Texte intégral
ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin, c'est Marc FESNEAU. Bonjour Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous, Ministre chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne. On est ensemble pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale représentée par Julien LECUYER de La Voix du Nord. Bonjour Julien.
JULIEN LECUYER
Bonjour Oriane, Monsieur le Ministre.
MARC FESNEAU
Bonjour.
ORIANE MANCINI
On commence bien sûr, Marc FESNEAU, avec vous par la disparition d'une figure de la politique, d'une figure du centre : Marielle de SARNEZ, figure historique de votre parti, le MoDem, qu'elle avait fondé avec François BAYROU. Quel est votre sentiment ce matin, Marc FESNEAU ?
MARC FESNEAU
C'est à la fois une grande tristesse et puis il y a quelque chose d'irréel à sa disparition. Marielle a accompagné toutes les aventures, toutes les difficultés, tous les combats du centre. Au fond, nous avions fini par la penser invincible tant elle avait surmonté des difficultés d'ordre politique. Et donc il y a quelque chose ce matin de totalement irréel à sa disparition. Nous la savions malade mais nous avions pensé et j'avais pensé qu'elle vaincrait aussi cette maladie puisqu'elle est décédée d'une leucémie et donc c'est un grand sentiment de tristesse. C'était une femme très engagée, très libre, très courageuse. C'était une parlementaire reconnue par ses pairs comme présidente de la commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale. C'était une grande professionnelle. J'ai appris beaucoup auprès d'elle et beaucoup d'entre nous ont appris auprès d'elle de ses combats, tous les combats qu'elle a menés. Je pense ce matin à tous les combats qu'elle a menés au fond pour cette famille de pensée qui essayait et qui cherchait son espace par-delà les clivages de la droite et de la gauche. Je pense aussi à son engagement européen puis je pense à la femme qui était une femme très pudique et, au fond, je l'ai toujours trouvée au rendez-vous quand les uns ou les autres se trouvaient être confrontés à des difficultés personnelles. Il y avait une grande humanité chez elle même si elle pouvait le dissimuler derrière une grande pudeur au fond. Et donc c'est beaucoup de tristesse pour tous ceux qui ont travaillé pour elle. Evidemment je pense à François BAYROU avec qu'il y a un long compagnonnage politique, c'est plus de 30 années de compagnonnage politique. C'est une figure du centre. Le centre lui doit beaucoup, l'indépendance du centre lui doit beaucoup et beaucoup d'entre nous lui devons beaucoup.
JULIEN LECUYER
Le président d'ailleurs a salué à ce titre dans un communiqué le fait qu'elle avait été l'architecte de l'indépendance du centre.
MARC FESNEAU
Je peux en témoigner, oui. Elle a été celle qui a pensé qu'à un moment, le centre ne pouvait être lui-même que quand il se débarrassait de la contingence d'une alliance automatique, quels que soient les moments de la vie publique. Elle l'a porté avec beaucoup de force en essayant à chaque fois d'ouvrir des espaces. Elle avait une vision très moderne de la politique et très dynamique au fond. C'était très fort et puis je pense vraiment à son engagement aussi européen et international. Elle a été de toutes les causes européennes. Elle était très heureuse de voir notre engagement européen, au fond, aboutir, de voir des choses avancer au niveau européen, et puis des grandes causes internationales y compris humanitaires sur lesquelles elle était très engagée. Je crois et je sais qu'elle était très respectée de ses pairs quel que soit… D'ailleurs il y a eu beaucoup d'hommages hier soir.
ORIANE MANCINI
On a vu, des hommages unanimes quels que soient les partis politiques.
MARC FESNEAU
De tous ceux qui ont eu à travailler avec elle, avec une forme d'exigence qui était très utile dans la vie politique.
ORIANE MANCINI
Vous nous avez dit ce qu'elle a apporté à votre famille centriste. Vous personnellement, quels souvenirs vous en gardez de Marielle de SARNEZ ?
