Interview de Mme Marlène Schiappa, ministre de la citoyenneté, à CNews le 15 janvier 2021, sur le couvre-feu, les violences conjugales, l'antisémitisme et l'inceste.

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Média : CNews

Texte intégral

LAURENCE FERRARI
Marlène SCHIAPPA, bonjour.

MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.

LAURENCE FERRARI
Bienvenue dans la matinale de Cnews.

MARLENE SCHIAPPA
Merci.

LAURENCE FERRARI
Le couvre-feu généralisé à 18 heures est donc instauré dès demain pour quinze jours. Pour l'instant la situation n'exige pas un nouveau confinement. C'est la moins mauvaise des solutions, ce couvre-feu à 18 heures ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui. Le gouvernement doit prendre des décisions sous l'autorité du Premier ministre Jean CASTEX qui sont difficiles pour voir comment freiner l'épidémie. On a toujours une personne toutes les sept minutes qui rentre en réanimation. On a toujours en moyenne selon les jours environ vingt mille nouveaux cas de contamination de Covid par jour, donc il est toujours important de freiner la pandémie en attendant que la vaccination se déploie, que chacun s'en empare et que l'on ait une forme d'immunité collective qui a beaucoup été appelée de ses voeux par les experts.

LAURENCE FERRARI
Il y a pas mal d'inquiétude du côté des familles, quand il y a des enfants à l'école, comment on va s'organiser, comment faire les courses en sortant du travail, qu'est-ce qui va changer à l'école. Il faut les rassurer, leur dire qu'on va encore une fois s'adapter ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi je crois que les Français sont très résilients. On a vu à quel point très rapidement les Français se sont adaptés au premier confinement qui était une mesure inédite et parfois un petit peu angoissante, même assez angoissante pour une grande partie de la population. Donc je crois que maintenant, chacun a pris l'habitude de respecter les mesures sanitaires. Je le dis parce qu'on pointe souvent du doigt les gens disant : telle catégorie ne respecte pas. Moi je crois que le masque est globalement très bien porté, c'est ce que nous disent les forces de l'ordre qui le vérifient et qui font ces verbalisations. Les couvre-feux sont globalement très bien respectés donc je crois que chacun est très conscient qu'on fait cela pour éviter des morts et pour protéger les Françaises et les Français face à cette pandémie.

LAURENCE FERRARI
Justement, ce sont les policiers qui seront encore en première ligne dès demain à 18 heures.

MARLENE SCHIAPPA
Oui.

LAURENCE FERRARI
Est-ce qu'il y a des consignes d'indulgence pour les premiers jours, pour les gens qui n'ont pas tout à fait compris, qui ont été en retard pour aller récupérer les enfants ici ou là ?

MARLENE SCHIAPPA
Non, les consignes sont assez strictes. Il y a un cadre et il faut que ce cadre soit respecté mais il y a toujours ces attestations. Les gens qui sortent du travail ont toujours la case sur l'attestation qu'il est possible de cocher. Les gens qui vont voir, rendre visite à une personne malade pour l'aider, lui apporter des soins en tant que personne de conscience de famille ont toujours la possibilité de le faire, donc voilà. Ces dérogations, ce cadre, il existe.

LAURENCE FERRARI
Il y a aussi le durcissement des conditions d'entrée sur le territoire national pour tous les ressortissants extérieurs à l'Union européenne, ce qui inclut donc la Grande-Bretagne.

MARLENE SCHIAPPA
Oui.

LAURENCE FERRARI
Là encore une fois, il va falloir être très strict avec des tests PCR et un isolement de séjour. Comment on va le vérifier cet isolement ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui. L'idée c'est simplement, comme cela se fait dans beaucoup d'autres pays, il y a énormément de pays de par le monde qui pratiquent un isolement ou une quarantaine pour les ressortissants étrangers. Donc très simplement, la France a décidé de le pratiquer également pour aussi s'aligner sur les pratiques qui sont faites, qui sont mises en place dans d'autres pays, et de faire en sorte que chacun puisse d'abord fournir ce test. C'est ce qui se produit notamment dans les aéroports ou dans les passages de frontières : on doit fournir ce test PCR négatif et je crois que ça, c'est absolument fondamental.

