. Lancé en 2014, il doit favoriser des projets d'intérêt transnational dans des domaines stratégiques, comme le calcul intensif, la voiture autonome ou la nanoélectronique. Il présente l'avantage d'autoriser les pouvoirs publics à soutenir les participants au-delà du stade de la recherche, en finançant le passage des innovations à la production. Il doit contribuer de manière concrète, claire et identifiable à un ou plusieurs objectifs de l'Union européenne.
Enfin, la question de la traçabilité que vous soulevez sera traitée par une ordonnance qui sera prise sur la base de la loi relative à l'énergie et au climat et qui devrait paraître au début de l'année 2021.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État, et je profite de cet instant pour remercier le groupe du RDSE d'avoir demandé l'inscription de ce débat à notre ordre du jour.
Madame la secrétaire d'État, j'attire votre attention sur un élément qui me semble important. Pour développer cette nouvelle filière de l'hydrogène, nous ne devons pas, comme cela a été fait dans le passé pour d'autres politiques publiques, privilégier une production massive. Promouvoir une consommation locale passe aussi par une production locale d'énergie. Il faudra donc installer de petites unités sur l'ensemble du territoire. Voilà pourquoi je vous ai interrogé sur la taille et le volume des électrolyseurs. La stratégie nationale devra donc aussi épauler les collectivités locales.
Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc.
M. Étienne Blanc. Madame la secrétaire d'État, nous sommes contraints, au titre des engagements de l'accord de Paris, d'aboutir d'ici à 2050 à la neutralité carbone.
On le sait, les transports représentent environ 30 % de la totalité des émissions. De nombreux pays – les États-Unis, la Chine, l'Allemagne… – investissent des sommes importantes afin d'être, eux aussi, en mesure de respecter leurs engagements.
L'industrie française n'est pas en reste, notamment en région Auvergne-Rhône-Alpes, où Air Liquide, Michelin et Plastic Omnium, notamment, investissent des sommes considérables, soit directement, soit par l'intermédiaire de leurs filiales, et les grandes régions industrielles accompagnent cette filière.
Dans ce contexte, le risque est élevé que les politiques ne soient pas ciblées. C'est pourquoi ma question porte sur les choix et les priorités du Gouvernement. Par exemple, sur quel programme de recherche allez-vous concentrer les moyens les plus significatifs ? Quelle stratégie allez-vous mettre en place pour transformer l'hydrogène gris en hydrogène vert ? À quelle filière industrielle de la mobilité allez-vous donner priorité, l'aérien, le ferroviaire ou le transport routier ? Sur laquelle de ces priorités allez-vous mobiliser les moyens européens ? La Commission européenne alloue des moyens très substantiels à la filière de l'hydrogène. Nous voudrions connaître là aussi vos priorités en ce qui concerne les partenariats européens.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Blanc, vos questions sont nombreuses et je crains de manquer de temps pour y répondre…
En ce qui concerne le programme de recherche destiné à accélérer la préparation de la future génération des usages de l'hydrogène, la stratégie propose un ensemble d'outils. Il est évidemment nécessaire de poursuivre l'effort de recherche et de développement pour rester à la pointe à l'échelon international et il nous faut soutenir l'innovation en faveur de l'industrialisation. C'est pourquoi nous avons mis en place un programme prioritaire de recherche qui sera doté de 65 millions et qui sera géré par l'Agence nationale de la recherche.
Quelles filières industrielles encourager pour passer de l'hydrogène gris carboné à l'hydrogène vert décarboné ? Nous avons la conviction que, dans les années à venir, l'hydrogène produit par électrolyse sera un vecteur clé de décarbonation dans le secteur industriel, par exemple pour développer et déployer des solutions de mobilité lourde sans émission.
La stratégie nationale que je vous ai présentée dans mon intervention initiale est porteuse de grandes ambitions : développement de l'électrolyse à hauteur de 6,5 gigawatts de puissance installée d'ici à 2030 ; déploiement de flottes de véhicules lourds utilisant notamment l'hydrogène – bus, autocars, camions et véhicules de collecte des déchets – ; soutien à des projets visant à améliorer la production de composants stratégiques afin d'alimenter la chaîne d'approvisionnement des futurs véhicules en grande série ; soutien aux efforts de recherche pour les différents modes de transport – train, navire, avion. D'ailleurs, les projets qui visent à développer des solutions pour le secteur ferroviaire sont pleins de promesses.
En ce qui concerne la stratégie et les partenariats européens, des discussions sont en cours pour mettre en place des projets importants d'intérêt européen commun afin de soutenir les industriels français de la filière. Une première réunion à haut niveau a eu lieu – elle a réuni la Chancelière allemande et le Président de la République – afin d'identifier les secteurs clés et les grands axes de ces partenariats.
Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc, pour la réplique.
M. Étienne Blanc. Il est absolument essentiel pour les régions de connaître les priorités du Gouvernement parce qu'elles vont intervenir à la fois sur les programmes de recherche et sur l'accompagnement des industriels, notamment dans le cadre du plan de relance.
Connaître avec précision les priorités du Gouvernement nous permettra de combiner nos forces et d'apporter des réponses très significatives au développement de cette filière industrielle. C'est particulièrement important dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui regroupe 80 % des industries du secteur de l'hydrogène.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d'État, les enjeux de la relance nous obligent à imaginer un avenir différent. Les plans français et européens proposent une croissance verte et l'hydrogène, dans lequel je crois depuis longtemps, y tiendra une place principale. L'État ne pourra pas réaliser seul les évolutions souhaitées.
La France a déjà raté le tournant pour certaines innovations importantes, par manque de moyens et d'ambition – je pense aux batteries au lithium. Ne commettons pas les mêmes erreurs avec l'hydrogène et allions nos forces ! Chacun doit prendre sa part. L'argent public ne sera efficace que si l'argent privé est aussi investi dans des projets d'avenir, qui sont par ailleurs coûteux. Les effets de levier seraient vertueux et cela donnerait du souffle à l'État, dont l'endettement explose.
