Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de l'industrie, à France Info le 21 décembre 2020, sur l'épidémie de Covid-19 et la politique industrielle.

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Média : France Info

Texte intégral

CELINE ASSELOT
Bienvenue si vous nous rejoignez sur France Info la radio ou sur France Info canal 27. Je salue Jean-François ACHILLI bien sûr, qui est à mes côtés pour ce 08.30 politique. Bonjour Jean-François.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Avec plaisir. Bonjour.

CELINE ASSELOT
Et bonjour à vous Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Céline ASSELOT

CELINE ASSELOT
Ministre déléguée chargée de l'industrie. Parlons tout d'abord si vous le voulez bien, de cette barrière sanitaire qui s'est érigée entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. La France a fermé ses frontières avec la Grande-Bretagne, pour 48 heures, à cause d'une variation du virus, qui est hors de contrôle sur le territoire britannique, comme l'a dit, écoute-le, le Premier ministre britannique Boris JOHNSON.

BORIS JOHNSON, PREMIER MINISTRE DU ROYAUME UNI
C'est avec le coeur lourd que je dois vous dire que nous ne pouvons pas passer Noël comme prévu. En Angleterre, les personnes vivant dans les zones de niveau 4, ne doivent pas se mélanger avec des personnes extérieures à leur propre foyer pour Noël. Des bulles de soutien resteront toutefois en place pour les personnes particulièrement exposées au risque de solitude ou d'isolement.

CELINE ASSELOT
Alors, est-ce que le gouvernement, Agnès PANNIER-RUNACHER, est inquiet aujourd'hui ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
En tout cas le gouvernement prend les mesures qui s'imposent. Vous avez pu constater que ces dernières semaines nous avions anticipé le risque de circulation du virus, nous nous sommes battus pour limiter cette circulation et je crois que l'ensemble des Français ont également appliqué avec rigueur les gestes barrières. Donc nous sommes à un niveau de circulation du virus qui nous permet d'espérer de fêter un Noël dans des conditions correctes, mais effectivement il faut redoubler de vigilance et c'est pour ça que nous faisons le choix de fermer nos frontières pour 48 heures, pour 48 heures, le temps de prendre…

CELINE ASSELOT
Qu'est-ce qui se passe après ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Le temps de prendre la mesure de ce qui se passe au Royaume-Uni et de mettre en place des protocoles qui nous permettront justement de régler le passage de cette frontière.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous savez vu, les Eurostar quand même ils ont continué d'arriver hier soir tard, depuis le discours de Boris JOHNSON, si ça se trouve le virus est déjà chez nous. Le virus mutant.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et c'est pour ça que nous sommes également très attentifs à ce qu'on puisse continuer à accompagner les contrôles, les tests, que toute personne qui ait un doute puisse se tester et faire en sorte de pouvoir se retirer de d'interaction sociale. Aujourd'hui vous allez dans beaucoup de pharmacies, vous allez chez le médecin, vous pouvez être testé, vous êtes testé en 30 minutes avec des tests antigéniques et avec une PCR en 24 heures.

CELINE ASSELOT
Vous évoquiez l'anticipation qui serait celle du gouvernement, là on a plutôt le sentiment d'une mesure prise en urgence, qui n'a d'ailleurs pas été prises de manière coordonnée au niveau européen, est-ce qu'il fallait agir tout de suite et de cette manière ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous avons pris une décision, justement très rapide, sur la base d'une communication du gouvernement britannique, donc il nous informe et en moins de 24 heures, après avoir pris la tâche du gouvernement allemand aussi, nous nous sommes coordonnés entre différents pays, nous prenons cette décision. Donc bien au contraire on regarde, enfin on peut constater l'agilité de notre gouvernement. Et quand je parle de l'anticipation, je parle par rapport à toutes les décisions que nous avons prises ces dernières semaines et qui nous permettent, à la différence de bien d'autres pays européens, de ne pas devoir nous reconfiner maintenant. Mais il faut que la vigilance reste totale, elle doit rester totale, parce que nous savons que le virus circule. Nous avons aujourd'hui entre 13 000 et 17 000 cas déclarés chaque jour, notre objectif c'est que ça n'augmente pas.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors ça c'est l'aspect sanitaire, mais qu'est-ce qui se passe pour les 3 000 entreprises qui sont installées Outre-manche, et puis il n'y en a 30 000 qui commercent avec la Grande-Bretagne, c'est presque même pire que le Brexit finalement ce qui se passe là.

