Interview de Mme Nadia Hai, ministre de la ville, à Public Sénat le 8 février 2021, sur la politique de la ville.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin c'est Nadia HAI, bonjour.

NADIA HAI
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci d'être avec nous Madame la ministre. Vous êtes ministre déléguée chargée de la Ville, on est quand même ensemble pendant un petit peu plus de 20 minutes pour cette interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale représentée par Fabrice VEYSSEYRE-REDON, bonjour Fabrice.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Oriane, bonjour Madame.

ORIANE MANCINI
Du groupe EBRA, les journaux régionaux de l'Est de la France. On commence avec ces 15 députés de La République en marche qui ont écrit une lettre à Jean CASTEX, le Premier ministre, disant que le gouvernement ne va pas assez loin sur la question de l'égalité des chances. Dans une interview au Journal du Dimanche Pierre PERSON exhorte le gouvernement a « un effort global et massif, des dispositifs sparadraps ne suffiront pas » dit-il. Qu'est-ce que vous leur répondez ?

NADIA HAI
Je crois que les 15 députés de la majorité sont totalement en phase avec l'ensemble de la majorité, du gouvernement et du président de la République, sur la question de l'égalité des chances. Le président de la République s'est prononcé, il y a quelques semaines de cela, pour lancer une grande séquence pour l'égalité des chances, il a demandé, et à sa majorité, et à son gouvernement, de faire des propositions très concrètes pour favoriser l'égalité des chances parce qu'on s'aperçoit que, de toute façon, nous ne sommes pas au rendez-vous sur ces thématiques, mais il ne s'agit pas seulement de ce gouvernement, nous ne sommes pas au rendez-vous depuis maintenant des décennies, et donc il souhaite accélérer sur ce sujet, et la majorité y participe, avec des idées, avec des propositions, et je préfère le débat d'idées plutôt que pas de débat, pas de proposition.

ORIANE MANCINI
Donc il se trompe quand il parle de "dispositifs sparadraps."

NADIA HAI
Non, enfin je ne sais pas ce qu'il vise en particulier sur le "dispositifs sparadraps", je pense que nous avons pris des décisions en matière d'égalité des chances aujourd'hui, je parle notamment de ce que nous faisons pour la politique de la ville, qui sont des mesures très fortes. Quand on dédouble les classes en CP et au CE1, je ne pense pas que ce soit des mesures sparadraps, quand nous plaçons des quartiers en reconquête républicaine en mettant plus de forces de police sur le terrain, pour assurer la sécurité, la sérénité, de nos concitoyens, je ne pense pas que ce soit des mesures sparadraps, et encore vendredi, d'il y a… de semaine, Monsieur le Premier ministre, Jean CASTEX, annonce 3,3 milliards d'euros en faveur des quartiers, donc là aussi je ne pense pas que ce soit des mesures sparadraps.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Parmi les mesures, dont ils appellent à la mise en oeuvre, il y a une promesse présidentielle, c'est le revenu universel d'activité, ils appellent à une relance d'urgence de ce dispositif, est-ce que vous allez le faire ?

NADIA HAI
Il y a eu des groupes de travail qui avaient été créés déjà il y a quelques… en début de quinquennat, pour avancer sur ce sujet, je tiens à rappeler qu'il s'agit aussi d'une promesse de campagne du président de la République et qu'il faut maintenant, effectivement, commencer à avancer sur ce sujet.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Est-ce que c'est réalisable en ces temps de crise ?

NADIA HAI
Justement, la crise a eu pour effet de ralentir un certain nombre de sujets parce que l'urgence, il faut gérer l'urgence de la crise sanitaire, il faut gérer l'urgence de la crise économique et sociale, mais en tout cas il y a une chose qui n'est pas remise en cause, c'est notre détermination à avancer sur la transformation aujourd'hui de notre pays, le revenu universel d'activité en est une, donc il faut effectivement accélérer la réflexion sur ce sujet.

ORIANE MANCINI
Alors, il y a des mesures qui sont présentées, on va en parler, notamment ces 3 milliards, mais le grand plan égalité des chances qui était annoncé, on va le voir quand ?