LAURENCE FERRARI
Ce couvre-feu à 18 heures risque-t-il d'avoir les mêmes effets que le confinement sur les violences faites aux femmes ? 60% de hausse des signalements pour violences lors du deuxième confinement, 40 % au premier. Est-ce que vous avez peur que ce soit la même chose ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr, oui. Il y a des effets, ça n'est pas neutre. Sur le premier confinement, on avait observé environ 42 % de signalements en plus. J'avais confié d'ailleurs une mission à la MIPROF qui est un organisme pour quantifier et faire ce qu'on appelle une enquête de victimation pour essayer de voir s'il y avait vraiment une prévalence sur les violences conjugales. Depuis les mesures du deuxième confinement, on a plus 60 % de signalements sur la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr dont 20 % sont faits par des mineurs. Par des enfants, des mineurs qui signalent des violences intrafamiliales ou des violences conjugales. Donc il y a une augmentation des signalements, probablement une augmentation des violences. C'est préoccupant. Mais si on veut voir les choses de manière positive, on peut se dire aussi que ça veut dire que les dispositifs sont de plus en plus connus et que maintenant on signale davantage ces violences conjugales.

LAURENCE FERRARI
Donc on redit à ceux ou celles qui sont victimes de ne pas hésiter à se signaler.

MARLENE SCHIAPPA
Absolument.

LAURENCE FERRARI
Il y a des policiers qui est en face sont forcés désormais à l'écoute et à la prise en charge.

MARLENE SCHIAPPA
Exactement. Des policiers et des gendarmes qui sont formés, qui sont là 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et qui les accompagnent. Ils peuvent diligenter une intervention à distance quand il y a une urgence, mais ils peuvent aussi préparer la plainte, aider les femmes et les enfants et leur dire : voilà ce que vous devez réunir, les documents, prendre rendez-vous au commissariat, les recontacter, et ils sont là vraiment 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

LAURENCE FERRARI
Ce qui est très préoccupant, c'est l'état psychologique de la population avec cette épidémie qui n'en finit pas.

MARLENE SCHIAPPA
Oui.

LAURENCE FERRARI
Ce couvercle qui nous retombe sur la tête au milieu du mois de janvier. Il y a des détresses terribles aujourd'hui dans notre pays.

MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr, mais je le constate dans la population. Je le constate. Effectivement le fait qu'on ait ce couvre-feu, le fait qu'il y ait une insécurité sur la suite, sur la confiance qu'on peut avoir dans l'avenir avec la crise économique et sociale qui se profile. Là nous luttons contre la pandémie mais la pandémie ne sera pas sans effet sur la vie des Français. Et quand on parle de crise économique et sociale, hélas on ne parle pas juste de questions de taux de PIB ou de choses qui peuvent parfois paraître abstraites. On parle vraiment de comment chacun et chacune va pouvoir retourner au travail, avancer, garder son emploi, son logement et comment les plus jeunes - nos enfants, nos petits frères et nos petits soeurs - vont pouvoir s'insérer sur le marché du travail.

LAURENCE FERRARI
Les policiers encore une fois en première ligne sont la cible de nombreuses violences : tirs de mortier d'artifice, refus d'obtempérer quasiment tous les jours. Comment, encore une fois, faire en sorte qu'ils ne soient pas les punching-balls d'une population qui est à bout ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi je crois que c'est important, et je m'attache à le faire, de rappeler à chaque fois quel est le travail des policiers mais aussi le travail des gendarmes, des pompiers, de toutes celles et ceux qui nous protègent. Les forces de l'ordre sont là pour nous protéger. On parlait de violences conjugales : tous les jours, il y a deux cents gendarmes pour parler uniquement de la zone gendarmerie, donc périurbaine et rurale, qui interviennent pour sauver des femmes et des enfants face aux violences intrafamiliales.

LAURENCE FERRARI
Parfois au péril de leur vie.

MARLENE SCHIAPPA
Au péril de leur vie, absolument.

LAURENCE FERRARI
Trois d'entre eux ont été tués.

MARLENE SCHIAPPA
Exactement. Aucune intervention n'est anodine et moi je voudrais, encore une fois ici, rendre hommage aux policiers, aux gendarmes, aux pompiers qui donnent leur vie, qui donnent leur temps, qui s'engagent pour sauver la vie des autres. C'est ça la réalité du travail des forces de l'ordre et pas ce qu'on entend parfois dans certains débats médiatiques qui les mettent en cause ad nauseam.

LAURENCE FERRARI
On a l'impression parfois que les voyous font la loi. A Grenoble, il y a une crèche qui a été fermée après que des dealers se soient installés dans le local de chauffage. La municipalité a préféré fermer la crèche parce que les employés étaient menacés que d'agir. Quelle est votre réaction ?