MARC FESNEAU
Je garde le souvenir… La première fois que je l'ai vue, je crois que c'était à Blois. Elle accompagnait François BAYROU. Et puis après, j'ai gravi les échelons avec son regard et la volonté qu'elle avait de faire naître de nouveaux talents. Et puis moi je me rappelle des campagnes présidentielles de 2002, de 2007, celle de 2012 et puis celle de 2017 où elle avait été elle aussi l'architecte du dépassement au travers de la candidature d'Emmanuel MACRON. Je me souviens de longues soirées où nous préparions parfois les élections législatives, où nous faisions des analyses pour essayer de regarder comment cet espace pouvait vivre. Et puis des moments parfois de conseil sur telle ou telle situation, ou quand il y avait eu des moments d'échec. Elle a toujours été présente à mes côtés, elle m'a fait confiance avec François BAYROU au moment où il m'avait désigné secrétaire général du Mouvement démocrate. Voilà, j'ai appris beaucoup de choses et je lui dois, moi personnellement, beaucoup en termes d'apprentissage et de ce que je suis aujourd'hui. Il y a beaucoup de ce que m'apportai Marielle de SARNEZ.
ORIANE MANCINI
On reviendra bien sûr sur sa disparition dans cette émission, dans le Club des territoires. Dans l'actualité, Marc FESNEAU, il y a bien sûr cette crise sanitaire et Jean CASTEX qui prendra la parole à nouveau ce soir à 18 heures pour faire un point sur l'épidémie et peut-être annoncer de nouvelles mesures. Est-ce qu'on va vers une nationalisation du couvre-feu ou est-ce qu'on va rester sur des mesures territorialisées ?
MARC FESNEAU
Vous me permettrez de laisser Jean CASTEX déployer les choses. Simplement vous dire qu'on est confronté à une épidémie avec laquelle il faut être prudent, avec un certain nombre de mesures qui ont été prises dans la deuxième vague à partir de l'automne : couvre-feu puis confinement puis déconfinement, et des mesures quand même de précaution y compris de couvre-feu qui ont été reprises dans les territoires dans lesquels l'épidémie semblait reflamber. Nous avons la question des variants, en particulier britannique, moins pour l'Afrique du Sud, mais il faut quand même regarder ce qui s'y passe. Et donc un certain nombre de mesures…
ORIANE MANCINI
Jean-François DELFRAISSY alerte sur ce variant sud-africain.
MARC FESNEAU
Oui, qui est presque à ce stade plus inquiétant que le virus anglais. Le virus anglais est mieux connu désormais, pour peu qu'on puisse parler de connaissances quand on sait que c'est un variant qui est apparu il y a moins de 3 semaines autant que je me souvienne. Donc le Premier ministre - il y a eu un Conseil de défense, il y a eu beaucoup de dialogue et de discussion - annoncera ce qu'il a à annonce ce soir. La décision sera annoncée ce soir donc je ne préempterai pas ce qu'il va dire, mais il y a une nécessité de grande vigilance. On a une campagne vaccinale qui démarre, qui s'accélère comme vous avez pu le constater. Et en même temps la campagne vaccinale ne résout pas, compte tenu du délai qu'il faut pour vacciner l'ensemble de la population ou le maximum de la population, comme dans tous les pays d'ailleurs, il y a besoin de maintenir les mesures de précaution. Il y a des outils qui sont à notre disposition et dont parlera Jean CASTEX ce soir.
JULIEN LECUYER
Monsieur FESNEAU, est-ce qu'on a la possibilité d'attendre pour des mesures plus strictes ? J'entends qu'au Royaume-Uni, face à la portée du nouveau variant qui a entraîné une épidémie hors de contrôle, il a fallu reconfiner en urgence. La situation en Afrique du Sud semble montrer qu'il y a aussi une menace très dangereuse au travers de ce variant. Est-ce qu'on peut encore attendre avant de prendre des mesures plus strictes ?
MARC FESNEAU
Mais nous n'attendons pas. Nous avons toujours été réactifs. On nous avait d'ailleurs reproché un peu à l'automne de prendre des mesures à l'époque en nous disant qu'on était en avance de phase, et qu'on ne comprenait pas pourquoi à ce moment-là il fallait prendre des mesures, en particulier des mesures de couvre-feu au démarrage. Je pense que nous sommes réactifs et nous essayons d'ajuster les dispositifs à la réalité de la pandémie. Ce qu'on sait du variant anglais, c'est qu'aujourd'hui il est plutôt présent dans un cas sur cent détectés en France.