Je vous poserai deux questions, en associant ma collègue Vanina Paoli-Gagin à la première.
Les Français ont beaucoup épargné depuis le mois de mars. Or il faut faire en sorte qu'ils puissent utiliser une partie de cette épargne, très importante en volume et placée sur des livrets A, et l'investir dans des projets d'avenir sur leur territoire.
Madame la secrétaire d'État, êtes-vous prête à permettre l'émergence de ce levier en faveur de la filière de l'hydrogène, assorti évidemment de garanties de l'État ? L'objectif est de créer une filière industrielle et des emplois non délocalisables et de déployer des infrastructures performantes dans nos territoires.
Ma seconde question s'articule autour de la notion de crowdlending, que j'ai déjà évoquée à l'occasion d'une question d'actualité au Gouvernement : il s'agit d'un moyen d'investir son épargne, via des plateformes numériques, dans des entreprises françaises, en particulier dans notre tissu de PME-TPE. Cela peut prendre la forme de financements interentreprises ou concerner des investisseurs particuliers ou des personnes morales.
Madame la secrétaire d'État, envisagez-vous de garantir et d'accompagner l'intégration de telles plateformes de financement participatif dans la stratégie hydrogène de la France ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Médevielle, je vous rejoins tout à fait sur la nécessité d'aller plus loin concernant ces nouvelles façons de s'engager dans des projets ayant du sens dans les territoires. Ces nouveaux modèles restent sans doute à conforter, pour ne pas dire à inventer.
Votre question, qui va largement au-delà du thème du développement de l'hydrogène, porte sur le sujet fondamental de l'investissement de notre épargne, à la fois dans les territoires et dans la transition écologique.
À titre d'exemple, j'évoquerai quelques initiatives prises par l'État dans ce domaine.
Afin de favoriser le financement et l'investissement participatif dans des projets d'énergie renouvelable soutenus par l'État, une participation des collectivités locales et des riverains au capital et dans la gouvernance des projets donne droit à un bonus, d'autant plus élevé que cette participation est importante.
Les personnes désireuses d'investir dans la transition écologique doivent pouvoir bénéficier d'une information objective et garantie par l'État, ainsi que d'un accompagnement. À cette fin, le ministère de la transition écologique a créé le label Greenfin afin de garantir la qualité des fonds d'investissement dans des projets écoresponsables, ce label ayant d'ores et déjà permis de drainer plus de 15 milliards d'euros.
Pour entraîner un effet de levier, l'État finance des dispositifs et des fonds d'investissement dans la transition. Ainsi, au titre du programme d'investissements d'avenir, nous avons co-investi dans des fonds finançant des projets d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique. À cet égard, la Banque des territoires et Bpifrance sont des acteurs importants aux côtés des collectivités et des financeurs régionaux, qui sont également très investis dans la croissance verte.
Beaucoup reste à faire, mais je suis très confiante dans l'avenir de ces projets de territoire localisés, qui font sens et permettent à nos concitoyens d'avoir prise sur la transition écologique, quand l'importance du défi et des enjeux peut paralyser.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. Merci, madame la secrétaire d'État, de votre réponse.
Aujourd'hui, il faut aller vite et donner un coup d'accélérateur.
Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative 2, de nombreux investisseurs nous ont saisis, car ils souhaitaient que les garanties de l'État soient étendues aux plateformes de crowdlending autres que celles qui étaient visées, ainsi qu'à des personnes morales. De l'argent est disponible, des gens souhaitent investir. En l'occurrence, la grande distribution souhaitait investir via ces plateformes et venir en aide à ses fournisseurs. Une relation de confiance était établie.
Il faut mettre en place le même dispositif pour la filière de l'hydrogène et l'étendre au plus grand nombre de financeurs possible.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Madame la secrétaire d'État, je me suis penché avec beaucoup d'intérêt sur la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné présenté par le Gouvernement, laquelle prévoit 7 milliards d'euros pour développer la filière, ce dont je ne peux que me féliciter.
L'hydrogène est une énergie de stock et non une énergie de flux, comme l'électricité. C'est là tout son intérêt : elle peut être associée à des énergies intermittentes, comme le solaire et l'éolien.
Avec cette stratégie, nous avons une chance importante de faire de l'hydrogène un vecteur de la transition énergétique. Cependant, soyons vigilants et précis afin d'éviter les écueils de maintes politiques présentées comme étant très vertes.
Aujourd'hui, plus de 95 % de l'hydrogène produit est un hydrogène gris, c'est-à-dire produit à partir d'énergies fossiles. L'intérêt écologique de cet hydrogène pour les mobilités est donc nul, pour ne pas dire négatif. Il ne faut donc pas développer la consommation d'hydrogène sans nous être au préalable assurés qu'il pourra être produit à partir d'énergies renouvelables.
La technique de production par électrolyse est une technologie tout à fait intéressante, dès lors qu'on utilise des énergies renouvelables. Qu'en est-il du bilan écologique du process dans son ensemble ? Je pense en particulier aux électrolytes et aux piles à combustible. Quels matériaux sont employés ? D'où proviennent-ils ? Cette question porte non seulement sur le bilan écologique, mais aussi sur notre souveraineté.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous vous engager à corriger le tir dans votre stratégie en la recentrant exclusivement sur la production d'hydrogène à partir d'énergies renouvelables, afin de faire réellement de la France une championne de l'énergie hydrogène verte, décarbonée et renouvelable ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Salmon, le ministère est très attentif aux enjeux d'approvisionnement, notamment en matériaux critiques.
Début 2019, le Gouvernement a d'ailleurs lancé les travaux du comité de pilotage chargé de l'élaboration du plan de programmation des ressources minérales de la transition bas carbone.