NADIA HAI
Alors, le Comité interministériel des villes est une première brique de cette grande séquence d'égalité des chances et il a vocation, cette séquence en tout cas pour l'égalité des chances, a vocation à perdurer sur quelques semaines, quelques mois, parce que justement les propositions aujourd'hui sont sur la table et nous avançons sur un certain nombre de sujets, évidemment en matière d'éducation, d'emploi, de logement, de cadre de vie…

ORIANE MANCINI
Mais avec des mesures qui seront annoncées au fur et à mesure, il n'y aura pas de grand discours d'Emmanuel MACRON sur l'égalité des chances ?

NADIA HAI
Je ne sais pas s'il compte faire un grand discours, en tout cas, tout ce que je peux vous assurer c'est que tout le monde est au travail pour cela et que le président de la République annoncera des choses et des mesures qui soient vraiment concrètes, c'est ce que nous avons toujours fait depuis 3 ans et c'est ce que nous continuerons à faire.

ORIANE MANCINI
Est-ce que vous travaillez à de nouvelles mesures sociales précisément ?

NADIA HAI
Mais je pense qu'il ne faut jamais arrêter la réflexion, parce qu'il faut s'adapter aussi aux nouveaux paramètres que nous avons, et qui changent, et qui ont changé cette dernière années cette crise sociale, enfin cette crise sanitaire qui a débouché sur une crise économique et sociale, donc la réflexion ne doit jamais s'arrêter. Il y a des mesures effectivement sur lesquelles nous avons travaillé, moi, pour ma part, j'ai longtemps, enfin j'ai travaillé pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, à la concertation avec les élus, le milieu associatif, les habitants eux-mêmes, pour que nous puissions construire des mesures qui nous semblent efficaces en fonction des priorités qui nous ont été aussi livrées pendant ces dernières semaines, et donc j'espère bien qu'avec les annonces que nous avons faites, avec ce Comité interministériel des villes, nous pourrons répondre en tout cas à un certain nombre de sujets, de problématiques, de difficultés sur les territoires…

ORIANE MANCINI
Mais il n'y aura pas d'autres annonces, sur le plan social, que celles qui ont déjà été annoncées lors du Comité interministériel des villes ?

NADIA HAI
Si, moi je pense qu'il y aura d'autres annonces dans les semaines et mois à venir.

ORIANE MANCINI
Sur quels sujets, notamment sur le logement social, est-ce que là il y a des mesures supplémentaires qui sont en réflexion ?

NADIA HAI
Oui, il y a des correctifs à apporter sur la question justement des attributions de logements, parce que nous voulons aller très loin sur la question de la mixité sociale, il y a effectivement tout ce que nous pouvons faire à travers la construction de l'offre de logements, mais il y a aussi tout ce que nous pouvons faire à travers la politique d'attribution des logements sociaux, donc oui, nous sommes au travail sur cette question-là.

ORIANE MANCINI
Mais plus précisément, quand vous dites il faut qu'on travaille sur la mixité sociale, plus précisément ça veut dire quoi ?

NADIA HAI
Ça veut dire que… alors, en ce qui me concerne, dans le ministère de la Ville, nous avons un outil qui s'appelle l'Agence nationale de la rénovation urbaine, qui justement, à travers les projets de renouvellement urbain, a comme objectif d'atteindre cette mixité sociale, c'est-à-dire que dans certains territoires, là où il y a trop de logements sociaux, eh bien l'objectif c'est de diminuer cette part de logements sociaux pour, soit diversifier l'offre de logement social, soit diminuer de manière très conséquente là où il y a une concentration de la pauvreté.

ORIANE MANCINI
Et inversement sur les communes qui ne respectent pas les obligations de la loi SRU, qui impose des quotas de logements sociaux, est-ce que là il va y avoir des mesures qui vont être prises ?