JULIEN LECUYER
Détectés, c'est important de le dire parce que le séquençage qui mène à la découverte du variant n'est pas au point à l'heure actuelle et n'est pas opérationnel complètement sur la France.
MARC FESNEAU
Non mais sur la cohorte, quand je dis un pour cent c'est quand même quelque chose qui est proche d'une réalité puisque c'est sur les… Jeudi, vendredi et samedi derniers il a été fait sur tous les tests positifs…
JULIEN LECUYER
Une enquête flash.
MARC FESNEAU
Une enquête flash, c'est-à-dire sur plus de… Avec 15 000 à 20 000 cas par jour, on est sur une enquête sur 60 000 cas. Quand vous êtes à un pour cent, vous commencez à avoir quelque chose qui statistiquement me paraît raisonnable. Mais évidemment, nous sommes vigilants et évidemment toute notre logique et la logique de l'action du gouvernement est une logique qui permet en avance de phase d'imaginer ce que peut être cette épidémie, d'imaginer sa dynamique au mauvais sens du terme et d'imaginer les mesures qu'il faut prendre pour ralentir cette épidémie. Je crois que c'est le professeur DELFRAISSY hier qui a dit : le variant anglais il est présent désormais partout sur le territoire européen. C'est une chose. En même temps le seul sujet, c'est d'arriver à ralentir ce variant anglais et puis globalement de ralentir cette phase épidémique puisque nous savons qu'à la fois la saison, la climatologie joue beaucoup et que donc à partir d'un certain seuil, on peut avoir des phénomènes exponentiels, ce qu'on a vu en Grande-Bretagne. En Grande-Bretagne, c'est à la fois un sujet de l'épidémie telle qu'elle était plus le variant anglais qui vient rajouter un certain nombre de choses. C'est deux choses qui viennent se combiner.
ORIANE MANCINI
Et qui prend le dessus d'ailleurs maintenant.
JULIEN LECUYER
Epidémie dans l'épidémie.
MARC FESNEAU
Epidémie dans l'épidémie. Par ailleurs les Anglais avaient fait un choix qui était assez différent depuis le début de l'épidémie, avec des mesures de confinement ou des mesures de couvre-feu qui avaient été beaucoup plus légères que les nôtres. Et au fond, l'épidémie est devenue exponentielle accompagnée du variant anglais.
JULIEN LECUYER
Oui. Mais est-ce qu'il n'y a pas d'autres mesures quand même à prendre au-delà de… On a parlé des mesures de couvre-feu ou de confinement mais il semble que la situation par exemple dans les universités soit vraiment très compliquée. Le professeur DELFRAISSY a noté les problèmes psychologiques qui sont créés chez les étudiants. Est-ce qu'il n'est pas temps de prendre des mesures là aussi de ce côté ?
MARC FESNEAU
Alors il y a deux choses dans la question que vous posez. La première, c'est évidemment les universités ont été des lieux où particulièrement il y avait une vigilance en termes de contamination, et donc la responsabilité qui est la nôtre c'est à la fois de ne pas laisser les étudiants dans l'absence totale de contact avec leur université et en même temps de les protéger et de protéger l'ensemble de la population de la propagation du virus. Et puis 2/, il y a une attention particulière à porter sur eux du fait de ce que vous décrivez qui est très juste, qui est une détresse psychologique qu'on sent, un isolement. Un isolement à sa famille, un isolement à ses collègues de l'université, une précarité parfois financière, une précarité tout court qui vient s'ajouter à la précarité psychologique. Et donc le Premier ministre, le président de la République le rappelait hier en Conseil des ministres, annoncera un certain nombre de choses et puis quelque chose de l'ordre d'actions en faveur de ces publics-là. Restera la question et reste la question de quelle manière…
ORIANE MANCINI
Dès ce soir ? Dès ce soir ?
MARC FESNEAU
Il y aura un certain nombre de choses qui seront sans doute annoncées plutôt à la fin du mois de janvier, puisque c'est un plan global sur lequel nous essaierons de travailler. Mais en tout cas le Premier ministre, j'imagine, dressera des perspectives. Nous avons une vigilance particulière parce qu'on sent que c'est une catégorie de la population qui est particulièrement touchée, particulièrement impactée par les mesures. Il faut à la fois avoir des mesures…
JULIEN LECUYER
Des aides peut-être.
