Texte intégral
.../...
Q - Quand même, vous avez été sénateur, je ne sais pas si vous avez vu ce communiqué de ceux qui vous ont succédé et qui disent : le gouvernement doit imposer un cessez-le-feu entre Veolia et Suez et promouvoir une solution concertée. C'est un peu compliqué, un peu difficile. Comment réagissez-vous lorsque vous avez entendu le président du tribunal de commerce de Nanterre ?
R - C'est vrai que tout cela est quand même assez lunaire quand je l'écoute, c'est-à-dire qu'on en est à savoir à quelle minute s'est passé quel acte etc. ? Moi je crois que sur le fonds, le vrai sujet, c'est que, pendant que deux états-majors sont rivés sur ces opérations, pendant ce temps-là, j'imagine que les équipes sont moins mobilisées, moins tournées vers les enjeux de transition énergétique, au moment où, justement, partout dans le monde c'est le sujet. Et comme l'enjeu, ce n'est pas non plus de se faire dépasser, moi je pense qu'il y a urgence à ce que le dialogue se fasse dans de bonnes conditions, et pas comme ça, par batailles de chiffonniers, si je puis dire, pardonnez-moi le terme.
Q - Vous dites stop, stop ou encore, mais stop à qui, parce que c'est cela la difficulté, c'est quoi ?
R - Je crois que Bruno Le Maire a été clair et d'ailleurs en haussant le ton ce matin. Il y a un moment, si on veut que un plus un fasse trois, ou en tout cas que des synergies ou que de la valeur ajoutée se crée pour l'offre française en matière de transition et de réseaux d'infrastructures à l'international, il y a besoin d'un peu de bon sens, de coopération et de travail en commun. Or là, on assiste exactement à l'inverse par tous les témoignages que l'on entend.
Q - Donc, il vaut mieux quoi ? Il vaut mieux que chacun reste chez soi ou essayer de trouver une solution commune ?
R - En tous les cas, il faut que cela parle, manifestement, cela ne parle pas, et c'est cela le sujet. Nous avons des champions. J'étais encore, il y a quelque temps, dans le Caucase, on promeut les offres françaises mais, à un moment, il faut aussi que l'offre française sache chasser en meute et sache se coordonner.
Q - Jean-Baptiste Lemoyne, il y a toute la question des vacances, comment cela va-t-il se passer ? IL y a énormément de pression pour rouvrir les musées, les cafés. Vous n'êtes pas ministre de la culture, cela ne m'avait pas échappé, mais en revanche, il y a souvent des touristes qui viennent parce que nous avons les plus beaux musées du monde etc. Tout d'abord, avez-vous le chiffre pour savoir combien il y a eu de touristes en 2020 ?
R - On sait en tout cas qu'en termes de recettes, cela a fondu presque de 60%. On a seulement 28 milliards d'euros de recettes, là où on était à 60 milliards d'euros, et c'est une estimation qui est à minima. Donc on voit bien que l'impact a été massif ; certes, on a eu des Européens proches, des Belges, des Néerlandais etc., mais tous les touristes internationaux lointains, - Chine, Etats-Unis, Russie etc. - n'étaient pas au rendez-vous naturellement, et c'est un manque à gagner notamment pour Paris Île-de-France et pour la région Sud.
C'est pourquoi il faudra être prêts pour le rebond, pour la reprise parce que je pense que la concurrence entre destinations sera féroce. De ce point de vue-là, nous serons au rendez-vous avec Atout France, en termes de promotion notamment, mais nous n'en sommes pas encore là, hélas, il faut d'abord vaincre ce fichu virus.
Q - Vous voyez bien, il y a des expériences pour faire des concerts, des théâtres, on a vu les derniers chiffres sur l'Opéra de Paris, c'est une véritable catastrophe. Quand même, poussez-vous, de votre fonction, poussez-vous pour que l'on réouvre petit à petit ?
R - On travaille aux conditions de la reprise, et c'est un travail que l'on fait régulièrement au sein du comité de filières tourisme. La filière événementielle le sait, nous allons nous réunir dans les tous prochains jours avec Alain Griset, cette filière événementielle qui a beaucoup souffert, pour voir quelles pourraient être les conditions d'une reprise dans les mois prochains, parce que ce secteur-là, c'est pareil, il a été mis chaos debout par l'interruption des mobilités internationales, par l'interruption des événements. C'est donc un travail à faire parce que ce sont des professionnels très sérieux qui ont fait des protocoles.