NADIA HAI
Alors, il y a déjà des renforcement des sanctions de la loi SRU, en tout cas nous avons demandé à ce qu'il y ait une application très stricte des sanctions qui sont liées à la loi SRU, et donc qui impose les communes à avoir un taux de logements sociaux de 25%, et, avec le Comité interministériel des villes, ce que nous avons voulu faire, c'est fixer aussi un plafond, c'est-à-dire que les communes qui détiennent déjà plus de 40% de logements sociaux, et nous visons vraiment particulièrement les communes qui concentrent de la pauvreté, et là où il y a du logement très social, eh bien celles-ci nous demandons aux préfets d'encadrer la construction de logements très sociaux pour ne laisser effectivement place qu'à la diversification de l'offre ou au développement de la construction de logements mixtes.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Pour la pleine compréhension de nos téléspectateurs, parce que vous savez aussi un collègue qui est en charge de la ruralité au gouvernement, à partir de quel moment vous considérez qu'une commune est une ville, vous, dans votre portefeuille ?

NADIA HAI
Alors, moi je m'occupe de toutes les villes qui ont des quartiers politique de la ville, donc ça représente 856 communes aujourd'hui sur le territoire français, 1514 quartiers politique de la ville, mais la réalité c'est que, quand on agit sur un quartier politique de la ville à l'échelle d'une ville, on agit aussi à l'échelle du territoire parce que la communauté d'agglomération ne peut pas se désintéresser de ce qui se passe dans la ville qui détient des quartiers politique de la ville, et dans des départements, ou dans des régions, qui en concentrent aussi beaucoup, eh bien là c'est tous les acteurs, à tous les niveaux, qui doivent agir également.

ORIANE MANCINI
Alors, vous nous l'avez dit, Jean CASTEX a annoncé une enveloppe de plus de 3 milliards d'euros, c'était lors du Comité interministériel de la ville, ces 3 milliards d'euros précisément ils vont être fléchés vers où, ils vont financer quoi ?

NADIA HAI
alors, il y a des priorités, notamment le logement, parce qu'on vient d'en parler, mais on va abonder les crédits de l'ANRU de 2 milliards supplémentaires, pour porter l'enveloppe à 12 milliards de crédits pour l'ANRU, et quand j'entends certains responsables politiques, ou même de la société civile, qui font le procès de dire qu'on met trop d'argent dans l'ANRU, qu'on a trop déversé sur la rénovation urbaine, eh bien je les invite vraiment à venir avec moi sur le terrain et s'apercevoir de l'insalubrité dans laquelle vivent certains de nos concitoyens. J'étais encore au Chêne-Pointu, le quartier du Chêne-Pointu à Clichy-sous-Bois vendredi, je peux vous dire que la rénovation urbaine, là-bas, ce n'est pas un concept, c'est une réalité, c'est attendu pour améliorer le cadre de vie des habitants. Donc, ça c'est une mesure effectivement très forte, pour aller très loin dans la question du renouvellement urbain, l'amélioration du bâti, la construction aussi de logements sociaux, mais c'est aussi la rénovation des écoles, des équipements sportifs, et l'amélioration du cadre de vie, donc avec l'installation d'environnements tels que les fermes urbaines ou les jardins partagés qui permettent vraiment d'apporter une amélioration dans le cadre de vie.

ORIANE MANCINI
Un mot, puisqu'on parle de rénovation urbaine, quand vous étiez sur ce plateau vous nous avez dit que 85 % du plan Borloo était engagé, est-ce qu'aujourd'hui vous diriez encore ça ou est-ce que vous dit je me suis peut-être un peu trompée sur les chiffres ?

NADIA HAI
Non, non, je ne me suis pas trompée sur les chiffres, 85% de la feuille de route du gouvernement a été engagé, dans cette feuille de route nous avons pris 15 et 19 propositions du rapport Borloo, qui sont aujourd'hui en cours de…

ORIANE MANCINI
On sait que ça a fait bondir certains élus, cette phrase.