MARC FESNEAU
Il faut à la fois avoir des mesures de protection sanitaire et en même temps des mesures de protection de ceux qui, par ces mesures de protection sanitaire, peuvent être très lourdement impactés. On verra les dispositifs, le Premier ministre dira ce qu'il a à dire et ce soir et dans les jours qui viennent.
ORIANE MANCINI
Un mot encore sur le vaccin puisque vous êtes aussi Ministre de la Participation citoyenne. Comment ça va se passer ce comité citoyen qui a été mis en place sur le vaccin ? Quand vont démarrer les travaux ? Quel va être le calendrier ?
MARC FESNEAU
Les travaux vont démarrer là, c'est sous l'autorité du CESE. Je pense qu'il faut lever…
ORIANE MANCINI
Là c'est quand ? Dès samedi ?
MARC FESNEAU
Oui, je crois que c'est dès samedi. Oui. Je crois qu'il faut lever les ambiguïtés. Certains avaient pu - peut-être de bonne foi, disons le, peut-être pas de bonne foi - en tout cas dire que c'étaient ces citoyens qui allaient déterminer la stratégie vaccinale. Il n'en a jamais été question.
ORIANE MANCINI
Il y a une inquiétude des parlementaires sur ce comité citoyen.
MARC FESNEAU
J'essaye d'y répondre. Je crois que ce n'est pas du tout… Enfin je crois, je sais que ce n'est pas du tout la volonté du gouvernement. La volonté, c'est d'avoir aux côtés des parlementaires qui mènent un rôle de vigie permanente sur les territoires de la manière dont se déploie la stratégie vaccinale, d'avoir une perception des citoyens de la manière dont ça se déploie. Mais la stratégie, elle est déterminée par le gouvernement. C'est d'ailleurs sa responsabilité. Par le dialogue avec le Parlement et puis par le dialogue avec les autorités sanitaires. Et c'est bien dans ce cadre-là que les citoyens auront en continu à dire ce qu'ils ont à dire de ce qu'ils perçoivent de la stratégie vaccinale. De comment les citoyens et les autres - pas seulement ceux-là - perçoivent la stratégie vaccinale.
JULIEN LECUYER
Mais est-ce que ce n'est pas le comité de trop ? C'est évidemment ce qu'on laisse entendre, ce que laisse entendre la petite musique de l'opposition.
MARC FESNEAU
Ce qui est assez étonnant, c'est que le président de la République l'avait annoncé dans une allocution télévisée et que certains ont semblé découvrir au début du mois de janvier la mise en place. Je ne crois pas du tout. Je pense que c'est toujours utile d'avoir plusieurs lieux où peuvent s'élaborer la réflexion pour préparer une décision. Et donc moi, je pense que c'est un élément utile. Ce n'est pas le seul, ce n'est pas unique, ce n'est pas prédominant mais c'est utile.
JULIEN LECUYER
Disons que ça venait à un moment donné où l'actualité s'est un petit peu télescopée avec la constitution du Conseil des citoyens et avec les accusations de lenteur de la campagne vaccinale.
MARC FESNEAU
Oui.
JULIEN LECUYER
Mais d'ailleurs, est-ce que vous reconnaissez malgré tout qu'au début de l'année, il y a eu certaines erreurs commises de la part du gouvernement ? Excès de timidité dans le lancement de la campagne, excès de timidité dans la valorisation de l'acte de se faire vacciner.
MARC FESNEAU
Non, je ne crois pas. J'ai trouvé assez étonnant, commençant symboliquement une première vaccination - je crois que c'était le 27 ou le 28 décembre - que finalement dès le 29 ou le 30 on nous dise : la stratégie vaccinale ne fonctionne pas. Enfin je trouve que si l'action publique se résume en 24 heures à déterminer ce qui marche et ce qui ne marche pas, on fait défaut à ce qu'est la continuité et le temps moyen et le temps long de l'action publique. La stratégie vaccinale, elle va se développer sur plusieurs mois. Le Premier ministre, le ministre de la Santé Olivier VERAN ont indiqué qu'il y avait une première phase qui visait à vacciner les publics les plus fragiles sur lequel il y avait peut-être besoin d'un accompagnement un peu plus fort que sur d'autres publics en termes - comment dirais-je - d'acceptation de la vaccination. Sur les autres publics, on voit que probablement les choses seront plus faciles. Et 2/, l'objectif était et reste et sera de vacciner un million voire un peu plus d'un million de personnes qui sont la cible. Pourquoi c'est une cible ? Parce que…
ORIANE MANCINI
Un million d'ici fin janvier.