Les technologies d'électrolyseurs ont aujourd'hui recours à des matériaux dont la criticité est jugée faible à modérée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Ainsi, pour le nickel, utilisé dans la technologie alcaline, nous sommes approvisionnés par la Nouvelle-Calédonie, qui en est le quatrième producteur mondial. C'est aussi le cas pour le platine, pour la technologie à membrane échangeuse de protons.
Plus largement, la Commission européenne a prévu de lancer une action de surveillance pour s'assurer du bon approvisionnement des matériaux nécessaires à la production des éléments de la chaîne de valeur des technologies de l'hydrogène.
Dans le cadre du programme prioritaire de recherche lancé dans le cadre de la stratégie pour le développement de l'hydrogène, l'État pourra soutenir de la recherche plutôt en amont afin de diminuer l'utilisation de matériaux sous tension et proposer des solutions de remplacement. Il soutiendra ensuite les projets de recherche en aval, plus orientés vers la démonstration industrielle, lesquels pourront être soutenus par le volet innovation de la stratégie, dans le cadre du PIA.
En complément, je précise que de nombreux programmes de recherche visent à améliorer le taux de récupération de ces matériaux rares et des matériaux alternatifs. C'est un autre enjeu, d'économie circulaire celui-là.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État. Il nous faut être très vigilants afin de préserver notre souveraineté. Nous ne devons pas dépendre, comme pour les batteries, des terres rares chinoises, entre autres.
La filière de l'hydrogène est séduisante, et il faut pousser la recherche, bien entendu, mais ne mettons pas, une fois encore, tous nos oeufs dans le même panier. N'oublions pas que la sobriété et l'efficacité énergétiques sont à la base de la transition écologique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Fournier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Fournier. Madame la secrétaire d'État, se positionner en leader de l'énergie hydrogène est un véritable défi, en termes de compétitivité d'abord, de chaînes de fabrication ensuite. La politique de transition énergétique annoncée par le Gouvernement vise à lutter contre la pollution en décarbonant spécifiquement l'industrie.
Vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, comme certains de mes collègues, une enveloppe de 2 milliards d'euros est prévue à cet effet dans le plan de relance pour la période 2020-2022, ainsi qu'une trajectoire fixe courant jusqu'en 2030, pour un total de 7 milliards d'euros.
Comme mon collègue Daniel Salmon l'a indiqué, l'hydrogène est actuellement fabriqué à 95 % à partir d'énergies fossiles. C'est ce que l'on appelle de l'hydrogène gris. L'hydrogène que l'on doit développer est dit "vert". Il est fabriqué par électrolyse de l'eau. Compte tenu de son mix électrique faiblement émetteur de CO2, la France dispose d'atouts pour produire cet hydrogène décarboné.
Je vous alerte cependant sur la matière première de fabrication, à savoir l'eau, qui est une ressource essentielle. Sa gestion industrielle devra être adaptée.
Il reste l'hydrogène bleu, fabriqué à partir de la technique de pyrolyse de gaz naturel, gaz essentiellement composé de méthane. Il représente une ouverture pour la gestion des déchets de l'agriculture et des centres de traitement.
L'hydrogène est un volet du plan de relance. Il s'agit de positionner la France comme championne de sa fabrication, mais ne nous voilons pas la face : devenir leader, c'est développer une stratégie agressive en matière d'innovation, de fabrication, de normalisation, de stockage et de transport. Or l'on sait que l'hydrogène vert coûtera trois à quatre fois plus cher que l'hydrogène gris. L'utilisation de cette énergie propre dans l'industrie représentera un coût supplémentaire, ce qui entraînera une hausse des coûts de production.
Pour se donner les moyens de développer cette filière vertueuse, ne faut-il pas enfin finaliser le principe de la taxation carbone aux frontières de l'Union européenne pour tous les produits importés ne répondant pas aux normes imposées en Europe ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Fournier, votre question est double.
Elle porte tout d'abord sur la réduction de l'écart de prix entre l'hydrogène fossile et l'hydrogène décarboné pour assurer une équité de concurrence entre entreprises européennes et extraeuropéennes, sur le verdissement de notre mix ensuite.
La réduction de l'écart de prix est l'un des objectifs forts de la stratégie européenne et de la nôtre. Grâce au soutien à la R&D, à l'amélioration de la performance industrielle des voies de production de l'hydrogène décarboné, en particulier par électrolyse, et à la baisse des coûts par effet d'échelle, grâce à des électrolyseurs moins chers et à des usines d'électrolyse plus importantes, nous comptons bien réduire cet écart le plus fortement possible.
À cet égard, des perspectives de réduction bien en deçà du facteur 3 ou 4 que vous évoquez nous semblent crédibles d'ici à quelques années. Ce n'est pas une vue de l'esprit, ni même du Gouvernement. C'est le point de vue d'experts et d'industriels très impliqués dans le développement de ces filières.
En réponse au second point de votre question, il faut en effet concilier réussite de la décarbonation de nos économies, nationale et européenne, et maintien de la compétitivité, en particulier dans les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale.
Dans le cadre des discussions actuelles sur le renforcement de l'objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030, nous avons proposé de travailler opérationnellement à la mise en place d'un mécanisme dit d'ajustement carbone aux frontières. Je vous l'assure, nous sommes engagés et mobilisés en ce sens. C'est vrai que, après des années de scepticisme, voire d'opposition, de nombreux États membres considèrent aujourd'hui cette proposition très favorablement.
Nous devrions entamer en 2021, sous l'égide de la Commission européenne, l'écriture d'un texte législatif opérationnel sur une refonte du dispositif, dit ETS, de quotas d'émission de gaz à effet de serre, ce qui nous offre des perspectives assez rassurantes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Viviane Artigalas. Madame la secrétaire d'État, dès le début de la crise, j'ai appelé l'attention du Gouvernement sur la nécessité de donner, au sein du plan de relance, une forte impulsion aux transports, et singulièrement à la filière hydrogène.
