Interview de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à France Bleu Périgord le 5 février 2021, sur la liquidation judiciaire d'un abattoir, la plateforme locale fraisetlocal.fr, la grippe aviaire et les relations entre agriculteurs et grande distribution.

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Média : France Bleu

Texte intégral

ANTOINE BALANDRA
Bonjour Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.

ANTOINE BALANDRA
Merci d'être avec nous ce matin. Alors, avant d'évoquer avec vous bien sûr la plateforme fraisetlocal.fr lancée par le gouvernement, peut-être d'abord un mot, vous l'avez peut-être entendu dans nos infos, la liquidation judiciaire d'un abattoir de Dordogne, un petit abattoir à Ribérac, très utile cela dit pour la production locale, on en parle beaucoup de cette production locale, que peut faire l'Etat dans ces cas-là ?

JULIEN DENORMANDIE
C'est d'abord une très mauvaise nouvelle, vous l'avez dit, une très mauvaise nouvelle, et je pense évidemment aux salariés de cet abattoir, je pense également à tous les éleveurs, il y en a plus d'une centaine qui dépendent de cet abattoir de Ribérac. Alors, cet abattoir de Ribérac il avait des difficultés, vous les avez bien résumées d'ailleurs depuis ce matin, des dettes, des difficultés avec le départ d'une de ses très gros clients qui est ARCADIE Sud-ouest…

ANTOINE BALANDRA
Le groupe ARCADIE.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement, il y a plusieurs mois. Moi ce que je comprends c'est que là il y a eu la liquidation judiciaire qui a été prononcée, sur cet abattoir, et qu'il y a des projets territoriaux, avec des élus locaux, avec des éleveurs, qui essayent de mettre en place de nouveaux projets d'abattoirs sur le territoire, et moi Etat je serai là pour les accompagner, je le dis clairement. Dans le cadre du plan de relance, notamment, on a mis en place des financements importants pour accompagner justement ces projets d'abattoirs territoriaux, au plus près de nos territoires, parce que ça fait notre identité aussi, donc dans le plan de relance songez qu'on a mis plus de 130 millions d'euros, donc c'est une somme tout à fait conséquente pour investir justement dans ces projets d'abattoirs territoriaux.

ANTOINE BALANDRA
Donc ça veut dire que, concrètement, l'Etat pourrait mettre un peu la main à la poche, via ce plan, pour cet abattoir notamment.

JULIEN DENORMANDIE
Pour les projets territoriaux qui sont en train d'être travaillés par les acteurs, certains parlent de construire un nouvel abattoir, d'autres parlent de renforcer d'autres abattoirs existants, mais ce qui est important c'est de penser à l'échelle du territoire et de voir quelle est la meilleure des solutions, ce qui est sûr c'est que, malheureusement, cet abattoir de Ribérac, la liquidation judiciaire a été prononcée, les difficultés étaient là, on le sait, depuis maintenant un bon bout de temps et le départ d'un des principaux clients n'a pas permis à l'abattoir d'être pérenne.

ANTOINE BALANDRA
Si vous êtes là, Julien DENORMANDIE, c'est aussi pour évoquer la plateforme locale fraisetlocal.fr, lancée par le gouvernement, ça va permettre, concrètement, de trouver les producteurs locaux, près de chez vous. C'était un besoin, vous le sentiez, notamment avec la crise du Covid, ce besoin de consommer autrement ?