MARC FESNEAU
D'ici fin janvier, et après le mécanisme se déploiera.
JULIEN LECUYER
Combien de personnes à la fin du semestre ? Parce que là aussi, le curseur a bougé. On était sur le premier trimestre pour vacciner 15 millions de personnes. Finalement on dit jusqu'à la fin du premier semestre. Est-ce que concrètement, vous êtes face à ce qu'Olivier VERAN appelle lui-même des zones d'incertitude ?
MARC FESNEAU
Il y a plusieurs zones d'incertitude. D'abord l'autorisation de mise en marché d'un certain nombre de vaccins.
JULIEN LECUYER
ASTRAZENECA par exemple.
MARC FESNEAU
Il faut qu'elles arrivent et qu'elles se fassent. Deuxième élément, il y a des vaccins dont on pourrait penser que c'était un horizon lointain et puis dans certains cas, on nous dit que ce sera un horizon plus proche. Et par ailleurs, il faut quand même se dire les choses. Il y a un an, personne n'imaginait même le coronavirus au fond dans sa redoutable pandémie mondiale, et personne n'imaginait qu'en moins d'un an on trouverait un ou des vaccins. Mais après, il faut les produire. Et donc c'est pour ça qu'il faut faire un ordre de priorité comme tous les pays font des ordres de priorité. Pourquoi on fait un ordre de priorité ? Je voulais dire ça, c'est parce que la population qui est vaccinée en cible du mois de janvier, c'est un pour cent de la population et c'est 30% des décès. Et donc c'est bien dans cet ordre-là qu'il faut faire les choses parce que c'est dans ces tranches-là, dans ces publics-là que l'épidémie fait le plus de ravages en termes de mortalité et en termes d'occupation des lits de réanimation.
ORIANE MANCINI
Un mot sur le projet de loi qui va prolonger l'état d'urgence sanitaire qui est actuellement en vigueur jusqu'au 16 février, cet état d'urgence sanitaire. Il y a un projet de loi qui va être examiné par le Parlement la semaine du 18 et la semaine du 25.
MARC FESNEAU
Absolument.
ORIANE MANCINI
Philippe BAS, le sénateur, qui était sur ce plateau hier, il disait qu'il n'était pas contre le prolongement de cet état d'urgence puisqu'il comprend la nécessité, mais qu'il ne laissera pas un blanc-seing au gouvernement jusqu'au 1er juin. Est-ce que vous êtes prêt à revenir sur cette date du 1er juin pour qu'il y ait un nouveau débat au Parlement d'ici là ? Ou est-ce que ça sera le 1er juin ?
MARC FESNEAU
Mais il y a deux choses. Qu'il puisse et qu'il y ait nécessité de débat au Parlement, d'ailleurs le Premier ministre et le ministre de la Santé n'ont jamais fait défaut au débat au Parlement. On a toujours été à la disposition du Parlement, au Sénat comme à l'Assemblée nationale. Et en même temps sur des dispositifs comme ceux-là, comme il s'agit de prorogation, on est strictement dans le cadre qui est celui qui a été voté à partir du mois de mars et à plusieurs reprises, reporté. Il ne vous a pas échappé que nous avions proposé - c'était d'ailleurs la demande des parlementaires - d'inscrire dans le dur, si je peux dire, de la loi les grands principes de l'état d'urgence sanitaire et, qu'au fond, un certain nombre de voix se sont élevées pour dire : il est trop tôt, ce n'est pas le moment, vous feriez mieux de proroger. Désormais qu'on proroge, on vient débattre de la question du délai. Les parlementaires en débattront mais comprenez bien que dans cette phase épidémique, on a besoin d'avoir un peu de stabilité. Les dispositifs, personne ne les découvre.
JULIEN LECUYER
Mais ce débat, il a déjà eu lieu à la fin de l'année et déjà il a été contesté. Là, vous revenez finalement avec le même combat et avec le même risque de débat au Parlement.
