Texte intégral
Q - Que peut apporter la présidence de Joe Biden dans les relations entre les Etats-Unis et l'Europe ?
R - Il y aura un climat d'apaisement qui prendra forme très concrètement avec les premiers engagements américains que le président Biden veut matérialiser tout de suite sur le climat notamment en revenant dans les accords de Paris. Nous inscrivons cela dans un cadre européen. On a besoin d'un partenariat transatlantique fort. On a besoin de le concentrer sur des sujets sur lesquels nous n'avons pas réussi à coopérer ces dernières années et qui sont vitaux comme la relation avec la Chine ou la réforme des règles commerciales internationales.
On le fera dans une relation franco- américaine mais surtout dans une relation euro-américaine rénovée dont l'Europe a besoin. Il y a une cohérence quand on dit qu'on veut une Europe autonome, indépendante et souveraine. C'est ce que les Etats-Unis nous demandent eux-mêmes en matière de défense notamment en prenant plus de responsabilités dans les crises internationales. Il faut également arriver à définir un agenda commun, des intérêts communs qui ne seront pas ceux du passé. On ne reviendra pas à la relation de la Guerre froide. Mais sur le climat, la défense de la démocratie, sur le rapport à la Chine, on a besoin d'un partenariat transatlantique fort.
Q - Sur les relations commerciales avec les Etats-Unis, on a beaucoup parlé des taxes dont celles sur le vin qui touchent la région Paca. Cela peut-il évoluer rapidement ?
R - On l'espère. On a toujours été clair. On n'a jamais cherché cette guerre commerciale. On n'a jamais cherché l'escalade. On a défendu nos intérêts. Quand les taxes ont été appliquées par les Américains, qui sous Donald Trump ont commencé à installer cette tension commerciale, on a réagi. On subit, je pense à nos viticulteurs, en tout premier lieu, les impacts de cette tension qu'ont initiée les Américains qui ont ciblé ces produits d'excellence dont l'exportation est majeure pour nous. On a mené une action d'urgence française et européenne avec des aides en soutien au secteur.
Ce ne sont que des réparations temporaires. Ce que veulent nos viticulteurs, nos producteurs, c'est vivre de leur activité. On espère bien que dans les premières semaines, avec Franck Riester, avec Bruno Le Maire, on aura un apaisement là aussi et une désescalade de ces droits de douane qui sont absurdes. On se pénalise mutuellement et pour certains secteurs, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en particulier, c'est évidemment douloureux. C'est une priorité pour nous dans cette nouvelle ère transatlantique.
Q - Vous avez participé lundi à une réunion entre ministres européens et un conseil européen doit avoir lieu ce jeudi notamment sur la vaccination. Que peut-il en découler ?
R - On a toujours voulu dans cette crise et depuis le mois de mars, engager une coordination européenne car on voit bien qu'elle est indispensable, elle a parfois été insuffisante, mais je pense qu'on a énormément progressé. Par exemple sur la vaccination, on a un cadre d'achat commun pour les vaccins qui nous permet d'acheter de manière sûre avec une seule validation sanitaire d'une seule autorité, d'avoir accès à tous les vaccins, dans la durée et au meilleur prix.
Q - Certains avancent que ce dispositif engendre des retards. Par exemple, Renaud Muselier, président de Régions de France et président de la région Paca demande que les Régions puissent en acheter...
R - Je comprends l'impatience et la volonté des uns et des autres de chercher des solutions. Je vais être très clair. Cela n'accélérerait en rien les choses. Il ne faut pas être séduit par ces idées. Il y a un cadre commun qui n'est pas lent, au contraire si on avait un cadre où chacun achetait ses vaccins, on aurait dû passer par l'autorité sanitaire de chaque pays et on négocierait des volumes plus petits, on serait moins prioritaires et on paierait plus cher. La puissance européenne a permis de négocier avec Pfizer quand ils ont annoncé un retard et finalement il sera rattrapé dès le mois de février.
L'Union européenne fait la force sur ce sujet et c'est notre protection. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucun sujet et c'est l'objet de la réunion de demain entre les chefs d'Etat et de gouvernement européens. Faire appliquer les contrats, faire accélérer les productions autant qu'on le peut et la validation d'autres vaccins dans le respect de la sécurité sanitaire. Le dossier AstraZeneca a été déposé mi-janvier et on attend l'autorisation idéalement pour la fin du mois ou le tout début du mois de février.