JULIEN DENORMANDIE
Très clairement. D'ailleurs, on le voit chacun dans nos habitudes de consommation, mais les études des comportements de consommation, comme on dit, le montrent très clairement. Il y a un engouement pour les produits frais, les produits locaux, il y a une demande de plus en plus forte, et d'ailleurs elle s'explique assez facilement, parce que, comme disait Hippocrate, le premier des médicaments c'est l'alimentation, et les produits frais, les produits locaux, c'est ce qu'il y a de meilleur pour notre nutrition, c'est-à-dire notre santé alimentaire. Et donc, on l'a vu, ces derniers mois, un engouement de plus en plus fort pour les produits frais, les produits locaux, et moi ce que j'ai souhaité c'est qu'on puisse donner accès facilement à tous les Français à ces produits frais, ces produits locaux, en allant directement chez le producteur, directement chez l'éleveur, et on les a tous recensés dans cette belle plateforme fraisetlocal.fr, qui permet de visualiser en un clic où se situent tous ces points de vente directe chez le producteur, chez l'éleveur, autour de chez soi.

ANTOINE BALANDRA
Alors, il y a déjà plus de 8000 exploitations répertoriées je crois, sur la plateforme, vous savez s'il y en a déjà beaucoup en Périgord ?

JULIEN DENORMANDIE
Il y en a absolument partout dans le territoire, donc vraiment, j'incite tous ceux qui écoutent à aller simplement passer 2 minutes sur fraisetlocal.fr, et vous verrez c'est même très étonnant, parfois on n'a pas en tête que, cette ferme, ou cet élevage devant lequel on passe tous les jours, parfois pour se rendre au travail ou pour accompagner ses enfants à l'école, en réalité il est possible d'aller là-bas parce qu'il y a un point de vente qui est organisé, il y en a vraiment partout sur les territoires, il y en a évidemment beaucoup dans le Périgord, avec tous ces beaux produits du terroir qu'on connaît, et donc vraiment j'incite tout le monde à y aller. Et puis je vais vous dire, dans notre société aussi moi je pense qu'on a besoin de renforcer le lien entre les consommateurs et les agriculteurs, et le fait d'aller chez le producteur, chez l'éleveur, permet aussi d'avoir cet échange, cette discussion, et de mieux comprendre les métiers de nos agriculteurs.

ANTOINE BALANDRA
Je voudrais que l'on évoque le dossier de la grippe aviaire, Julien DENORMANDIE, c'est un dossier qui préoccupe beaucoup en Dordogne, même si le département, cette fois, n'a pas été touché par cette épidémie, à l'inverse des Landes. D'ailleurs, à votre connaissance, vous confirmez, il n'y a pas de cas en Périgord ?

JULIEN DENORMANDIE
Aujourd'hui on n'en recense pas au moment où je vous parle, mais il faut toujours être très vigilant, pourquoi ? parce qu'en fait ce sont des… c'est un virus, l'influenza aviaire, qui est apporté par les oiseaux migrateurs, ou, après, une fois que des élevages sont touchés, il peut se propager d'élevages en élevages, donc on a ce virus qui est encore présent dans notre territoire, il est notamment très présent dans les Landes, qui est le département où on a le plus de cas, ensuite il est présent dans le Gers et les Pyrénées Atlantiques, aujourd'hui nous n'avons pas de cas détecté en Dordogne, mais, encore une fois, il faut rester très prudent.

ANTOINE BALANDRA
La Confédération paysanne, dans un communiqué, disait vouloir défendre l'élevage en plein air et dénonçait la politique d'abattage systématique des volailles, 2 millions abattues par précaution, elle dénonce « un carnage systématique », ce sont ses mots, est-ce qu'on ne peut vraiment pas faire autrement que d'abattre systématiquement, même par précaution ?

JULIEN DENORMANDIE
Vous savez, ce n'est jamais par gaieté de coeur que vous donnez instruction d'abattre autant de canards, c'est des drames, c'est des drames pour les éleveurs qui voient leur travail partir comme ça du jour au lendemain en fumée, ces canards qui partent du jour au lendemain à l'abattage, donc c'est des décisions très difficiles, et si j'ai pris cette décision c'est évidemment parce que c'est le seul moyen de contenir cette épidémie d'influenza aviaire, c'est-à-dire d'empêcher cette diffusion à d'autres territoires, et donc le choix qu'on fait dans ce cas-là c'est, pour limiter la propagation, de réussir à la contenir, on n'a pas d'autre solution que de faire ce dépeuplement, comme on dit, cet abattage de ces canards ou volailles.