AGNES PANNIER-RUNACHER
En l'occurrence il s'agit de 48 heures, qui est à la veille des fêtes de Noël, donc pas forcément le moment où l'activité est à son summum. Mais bien sûr nous sommes complètement alors écoute et nous allons faire en sorte de pouvoir redémarrer et redémarrer avec des protocoles sanitaires qui leur permettent de travailler, comme nous le faisons toujours, et le Brexit c'est aussi un sujet. De toute façon le 31 décembre, je le rappelle, accord ou pas accord la frontière sera rétablie entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, ainsi en a décidé le peuple britannique en juin 2016.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est le no deal finalement, ça y est, on y est.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ce n'est pas ça, c'est que de toute façon qu'il y ait un accord ou qu'il n'y ait pas d'accord, la frontière est rétablie, c'est la règle du jeu. Après elle peut être établie avec des règles du jeu qui sont plus ou moins souples, mais le 31 décembre la frontière est rétablie.

CELINE ASSELOT
Encore une fois, sur cette fermeture des frontières qui s'ajoute à l'incertitude liée au Brexit, est-ce qu'on peut aller plus loin que les 48 heures, est-ce qu'une prolongation est envisageable ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, je pense que c'est une discussion qu'on aura avec nos partenaires européens. L'enjeu aujourd'hui c'est de faire en sorte que les échanges fonctionnent, en sécurité sanitaire. On a toujours eu cette ligne de crête d'essayer de concilier activité humaine et protection des Français, protection de la santé des Français.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous diriez qu'il y a une, Agnès PANNIER-RUNACHER, qu'il y a une troisième vague qui se dessine aujourd'hui, c'est un peu le discours public qui est en train de d'évoluer, de muter lui aussi.

AGNES PANNIER-RUNACHER
En l'occurrence, moi je j'écoute ce que disent les spécialistes, Martin HIRSCH mentionnait hier que la deuxième vague n'était pas terminée. Donc je crois qu'on est plutôt dans ce plateau d'une deuxième vague, que nous avons réussi à maîtriser, mais encore une fois moi j'en appelle à la responsabilité de chacun, la solution et collectivement entre nos mains, si nous respectons les gestes barrières nous allons pouvoir passer des congés agréables, et tout l'objectif c'est effectivement de maîtriser la circulation du virus.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous entendez ceux qui disent : « ah, regardez les Européens, finalement ils reconfinent plus vite que nous, on passe encore Noël, on circule dans la journée, ce n'est pas très prudent ».

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je souris quand j'entends ça, puisqu'il y a quelques semaines on nous accusait d'être trop prudents, et en fait la circulation du virus est moindre en France aujourd'hui que dans d'autres pays, et tant mieux, et je sais la difficulté de prendre ces décisions de confinement. Le gouvernement français a pris des décisions de roue confinement qui étaient courageuses, qui n'étaient pas dans le sens de l'attente des uns et des autres. On a tous envie d'aller au restaurant, on a tous envie d'aller au théâtre…

CELINE ASSELOT
Ça peut donner le sentiment d'un … aujourd'hui avec la situation qui est celle de l'Italie, de l'Autriche ou du Sud-est de l'Angleterre par exemple.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais regardez les chiffres, c'est parce qu'on n'a pas les mêmes taux de contamination, tout simplement, et parce que justement nous nous sommes employés à prendre des décisions qui nous permettent, autant que possible, de préserver ce moment qui est très important pour les gens, qui est le moment des fêtes, qui est très important pour moi, qui est très important pour vous, je crois.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais quand Jean-François DELFRAISSY, le président du Conseil scientifique, dit : pas de retour à la normale avant l'automne prochain, propos réalistes, c'est un peu le discours qui se dessine, c'est le nouveau discours officiel, automne prochain ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas un discours officiel, nous savons tous que le virus fonctionne, et nous savons tous que pour empêcher le virus de circuler, il faut, soit avoir un vaccin, soit avoir un traitement. Je veux remercier ici toutes les équipes de recherche médicale qui se sont mobilisées mondialement pour nous permettre d'avoir un vaccin dans les prochains jours. C'est une réalisation incroyable, d'un point de vue technologique et technique. C'est incroyable. Vous savez que l'Agence du médicament s'apprête à donner son avis aujourd'hui, ce qui pourrait permettre d'avoir une autorisation de mise sur le marché demain, ce qui pourrait permettre d'avoir les premières livraisons le 26 décembre et les premières vaccinations le 27 décembre. Mais pour vacciner des millions de personnes, cela va prendre dans un calendrier organisé, un petit peu de temps.

