Interview de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à France Bleu Normandie le 11 février 2021, sur la politique agricole.

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Média : France Bleu

Texte intégral

JEAN-MARC PEREZ
Place à l'invité de France Bleu Matin, le ministre de l'Agriculture, Julien DENORMANDIE, est dans le Cambrésis et l'Avesnois aujourd'hui. Il vient parler d'investissement et de développement des circuits courts dans un secteur très agricole évidemment. Et il est notre invité ce matin. Pascale THIEBOLD, il répond à vos questions.

PASCALE THIEBOLD
Bonjour Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.

PASCALE THIEBOLD
Vous êtes attendu donc dans la matinée, notamment à Elancourt, dans une coopérative d'utilisation de matériel agricole, aujourd'hui, un matériel adapté peut permettre de réduire l'utilisation de produits phytosanitaires, mais l'agro-écologie, ça coûte cher, est-ce que le gouvernement aide aujourd'hui, va aider aujourd'hui les agriculteurs à investir ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, tout à fait, je vous le confirme, c'est l'un des objectifs notamment du plan de relance, dans le plan de relance, on investit massivement dans notre agriculture, parce que le plan de relance, c'est : construire une France plus forte, et pour avoir une France plus forte, il faut avoir une agriculture plus forte. Et donc pour répondre précisément à votre question, on met 215 millions d'euros, je dis bien 215 millions d'euros, pour accompagner le financement d'agroéquipements, c'est-à-dire du meilleur matériel, pour être plus performant, pour être plus moderne, et au final, pour avoir une agriculture encore meilleure demain qu'aujourd'hui.

PASCALE THIEBOLD
Alors l'idée, c'est effectivement la réduction entre autres des produits phytosanitaires, en parlant de ce sujet, Julien DENORMANDIE, on a une question pour vous d'un maraîcher de la métropole lilloise, il s'appelle Sébastien MENU, il cultive des poireaux.

SEBASTIEN MENU
Monsieur le Ministre, je suis maraîcher en région lilloise, donc proche de la Belgique, les poireaux qui rentrent sur le territoire français, qui viennent de Belgique ou d'ailleurs, ont des possibilités en termes de produits phytos, donc des produits phytos sont autorisés en Belgique, qui sont strictement interdits en France. Il y a une incompréhension de la part des agriculteurs, les consommateurs s'en rendent compte, ne s'en rendent pas toujours compte, parce qu'on ne les informe pas. Monsieur le Ministre, est-il possible d'harmoniser réellement la législation au niveau des produits phytosanitaires, tout au moins au niveau européen ?

PASCALE THIEBOLD
Que pouvez-vous répondre à ce maraîcher ?

JULIEN DENORMANDIE
Qu'il a mille fois raison, et que c'est tout l'objet de la nouvelle politique agricole commune qu'on est en train de discuter. Vous savez, la politique agricole commune, c'est ce qui régit les règles agricoles au niveau européen, on est en train de finaliser cette politique agricole commune, et moi, j'ai mis comme ligne rouge, dans ces discussions, le fait de pouvoir avoir des normes, des standards partagés, parce que c'est insupportable sur un marché commun, c'est-à-dire, le marché européen, d'avoir des poireaux qui ne sont pas faits avec les mêmes pratiques culturales, et qui, pour autant, se retrouvent dans les mêmes endroits de vente. Et donc, nous travaillons très fort, la France, pour que cette harmonisation des standards européens puisse véritablement voir le jour au niveau de la politique agricole commune, et c'est ce que nous avons obtenu en octobre dernier, c'est un volet très important, même historique, pour la première fois, on va avoir des règles qui vont s'harmoniser, ça prendra un certain temps, mais ça y est, c'est lancé…

PASCALE THIEBOLD
Oui, parce que le temps de l'Europe n'est pas celui des agriculteurs aujourd'hui par exemple.

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais là, il s'avère que cette politique agricole commune, elle est en cours de discussion maintenant pour les prochaines années donc le calendrier tombait bien et donc nous avons obtenu cette harmonisation. C'est l'harmonisation elle-même qui va prendre plusieurs années mais ça y est, la courbe a changé de direction. La volonté politique est affichée en Europe. Il nous faut avoir eu une agroécologie importante mais il faut que cette agroécologie, elle soit faite partout en Europe. Et je vais même vous dire, moi je pense qu'il faut aller plus loin et il faut avoir la même exigence avec les importations de produits en Europe venant d'autres pays à travers le monde.

