Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, bonjour.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous sommes le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, nous allons y revenir évidemment, ce sera le coeur de votre intervention, mais je voudrais revenir sur ce qui s'est passé à Grenoble, deux professeurs de Sciences Po accusés d'islamophobie, sur les murs de Sciences Po on pouvait lire " des fascistes dans nos amphis, l'islamophobie tue ", des photos de ces affiches ont circulé sur les réseaux sociaux avec le nom des deux professeurs. Est-ce que les auteurs de ces accusations seront poursuivis et condamnés ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord le fait de savoir s'ils seront poursuivis il faut qu'il y ait des plaintes, une enquête et que la justice ensuite s'en saisisse, et donc ce n'est pas du ressort du gouvernement, mais ce que je peux vous dire c'est que moi personnellement je trouve qu'on est- là dans des actes odieux, après ce qui s'est passé avec la décapitation du professeur Samuel PATY, qui de la même manière avait été jeté en pâture sur les réseaux sociaux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir aussi.
MARLENE SCHIAPPA
On ne peut plus tolérer ce type de faits. D'ailleurs, il y a une partie de la loi pour conforter les principes républicains, dite séparatisme, qui vise à mieux protéger les professeurs et les enseignants, notamment lorsqu'on divulgue des informations personnelles et des appels à la haine sur les réseaux sociaux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais si des élèves sont concernés, si l'enquête montre que des élèves sont concernés, ont diffusé les noms des professeurs notamment, est-ce que ces élèves seront renvoyés, doivent être renvoyés ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, je ne suis pas non plus la directrice de l'établissement scolaire, donc ça ne m'appartient pas, mais moi ce que je veux dire c'est que ce n'est pas admissible. Et derrière, au-delà du cas individuel de ces élèves, on doit répondre à deux questions. La première c'est, quand il y a des propos qui sont jugés racistes ou discriminatoires, eh bien il y a dans ces cas-là une hiérarchie, auprès de laquelle on peut faire état de ces propos, qui entend le professeur, et qui ensuite prend des sanctions si les faits sont avérés, on ne peut pas commencer à dire qu'on va faire la justice en écrivant les noms des gens sur les murs, surtout quand on sait que derrière il y a un risque de mort, je le dis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les élèves et l'UNEF, qui a relayé ces images, ensuite l'UNEF a regretté, mettent en danger la vie de ces deux enseignants ?
MARLENE SCHIAPPA
Ah oui, moi je considère qu'ils les mettent en danger, très clairement. Encore une fois, le contexte compte, le contexte a une importance. Il y a à peine quelques mois de cela tout le monde a déploré le fait qu'il y ait une décapitation d'un professeur suite à des appels à la haine sur les réseaux sociaux, je lance un appel à la responsabilité, notamment par rapport à l'UNEF. Je crois que vous avez raison de le rappeler, l'UNEF a une responsabilité, on ne peut pas relayer des appels à la haine et des choses aussi graves, d'autant plus que, pour être clair et dire de quoi il s'agit et quel est le risque, le risque c'est que comme l'a expliqué très bien Gilles KEPEL, notamment dans son dernier livre, on a maintenant une forme de djihadisme de réseaux, de djihadisme d'atmosphère, qui fait qu'il y a des gens qui se radicalisent tout seul, dans leur chambre, devant un écran, devant les réseaux sociaux, et ces personnes-là, nous mettons en risque les professeurs en jetant à ces personnes-là leurs noms en pâture, c'est aussi pourquoi nous avons renforcé les effectifs de PHAROS, qui maintenant fonctionne 24/24 heures, 7/7 jours, pour qu'on puisse supprimer les contenus d'appel à la haine, notamment vis-à-vis de professeurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'un des deux professeurs, sur RMC ce matin, disait qu'il était dépassé par les événements, on comprenait sa détresse et on comprend sa détresse.