CELINE ASSELOT
Alors justement, on va évoquer cette campagne de vaccination et ce calendrier dans un instant, Agnès PANNIER-RUNACHER, restez avec nous, on s'interrompt un instant le temps du fil Info à 08h40.

-Le fil info-

CELINE ASSELOT
Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre déléguée chargée de l'Industrie, toujours avec nous dans lui de 8.30 politique, et c'est Jean-François ACHILLI qui voulait vous interroger sur cette campagne de vaccination qui commence aujourd'hui, on l'évoquait.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui, Agnès PANNIER-RUNACHER, c'est vous qui avez piloté la Task force française sur ces négociations autour des vaccins. Vous avez vu cette ministre belge qui a publié sur Twitter les prix jusque-là restés confidentiels des vaccins anti-Covid, pour ceux qui nous regardent nous affichons son tweet, qui a été supprimé depuis. Pour la faire courte : 1,78 € pour le vaccin suédo- britannique ASTRAZENEKA, 18 $ pour le l'américain MODERNA. Bref, la Commission voulait imposer la discrétion là-dessus, ça a été rendu public, c'est un problème ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, c'est un problème, parce que quand on ne respecte pas un contrat c'est un problème, en revanche, nous, nous avons fait la demande, et je pense que la Commission européenne y fera droit, avec Olivier VERAN et avec Clément BEAUNE, pour que les éléments de chaque contrat puissent être partagés au niveau européen, c'est-à-dire que la transparence soit faite. Nous avons signé…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous voulez dire rendu public ou partagés entre les gouvernements ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, soient rendus publics, évidemment. Quand je parle partagés au niveau européen, je parle des citoyens européens, je pense que les citoyens européens doivent avoir accès à cette information. En revanche, au milieu d'une négociation, c'est un peu maladroit de communiquer des chiffres de cette nature, mais je dirais la dynamique qui est la transparence, est importante, et nous y ferons droit, en tout cas nous soutenons et nous avons signé un courrier en ce sens à la commissaire de la Santé européenne.

CELINE ASSELOT
Parce qu'ils peuvent poser des questions ces chiffres, parce qu'on voit de grandes différences de prix selon le message publié par cette ministre belge sur Twitter, des différences de prix quasiment de 1 pour 10 entre certains vaccins, on peut donc peut-être se demander ce qui se cache derrière ces négociations commerciales.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors d'abord, pour connaître l'information de manière plus détaillée, cette publication caricature les chiffres, elle n'est pas précise…

CELINE ASSELOT
Ce ne sont pas les bons chiffres.

AGNES PANNIER-RUNACHER
… Et par ailleurs, comme vous pouvez le voir et par rapport à tous les fantasmes qui circulaient, on n'a pas des doses de vaccins à 50 $ ou à 40 $, on est dans un niveau de prix de vaccins qui est très classique, pour des vaccins matures, et ça je pense que ça montre que l'Union européenne et les pays qui ont été associés à la négociation ont très bien négocié pour les 450 millions d'Européens.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais pourquoi l'omerta de la Commission autour du prix des vaccins après tout ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas l'omerta, c'est simplement vous êtes au milieu d'une négociation et donc la logique voudrait qu'effectivement on respecte notre parole, ça c'est classique lorsqu'on est dans un contrat, et ça n'empêche pas de publier les éléments du contrat, lorsque les autorisations de mise sur le marché sont obtenues, c'est-à-dire le moment où les Français et les autres Européens ont accès au vaccin, et là ils ont toute la transparence sur l'information.