Q - Bien sûr, et les Français sont très bons, là-dedans, c'est pour cela que je pense à Olivier Ginon de GL Events, mais pas que, bien sûr, il y en a beaucoup d'autres. Paris est une ville de congrès. Quand vous dites que l'on se prépare, vous pouvez vous préparer comment Jean-Baptiste Lemoyne ?
R - On peut se préparer comment ? Avec des protocoles. Tous les protocoles n'ont pas encore été validés par la fameuse Commission interministérielle de crise. Par exemple, je prends le secteur du casino, le protocole n'est pas encore acté et validé totalement. Donc, tout cela, c'est un travail à faire en vue de la reprise.
Q - Encore une fois c'est la bureaucratie française qui envahit tout ? Je recevais le patron de Partouche qui, effectivement, disait "Attendez là, ce n'est pas possible".
R - Vous savez, le virus c'est un peu l'inattendu permanent. Donc du coup, on doit aussi composer avec cette incertitude permanente. Il ne nous prévient pas en nous disant "Je serai là telle heure, tel jour". Regardez le secteur de la montagne. Quand en décembre, on reçoit les acteurs de la montagne avec le Premier ministre, de bonne foi, nous pensons que nous serons en mesure de rouvrir le 7 janvier parce qu'à ce moment-là, il n'est pas encore question de variant. Et puis, ces variants arrivent fin décembre, et on est obligés d'en tenir compte. Les décisions on les prend en s'adaptant aussi, naturellement, au contexte sanitaire, parce que c'est ça la priorité, arriver à vaincre ce fichu virus. C'est vrai que c'est très pénible parce qu'il y a des activités qui sont encore entravées, mais la contrepartie de cela, c'est que l'on donne aussi une visibilité sur les aides et le soutien économique. Ce sont des gens qui adorent travailler, qui adorent bosser, donc, c'est vrai qu'être aidé ce n'est pas la panacée, mais il faut au moins qu'on les aide à passer le cap qui est compliqué.
Q - Il n'est pas question de faire un peu comme l'Italie ? C'est-à-dire d'ouvrir certains cafés, de rouvrir, petit à petit ? Non, on ouvrira tout d'un seul coup ?
R - Regardez, certains pays qui ont laissé ouvertes des activités ou en ont rouvert, c'est aussi parce qu'ils n'avaient pas les reins assez solides pour avoir un accompagnement comme nous on l'a fait. On en est aujourd'hui à 16 milliards d'euros d'accompagnement sur le secteur du tourisme. Ce n'est pas une paille. Et on continue à ajuster les dispositifs. Par exemple, il y a quelques jours, on a annoncé la prise en charge de 70% des charges fixes pour un certain nombre d'activités, par exemple, pour les remontées mécaniques, notamment. C'est vous dire qu'il y a ici un accompagnement, et les acteurs le reconnaissent, qui est substantiellement supérieur à celui d'autres pays qui, du coup, n'ayant pas ces moyens-là...
Q - Ah d'accord, c'est la raison pour laquelle. Justement, Plan tourisme que vous aviez présenté, c'est 4 milliards et là, on est à 16 milliards, c'est ça ?
R - Alors Plan tourisme, on est à 16 milliards depuis le début. On a encore des fonds à engager notamment en matière d'investissement, avec Banque des territoires, Caisse des dépôts, Bpi, mais cela se décline aussi de façon territoriale. Par exemple, à Lourdes, on a mis vingt millions d'euros sur la table pour aider ce qui est la deuxième ville hôtelière de France. Je poursuis le travail avec la Corse et je voulais rassurer, puisque je sais qu'ils souhaitaient qu'on puisse aboutir là-dessus. Donc, on continue ainsi, soit par géographie, soit par filière...
Q - Comment, cela, rassurer la Corse ?
R - Naturellement, c'est une économie qui est très touristique et de ce point de vue-là, on doit les aider aussi à passer le cap.
Q - Donc il y aura des aides spécifiques pour la Corse ? De combien ?