Le tourisme fera partie des secteurs clés de la relance de l'économie mondiale. Comme il apparaît illusoire de vouloir cesser tout déplacement aérien dans un monde globalisé, il est indispensable de verdir les déplacements en utilisant une énergie moins polluante, comme l'hydrogène.
L'Allemagne a très vite mesuré cette urgence. Pour relancer ce secteur, elle a décidé de consacrer 9 milliards d'euros aux transports et à la filière hydrogène. Le gouvernement français a présenté sa propre stratégie pour le développement de l'hydrogène, qui prévoit 7 milliards d'euros étalés sur dix ans. Ce budget, certes non négligeable, reste néanmoins inférieur à celui de l'Allemagne.
La France en est encore au stade de l'expérimentation du train à hydrogène, tandis que l'Allemagne en est à l'utilisation. Alstom indiquait d'ailleurs, en 2019, avoir reçu 41 commandes de trains à hydrogène pour le marché allemand. Certaines régions anticipent déjà ces changements. La région Occitanie a ainsi été pionnière en matière de commandes de matériel roulant à hydrogène auprès d'Alstom pour équiper ses TER. Elle est aujourd'hui rejointe par d'autres régions.
Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur les crédits alloués aux énergies vertes. Dans sa dernière version, le plan de relance prévoit 3,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 910 millions d'euros en crédits de paiement. Ces sommes sont importantes et nous nous en réjouissons, car elles devraient permettre à la France d'être à la pointe de la production d'hydrogène renouvelable. Néanmoins, comment vont se décliner concrètement les 7 milliards d'euros du plan hydrogène ? Quels secteurs vont en bénéficier en priorité ? Pouvez-vous nous présenter l'échéancier précis de ces investissements ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Artigalas, l'hydrogène constitue une piste stratégique, vous l'avez dit, pour réussir la transition vers une économie zéro carbone, en particulier dans le secteur de l'industrie et de la mobilité lourde.
En se dotant d'une stratégie hydrogène ambitieuse pour accélérer le déploiement des filières de production et d'utilisation de l'hydrogène par électrolyse, ce sont quelque 7 milliards d'euros de soutien public, d'ici à 2030, qui seront déployés. C'est une perspective, je le répète, très ambitieuse.
Avec cette stratégie d'accélération, nous adoptons une approche systémique reposant sur deux piliers. Il s'agit d'abord de développer une filière française de premier rang sur la chaîne de valeur – électrolyse, piles à combustible, composants clés, solutions de mobilité –, puis de faire émerger et de déployer sur les territoires les solutions de l'hydrogène décarboné, à hauteur de 6,5 gigawatts de puissance installée d'ici à 2030. Nous attachons une grande importance à ce maillage territorial, nous l'avons déjà dit, afin d'équilibrer les projets plus ambitieux.
Pour la mise en œuvre de cette stratégie, qui doit être rapide, nous avons d'ores et déjà publié deux appels à projets par l'intermédiaire de l'Ademe le 14 octobre : l'un dans le cadre du PIA pour les projets innovants, l'autre pour le déploiement d'écosystèmes territoriaux. Nous avons également beaucoup avancé sur la définition d'un mécanisme de soutien à la production d'hydrogène décarboné et même commencé les discussions avec la Commission européenne pour sa notification comme aide d'État en 2021.
Les budgets permettront de soutenir l'ensemble des actions et la chaîne de valeur. Nous pouvons ainsi compter, pour la recherche en amont, sur un programme prioritaire de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour 65 millions d'euros, sur des projets importants d'intérêt européen commun à hauteur de 1,5 milliard d'euros, dont 890 millions pour les usines et 685 millions de soutien à l'exploitation pour les projets pilotes, sur une enveloppe de 350 millions d'euros pour les briques technologiques et les démonstrateurs, dans le cadre du PIA, et de 325 millions d'euros pour les volets Écosystèmes territoriaux et Mobilités avec l'Ademe.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions. Compte tenu des enjeux, nos entreprises de pointe, qui peuvent beaucoup s'investir dans ce domaine, et nos collectivités ont besoin de visibilité sur ce sujet. Il faut les tenir informées très régulièrement.
Une dernière chose : l'Allemagne est déjà très avancée en la matière. Malheureusement, nous avons déjà pris un certain retard, qu'il nous faut rattraper. Nous devons devenir leaders dans cette filière, comme dans d'autres, d'ailleurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la secrétaire d'État, longtemps le mal-aimé des politiques énergétiques, l'hydrogène est aujourd'hui présenté comme un pilier majeur de la réindustrialisation et de la relance en France. Une énergie sans émission de CO2 est intéressante, à l'heure où la question de l'enfouissement du gaz carbonique fait débat.
Les régions ont saisi ces capacités de décarbonation pour l'industrie et les mobilités. Elles ont été pionnières dans le soutien à l'hydrogène et portent des projets de déploiement de solutions adaptées. Ainsi, la région des Pays de la Loire, sous l'impulsion de sa présidente, Christelle Morançais, débloquera 100 millions d'euros d'ici à 2030 pour développer l'hydrogène et en faire une filière d'excellence.
Dans les mobilités, la logistique, des projets émergent et gagnent en maturité, témoignant d'une ambition industrielle de long terme.
Je salue l'impulsion que l'État a donnée à la filière hydrogène en lui consacrant des moyens importants, à hauteur de 7 milliards d'euros.
Je vous alerte néanmoins, madame la secrétaire d'État, sur le fait que nos politiques publiques en matière d'environnement manquent souvent de stabilité et de lisibilité. Le Gouvernement avait par exemple dilué sur trois ans les engagements du plan hydrogène de Nicolas Hulot, juste après la démission de ce dernier. Nombreuses sont les filières industrielles que l'État a souhaité développer pour la transition énergétique, sans que cela aboutisse. Si les régions s'engagent, l'État doit lui aussi le faire à long terme. Le développement de l'hydrogène doit s'inscrire dans une vision d'ensemble de l'évolution du système énergétique et des usages associés.