CELINE ASSELOT
Est-ce que les vaccins qui seront utilisés en France seront fabriqués en France ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Une partie des vaccins qui seront distribués en France, seront en partie fabriqués en France, c'est le cas de MODERNA dont l'autorisation de mise sur le marché devrait être donnée, si tout va bien encore une fois, début janvier. C'est le cas du vaccin BioNTech PFIZER, puisqu'une partie du vaccin est réalisé en France, c'est également le cas du vaccin SANOFI qui je le rappelle n'a que 3 mois de retard.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, puisque Céline vous parlait de fabriquer en France, vous avez vu ce qu'a dit François BAYROU, c'est le commissaire au Plan, désormais, dans le Journal du Dimanche, qui a estimé que l'industrie française, en fait l'appareil de production, était en situation critique. Diagnostic très inquiétant, est-ce que vous êtes d'accord avec François BAYROU.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais pourquoi elle nous mettons tout le paquet sur l'industrie aujourd'hui dans le Plan de relance ? Pourquoi l'industrie c'est 35 milliards d'euros sur les 100 milliards d'euros du Plan de relance ? Parce que précisément ce gouvernement depuis 3 ans est reparti à la reconquête industrielle, est reparti à la reconquête industrielle après 40 ans d'abandon par des gouvernements successifs. Je veux juste donner un chiffre : entre 2000 et 2016 nous avons détruit un million d'emplois industriels net. Un million d'emplois. Est-ce qu'on réalise que ça veut dire en termes de perte d'emploi sur les territoires, en termes de drames sociaux, en termes de perte de richesse ? Ces emplois ils ne sont pas dans les grandes villes, ils sont sur des territoires qui sont délaissés aujourd'hui, ils sont sur les territoires périphériques. Et en 2017, en 2018, en 2019, on a recréé de l'emploi industriel et on se battra pour qu'on ne perde pas de l'emploi industriel dans cette crise. Et je veux juste vous donner un chiffre. Aujourd'hui, 3 900 entreprises se sont, ont proposé un projet au titre du Plan de relance. Quand on propose un projet au titre de Plan de relance, c'est qu'on est prêt à prendre des risques, on est prêt à investir, c'est plus de 10 %.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous faites envie, c'est ça ? Vous faites envie avec le Plan de relance ? Mais parce que François BAYROU il vous a appelé pour dire une chose pareille ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, je ne l'ai pas eu directement au téléphone, mais ce que je peux dire…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est un peu anxiogène quand même, situation critique.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais ce que je peux vous dire, c'est que nous on a pris notre destin en main. Aujourd'hui, en termes de relocalisations, un projet sur deux concerne les relocalisations dans un de nos dispositifs qui s'appelle territoires d'industrie. C'est un chiffre frappant parce que nous nous attendions à ce que ce soit un sur quatre, un sur cinq, un sur deux, ça veut dire que les industriels aujourd'hui sont prêts à se battre, ça veut dire qu'ils sont prêts à investir, ils sont prêts à prendre des risques et nous sommes derrière eux et nous allons les accompagner. Et moi je veux donner ce message d'espoir, parce que la confiance et la fierté qu'on doit avoir dans notre industrie, c'est aussi un élément de rebond et de relance de notre croissance.

CELINE ASSELOT
Mais vous disiez 35 milliards qui sont consacrés à l'industrie dans le cadre de ce Plan de relance qui est une enveloppe pour le moins conséquence, est-ce que ça s'accompagne d'obligation pour ces entreprises, au-delà des déclarations ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais bien entendu. Lorsque nous signons le soutien d'un investissement, l'entreprise doit rembourser si elle ne respecte pas le programme d'investissement qu'elle annonce.

CELINE ASSELOT
Quelle échéance ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et elle doit rembourser dans le délai d'utilisation du matériel. Donc évidemment tout cela a été anticipé, mais ce qui est important aujourd'hui c'est de voir que vous avez 3 000 entreprises qui sont prêtes à investir, 3 900 entreprises qui sont prêtes à investir. C'est que sur le guichet industrie du futur, là aussi c'est de l'investissement, c'est de la prise de risque, c'est de la dépense pour les entreprises. Vous avez 4 000 entreprises, c'est gigantesque, 4 000 entreprises qui ont présenté un dossier, c'est 10 fois plus que ce qu'on attendait en 2020, 10 fois plus. Alors retroussons les manches et battons-nous au service de notre industrie et faisons en sorte que cette industrie puisse recruter, car paradoxalement sa difficulté aujourd'hui c'est d'arriver à recruter, dans le contexte que nous connaissons de chômage.