NADIA HAI
Oui, ils peuvent bondir, mais, vous savez, le rapport Borloo, enfin, j'y ai travaillé, j'ai participé aux ateliers, avec l'ensemble des élus, des milieux associatifs, pour donner lieu à ce rapport, la réalité des choses c'est qu'on a un contexte aujourd'hui, en France, qui a littéralement changé par rapport à il y a 3 ans, nous ne pouvons plus avoir les mêmes réflexes ou les mêmes idées aux propositions, sans tenir compte de ce qui s'est passé, de ce que nous vivons depuis maintenant un an, et l'état, la situation de notre pays, donc oui 15 des 19 propositions du rapport Borloo sont engagées par le gouvernement, mais je tiens juste à rappeler qu'il y a eu d'autres concertations entre temps, qu'il y a eu d'autres rapports qui ont été aussi émis entre temps, et quand j'entends les élus nous demander des quartiers de reconquête républicaine, quand ils saluent le dédoublement des classes, je suis désolée, ce ne sont pas des mesures du rapport Borloo. Donc, on a le droit, effectivement, de se servir de ce rapport pour alimenter notre réflexion et conduire de nos politiques publiques, comme nous avons le droit de nous en détacher et d'avoir d'autres réflexions, ça a été le cas pour la préparation de ce Comité interministériel des villes, et les annonces qui en ont découlé, ce n'est pas juste un chiffre comme ça qu'on lance 3,3 milliards, ce sont des mesures extrêmement concrètes, objectivées et financées, ce qui est très nouveau pour les élus locaux, qui sont les premiers à être satisfaits du résultat de ce Comité interministériel des villes.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous dites on ne peut pas raisonner comme il y a 3 ans, mais vous dites aussi que le nombre d'actes de violence, s'ils n'augmentent pas dans ces quartiers, en revanche le degré lui a augmenté. Il y a une urgence là-dessus.

NADIA HAI
Oui, complètement, il y a une grande urgence, parce que je dis toujours que les premières victimes de l'insécurité sont les habitants des quartiers, ceux qui vivent les trafics c'est ceux qui y habitent. Quand vous montez, vous prenez les escaliers, que vous ne pouvez pas accéder à votre appartement parce que les trafics se font là, ou quand l'ascenseur est dégradé parce que justement les trafiquants ont dégradé l'ascenseur pour qu'il n'y ait pas de flux des habitants, ce sont les premières victimes de l'insécurité dans nos quartiers. Donc, moi je suis extrêmement attachée à la question de la sécurité, et aujourd'hui c'est ce que nous faisons avec le déploiement des quartiers de reconquête républicaine. Je rappelle juste que 180 effectifs supplémentaires dans sept quartiers de reconquête républicaine est une mesure extrêmement concrète qui a été annoncée par le Premier ministre à l'issue du Comité interministériel des villes, qui viendra renforcer les 55 quartiers de reconquête républicaine, c'est plus de 1200 forces de police supplémentaires dans nos quartiers, ça c'est du concret, ça c'est pour nous là aussi apporter de la sérénité et de la sécurité.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Que ce soit les enseignants, les policiers, vous arrivez à recruter ?

NADIA HAI
Oui, enfin la formation des forces de l'ordre, il y a, oui, on arrive à recruter. Là où on arrive… enfin, on arrive à recruter, ensuite, je pense notamment aux enseignants, quand leur première affectation est un quartier politique de la ville, et particulièrement là où c'est difficile, on peut comprendre une certaine appréhension pour aborder ce poste-là, mais quand je vais à la rencontre des enseignants, vous avez ceux effectivement qui parfois sont en difficulté, vivent peut-être un peu plus difficilement la situation à laquelle ils sont confrontés, et puis vous en avez d'autres qui sont parfaitement engagés et qui ne se voient pas ailleurs. Donc, je pense que là, la question, vraiment encore une fois, de la sécurité, nous y sommes extrêmement attachés, nous renforçons les moyens pour cela. Je rappelle juste que pour les enseignants qui enseignent dans des REP+ il y a une prime pour récompenser, en tout cas pour encourager effectivement leur travail au quotidien parce que, il ne faut pas voir l'enseignement dans des quartiers juste sous l'angle sécuritaire, où parfois effectivement il y a des dérives, il faut le voir aussi sous l'angle des difficultés sociales auxquelles sont confrontés les enseignants, et c'est eux qui se les prennent aussi en pleine figure, si je peux me permettre cette expression, eh bien là aussi il s'agit de les encourager, d'être à leurs côtés.

ORIANE MANCINI
Justement, puisqu'on parle des enseignants, parlons d'éducation, des cités éducatives, il y en a 80 à l'heure actuelle, le gouvernement vise 200 d'ici 2022. Il y a des maires, dont Catherine ARENOU, qui est la maire de Chanteloup-les-Vignes, qui dit qu'à ce rythme on y sera encore en 2038, elle a dit qu'il en faudrait 100 nouvelles par an. Qu'est-ce que vous dites, ça ne va pas assez vite ?