Comment le soutien État-région va-t-il s'articuler pour le maillage des stations d'hydrogène ? Une véritable stratégie territoriale en la matière est nécessaire, et nous attendons vos réponses. Par ailleurs, quels gages êtes-vous en mesure de donner aujourd'hui pour sécuriser la filière de l'hydrogène, dans quel cadre juridique et financier ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Chevrollier, vous l'avez très bien dit, les régions et les collectivités locales sont des acteurs clés de la transition écologique. Plusieurs collectivités locales se sont d'ailleurs déjà dotées de plans hydrogène territoriaux ambitieux afin de développer des outils de soutien complémentaires des dispositifs nationaux. Certaines collectivités sont membres de France Hydrogène.
Les régions qui le souhaitent ont été invitées à aider les projets en complément du soutien de l'État, dans le cadre de l'appel à projets Écosystèmes territoriaux lancé en octobre.
En complément, nous organisons de nombreux webinaires au cours desquels sont présentées les problématiques et les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ces projets, ainsi que des stratégies et des outils.
De plus, tant le ministère – au niveau central ou via les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) – que l'Ademe – via son siège ou ses directions régionales – ont des échanges avec plusieurs conseils régionaux et d'autres collectivités pour répondre à leurs questions et les accompagner dans leurs réponses aux appels à projets nationaux ou pour identifier des axes de collaboration sur des projets concrets.
Enfin, le volet ferroviaire est très important. L'État et plusieurs régions ont d'intenses discussions afin de finaliser le soutien à une première commande de trains à hydrogène. De belles coopérations devraient ainsi se nouer.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la secrétaire d'État, pour arriver à la neutralité carbone en 2050, l'État doit s'appuyer sur les collectivités locales pour construire une filière hydrogène française solide, dotée d'infrastructures adaptées pour produire un hydrogène décarboné et renouvelable.
Le développement de cette filière doit être un facteur de croissance, mais aussi d'espérance dans cette période compliquée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la secrétaire d'État, il devient vital de pouvoir stocker de l'électricité. En effet, les systèmes énergétiques éoliens ou photovoltaïques, parce que non pilotables, produisent de plus en plus une électricité intermittente, entraînant des pics de production supérieurs à la demande en consommation.
En 2020, certes du fait de la crise, la chute du marché de gros de l'énergie a conduit à plusieurs reprises à des prix négatifs. Ce phénomène risque de se reproduire en raison de la part croissante du renouvelable non pilotable dans le mix énergétique. Le stockage de l'électricité par le biais de l'hydrogène est un levier qu'il devient donc urgent d'activer, mais les performances et les capacités ne sont pas encore au rendez-vous.
Dans sa récente fiche technique, l'Ademe relève que le rendement de la chaîne de l'hydrogène est à l'heure actuelle de 23 % entre l'électricité induite dans l'électrolyseur et celle qui est restituée par la pile à combustible, alors qu'il est de 70 % pour les batteries.
Sans opposer les deux modes de stockage, cette note montre le chemin qu'il reste à parcourir. Pour relever ce défi, il faut non seulement des moyens financiers, mais aussi une organisation qui évite la dispersion et le saupoudrage des crédits, souvent ventilés entre de multiples équipes à la suite des appels à projets.
Au moment où l'Europe, notamment l'Allemagne, se dote d'une ambition, quelle organisation vous paraît la plus pertinente pour faire émerger une véritable filière et la piloter stratégiquement ? À notre sens, une telle organisation doit laisser la place à l'innovation et aux start-up, mais aussi permettre de structurer des équipes ayant la masse critique pour effectuer de véritables développements. Il faut également qu'elle permette la formation des ingénieurs et des techniciens indispensables, lesquels font aujourd'hui défaut.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Houllegatte, l'échelon européen est crucial pour le développement de la filière de l'hydrogène. À cet égard, la publication de la stratégie européenne en juillet 2020 est une première étape très positive.
Celle-ci identifie la filière électrolyse comme une filière d'avenir et porte un objectif ambitieux de 40 gigawatts en 2030. L'enjeu est de construire des champions européens et de mettre en place des dispositifs de soutien pour le déploiement et l'industrialisation des solutions hydrogène.
La stratégie européenne affirme la nécessité de construire un cadre commun pour le développement de la filière.
Avec des objectifs de production d'hydrogène décarboné à hauteur de 6,5 gigawatts d'électrolyse et de 600 000 tonnes à l'horizon 2030, la stratégie nationale de la France rejoint sur de nombreux points les fondamentaux de la stratégie européenne.
Les discussions sont actuellement en cours avec d'autres États membres pour mettre en place des projets importants d'intérêt européen commun, des projets partenariaux en vue de soutenir les industriels français et européens de la filière de l'hydrogène afin de leur permettre d'investir plus massivement quand cela est nécessaire. Ces projets seront notifiés à la Commission européenne.
La première réunion a eu lieu à haut niveau entre la Chancelière allemande et le Président de la République afin d'identifier les secteurs clés de cette coopération : la production d'électrolyseurs, les composants clés et des projets de décarbonation, notamment.
Ces grands axes se traduiront également par l'émergence de projets communs entre industriels. Ceux-ci seront suivis de près par les ministères de chaque pays pour faciliter leur déploiement, en particulier en combinant des soutiens financiers européens et nationaux.
En complément, une feuille de route "recherche" a également été construite avec l'Allemagne sur l'énergie durable. Un appel à projets sur les énergies renouvelables a été lancé à la fin 2018, l'hydrogène étant identifié comme un secteur clé.
Les dispositifs français viennent en complément des dispositifs européens, notamment via l'Ademe.