MARC FESNEAU
Mais avec le même dispositif parce que si quelqu'un peut trouver des dispositifs qui soient plus efficaces en termes juridiques je veux dire, parce que c'est stabilisé. Ç'a été validé par le Conseil d'État puis validé par le Conseil constitutionnel. Personne n'y a trouvé à redire puisque les textes ont été déférés.
JULIEN LECUYER
Le Parlement un petit peu quand même.
MARC FESNEAU
Non mais je parle d'un point de vue juridique. Ce sont des outils juridiques. Après on peut discuter, on en a parlé au tout début, de l'effectivité de telle ou telle mesure, de l'activation de telle ou telle mesure. Mais d'un point de vue juridique, et Philippe BAS qui connaît ces questions beaucoup mieux que moi et d'ailleurs le Parlement, le Sénat et l'Assemblée nationale ont été fort utiles pour œuvrer dans ce débat, essayer de clarifier les choses d'un point de vue juridique. Il n'y a rien de nouveau d'un point de vue des outils juridiques. C'est simplement une prorogation qui permet tout simplement de pouvoir, le cas échéant, être armées si vous me permettez cette expression-là face à ce que pourrait être une remontée épidémique ou pas. Et donc c'est bien de ça dont il est question et le débat a lieu. Le débat aura lieu j'imagine - j'entends ce que ce que dit Philippe BAS - sur le délai, mais il me semble qu'il faut donner un peu de visibilité à tous. De visibilité aux citoyens, de visibilité aux parlementaires, de visibilité au gouvernement. Ça n'empêche pas… On n'est pas obligé de voter des lois en permanence pour avoir des débats parlementaires. Et moi je pense que c'est sain qu'on ait des débats parlementaires, je pense que c'est un aiguillon qui est utile. Le Premier ministre l'a rappelé et vous l'avez montré aux questions au gouvernement hier. C'est bien qu'il y ait du débat, qu'il y ait de la discussion mais il me semble que sur ces dispositions, c'est des choses qui sont calées. Après viendra le moment où il faudra qu'on se dise dans le cas d'une autre pandémie. On a bien vu au mois de mars 2020 à quel point nous étions désarmés d'un point de vue juridique pour faire face à une urgence qui n'est pas une urgence classique. Qui était une urgence de nature sanitaire. Et ça alors pour le coup, là ça nécessitera des débats entre parlementaires, entre parlementaires et gouvernement pour stabiliser les choses et donner des éléments qui soient des éléments de visibilité. Mais je le dis bien, ce n'est pas dans le cadre de cette pandémie-là.
ORIANE MANCINI
Ce débat, il sera engagé avant la fin du quinquennat ?
MARC FESNEAU
On verra, mais il me semble qu'il faut… C'est la responsabilité du gouvernement, c'est la responsabilité aussi me semble-t-il des parlementaires que de faire en sorte que nous soyons outillés pour faire face à des pandémies de cette nature.
JULIEN LECUYER
Un nouveau projet de loi qui pourrait cadrer tout ça ?
MARC FESNEAU
Mais à un moment ou un autre, je répète c'était une demande des parlementaires. La demande des parlementaires c'était : on vous autorise jusqu'au 1er avril pour un certain nombre d'outils, le cadre général, et à partir du 1er avril on vous demandera d'avoir un texte qui l'inscrive dans le dur. Que ce ne soit pas une mesure d'exception, qu'elle puisse être activée. Eh bien à un moment ou à un autre, il me semble que ce sera utile qu'il y ait ce débat. Je pense qu'il faut l'avoir de manière dépassionnée parce que c'est un outil qui dépasse largement un quinquennat. C'est des questions qui dépassent largement la question de la majorité ou de l'opposition. C'est des questions qui disent : quand un pays doit faire face à une pandémie que nous n'avions pas connue depuis, au fond, presqu'une centaine d'années avec la grippe espagnole de cette nature-là, pandémie mondiale et pandémie à effets sanitaires très puissants, il faut qu'on soit mieux doté. Nous avions oublié les ravages et les difficultés auxquelles étaient confrontées les sociétés face à des pandémies de cette nature.
ORIANE MANCINI
Il nous reste malheureusement peu de temps, Marc FESNEAU, mais on va parler des autres réformes. Un séminaire avait lieu hier, Julien.