NADIA HAI
Déjà, Catherine ARENOU est la première à féliciter ce dispositif, et d'ailleurs je tiens juste à rappeler que…

ORIANE MANCINI
Elle en demande plus du coup !

NADIA HAI
Oui, et puis elle bénéficie d'un accompagnement extrêmement important de l'Etat, dans le cadre de sa cité éducative, et d'ailleurs nous intervenons une nouvelle fois à Chanteloup-les-Vignes pour traduire sa cité éducative en immobilier, donc là où les crédits du plan de relance seront mobilisés, pour aider Catherine ARENOU dans ce projet, et donc… la cité éducative il faut déjà bien comprendre et bien saisir ce que c'est. On agit dans des territoires où c'est compliqué, parce qu'il y a des REP, REP+, où ce sont des quartiers de reconquête républicaine, où il y a des opérations de l'ANRU, donc ce sont des territoires extrêmement ciblés, dans lesquels nous apportons un financement de l'Etat, effectivement assez important, c'est pour ça que les collectivités, d'ailleurs, candidates, elles sont très nombreuses à candidater, mais c'est surtout un projet éducatif et un projet de territoire, donc on ne peut pas aller, venir, comme ça et de se dire on va aller démultiplier les cités éducatives partout, tout le temps, tout de suite, et on couvrir les 1500 quartiers en tant d'années, ce n'est pas comme ça que ça se passe. En fait on se repose sur des acteurs de territoires qui doivent travailler le projet des territoires, et dans certains territoires il n'existe pas justement ce projet éducatif, donc il faut d'abord aider à construire, à préparer le terrain, en soutenant les associations, en soutenant les collectivités, comme nous le faisons aujourd'hui, mais la cité éducative il faut bien comprendre que c'est une méthode de travail qui part du terrain et qui est faite pour le terrain, et donc on ne peut pas aujourd'hui se fixer des objectifs en se disant on va couvrir tous les quartiers à telle date. Par contre, nous savons que, effectivement, par rapport à tous les dossiers qui nous sont remontés, que 200 d'ici 2022 c'est atteignable, et c'est pour ça que nous l'avons annoncé, sinon ça serait trop facile.

ORIANE MANCINI
Vous nous dites ces 3,3 milliards ce ne sont pas que des chiffres, ça correspond à des projets concrets. Comment vous allez vous assurer que les financements iront au bon endroit, qu'ils seront fléchés au bon endroit, que crédits arriveront vite surtout ?

NADIA HAI
Ça c'est une excellente question parce que…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
C'est l'appel du 14 novembre, qui veulent savoir comment ça va se passer concrètement, où va aller cet argent.

NADIA HAI
Exactement. Alors, depuis le 14 novembre il s'est passé beaucoup de choses, et sur le plan de relance…

ORIANE MANCINI
Mais là, concrètement, sur ces 3 milliards comment vous travaillez avec les collectivités ?

NADIA HAI
Justement, on va travailler comme on a fait depuis le 14 novembre pour le plan de relance, c'est-à-dire qu'on a demandé aux préfets d'animer des comités territoriaux, et donc, sur les départements, il y a des comités qui se sont déjà organisés, j'ai présidé une réunion qui a été organisée par le sous-préfet ville dans le département du Rhône, où là il a fait appel à tous les opérateurs de l'Etat, c'est comme ça que ça va se passer pour les 3 milliards, on fait appel à tous les opérateurs de l'Etat, local, les services de l'Etat local évidemment c'est eux qui organisent ce type de réunion et qui l'animent, mais également tous les élus quartier politique de la ville, les acteurs clés du milieu associatif seront réunis pour justement réaliser concrètement la traduction de ces mesures. Aujourd'hui il ne s'agit plus, je crois, de faire des annonces comme ça, en disant on va annoncer tant de milliards, on va faire tant de quartiers de reconquête républicaine, on va aller s'assurer que les mesures se traduisent très concrètement dans les faits, mais en impliquant l'ensemble des acteurs du territoire.