Cette articulation des différents dispositifs permettra de garantir les retombées positives de ces projets pour l'ensemble des États membres et de s'assurer, notamment, qu'il n'y a pas de redondances dans les thématiques financées. Je vous rejoins donc totalement sur la nécessaire coordination dans la mise en commun de nos moyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour la réplique.
M. Jean-Michel Houllegatte. J'ai bien compris la nécessaire coordination à l'échelon européen, mais je m'interroge sur l'échelon national.
Quand la France s'est dotée d'une ambition nucléaire, elle a mis en place une organisation, avec, à sa tête, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Quand elle s'est dotée d'une ambition spatiale, elle a aussi mis en place, avec le Centre national d'études spatiales (CNES), une organisation capable de véritablement piloter une filière, sachant qu'il s'agit d'une filière de recherche et de formation, organisant aussi les industries, d'une certaine façon.
Alors que l'hydrogène est à la mode en ce moment, de nombreux acteurs se dispersent sur des sujets sans doute pertinents, au risque toutefois de manquer de cohérence.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Madame la secrétaire d'État, si nous voulons inscrire l'hydrogène dans notre futur mix énergétique, il nous faut trouver le moyen de le produire de la façon la plus vertueuse possible sur le plan environnemental. Émettre 10 tonnes de CO2 par tonne d'hydrogène produite n'est évidemment plus tolérable.
Avec sa stratégie pour le développement de l'hydrogène décarboné, présentée le 8 septembre dernier, laquelle prévoit 7 milliards d'euros, la France prend enfin le chemin de la production par électrolyse, mais la question de la source d'électricité utilisée se pose de manière cruciale, car elle conditionne la couleur environnementale de l'hydrogène.
L'abandon des énergies fossiles ne peut se concevoir que si nous les remplaçons par des solutions faiblement émettrices de gaz à effet de serre. Certains pensent associer les énergies renouvelables aux électrolyseurs, mais cela ne pourra pas constituer un remède miracle, en raison de leur caractère intermittent, qui ne peut objectivement pas être occulté.
Alors, faisant fi de quelques positions dogmatiques, nous devons être pragmatiques pour atteindre nos objectifs environnementaux, en nous appuyant sur des technologies totalement maîtrisées et faiblement émettrices de CO2.
Ce débat est donc, me semble-t-il, une très bonne occasion de nous interroger sur la complémentarité entre le nucléaire et la production d'hydrogène décarboné. Je ne méconnais pas les griefs à l'encontre de l'atome, mais il devrait y avoir un consensus sur cet outil industriel, dont l'investissement est largement amorti. Par son caractère pilotable, il est un formidable atout pour équilibrer notre réseau électrique lors de fortes fluctuations de production des énergies renouvelables.
Madame la secrétaire d'État, peut-on envisager ce couplage nucléaire-hydrogène dans des délais raisonnables afin de permettre à la France de prendre le leadership dans la production et le stockage d'un hydrogène que l'on pourrait alors qualifier d'hydrogène jaune ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Piednoir, afin que l'hydrogène apporte son plein potentiel pour la décarbonation de l'économie, des usages nouveaux, comme la mobilité lourde ou la production de chaleur à haute température pour l'industrie, doivent également être soutenus, en plus du remplacement de l'hydrogène d'origine fossile utilisée aujourd'hui.
Selon le rapport de 2019 de l'Agence internationale de l'énergie, une croissance de l'hydrogène d'environ 31 % est attendue à horizon 2030 dans les secteurs de l'ammoniaque, du méthanol et de la chimie, essentiellement pour des raisons d'intérêt économique et de croissance.
La Commission européenne est convaincue qu'il est nécessaire de recourir à d'autres modes de production d'hydrogène bas carbone que la seule production d'hydrogène renouvelable, et ce principalement pour réduire rapidement les émissions des installations de production d'hydrogène existantes, et de soutenir l'adoption, en parallèle, et dans l'avenir, de l'hydrogène renouvelable.
Avec des objectifs de production d'hydrogène décarboné à hauteur de 6,5 gigawatts et 600 000 tonnes à l'horizon 2030, la stratégie nationale de la France rejoint sur de nombreux points les fondamentaux de la stratégie européenne. En ce sens, la production d'hydrogène par électrolyse fera appel aux productions d'énergie renouvelable, comme à la production bas carbone qu'offre actuellement le mix électrique français. Nous avons, pour ce faire, des objectifs et une feuille de route, à la fois dans la loi relative à l'énergie et au climat et dans la programmation pluriannuelle de l'énergie. Dans ce cadre, tout peut être imaginé.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Madame la secrétaire d'État, je n'ai pas entendu le mot "nucléaire" dans votre réponse.
"Tout peut être imaginé" : c'est votre conclusion. Je comprends par là que le nucléaire peut faire partie des potentialités.
Nous savons bien que nous n'avons pas en France suffisamment d'énergies renouvelables pour nous convertir à l'hydrogène exclusivement vert par ce seul moyen. Nous ne sommes pas la Norvège ! Nous n'avons pas ce potentiel, mais nous avons un outil industriel nucléaire entièrement à notre disposition, et qui peut être prolongé. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet dans quelque temps.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Madame la secrétaire d'État, avec 7 milliards d'euros d'ici à 2030, la France rattrape enfin son retard dans le développement de la filière hydrogène.
Permettez-moi de rappeler qu'il y a quelques mois encore, à la fin de juillet, juste avant l'interruption de nos travaux, le Gouvernement alignait seulement 100 millions d'euros en faveur de cette filière, ce qui suscitait incompréhension et consternation sur ces travées. Il semble que le Gouvernement voulait nous ménager un effet de surprise. À la bonne heure ! J'ai parfois tendance à penser que le covid-19 peut avoir du bon…
Une part très importante de cette enveloppe cible la décarbonation de l'industrie et la production d'hydrogène. Je m'en réjouis, mais pour bien développer l'économie de l'hydrogène et préserver notre souveraineté, il faut parvenir à faire émerger simultanément ses usages. Ce plan de relance doit aussi être l'occasion de les diversifier.