MARLENE SCHIAPPA
Pardon de le dire très franchement mais la façon dont la ville de Grenoble est gérée de ce point de vue laisse profondément à désirer. Les services de l'Etat font leur travail. La police nationale est mobilisée sous l'autorité du préfet mais là il y a un travail du maire qui n'est pas fait. Le travail du maire, c'est d'assurer la tranquillité publique. Le maire de Grenoble a rechigné à donner les moyens à sa police municipale de maintenir. La police municipale par exemple à Grenoble n'est pas armée. Elle n'a pas les moyens d'agir. Donc moi je trouve que là, c'est vraiment la soumission de la part du maire de Grenoble. De se coucher devant les dealers, de leur donner raison et d'avoir d'ailleurs une rupture de service public puisque les parents ne peuvent plus avoir accès à la crèche pour faire garder leurs enfants. Donc on a là la démission idéologique face aux questions d'ordre public. L'ordre public, ce n'est pas une préoccupation de droite. Ce n'est pas vrai. Je le dis parce que j'entends souvent dans les débats : quand on est à gauche, on est gentil et on se fiche de l'ordre public, et à droite on est… Voilà. L'ordre public, ça concerne tout le monde et en particulier les personnes les plus précaires et les plus pauvres et celles qui vivent dans des quartiers qui sont délaissés. Et la police nationale ne peut pas faire tout toute seul, on a besoin de l'engagement de la police municipale et donc du volontarisme politique des maires et notamment du maire de Grenoble.

LAURENCE FERRARI
Hier, un livreur de DELIVEROO qui avait refusé de livrer deux restaurants casher de Strasbourg a été condamné à quatre mois de prison ferme. Un Algérien en situation illégale qui sera expulsé du territoire national, c'est ce qu'a décidé le ministre de l'Intérieur Gérald DARMANIN. Est-ce que c'est une bonne décision et pourquoi est-ce que DELIVEROO n'a pas du tout été inquiété ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors moi, j'ai convoqué la directrice France de DELIVEROO que j'ai reçue dans mon bureau le jour même où ces faits ont été révélés. Pourquoi ? Parce que j'ai considéré que c'était un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase - pardon pour l'expression - parce qu'on a dans le débat public des faits et des propos antisémites graves les uns après les autres. Je les cite brièvement mais on a April BENAYOUM, candidate à Miss France, qui se prend des commentaires néonazis et des menaces de mort pour avoir dit que son père était italo-israélien. On a ensuite le porte-parole du gouvernement qui reçoit un courrier en lui demandant de porter une étoile jaune. On voit bien à quoi cela fait référence. On a ce magasin de robes de mariée qui est tagué avec marqué : Jacob Serge, des étoiles jaunes. On a des gens qui sont menacés et on a ensuite ce livreur qui dit tranquillement : non, moi je ne livre pas les juifs. C'est intolérable et on ne peut pas le tolérer, et on ne peut pas laisser passer des propos comme ceux-là parce que sinon c'est un engrenage. L'antisémitisme il est illégal, il est intolérable dans notre société. C'est ce que j'ai dit à la directrice de DELIVEROO qui était complètement d'accord et qui a pris des mesures notamment de suspension de ce compte. Je suis très heureuse que cette condamnation ait lieu et que cette personne soit expulsée. Que l'OQTF, l'obligation de quitter le territoire soit mise en oeuvre parce que manifestement une personne qui ne respecte pas les valeurs de la République, nous sommes des citoyens qui n'ont pas à être discriminés, qui n'ont pas à avoir des appels à la haine, eh bien elle n'a rien à faire sur le sol français.

LAURENCE FERRARI
La semaine prochaine, la loi sur les séparatistes - même si elle ne porte plus ce nom - sera étudiée. Il y a deux députés de votre majorité qui ont proposé un amendement pour interdire le voile aux petites filles mineures, notamment Aurore BERGE. Ça ne doit pas être un tabou dit-elle. Est-ce que vous la soutenez encore une fois dans cet amendement ? Le gouvernement n'y est pas favorable.

MARLENE SCHIAPPA
Alors moi je trouve qu'Aurore BERGE est une députée qui est très courageuse, notamment sur la question des droits des femmes et sur la question de la lutte contre l'islamisme. De longue date, elle a un engagement très fort sur ces sujets et je la soutiens. En ce qui concerne cet amendement, je suis d'accord philosophiquement comme d'ailleurs un certain nombre de leaders musulmans qui se sont exprimés en audition. Evidemment je pense qu'il est intolérable de voiler des petites filles, ça ne se justifie pas. En revanche, je ne suis pas certaine, je ne crois pas que ce projet de loi soit le bon véhicule législatif pour porter cet amendement.