MARLENE SCHIAPPA
Mais bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, l'islamophobie, est-ce que ça existe l'islamophobie, est-ce que c'est comparable au racisme ou à l'antisémitisme ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi, vous savez, pendant des années j'ai utilisé le terme d'islamophobie, parce que je trouvais qu'il correspondait à quelque chose, c'est-à-dire la haine des musulmans ou la discrimination des musulmans, et puis ensuite j'ai lu un livre, le livre de Charb, son livre posthume qui s'appelait, je crois, " Lettre ouverte aux escrocs de l'islamophobie et autres racistes ", et qui expliquait qu'en fait le concept d'islamophobie est trop souvent instrumentalisé, à des fins de haine justement, et puis il préférait parler soit de racisme, tout simplement, parce que c'est de cela dont on parle, soit de haine contre les musulmans, et donc désormais moi je n'utilise plus le terme d'islamophobie, qui est trop souvent instrumentalisé et qui veut mettre à bat toute interrogation ou critique de la religion. Critiquer ou interroger une religion c'est tout à fait permis, c'est de la liberté d'expression, mais attaquer des personnes, les menacer ou les discriminer parce qu'elles ont une croyance, parce que ce sont des musulmans en l'occurrence, ça c'est tout à fait interdit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au fond, je repense aussi à ce qui s'est passé avec cette collégienne, cette collégienne qui avait accusé Samuel PATY d'islamophobie, qui a avoué avoir menti, elle n'assistait pas au cours sur les caricatures de Charlie Hebdo, au fond que vous inspirent ces faits, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est triste, c'est triste, mais les enquêteurs avaient déjà mis en exergue le fait qu'effectivement cette jeune fille n'avait pas participé au cours. on voit que manifestement il y aurait, je suis très prudente parce qu'il y a là aussi une enquête en cours, mais il y aurait une pression familiale très forte, et je crois que nous devons tous tirer les leçons de ce qui s'est passé, y compris dans le côté, et j'ose le mot, sacré de l'école, de l'Education nationale, dans les établissements scolaires, je crois qu'on ne doit pas laisser les portes d'un collège ou dans un établissement scolaire ouvertes au tout venant pour que chacun puisse venir donner son avis sur les cours, il faut protéger l'école et protéger les enseignants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, " la loi séparatisme ne sert à rien ", c'est Eric PIOLLE qui disait cela hier sur BFM TV en fin d'après-midi. Elle ne sert à rien votre loi ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, je le déplore. Eric PIOLLE devrait se renseigner et lire la loi parce qu'elle va lui être très utile cette loi à Eric PIOLLE, précisément à lui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pourquoi ?
MARLENE SCHIAPPA
Parce que Monsieur le maire de Grenoble a découvert qu'il avait malencontreusement, pendant des années, financé le CCIF, organisation qui a été dissoute, sur demande du gouvernement, et grâce à la loi séparatisme, à la loi pour conforter les principes républicains, il y a un contrat d'engagement républicain qui veut que, désormais, les mairies qui auront donné de l'argent à des associations qui ne respectent pas ces principes se feront rembourser, donc Monsieur PIOLLE pourra voir les b bons effets cette fois dès lors qu'il fera son budget à la fin de l'année.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce lundi, Journée internationale des droits des femmes donc, Marlène SCHIAPPA, des femmes vont manifester, des femmes vont faire grève, " premières de corvée " disent-elles, " premières de corvée. " Elles ne sont pas reconnues à leur juste valeur, à la juste valeur de leur travail, de leur présence dans notre société, elles ne sont pas assez reconnues ?
MARLENE SCHIAPPA
Elles ne sont pas assez reconnues, bien sûr, moi c'est pourquoi j'étais allé l'année dernière auprès des femmes de chambre, notamment de celles qui étaient en grève, j'avais lancé un travail sur la reconnaissance des femmes de ménage, qui sont des emplois trop souvent invisibles, ça avait été l'objet d'une proposition de loi qui n'a pas abouti, et je le déplore, c'est malheureux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, qui n'a pas abouti.
MARLENE SCHIAPPA
Qui n'a pas abouti, parce que l'auteur de la proposition de loi a décidé finalement de la retirer, je le déplore, et je crois qu'effectivement il nous faut mieux soutenir et mieux valoriser ces femmes, c'est le sens d'ailleurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment ? On dit ça, je vous entends dire ça, " il faut mieux ", " il faut mieux ", " il faut ", " il faut ", " il faut "
MARLENE SCHIAPPA
Alors, j'arrive au comment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-y, comment.
MARLENE SCHIAPPA
Notamment avec le Ségur de la Santé, Olivier VERAN a pris des dispositions pour rehausser les salaires, notamment de professions féminisées, je pense aux aides-soignantes, je pense aux infirmières, qui ont été véritablement en première ligne. Au-delà de ça moi j'ai pris une circulaire pour naturaliser toutes ces travailleuses et ces travailleurs étrangers en première ligne qui ont été, caissières dans les magasins pendant le Covid, qui ont été aides-soignantes, qui ont gardé des enfants, et qui sont dans une démarche de naturalisation, eh bien j'ai souhaité qu'on puisse les accueillir et qu'elles soient des citoyennes françaises et bénéficier de tous leurs droits, comme citoyennes, c'est aussi un pas en avant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et être payées de la même manière qu'un homme, comme un homme.
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr. Alors pour ça il y a deux manières…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a encore de grandes différences, on est à combien, 13% d'écart en moyenne ?
MARLENE SCHIAPPA
On est entre 9 et 27%…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Entre 9 et 27 !