PASCALE THIEBOLD
Il y a un mois, le gouvernement a lancé la plateforme Frais et local qui privilégie donc les circuits courts. Quel premier bilan pouvez-vous faire de cette plateforme et de son utilisation ce matin ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien, c'est un grand succès. Songez qu'en moins de 15 jours après son lancement, on avait déjà plus de 200 000 connexions. Cette plateforme, c'est quoi ? Ça s'appelle fraisetlocal.fr et ça permet d'identifier autour de chez soi où que vous soyez des dizaines de producteurs, d'éleveurs, de lycées agricoles, de magasins de proximité qui vous offrent la possibilité d'avoir des produits frais, des produits locaux. Pourquoi j'ai voulu qu'on monte ça ? Parce qu'on se rend compte que dans le cadre du confinement, il y a beaucoup de Français qui ont demandé à avoir plus de produits frais, de produits locaux. Qui ont changé un peu leurs habitudes alimentaires. Et moi je voulais pérenniser la chose en donnant cette possibilité de visualiser à côté de chez soi où est-ce qu'on pouvait aller directement chez le producteur, chez l'éleveur. Dans le département du Nord par exemple, c'est des dizaines de producteurs qui sont aujourd'hui recensés sur cette plateforme et c'est, à mes yeux, un vrai beau succès. Et je serai tout à l'heure dans le département pour justement promouvoir cette plateforme.

PASCALE THIEBOLD
Alors le frein pour le circuit court parfois, ce sont quand même les prix qui sont plus élevés que les fruits et légumes qu'on peut par exemple trouver dans une grande surface.

JULIEN DENORMANDIE
Ce n'est pas vrai. De manière générale, ce n'est pas forcément vrai d'une part. D'autre part, ça répond aussi à la question que vous évoquiez tout à l'heure. Le produit frais, le produit local à côté de chez vous, vous êtes sûr d'où il vient. Sûr et certain. Et puis vous pouvez même discuté avec l'agriculteur, l'éleveur des pratiques culturales pour l'élever. Et puis ça vous permet aussi de découvrir un endroit qui est à côté de chez vous qui parfois vous était inconnu, et parfois vous vous demandiez comment la production était faite. Mais encore une fois, je le redis, ce n'est pas du tout vrai que de manière générale le produit frais à côté de chez soi coûte plus cher. Parce que vous n'avez plus d'intermédiaire, vous n'avez rien, c'est de la vente directe. Et puis deuxièmement, là aussi contrairement à des idées reçues, parfois c'est même meilleur pour son portefeuille d'acheter des produits frais, des produits locaux, de les cuisiner plutôt que d'acheter des plats importés surtransformés.

PASCALE THIEBOLD
Il faut éviter d'opposer aussi grande surface à circuit court, parce que peut-être que certaines grandes surfaces aussi ont pris conscience et s'approvisionnent justement à côté de chez elles.

JULIEN DENORMANDIE
Et vous avez tout à fait raison, et j'irais même encore plus loin. Ce comportement qui a changé des consommateurs, les grandes surfaces l'ont vu aussi, et notamment elles se sont engagées et c'est pour moi très important et je les en remercie, à lancer une bannière commune à l'ensemble des groupes de grandes surfaces qui s'appelle « Plus près de chez vous, plus près de vos goûts » et qui à partir de la fin du mois de février, le début du mois de mars, alors qu'on devait lancer normalement le Salon de l'agriculture, elles vont mettre en avant cette bannière pour permettre à chacune, à chacun de bien identifier dans une grande surface les produits qui sont plus près de chez nous, plus près de nos goûts. Et ça, c'est une très belle initiative lancée par les grandes surfaces à l'échelle nationale avec l'ensemble des grandes surfaces, et on va monter en puissance à partir du mois de février sur ce logo, cette mise en valeur des produits frais, des produits locaux.

PASCALE THIEBOLD
Merci Julien DENORMANDIE d'avoir été l'invité de France Bleu Nord ce matin.

JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.

PASCALE THIEBOLD
Vous êtes donc dans le Cambrésis et l'Avesnois aujourd'hui. Merci et bonne journée.

JULIEN DENORMANDIE
Bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2021