ORIANE MANCINI
Et ça, ce sont les préfets qui seront chargés de ça

NADIA HAI
Ce seront les préfets qui seront chargés de réunir ces comités territoriaux.

ORIANE MANCINI
Et comment ça se passent, ils doivent vous rendre des comptes régulièrement, comment ça va s'organiser, comment vous, vous allez vérifier que ça marche effectivement sur le terrain ?

NADIA HAI
Alors, justement, j'irai vérifier sur le terrain que ça marche, donc j'irai assister à certains comités territoriaux. Et oui, moi, enfin les préfets, à l'égalité des chances, je les réunis toutes tous les 15 jours, donc l'état des lieux nous le ferons évidemment au fur et à mesure, et je m'assurerai que ces mesures arrivent très concrètement, et d'ailleurs c'est déjà le cas. Dans le plan de relance je m'étais engagée à aller sur le terrain voir concrètement ce milliard d'euros qui a été fléché vers les quartiers politique de la ville, qui trouve très concrètement sa place, eh bien, vraiment, je constate avec beaucoup de satisfaction que ça se traduit très concrètement dans les faits à Chanteloup-les-Vignes, à Grigny, à Roubaix et à d'autres communes encore.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Dans le cadre de ce dispositif, de cette collaboration Etat- collectivités, qu'est-ce que vous attendez des élus locaux ?

NADIA HAI
Nous attendons qu'ils soient… les élus locaux, vous savez, ce sont les porteurs de projets en local, ce n'est pas nous qui allons décider de savoir qu'est-ce qui est meilleur pour la ville.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et en termes de subsides, en termes d'accompagnements ?

NADIA HAI
Alors, en termes d'accompagnements on a mis plusieurs outils à leur disposition, d'abord ces comités départementaux, ensuite nous avons créé un guide pour l'élu local, un guide qu'il peut trouver sur le site, donc sur France relance, ou même sur le site du ministère de la Cohésion des territoires, un guide qui a été créé, avec Jacqueline GOURAULT et Bruno LE MAIRE, où mon ministère - et j'ai été donc grandement associée - pour aller informer les élus locaux de la façon dont ils pouvaient se saisir du plan de relance, et quand je le remets aux élus locaux, j'ai eu l'occasion de le remettre directement à Philippe RIO, maire de Grigny, ou même à Catherine ARENOU directement à Chanteloup-les-Vignes, eh bien le retour c'est que, si moi j'ai pu le lire, tout le monde peut le lire, tout le monde peut le comprendre, donc votre guide est vraiment très intéressant, très important et surtout il sera extrêmement utile pour l'accompagnement des projets. Et ensuite, nous travaillons avec l'Agence nationale de la Cohésion des territoires pour mettre à disposition, là aussi, de l'ingénierie locale pour accompagner les élus locaux dans le portage de leur projet. Mais, encore une fois, les mesures que nous annonçons, nous, nous allons nous assurer que tous les outils, que tous les acteurs de l'Etat sont mobilisés pour cela, ça revient de la responsabilité des élus de s'en emparer.

ORIANE MANCINI
Une question d'actualité à la ministre, mais aussi à l'élue de Trappes que vous êtes. Vous savez que depuis novembre un prof de philo va enseigner sous protection policière dans la ville de Trappes, tout ça parce qu'il a défendu les principes républicains, il a défendu Samuel PATY, il a témoigné d'un phénomène, je cite, « d'emprise islamiste », il dénonce le manque de stratégie de l'Etat face à l'islam politique et il dit "je considère que Trappes est une ville définitivement perdue." Qu'est-ce que vous dites ?

NADIA HAI
Alors déjà je veux condamner de manière la plus ferme, s'il y a des menaces, toutes les menaces dont est victime Monsieur LEMAIRE.

ORIANE MANCINI
Didier LEMAIRE.

NADIA HAI
Exactement, je le condamne fermement et j'espère que les auteurs seront condamnés pour cela. Je tiens aussi à rappeler qu'il dispose de protection, je m'en suis assurée ce week-end, et l'affaire est prise très sérieusement de la part de la procureure, de la rectrice et du préfet des Yvelines.