R - Tout à fait. On y travaille, justement. On y travaille avec eux. L'idée est vraiment d'avoir une feuille de route et de la même façon, pour des filières. Par exemple pour le tourisme de montagne, il y a d'une part le soutien urgent, immédiat, donc là avec le microscope on s'assure qu'il n'y a pas de trous dans la raquette. Et il faut aussi manier la longue vue, dans cette période, pour préparer l'avenir. Donc, le Premier ministre a souhaité que l'on tienne, au printemps, un véritable comité sur l'investissement dans le tourisme de montagne. Donc là, pareil, on est à la tâche avec Joël Giraud, avec le ministère de l'économie, avec les acteurs, pour voir où l'on va pouvoir investir, quels fonds on va pouvoir mettre, parce qu'il y a aussi un enjeu qui est de reconquérir, après, des parts de marché car la France...
Q - Elle est fermée, alors qu'il suffit d'aller en Suisse ?
R - Surtout, depuis plusieurs années, elle avait perdu sa première place. On était passé derrière l'Autriche, derrière les Etats-Unis, donc c'est le moment aussi de se dire "On va mettre le paquet, pour investir, pour transformer, pour aller vers toujours plus de durabilité aussi". Il y a des stations de moyenne montagne qui doivent se réinventer, donc tout cela, c'est aussi quelque part l'occasion d'aller chercher des moyens exceptionnels.
Q - Jean-Baptiste Lemoyne, vous parliez du Plan montagne, en disant que l'on regarde à la loupe, mais on le sait, pour les locations de ski, etc, il y a des aides qui ont été mises en place. Mais on le voyait, il y a aussi tout ce qui est commerce alimentaire. Je pensais à la chaîne coopérative Sherpa qui est très présente, dès que l'on va aux sports d'hiver. Est-ce que là vous pouvez aussi les rassurer ? Ils vont rentrer dedans ou pas ?
R - On a mis justement, pour les commerces, à la fois en stations et en vallées, un dispositif justement territorial, pour traiter non seulement les commerces des stations, mais ceux qui sont peut-être à quinze, vingt kilomètres, dans la vallée, mais qui bénéficient de la manne du tourisme. Donc là, on a mis en place un dispositif d'indemnisation, et on continue : par exemple, il y a tout un travail à faire, qui est presque du sur-mesure, avec les résidences de tourisme, parce que forcément elles ont des taux de fréquentation qui ont chuté. On est à peu près, aujourd'hui, d'après les derniers chiffres de l'association des maires de stations de montagne, à environ 35% de fréquentation, là où on est d'habitude à 80% dans cette période de l'année - plus que divisés par deux. Là, ils ont d'une part un dispositif d'indemnisation sur la base des charges fixes qui peut monter à plusieurs millions d'euros. Et pour ceux qui excèdent encore ces besoins-là, on va faire du travail au cas par cas. Là aussi je veux les rassurer, sur votre antenne.
Q - Lorsque vous voyez de gros acteurs que l'on reçoit ici, Pierre et Vacances, la Compagnie des Alpes pour qui c'est un effondrement total - qu'est-ce que vous pouvez faire pour eux ?
R - Je peux vous dire que nous sommes en contact avec chacun de ces interlocuteurs. Dominique Marcel d'ailleurs est membre du bureau du comité de filière tourisme que j'anime et demain matin, nous aurons à nouveau une réunion. Donc, on est vraiment dans un travail sur mesure, avec chacun des acteurs. C'est la même chose avec Pierre et Vacances.
Q - Dont le patron sera demain matin dans la matinale.
R - Exactement ; qui appelait d'ailleurs à sauver le tourisme. Et on partage cet objectif. Je crois qu'à travers les montants, on voit que cela a été tout de même une priorité nationale, et cela le demeure. Cela va le demeurer tant que la situation ne sera pas rétablie.
Q - Déjà pour les vacances, c'est cuit : pas de tourisme, il n'y aura pas de musée, il n'y aura pas de remontées mécaniques ? Il n'y a rien, pour les vacances ? Est-ce qu'il y a un reconfinement qui nous pend au nez ?
R - On a le verre à moitié vide. Ce sont les statistiques : moins 50%. Mais quand on regarde le verre à moitié plein, il y a des gens qui ont fait le choix de maintenir leurs réservations, de maintenir leur séjour, et qui vivent la montagne différemment. Et on l'a vu, l'explosion d'un certain nombre d'activités, autour du ski de randonnée, du ski de fond... etc...