LAURENCE FERRARI
Pourquoi ? Pourquoi il ne le serait pas ?

MARLENE SCHIAPPA
Parce que là, on est sur quelque chose de très général sur le fait de conforter les principes républicains et je crains, très honnêtement…

LAURENCE FERRARI
Mais c'est un principe républicain de ne pas porter la burqa quand on a six ans.

MARLENE SCHIAPPA
Alors moi je vais vous dire quelque chose très simplement. On va dire qu'on va interdire dans la loi le port du voile. On ne peut pas désigner une religion dans la loi, c'est-à-dire qu'on va interdire l'ensemble des signes religieux pour l'ensemble des enfants puisqu'on ne peut pas désigner non plus un genre constitutionnellement en termes d'interdiction. Et ça veut dire qu'il faudra déterminer un âge. Donc qu'est-ce qu'on met comme signe religieux ? Quel âge on met ? Les petits garçons n'ont plus le droit de porter peut-être la kippa ou d'autres signes, des colliers avec des croix. Comment on définit ces signes religieux ? C'est un débat constitutionnellement très difficile. Je ne dis pas qu'il ne faut pas l'avoir, je dis que probablement si on le met dans ce projet de loi, on va se focaliser là-dessus alors qu'il y a de très belles mesures notamment sur la neutralité pour les délégataires de service public, sur l'obligation de respecter les principes républicains pour les associations, pour la dignité humaine contre les mariages forcés, contre la polygamie, contre la discrimination des filles dans l'héritage comme ça se pratique dans certains pays, contre les certificats de virginité, sur le financement des cultes et la transparence. Enfin on s'attelle à ce problème sous l'égide de Gérald DARMANIN. Donc je crois que ça, ce sont les mesures solides, constitutionnelles et fortes qu'on doit apporter dans ce projet de loi.

LAURENCE FERRARI
Et vous ne voulez pas que cette loi soit résumée à une loi contre le voile.

MARLENE SCHIAPPA
Absolument.

LAURENCE FERRARI
Ce qui explique la prudence dont fait preuve le gouvernement. Un mot du témoignage de Camille KOUCHNER qui a écrit ce livre, La Familia Grande, sur l'inceste dont a été victime son frère jumeau de 13-14 ans à l'époque par son beau-père Olivier DUHAMEL. Un témoignage très digne qu'elle a livré il y a quelques jours à travers ce livre. Est-ce qu'il faut modifier la loi ? On est face à un crime abominable, l'inceste. On est face les délais de prescription qui courent parfois sur une vie. Est-ce qu'il faut changer la loi ? Qu'est-ce qu'elle prévoit aujourd'hui ?

MARLENE SCHIAPPA
D'abord je vais vous dire ce qu'on a fait parce qu'on a considérablement amélioré la loi. Notamment on a allongé à trente ans après la majorité le délai de prescription pour les viols commis sur mineurs. C'est quelque chose qui a été fait par ce gouvernement sur l'engagement du président Emmanuel MACRON.

LAURENCE FERRARI
Il faut aller à quarante ans ? A cinquante ans ?

MARLENE SCHIAPPA
Je pense qu'on vient… Ç'avait été allongé de dix ans il y a deux ans, ensuite de dix ans il y a un an. Je crois qu'il y a une échelle des peines sur la prescriptibilité et moi ce qui m'importe, c'est qu'on puisse… C'est évidemment important de parler quand on a 40, 45 ans, moi ce qui m'importe c'est que les enfants, les adolescents puissent être entendus quand ils en parlent, y compris sans avoir à écrire un livre ou y compris quand cela concerne des personnes qui ne sont pas connues, tout de suite pour mettre fin aux faits et les protéger. Ce qui est terrible là-dedans, c'est qu'on voit qu'aucun adulte n'est intervenu pour protéger ces enfants efficacement. Ensuite, est-ce qu'on peut aller plus loin ? Oui. Nous, nous avons en 2018, dans une loi contre les violences sexistes et sexuelles, considéré que quand un enfant, un adolescent à moins de 15 ans, eh bien une agression sexuelle ou un viol est caractéristique de l'agression ou du viol, de la pénétration par menaces, contraintes, surprise ou violences, ce qui est la définition du viol en France. Je pense qu'on peut durcir la loi mais je mets en garde sur la question de l'âge. Parce que j'entends certains qui veulent durcir la loi pour les moins de 13 ans : en l'occurrence le frère de Camille Kouchner n'avait pas moins de 13 ans pendant la totalité des faits, et d'ailleurs un certain nombre d'affaires d'inceste concernent des personnes et des adolescents, des enfants qui avaient entre 13 et 15 ans. Je pense qu'il ne faut pas laisser de vide entre 13 et 15 ans ou considérer implicitement qu'au-delà de 13 ans, ça va, le consentement pourrait se discuter. Donc nous, nous avons renforcé la loi jusqu'à 15 ans. Elle peut être encore durcie. Je souhaite qu'on durcisse encore la loi. C'est la proposition de la députée la République en Marche Alexandra LOUIS qui a travaillé pendant un an sur cette question et remis un rapport au garde des Sceaux, à moi-même et à d'autres ministres. On peut durcir la loi mais attention à ne pas l'affaiblir et à ne pas laisser les 13-15 ans dans un vide juridique.