ORIANE MANCINI
Vous vous êtes entretenue avec lui ?

NADIA HAI
Avec les services de l'Etat local ; donc, c'est intolérable et ça n'a pas sa place dans la République. Donc, oui, nous nous y attelons à l'islamisme, et oui…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Est-ce que Trappes est définitivement perdue ?

NADIA HAI
Non, par contre Trappes n'est pas définitivement perdues parce que je refuse, encore une fois, de manière la plus ferme, toutes les menaces dont est victime ce professeur, il a le droit à toute la protection de la République, mais je refuse qu'on jette l'opprobre sur 32.000 habitants, je suis désolée. Je connais bien cette ville, oui il y a des groupuscules islamistes, c'est la vérité, c'est un fait, il ne faut pas le nier, et nous…

ORIANE MANCINI
« Beaucoup d'enfants sont élevés dans la haine de la France, on n'a pas beaucoup de temps avant que ça dégénère. »

NADIA HAI
Ensuite… donc, oui, il y a des groupuscules, et oui, nous nous attelons à les démanteler un à un, et oui, avec le projet de loi qui conforte les principes de la République, qui est en discussion au Parlement, nous allons également apporter des solutions extrêmement concrètes, je pense notamment à l'engagement du contrat républicain, je pense également à tout ce qui est pression des séparatistes, nous y répondons à travers le projet de loi, ensuite, c'est tout ce que nous faisons par la loi et par l'aspect sécuritaire. Mais il y a tout le reste qu'il faut aussi combler, parce qu'il ne faut pas oublier que les séparatistes ils font leur lit sur quoi ? Ils font leur lit sur ce sentiment d'abandon et de rejet qu'a parfois la République, c'est l'impression que la République n'a pas rempli ses promesses, et qu'il y a une inégalité de traitement, et une inégalité de résultats, dans ces quartiers, par rapport au reste…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Que l'Etat a déserté ?

NADIA HAI
Que l'Etat a déserté. Mais, vous savez, dans certains territoires c'est vrai. Quand vous avez un recul des services publics, quand vous avez des élus qui ne financent pas des associations, eh bien pour moi c'est l'Etat qui recule, et quand l'Etat recule, vous avez l'offre alternative qui se développe, et ça il ne faut pas, je crois, ne pas prendre ses responsabilités ou se défausser par rapport à cette situation. Donc nous agissons, aussi, en matière d'égalité des chances, et c'est pour cela que nous avons aussi des réponses très fortes sur le cadre de vie, sur l'éducation, parce qu'il ne s'agit pas d'apporter que du quantitatif à l'éducation, c'est aussi apporter du qualitatif, donner aussi l'espoir et la chance à chaque jeune de réussir dans ces quartiers, c'est aussi donner de l'emploi. Quand vous êtes face à des discriminations dans l'embauche, vous, qu'est-ce que vous vous dites ? Eh bien vous vous dites que finalement « on me rejette, je ne suis pas aimé », et donc vous allez vers quoi, vers l'autre offre qui va vous permettre finalement de toucher un revenu, et de manger, et de faire vivre votre famille, c'est bien ça dont il s'agit au quotidien. Donc, l'Etat revient en force dans ces quartiers, c'est ce que nous faisons aujourd'hui, c'est ce que nous avons déjà commencé à faire avec les maisons France service, en remettant du service public, j'étais à Marseille, dans les quartiers Nord, et quand vous visitez la maison France service, et que vous avez des mères de famille, des jeunes, des jeunes dans ces quartiers qui vous disent « heureusement que cette maison est là parce que grâce à elle je peux avoir accès à mes droits et ne pas être en rupture de droits, je peux aussi avoir accès à l'information », ça c'est du retour du service public et c'est le retour de la promesse républicaine dans nos quartiers, donc je pense qu'il faut vraiment agir sur les deux leviers, comme a dit président de la République, le sécuritaire, et là nous ne tremblons pas, mais également toutes les mesures en faveur de l'égalité des chances pour donner à chaque concitoyen la chance de réussir.

ORIANE MANCINI
Et merci beaucoup, merci Madame la ministre d'être venue sur ce plateau.

NADIA HAI
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2021