CELINE ASSELOT
Mais justement, est-ce que c'est le bon contexte ? Est-ce qu'il ne fallait pas attendre davantage que cette crise sanitaire se termine…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais bien au contraire, et d'ailleurs…

CELINE ASSELOT
…que les difficultés économiques, la fermeture des frontières, soient derrière nous, pour que ce Plan de relance trouve toute sa place ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Attendre que les autres pays prennent des positions, mais c'est ce qu'ont fait nos prédécesseurs et c'est pour ça que nous avons perdu pendant des années l'emploi industriel. Aujourd'hui nous sommes à la manoeuvre, aujourd'hui nous accompagnons les entreprises et le fait qu'elles répondent aussi nombreuses, le fait qu'elles soient prêtes à relocaliser, le fait qu'elles soient prêtes à recruter 5 000 emplois dans le dispositif territoire d'industrie, montre que c'est le bon moment, le bon timing pour les accompagner.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors, vous dites "relocaliser", alors le commissaire au Plan c'est son job, il nous dit que l'Etat a le devoir de garantir les produits vitaux, il cite la pharmacie donc les médicaments, on a bien compris, la chimie, l'électronique, voire même l'agriculture, est-ce que cela augure un retour de certaines de ces industries sur notre sol ? Est-ce que c'est une chimère, une sorte de promesse qui n'aboutira jamais ou c'est réel ? Quelle est l'échéance en fait de tout ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, nous, nous avons lancé un dispositif spécifique pour la relocalisation plan national. Donc je ne parle pas des territoires, je parle au plan national. Sur cinq secteurs, l'agroalimentaire, la santé, l'électronique, la 5G, et ce qu'on appelle les intrants critiques, c'est-à-dire des principes chimiques ou des éléments métallurgiques qui sont nécessaires pour une production plus complexe, qui ne sont plus fabriqués en Europe et en France.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais il faut être attractif pour ça. Il faut que le pays soit attractif pour ça, c'est pour ça qu'elles sont parties les entreprises.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien je vous rassure, parce que nous avons là aussi 800 projets, 800 projets sur la relocalisation. On va les instruire, on ne prend pas tout, on est sélectif, on prend aujourd'hui à peu près 40 % des projets, et vous avez des gens très déçu qui nous expliquent que caramba ils avaient un projet magnifique. Donc oui c'est possible, ce n'est pas toutes les productions qui vont se refaire en France, et nous avons une vision européenne aussi de l'industrie, il ne s'agit pas de tout réimplanter en France et de ne pas avoir cette vision européenne, en revanche là encore, dans l'électronique, dans les 5G, dans la santé, et la santé on a une entreprise qui s'appelle SEQWANCE (phon) et qui est en train de réimplanter 12 principes actifs dans ses sites existants. Et elle ne le fait pas pour nous faire plaisir, elle le fait parce qu'elle sait qu'elle est suffisamment compétitive en France pour pouvoir se permettre de le faire.

CELINE ASSELOT
Le Plan de relance, l'avenir du tissu industriel, on continue à en parler dans un instant. 08h51 d'abord le Fil Info avec Victoria KOUSSA.

-Le fil info-

CELINE ASSELOT
Et avec Agnès PANNIER-RUNACHER la ministre déléguée en charge de l'Industrie, toujours avec nous. Vous vous rendez cet après-midi à Béthune pour une réunion de travail avec les représentants des salariés de l'usine BRIDGESTONE qui va donc fermer ses portes courant 2021. Est-ce que vous avez des bonnes nouvelles à annoncer aux salariés ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors déjà je m'y rends parce que je m'étais engagée à le faire avant la fin de l'année, et je tiens mes engagements. Et puis on a beaucoup avancé depuis quelques semaines. On a beaucoup avancé, on n'a pas trouvé des solutions pour tout le monde, et pour le site, mais on a beaucoup avancé, dans trois directions. Première direction, nous avons mis en place une plate-forme pour les salariés, qui leur permette d'avoir accès à toutes les offres d'emploi du bassin d'emploi. Et aujourd'hui 133 salariés ont fait un choix de quitter l'usine de BRIDGSTONE.