LAURENCE FERRARI
La notion de consentement est au coeur de tous ces débats. C'est très compliqué dans la tête d'un enfant qui a un rapport de confiance avec le parent qui est en train de l'abuser.

MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr.

LAURENCE FERRARI
Comment, encore une fois, progresser sur cette notion de consentement ?

MARLENE SCHIAPPA
Mais parce que ces prédateurs et ces pédocriminels, ils fonctionnent à l'emprise. L'emprise sur l'enfant mais l'emprise aussi sur l'entourage. Et quand un enfant plein de confiance va voir sa mère ou quelqu'un de sa famille pour lui dire : voilà ce qui se passe et que la mère ne le défend pas, c'est gravissime y compris sur le psychisme de cet enfant et sur ce qui va advenir par la suite. Donc moi je crois qu'il est fondamental de lutter aussi contre l'emprise. Nous avons fait entrer le phénomène d'emprise dans la loi et il n'y a pas de consentement d'un enfant. Un enfant est innocent et un enfant ne donne pas son consentement à une personne qui a autorité. Et c'est d'ailleurs pour ça que le viol ou l'agression sexuelle par personne ayant autorité sur l'enfant est une circonstance aggravante parce que c'es t une faute gravissime. C'est non seulement une faute au sens de la loi mais c'est une faute de conscience de la part des adultes qui abusent comme ça des enfants dont ils ont la responsabilité.

LAURENCE FERRARI
Camille KOUCHNER dit qu'elle veut que le silence change de camp. Elle et sa famille ont vécu avec ce silence qui les a étouffés. Elle souhaite maintenant que ce soit l'agresseur, en l'occurrence Olivier DUHAMEL, qui entre dans ce silence. Vous la soutenez ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi je comprends les volontés des uns et des autres. Mais ce que je veux dire surtout - je soutiens évidemment toutes les victimes qui parlent - ce que je veux dire vraiment, ça me semble important, c'est qu'on peut aussi en parler quand on ne peut pas écrire. Parce que j'ai des gens qui me disent : moi, la personne n'est pas connue, ma famille n'est pas connue, je n'ai pas accès au monde de l'édition, je ne peux pas écrire un livre, je ne sais pas écrire un livre, est-ce que je vais être cru ? Je veux leur dire qu'il y a des gens qui vont les croire, et notamment que la police est formée désormais pour ça. Il y a dix ans, il y a dix ans ce n'était peut-être pas le cas. Aujourd'hui la police, la gendarmerie est formée pour recevoir ces plaintes et la prescription elle doit être appréciée par le juge. J'entends des gens dire : oui mais lui ou elle, les faits sont prescrits, ce n'est pas la peine de porter plainte. C'est toujours la peine d'aller porter plainte parce que peut-être qu'il y a d'autres faits qui, eux, ne sont pas prescrits. C'est ce qu'on avait vu avec l'affaire Flavie FLAMENT qui avait courageusement parlé de ce qu'elle avait vécu. Pour elle, les faits étaient prescrits mais pour d'autres jeunes filles, ils ne l'étaient pas. Et donc, c'est important de pouvoir porter ces témoignages et ces faisceaux concordants à la connaissance de la justice pour qu'elle puisse se prononcer.

LAURENCE FERRARI
Merci beaucoup Marlène SCHIAPPA d'être venue ce matin dans La matinale de Cnews.

MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 janvier 2021