JULIEN LECUYER
Oui, un séminaire gouvernemental pour fixer les grandes priorités des mois à venir, enfin un temps législatif qui va être extrêmement court, extrêmement dense. Est-ce qu'il y aura des sacrifices à faire parmi les grandes réformes que vous portiez ? Je pense évidemment à la réforme des retraites, à la grande loi autonomie et dépendance qui étaient attendues. Est-ce qu'elles vont faire les frais de ce temps législatif ?
MARC FESNEAU
Ce n'est pas une question de sacrifice. Lors de ce séminaire, le président de la République et le Premier ministre ont rappelé la volonté de poursuivre les réformes malgré la pandémie. De faire en sorte que nous préparions le pays. Au fond après la pandémie, on nous reprocherait si nous n'avions rien fait de ne pas avoir avancé sur un certain nombre de sujets et donc il y a un certain nombre de textes qui sont d'ailleurs en navette. Je pense à la loi qui vise à lutter contre les formes de séparatisme, la loi qui vise à travailler sur les conclusions de la Convention citoyenne sur le climat. Donc ça, c'est des choses qui sont déjà crantées si je peux dire dans le calendrier parlementaire. Après il faudra faire des choix. Ce n'est pas une question de sacrifices, il faut faire des choix parce que le calendrier parlementaire, vous le savez aussi bien que moi tous les deux, est forcément contraint, et donc viendra le moment où nous ferons des choix. Et les choix doivent se faire dans quel horizon ? Dans l'horizon de qu'est-ce qui est aujourd'hui utile pour le pays et qu'est-ce qui est aujourd'hui utile pour les citoyens français e ? Et donc on sait tous sur la question des retraites, pour essayer de vous répondre, qu'il y a besoin d'une réforme des retraites mais évidemment le calendrier dépend beaucoup aussi de ce que sera la situation sanitaire. Il n'est pas question pour nous de mettre le pays en tension sur ces questions-là. Mais évidemment, on aura à un moment ou à un autre devant nous la question des retraites.
JULIEN LECUYER
Mais monsieur FESNEAU, concrètement le président - enfin l'exécutif - dit qu'on sortira sert vraiment de la crise à la fin de l'été si possible. Enfin, ça ne laisse pas du tout le temps de mener de toute façon cette réforme. Est-ce qu'il ne faut pas acter tout simplement le fait que c'est un très beau sujet pour la prochaine présidentielle ?
MARC FESNEAU
Mais ne vous inquiétez pas du fait que nous acterons un jour ou l'autre les grands chantiers qui s'ouvrent devant nous. A partir du moment où les grands chantiers sur lesquels nous avons décidé de continuer à avancer, à partir du moment où nous sortirons de la crise sanitaire, il y a des chantiers qui sont déjà sur la table. Nous continuons à transformer le pays. Il y a eu un hier par Amélie de MONTCHALIN la présentation d'un outil qui est un outil très utile, je crois, pour voir l'état et la situation des réformes sur les mais France Services…
JULIEN LECUYER
Le baromètre en ligne.
MARC FESNEAU
Le baromètre. Sur la situation de tel ou tel sujet écologique, de tel ou tel sujet économique, de tel ou tel sujet social. Je pense que c'est fort utile parce que je pense que la vie publique a besoin aussi d'évaluations. C'est d'ailleurs une des missions du Parlement. Et je pense que c'est un outil fort utile, donc nous poursuivons les réformes et puis après comme vous le dites, et vous avez raison de le dire, il y aura besoin de dire celles qui pourront être faites et celles qui devront être faites…
ORIANE MANCINI
Mais on imagine que vous en avez parlé. Est-ce que par exemple la loi autonomie, la loi dépendance qui était promise d'ici la fin de l'année, est-ce que cette loi elle va être inscrite dans le calendrier parlementaire ?
MARC FESNEAU
L'objet d'hier si vous permettez - et je n'ai pas pour habitude de dire de toute façon ce qui se dit dans des séminaires ou des conseils des ministres : c'est quelque chose que je me tiens assez constamment donc je ne vais pas changer d'avis ce matin - n'était pas en tout cas de rentrer dans le détail texte par texte. C'était plutôt d'avoir une philosophie de l'action et de regarder quelles étaient les grands chantiers. Mais vous savez ce virus, il nous a appris quand même à être assez prudents. Et donc quand vous gouvernez, vous devez regarder ce qu'il adviendra quand vous sortez d'une crise mais quand vous êtes encore dans la crise - et nous sommes encore dans la crise sanitaire - vous gérez aussi la crise sanitaire. Nous avons un plan de relance à déployer, c'est une priorité urgentissime.