Q - Des gens qui louent des appartements, et ils vont tous dedans et ils vont faire la fête ?
R - Je crois que de ce point de vue-là, le ministre de l'intérieur a donné des chiffres éloquents, parce que les contrôles se sont accrus, parce que, très clairement, il n'est pas acceptable que ce type de comportement ait cours.
Q - Ils vivent...
R - Oui, mais aujourd'hui, on doit, hélas, vivre avec le virus, et cela veut dire aussi s'adapter, prendre des précautions. C'est vrai que c'est pesant, et que l'on a besoin de reconquérir ces libertés à chaque fois, mais à chaque fois que l'on portera le masque, à chaque fois que ces gestes barrière seront faits, ce sera un petit centimètre de gagné sur l'épidémie, et voilà, et autant pour reconquérir la vie d'avant.
Q - Deux-trois questions comme ça. 18 h 00, on a entendu, voilà, il faudra être rentré à 18 h 00, même si vous traversez toute la France. Est-ce que là, on n'est pas quand même en train de dire... si vous êtes dans votre voiture, vous rentrez sur votre résidence principale, je ne vois pas vraiment où est le problème...
R - Vous savez, après, il peut y avoir 66 millions de cas particuliers. A un moment, une règle s'applique à tout le monde, et il y a, à la fois, du bon sens avec un certain nombre de motifs qui peuvent avoir cours sur les dérogations, mais pour autant, il faut se fixer quand même des objectifs. D'ailleurs ça paie : regardez, les départements qui ont appliqué le couvre-feu, le plus tôt, sont ceux qui ont les meilleures trajectoires. Et on voit, alors que dans d'autres pays alentour, il y a plutôt une augmentation, nous, nous sommes sur un plateau, qui demeure haut, mais un plateau. Il n'y a pas, pour l'instant, d'envolée. Tout cela est en train de payer, ne le mettons pas en péril.
Q - Passeport vaccinal : vous qui êtes chargé du tourisme, à un moment, il faudra qu'on y arrive ?
R - Le passeport vaccinal... Je parlais avec mon homologue grec il y a quelques jours, pour bien comprendre la proposition grecque. En fait, en lisant, on voit que c'est une proposition qui d'un côté dit "il faut faciliter les transports et donc mettre en place ce type de dispositif", mais qui, en même temps, revendique de ne pas exclure. C'est là où on a du mal à comprendre. En revanche, ce qui est sûr, c'est qu'il peut être intéressant d'avoir des outils qui permettent - puisque maintenant, quand on voyage, c'est avec naturellement notre téléphone, de pouvoir bien charger votre attestation, votre dernier test PCR, éventuellement votre attestation de vaccination, etc... dans une logique de faciliter les flux.
Q - Dans Anti-Covid, on pourrait avoir une case "passeport vaccinal" ?
R - On pourrait avoir une case avec vos différents éléments liés au test, etc... pour faciliter. Parce que aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe ? Nonobstant le fait que la moitié...
Q - Donc, vous êtes plutôt favorable... ?
R - Le mot de passeport est trompeur. Et donc c'est pour cela que je ne prendrais pas ce mot-là. Parce que le passeport, on a le droit, ou on n'a pas le droit. Et donc c'est plutôt l'idée d'avoir des outils qui permettent de mettre les informations médicales, qui sont demandées - quand vous voyagez aujourd'hui, on vous demande votre test PCR -. Plutôt que d'avoir le truc papier, qui peut être fraudé, qui est complexe...
Q - Et il y a combien de Français coincés à l'étranger, en ce moment, pour cause de quarantaine ?
R - Ecoutez, on a des cas du côté d'Addis-Abeba, puisque des Français ont été testés et sont à l'isolement. Les premiers sont en train de revenir, trois ou quatre sont revenus le week-end dernier. Donc on suit la situation de très près. Mais c'est vrai que, avec les voyagistes - je veux leur rendre hommage parce qu'ils n'ont plus de recette, mais ils continuent de faire le travail pour s'assurer que les voyageurs peuvent revenir dans les meilleures conditions, et ce n'est pas facile./
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 février 2021