CELINE ASSELOT
Sur 863 emplois.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. Ils ont fait ce choix-là et ils bénéficieront néanmoins du plan social, parce qu'il ne nous paraîtrait pas juste qu'ils n'en bénéficient pas. La deuxième chose c'est que nous avons a mandaté un cabinet conseil pour accompagner les acteurs locaux du territoire, je pense à l'agglomération, je pense avec l'appui de la région, pour trouver tous les projets industriels qui puisse être accompagnés, des projets qui seraient en fait non connus et sur lesquels des entrepreneurs pourraient se lancer à condition d'avoir un accompagnement. Aujourd'hui on a, au titre du Plan de relance, neuf projets qui sont déjà accompagnés, et j'en annoncerai trois supplémentaires tout à l'heure.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous dites quoi, que France relance, enfin ce que vous avez dans les cartons, peut concerner les usines comme BRIDGESTONE qui ferme, avec là 863 emplois, vous le rappeliez Céline, sur le carreau. Il y a des passerelles ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais bien entendu, ce sont des projets qui visent à créer de l'emploi, qui visent à densifier le tissu industriel local et donc à ce titre qui peuvent permettre d'accueillir des salariés de BRIDGESTONE. Et puis la troisième chose c'est que nous travaillons à trouver un repreneur pour BRIDGESTONE. Nous y travaillons avec la région, nous y travaillons avec l'agglomération et nous y travaillons avec BRIDGESTONE, parce que ça fait partie de ses devoirs. Lorsqu'on ferme une usine, on doit chercher des repreneurs, mais comme nous sommes un peu méfiants, nous accompagnons BRIDGESTONE de très très près, pour nous assurer que les choses sont faites en temps et en heure et avec l'ambition nécessaire. Nous avons contacté plus de 600 entreprises, nous avons 24 entreprises qui ont marqué un intérêt pour regarder le dossier, et nous en avons neuf qui aujourd'hui regardent de manière plus profonde la situation, qui reste en train de regarder les plans, qui est en train de regarder les savoir-faire des salariés de l'usine, et nous continuons à travailler. C'est très concret ce que nous sommes en train de faire. Quand une usine ferme, il faut être capable d'en réinstaller une, il faut être capable de redonner un avenir aux salariés, et c'est ce que nous allons vous faire.

CELINE ASSELOT
Mais est-ce que c'est la vocation du plan de relance industriel que de palier les défaillances de grands groupes étrangers comme le japonais BRIDGESTONE ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
La vocation du plan de relance industriel, c'est de permettre d'avoir une industrie plus forte, qui permette de répondre à l'enjeu climatique, qui permette de répondre à la transition écologique et qui réalise sa transition numérique. Aujourd'hui l'industrie, elle traverse des transformations qui sont peut-être, je n'ai pas le recul historique pour le dire, mais peut-être qu'on considérera comme aussi importante, aussi profonde que la révolution industrielle à la fin du 19ème siècle. Et la crise de la Covid ne doit pas masquer ça. Ça fait plusieurs années que c'est en mouvement et c'est notre responsabilité en tant que politique de faire en sorte d'aider ce mouvement et de faire en sorte que la France industrielle soit gagnante à la sortie.

CELINE ASSELOT
Mais comment vous voyez l'année 2021, est-ce qu'il s'agira de réparer les accros entre guillemets parce qu'évidement il s'agit de bien plus de cela à BRIDGESTONE, mais est-ce qu'il s'agit là d'aller de site en site, d'endroit en endroit, de tissu industriel en tissu industriel pour aller réparer ce qui est réparable ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est surtout de faire de la dentelle et d'accompagner les projets et les champions cachés du territoire. Lorsque je vous dis que 4000 entreprises en moins d'un mois sont allées au guichet industrie du futur, à tel point qu'on a dû arrêter ce week-end ce dispositif et baisser le taux de subvention parce que ça chauffait beaucoup plus que ce qu'on imaginait initialement, encore une fois dix fois plus que l'enveloppe qu'on avait imaginé pour l'année 2020 et près de deux fois ce qu'on avait considéré pour l'ensemble du plan de relance sur deux ans et demi. Ça veut dire qu'il se passe quelque chose sur le territoire et la confiance, c'est un ingrédient essentiel de la relance.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Une ultime question avec vous Agnès PANNIER-RUNACHER, parce qu'il faut tourner la page, c'est la fin de l'interview, votre réaction au tweet antisémites qui ont visé la Miss Provence samedi après son élection en tant que première dauphine de Miss France 2021 ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je suis stupéfaite et scandalisée. Miss France, on peut en dire ce qu'on veut, c'est une forme de tradition, on peut critiquer la dimension, c'est un moment partagé de plaisirs avec des jeunes femmes venues de toutes nos régions et qui aspirent à être reconnues par les Français. Et c'est une audience qu'on donne à des inconnues qui portent la vie, qui portent la jeunesse. Et de gâcher la fête avec des propos qui sont d'abord illégaux, et totalement déplacés, franchement c'est scandaleux.

CELINE ASSELOT
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre déléguée chargée de l'Industrie.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 janvier 2021