ANTOINE BALANDRA
Pour terminer, Julien DENORMANDIE, je voulais qu'on évoque le dossier de la colère, alors il y a notamment des éleveurs périgourdins…

JULIEN DENORMANDIE
Pardon, je me permets juste d'insister, parce qu'il faut vraiment que tout le monde l'ait bien en tête, ce virus d'influenza aviaire il est très contagieux d'une volaille à une volaille, mais il n'est pas transmissible à l'homme, le virus qu'on a aujourd'hui sur le territoire, donc je le dis à tout le monde, continuez à manger du canard, du foie gras, des oeufs, de la volaille, il n'y a absolument aucun risque et profitons de nos beaux produits du Périgord.

ANTOINE BALANDRA
Alors, c'est dit. Donc, pour revenir sur ce dossier des éleveurs périgourdin, qui étaient reçus notamment hier à la préfecture de la Dordogne, parce qu'ils estiment que le prix de leur lait, de leur viande, n'est pas rémunérateur, pourtant il y a une loi qui a été votée, qui est censée leur garantir ce prix qui couvre leurs frais et même qui les rémunère, ça reste très compliqué disent-ils, pour eux, de vivre de leurs productions. Qu'est-ce que vous pouvez leur répondre ?

JULIEN DENORMANDIE
Je vous confirme, ça reste encore compliqué parce que, notamment certains ne jouent pas le jeu, c'est-à-dire qu'aujourd'hui on voit encore des grandes distributions, des transformateurs, c'est-à-dire ceux qui traitent nos produits issus de nos élevages ou de nos fermes et qui ne respectent pas encore la loi, la réalité elle est là. Et donc, face à ça, qu'est-ce qu'on fait ? Eh bien on durcit le ton vis-à-vis de toutes ces personnes-là, et puis il n'y a qu'un truc que, souvent, ceux qui ne veulent pas respecter la loi comprennent, c'est les contrôles, puis les sanctions. Donc on démultiplie en ce moment, au moment où je vous parle, on en train de démultiplier les contrôles par la direction de la Répression des fraudes, puis des sanctions, pour faire en sorte que, à la fin des fins, chacun joue le jeu et respecte cette loi EGalim, et c'est très important pour moi. Vous savez, on est en, ce qu'on appelle dans les négociations commerciales, les négociations commerciales c'est un rapport de force, eh bien tous ces contrôles et de toutes ces sanctions permettent aussi à l'Etat de rentrer dans ce rapport de force en disant il y a une loi qui a été votée, il faut qu'elle soit respectée.

ANTOINE BALANDRA
Vous le regrettez, qu'elle ne soit pas respectée aujourd'hui, notamment par les grandes surfaces, les industriels ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, je le regrette parce que… vous savez, pendant ces derniers mois les Français n'ont jamais manqué, dans les étals des supermarchés, des produits agricoles, jamais, pourquoi ? Eh bien parce qu'on a des femmes, des hommes, qui bossent dur, très dur, du matin jusqu'au soir, qui jamais ne se sont posés la question de savoir s'il y avait un confinement pour eux, et donc il y a une sorte de solidarité dans toute cette chaîne agroalimentaire qui est nécessaire. Parce que, d'ailleurs, ce travail remarquable pendant toute cette période, ce sont nos agriculteurs, mais c'est aussi nos transformateurs et nos grandes distributions, donc cette solidarité elle doit s'exprimer jusqu'au bout, et aujourd'hui on doit arrêter ce système qui tire tout le monde vers le bas, c'est-à-dire cette guerre des prix qui à la fin est néfaste pour tout le monde.

ANTOINE BALANDRA
Merci Julien DENORMANDIE, ministre de l'Agriculture, merci d'avoir été avec nous ce matin sur France Bleu Périgord.

JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 février 2021