Q - La répartition est équitable selon les pays ?
R - Elle est équitable. La France s'est battue pour cela. Pour que chacun ait des doses de vaccin à proportion de sa population. Pour un cadre européen efficace et juste. On a pu arrêter la tentation de certains Etats de faire des contrats nationaux en plus. Sinon, on casse le cadre. On a tout intérêt à protéger l'Europe ensemble car la protection des Européens, c'est aussi la protection des Français face à un virus qui circule.
Q - Il y a beaucoup de critiques sur la fermeture ou non des frontières intra-européennes. Certains pays ont commencé. Qu'en pensez-vous ?
R - Sur les frontières extérieures à l'Europe, on a fermé. C'est important ! J'entends les discours de Madame Le Pen en particulier. Je rappelle qu'on a fermé les frontières extérieures à l'Europe le 17 mars à notre demande. Depuis lundi, la France impose un test obligatoire au départ dans les rares cas où l'on peut encore voyager vers l'Europe. Et en plus vous avez une quarantaine de sept jours que l'on demande à chacun de respecter. Il ne faut pas mentir aux gens : les voyages sont très limités, ils concernent principalement nos compatriotes et on ne va pas mettre un policier devant chaque personne qui arrive.
Q - Et pour les frontières intérieures ?
R - On y travaille cette semaine pour sans doute avoir des mesures de tests obligatoires. On a pris quelques jours de plus pour avoir une coordination européenne. L'Allemagne et d'autres évoluent vers l'obligation d'un test avant le départ. Des mesures seront prises dans les jours qui viennent. Les travailleurs frontaliers pourront en tout cas continuer à exercer leur travail.
Q - Êtes-vous favorable à un passeport vaccinal européen ?
R - Cela sera évoqué demain. On parle ici d'un certificat pour circuler en Europe. C'est un débat très prématuré. Il aura lieu s'agissant des déplacements en Europe. Mais on ne peut pas donner des droits supplémentaires à certaines personnes et être engagé pleinement dans une campagne de vaccination qui se déploie progressivement et qui s'élargit partout en Europe. Elle n'a pas encore atteint sa phase grand public. Quand cela sera le cas et que l'on connaîtra tout du degré de protection du vaccin sur la contamination, ce sera différent.
Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs et donner plus de droits à certains qu'à d'autres alors qu'on n'est pas dans le bon moment. Notre priorité est la campagne de vaccination et l'accès au vaccin pour le maximum de gens le plus vite possible.
Q - La France devrait bénéficier de combien de vaccins ces prochains mois ?
R - En moyenne, 15% des commandes européennes sont réservées pour la France. Quand vous avez autour de deux milliards de doses, c'est plus de 250 millions de doses pour la France. Le cadre européen nous permettra de protéger toute la population. La question maintenant est d'accélérer le rythme de production avec les industriels.
Q - Les comparaisons avec les autres pays européens montrent un retard sur le nombre de vaccinés ? Pourquoi ?
R - Si l'on regarde aujourd'hui le rythme journalier, nous sommes devant la plupart de nos voisins. La semaine dernière nous avons été devant l'Allemagne en moyenne quotidienne. Les écarts critiqués au début se sont beaucoup réduits. Quand on regarde la trajectoire des autres grands pays européens, nous sommes tout à fait comparables et même souvent plus rapide désormais. On a eu cette polémique liée au fait qu'on avait une campagne prudente, qui a commencé par les personnes les plus vulnérables. On a aussi pris des mesures d'accélération qui fonctionnent. Le but n'est pas l'affichage des chiffres les plus gros possibles. C'est de tenir dans la durée. De cibler les plus vulnérables et de faire cela dans des conditions sûres.
Q - Comme le médecin responsable de la pharmacie centrale de L'APHM, certains s'inquiètent d'une éventuelle rupture pour la deuxième dose ?
R - Notre stratégie est de ne pas se lancer à l'aveugle. À chaque fois qu'une personne a son premier rendez-vous, elle a son deuxième rendez-vous et les doses sont sécurisées.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 janvier 2021