MARLENE SCHIAPPA
C'est 9% à poste égal entre une femme et un homme et 27% au global. Pourquoi ? Parce que justement les femmes sont surreprésentées dans les métiers précaires, ou les métiers moins bien payés, et donc elles ont raison de se mobiliser, et moi je soutiens pleinement toutes les femmes qui sont en mobilisation aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous les soutenez là ?
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes féministe ?
MARLENE SCHIAPPA
Complètement, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes féministe ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez féminiser d'ailleurs le ministère de l'Intérieur, si j'ai bien compris.
MARLENE SCHIAPPA
Tout à fait, de plusieurs manières. D'abord je présenterai tout à l'heure le plan de féminisation du ministère de l'Intérieur, avec Gérald DARMANIN, je vais également organiser tout à l'heure un événement qui s'appelle « Commandantes », et qui a pour but de mettre en avant les femmes qui sont la patronne des CRS, qui sont des leaders au GIGN, dans des brigades, chez les pompiers, etc., et puis nous lançons une campagne, aujourd'hui, qui s'adresse aux femmes, et qui s'adresse particulièrement aux féministes, en leur proposant de rejoindre la police, la gendarmerie, les pompiers, pour poursuivre cet engagement, notamment contre les violences conjugales. Quand vous êtes pompier, quand vous êtes gendarme, il y a 400 interventions par jour des forces de l'ordre pour protéger les femmes face aux violences conjugales, je crois quand on est féministe c'est aussi un bel engagement que de venir rejoindre cette équipe sur le terrain.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous êtes féministe, vous protégez les femmes contre les violences conjugales. Il y a un député, qui s'appelle Benoît SIMIAN, qui est député La République en marche de Gironde, la cour d'appel de Bordeaux vient de renforcer la protection de son épouse. Pourquoi ? Eh bien parce qu'il y a persistance du comportement violent de Monsieur SIMIAN dans le cadre de leur divorce, et son immunité parlementaire n'est toujours pas levée. Doit-elle être levée cette immunité parlementaire ?
MARLENE SCHIAPPA
Je vais vous répondre sur le fond, je veux d'abord vous rappeler qu'il y a un principe de séparation des pouvoirs, j'appartiens au pouvoir exécutif, je ne peux pas m'immiscer dans les affaires du pouvoir législatif, je suis obligée de faire ce rappel. Maintenant, sur le fond, il y a une instruction manifestement, en cours, nul n'est au-dessus des lois, être député ce n'est pas une circonstance atténuante quand on se rend coupable de violences conjugales…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est même peut-être une circonstance aggravante.
MARLENE SCHIAPPA
Il y a un devoir d'exemplarité, absolument, c'est ce qui a été dit dans la dernière décision de justice. Moi, ce que je voudrais vous dire, c'est que je suis profondément choquée, j'adresse évidemment mon soutien à toutes les personnes qui sont victimes de violences conjugales, y compris, et surtout, quand ça vient de responsables politiques, il y a un jugement en cours…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que l'Assemblée devrait lever son immunité parlementaire, je repose la question ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais moi je vous ai dit que je n'ai pas la possibilité d'agir sur cette question, n'appartenant pas au pouvoir législatif, mais je viens de vous donner mon avis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, mais votre sentiment.
MARLENE SCHIAPPA
Moi, à titre personnel, je crois que chacun doit pouvoir rendre des comptes par rapport aux questions de violences conjugales qui sont gravissimes, par rapport aux questions de harcèlement, sexuel ou sexiste, j'ai vu que ce député a posté un long post sur les réseaux sociaux pour expliquer sa version des faits et dire qu'il était un père qui voulait voir sa fille, et il mettait en cause son ex-femme, etc., je crois que cela, ça appartient à la justice, et je crois que la justice doit pouvoir agir et doit pouvoir rendre son verdict, et j'ajouterai que quand on est condamné pour des faits de violences conjugales, ou pour des faits de violences sexistes ou sexuelles, on doit avoir l'honneur de démissionner de ses fonctions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, Noël LE GRAËT est président de la Fédération française de football, vous avez vu ce qu'il a dit il y a deux jours ?
MARLENE SCHIAPPA
J'ai vu, c'est affligent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a dit, à propos des footballeuses, " elles peuvent se tirer les cheveux, ça m'est égal, tant qu'elles gagnent. "
MARLENE SCHIAPPA
Oui, eh bien écoutez c'est navrant, c'est du sexisme ordinaire, ce qu'on appelle du sexisme ordinaire, c'est-à-dire que quand deux femmes ont un débat, ou sont en désaccord, eh bien on ne se considère pas que c'est en désaccord ou un débat, on considère qu'elles se crêpent le chignon ou qu'elles se tirent les cheveux, ce sont des propos d'un autre temps, et je les déplore d'autant que les footballeuses françaises ont un niveau important, qui est salué dans d'autres pays d'Europe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et gagnent match sur match.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument, elles gagnent les matchs, et donc ça c'est important de le souligner, et cette deuxième partie de la phrase est plus glorieuse, pour Monsieur LE GRAËT, que le début de sa phrase.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quotas de femmes dans les comités de direction des entreprises ?