ORIANE MANCINI
Justement, un mot là-dessus puisque Bruno LE MAIRE a dit que ce serait un défi d'atteindre 6% de croissance. Est-ce que du coup il y aura un budget rectificatif dans les prochaines semaines, dans les prochains mois au Parlement ?
MARC FESNEAU
Dans les prochaines semaines, je ne sais pas, mais il m'étonnerait qu'à un moment ou un autre, il n'y ait pas une question budgétaire qui vienne d'adjoindre en cours d'exercice budgétaire, c'est bien normal puisqu'il nous faut ajuster nos dispositifs. On voit bien que les dispositifs de relance ont été ajustés à un moment donné, à un moment T, si je peux dire, un temps T et qu'il y aura sans doute besoin d'ajuster les dispositifs. il faut quand même saluer la capacité qu'a eu le gouvernement et la capacité qu'a eu le Parlement et le Sénat compris d'ailleurs, d'être très mobile et d'être agile et de pouvoir très rapidement réajuster des dispositifs quand tel ou tel secteur d'activité nécessitait des mesures d'accompagnement. Il y a du temps long, on voit bien qu'il y a des secteurs qui sont durablement impactés par la crise quand bien même les activités ont pu reprendre. Je pense au secteur aéronautique qui est très puissant en France et qui est très affecté par cette crise. Je pense au secteur automobile en termes de transition et de crise économique. On a besoin de les accompagner mais il y aura sans doute besoin d'ajustements budgétaire.
ORIANE MANCINI
Un dernier mot peut-être sur la loi décentralisation, Julien, un mot ?
JULIEN LECUYER
En fait oui on peut le demander, la loi décentralisation, elle devait être présentée en Conseil des ministres en janvier, examinée au printemps au Parlement, est-ce que vous pouvez nous assurer que ce calendrier sera tenu ?
MARC FESNEAU
Jacqueline GOURAULT est en train de poursuivre les concertations, je voudrais saluer le travail qu'elle fait auprès des collectivités locales. Ça fait partie des textes qui sont des textes importants et sur lesquels il faudra des arbitrages de calendrier et donc Jacqueline GOURAULT ou moi-même je reviendrai vous le dire quand les choses seront arbitrées.
JULIEN LECUYER
Quand interviendra cet arbitrage ?
MARC FESNEAU
Les arbitrages vont avoir lieu dans les semaines qui viennent.
JULIEN LECUYER
Dans les semaines qui viennent, ça veut dire quoi ?
ORIANE MACINI
Mais le calendrier ne sera pas tenu.
MARC FESNEAU
Dans les semaines qui viennent, ça veut dire que ce n'est pas dans…
JULIEN LECUYER
Parce que dans les semaines qui viennent, ça peut nous mener jusqu'en juin, donc ça veut dire quoi, d'ici la fin du mois ?
MARC FESNEAU
Non sinon je vous aurai dit dans les mois qui viennent et donc si je vous dis dans les semaines, c'est plutôt horizon du mois de janvier ou du mois de février, nous dirons ce que sont les grands chantiers et comment ça se séquence. Pardon de ne pas vouloir être plus précis, d'abord je vous le dis parce que c'est le fruit aussi d'un dialogue avec le Parlement. J'ai un dialogue, le gouvernement a un dialogue constant et parfois, pas difficile mais parfois un peu tendu, combatif avec le Sénat mais je veille au dialogue, parce que nous avons besoin du Sénat, nous avons besoin de l'Assemblée nationale et vous me permettez sur ces questions de calendrier de priorité qu'on puisse aussi en parler avec avez les intéressés au Sénat et à l'Assemblée nationale.
ORIANE MANCINI
Et on espère que vous viendrez nous le dévoiler, quand vous le connaîtrez.
MARC FESNEAU
Bien volontiers.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup Marc FESNEAU d'avoir été notre invité.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 janvier 2021