Madame la secrétaire d'État, vous aurez compris que ma question porte sur les moyens et dispositifs mis en œuvre par la France pour rester dans la course de la mobilité hydrogène.
Si l'amont, c'est-à-dire sa production, semble aujourd'hui constituer une priorité du Gouvernement, qu'en est-il de l'aval, c'est-à-dire de l'industrialisation de cette filière et de la massification des projets et des usages ?
Plusieurs projets sont portés aujourd'hui par de petites structures à l'échelle locale, mais c'est loin d'être suffisant pour générer une demande à la hauteur de l'offre qui existera dans quelques années. Si la demande n'émerge pas en France, l'offre sera bel et bien présente, mais elle viendra de l'étranger.
Il faut soutenir l'émergence d'une filière industrielle française, sans reproduire les erreurs commises dans le passé pour les batteries ou les panneaux solaires. Des milliers d'emplois en dépendent, notamment dans le secteur automobile.
Quelles initiatives, ou mesures, l'Europe et le Gouvernement prennent-ils pour stimuler cette filière, qui pourrait permettre la réindustrialisation des territoires oubliés ? Je pense notamment à de possibles souplesses administratives, qui rendraient le cadre réglementaire plus incitatif, mais aussi à des mécanismes de soutien public, ou encore à une taxation du carbone aux frontières européennes, de manière à rendre plus compétitif l'hydrogène face aux hydrocarbures. Des discussions sont-elles engagées entre le Gouvernement et la Commission européenne ?
En présentant le plan hydrogène, au début de septembre, Bruno Le Maire expliquait que le déclassement français, c'était le renoncement des élites. Alors, madame la secrétaire d'État, ne renoncez ni à la production d'hydrogène ni à ses usages, car ils sont indissociables !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Perrin, nous avons effectivement évoqué le soutien à l'investissement et au fonctionnement de la filière, ainsi que les démarches de recherche et développement visant à accompagner la production d'hydrogène décarboné.
Aujourd'hui, par ce soutien à la recherche et au développement, ainsi que par l'amélioration de la performance industrielle des voies de production de l'hydrogène décarboné, en particulier par électrolyse, nous visons une baisse des coûts induite par des effets d'échelle.
Notre objectif est fort ; il sera atteint par cette baisse des coûts résultant d'effets d'échelle. Ainsi, le coût des électrolyseurs devrait diminuer et les usines d'électrolyse devenir plus importantes. Nous comptons bien réduire cet écart le plus rapidement possible.
Il s'agit, comme vous l'avez dit, de concilier la réussite de la décarbonation de notre industrie nationale et européenne avec le maintien de notre compétitivité dans les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale. Notre responsabilité est de travailler main dans la main avec nos partenaires européens afin que cette démarche, loin d'être une course à la réussite et au leadership, traduise une cohérence entre nos investissements respectifs et les plans mis en œuvre. Ainsi, on parviendra à une compétitivité commune.
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Madame la secrétaire d'État, filière d'avenir et alternative sérieuse aux énergies fossiles, l'hydrogène se situe à un moment stratégique de son développement, qui nécessite l'engagement de tous pour renforcer la dynamique.
À cet égard, la place des territoires est essentielle. Il faut construire au plus vite un écosystème territorial performant pour ne pas risquer, comme nous l'avons malheureusement subi dans d'autres secteurs, la perte de notre indépendance, avec les conséquences douloureuses que cela emporte.
En 2020, le Président de la République s'est engagé à mettre en place un plan de relance massif axé sur des secteurs d'avenir et sur les compétences, afin de bâtir notre souveraineté industrielle et écologique. Cette ambition s'est traduite par la présentation de la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France.
En Seine-Maritime, tout au long de la vallée de la Seine, premier pôle industriel et logistique de France, de nombreuses initiatives sont prises, notamment sur le territoire de l'intercommunalité Caux Seine Agglo. On peut citer l'étude Deplhy – déploiement de l'hydrogène en vallée de Seine –, qui cartographie l'ensemble des acteurs et des besoins actuels dans l'industrie et les mobilités lourdes ; le projet Cryocap d'Air Liquide, installation industrielle unique, à Port-Jérôme-sur-Seine ; ou encore le projet de l'entreprise H2V d'implanter une usine de production industrielle massive d'hydrogène vert par électrolyse de l'eau en 2022.
Vous le voyez, madame la secrétaire d'État : les initiatives sont nombreuses dans les territoires et les élus locaux les accompagnent. Elles portent l'espoir de cette politique industrielle nouvelle et souveraine pour notre pays, tant dans la production d'électricité et les réseaux d'alimentation que pour les mobilités.
Cela dit, il faut accompagner financièrement les territoires et les doter des compétences qui permettront d'étendre notre souveraineté énergétique.
Je souhaiterais donc savoir, madame la secrétaire d'État, ce que le Gouvernement entend faire pour accompagner les collectivités qui portent des projets de territoire au plus près des réalités locales. Comment comptez-vous favoriser ces prises d'initiative et inciter les élus locaux à s'emparer de ce sujet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Canayer, la stratégie que nous déployons aujourd'hui s'appuie effectivement sur un développement systémique de l'offre et de la demande.
Nous soutenons d'ores et déjà le développement d'une filière industrielle française de premier rang à l'échelle européenne, voire mondiale, sur la chaîne de valeur de l'hydrogène, de la production aux usages finaux et de la recherche-développement à l'industrialisation. L'émergence et le déploiement dans les territoires de l'hydrogène décarboné devront permettre, à l'horizon 2050, d'atteindre une décarbonation totale.
L'appel à projets Écosystèmes territoriaux qui a été lancé par l'Ademe le 14 octobre vise à soutenir dans les territoires le déploiement de projets importants d'infrastructures de production et de distribution d'hydrogène décarboné au regard des usages d'applications industrielles et de mobilité, permettant un passage à l'échelle sur le territoire national.
L'Ademe et le ministère de la transition écologique et solidaire, via la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et les Dreal, ont noué des relations depuis plusieurs années avec les collectivités locales, en particulier les conseils régionaux, d'abord au travers des projets aidés par le premier plan hydrogène, à présent en déployant cette nouvelle stratégie.
Nous persévérerons dans cette optique de partenariat, en diffusant l'information adéquate sur la stratégie et les outils de soutien, qu'il faut mettre à l'épreuve du réel, et en échangeant avec les territoires, de manière à prendre en compte un éventuel besoin de réajustement de nos actions par un retour d'expérience des acteurs sur le déploiement de la filière. Il nous faut poursuivre ces échanges pour aider à accompagner le montage des projets et, le cas échéant, monter des cofinancements permettant de bénéficier pleinement de ces partenariats.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Madame la secrétaire d'État, la France s'est fixé l'objectif ambitieux et nécessaire d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 ; cela a été déjà maintes fois rappelé par les orateurs qui m'ont précédé : il est toujours difficile d'être le seizième !
Pour parvenir à cette neutralité, l'hydrogène décarboné représente une véritable occasion d'accélérer la transition écologique tout en assurant l'indépendance énergétique de la France.
Le 9 septembre dernier, le Gouvernement a présenté la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné. Un investissement de 7 milliards d'euros d'ici à 2030 est prévu, une enveloppe de 2 milliards d'euros étant déjà disponible dans le cadre du plan de relance. Nous ne pouvons que saluer ces financements indispensables pour accompagner les acteurs de l'hydrogène, car les besoins sont importants pour toutes les formes de mobilité, de l'avion développé par Airbus aux navires et aux véhicules lourds de transport de marchandises, en passant par les trains qu'Alstom construit et qui circulent déjà en Allemagne.
Des projets ambitieux voient le jour en France. En Vendée, l'entreprise Lhyfe, avec "hy" comme dans "hydrogène", a démarré un programme de construction de deux bâtiments dédiés à la production d'hydrogène vert par électrolyse et à la recherche-développement en matière de production d'hydrogène offshore grâce à un parc éolien en mer ; ce programme reçoit un fort soutien des collectivités locales. Ce sera le premier site français connecté à une source d'énergie renouvelable, en l'occurrence éolienne. Au printemps 2021, il fournira entre 300 kilos et une tonne d'hydrogène destiné aux besoins quotidiens de mobilité, auxquels je sais que vous êtes sensible, madame la secrétaire d'État, comme j'ai pu le mesurer quand vous étiez rapporteure pour l'Assemblée nationale de la loi d'orientation des mobilités.
Ces projets précurseurs, devenus réalité, doivent permettre de faire de la France un champion de l'hydrogène et de répondre ainsi à la question qui est le thème de notre débat aujourd'hui. Seront-ils soutenus, et à quel niveau ? Ces projets ont anticipé la tendance actuelle ; ils sont précurseurs et intègrent de fait les programmes d'aide tels qu'ils sont définis aujourd'hui.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Mandelli, je me réjouis de vous retrouver sur des questions ayant trait à la mobilité verte.
Un appel à projets de l'Ademe visant à développer des écosystèmes territoriaux de l'hydrogène a été lancé le 14 octobre dernier. Il doit permettre d'offrir des financements à hauteur de 275 millions d'euros, via des subventions issues des crédits du ministère de la transition écologique et solidaire. Ainsi, on soutiendra et on accompagnera des investissements dans la production et la distribution d'hydrogène décarboné par des technologies ayant déjà fait l'objet de démonstrations et de premiers prédéploiements. Il s'agira prioritairement de projets orientés vers des usages industriels et la mobilité lourde, notamment dans le domaine des services publics et des transports lourds, collectifs ou de marchandises.
Pour ce faire, des consortiums réunissant des autorités locales et des entreprises industrielles doivent travailler ensemble sur une même zone afin de créer ces écosystèmes à grande échelle, qui favorisent par ailleurs les économies d'échelle. Mes services ont déjà eu l'occasion d'effectuer une première présentation de la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné devant l'Association des régions de France, de manière à faire de celle-ci un relais de cette politique. Une nouvelle présentation aura lieu vendredi prochain, dans l'objectif d'expliquer ces enjeux et les moyens mis en œuvre pour développer la filière de l'hydrogène.
Comme je l'ai indiqué précédemment, nous avons également une action territorialisée : le ministère de la transition écologique et solidaire la mène au travers des Dreal, l'Ademe au travers de ses directions régionales, qui restent en lien étroit avec les collectivités pour accompagner ces projets.
Je pense notamment au projet du Port du Bec, porté par l'entreprise Lhyfe, qui vise à produire de l'hydrogène renouvelable à partir d'éoliennes et d'eau de mer. Cette entreprise a d'ailleurs obtenu de Bpifrance un soutien en tant que producteur d'hydrogène renouvelable.
L'émergence de projets d'électrolyse raccordés directement à des installations d'énergie renouvelable est importante pour étudier les possibilités offertes par ce stockage de l'énergie. Toutefois, cette solution génère de l'hydrogène à un coût qui demeure plus élevé que celui de l'hydrogène produit par le mix électrique français. Le rapport publié par Réseau de transport d'électricité (RTE) sur l'hydrogène a montré que le système électrique n'aura pas besoin de stockage avant l'horizon 2035 à l'échelle de la France métropolitaine. Ce marché est tout de même plus mature dans les pays voisins, où de telles solutions seront toujours nécessaires.
La stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné vise donc à retrouver un équilibre entre le soutien aux projets particulièrement innovants, dans le cadre des guichets d'innovation, et le soutien au déploiement de solutions plus matures, qui peuvent trouver des débouchés industriels rapides à un coût pour les finances publiques qui soit raisonnable et acceptable par tous.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État.
Source http://www.senat.fr, le 2 décembre 2020