MARLENE SCHIAPPA
J'y suis très favorable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça sera voté ?
MARLENE SCHIAPPA
On verra, il y a une proposition de loi qui sera présentée tout à l'heure, elle est fondée…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous la soutenez ?
MARLENE SCHIAPPA
Je la soutiens puisqu'elle est basée sur les travaux que j'ai menés l'année dernière avec Bruno LE MAIRE, et nous avions lancé une grande consultation sur la place des femmes dans l'économie. je crois que lorsqu'il y a des quotas ça avance, quand on cherche à nommer des femmes, on en trouve, cette loi sur les quotas elle le démontre, d'ailleurs c'est pourquoi dans le programme des 109 Mariannes, qui est une exposition que je fais en ce moment devant le Panthéon, j'ai choisi de symboliser également Marianne par la personne de Marie-Jo ZIMMERMANN, qui est une ancienne députée, et qui a porté la loi Copé- Zimmermann, avec Monsieur COPE, qui a permis à la France d'être maintenant première du classement des pays européens grâce aux quotas de femmes dans les comités qui dirigent les entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, j'ai vu qu'on vous a reproché de mettre à l'honneur aussi une astrophysicienne qui porte le voile.
MARLENE SCHIAPPA
Qui a un turban.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui a u turban, oui, oui.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument. Alors, il y a 109 Mariannes dans cette exposition qui est devant le Panthéon, j'invite chacun à aller la voir, elle est en plein air, donc elle est accessible avec les mesures sanitaires, il y a des femmes de toutes les couleurs, il y a des femmes en situation de handicap, il y a la première maire de France qui est transgenre, il y a des femmes noires, il y a Latifa IBN ZIATEN, dont le fils a été assassiné, qui porte elle aussi un foulard…
JEAN-JACQUES BOURDIN
MERAH.
MARLENE SCHIAPPA
Et on a voulu mettre à l'honneur des femmes, artistes engagées, scientifiques, qui sont des formidables rôles modèles pour les jeunes filles. Je crois que quand on a une astrophysicienne, très jeune, formée en France, qui est reconnue dans le monde entier, ce n'est pas parce qu'elle a un turban sur la tête qu'on va l'empêcher d'être exposée devant le Panthéon.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Invisibilité des femmes dans l'espace public, quand je réfléchis, le nombre de rues, ou de places publiques dans les villes, qui portent le nom…
MARLENE SCHIAPPA
Je crois que c'est 2%, quelque chose comme ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui portent le nom d'une femme. Pourquoi tant d'invisibilité, et que faire Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, on peut faire beaucoup de choses. Il y a un travail qui est mené par ma collègue Nadia HAI, qui s'occupe de la politique de la ville, qui a décidé de faire un immense recensement de noms de personnes, soit issues des quartiers dits difficiles, soit qui sont des personnes issues de la diversité, soit qui sont des femmes, et qui sont peu représentées dans ces noms, et de les proposer, puisque ça ce sont des décisions qui incombent au conseil municipal. Moi quand j'étais élue au Mans, le maire du Mans, et le conseil municipal, nous avions décidé que 50% des attributions de noms dans les rues allaient être des noms féminins, pour justement renouveler cet imaginaire collectif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marlène SCHIAPPA, revenons au Covid, avec les conséquences justement sur les femmes, premières de corvée…
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce que les statistiques du ministère du Travail ne sont-elles pas genrées ? Je n'ai pas bien compris, je ne comprends pas pourquoi.
MARLENE SCHIAPPA
Les statistiques du ministère du Travail, c'est-à-dire sur les métiers vous voulez dire ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, sur les métiers et sur toutes les statistiques qui concernent le ministère du Travail, qui ne sont pas genrées.
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, vous me l'apprenez, très sincèrement, le travail qui est mené par Elisabeth BORNE pour réduire les inégalités de salaires il est très important, donc j'en parlerai avec elle dès lors que je vais sortir de votre émission…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut en parler.
MARLENE SCHIAPPA
Moi je crois qu'effectivement, vous avez raison de le souligner, les chiffres, les données, les datas comme on dit maintenant, sont fondamentales, et trop souvent, quand on veut lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes, on nous dit " mais vous n'avez pas de chiffres ", c'est ce qu'on a entendu sur les certificats de virginité, c'est ce qu'on entend sur les écarts de salaires, donc je crois que c'est fondamental. Le fait que vous relayez, moi j'avais lancé la sonnette d'alarme au mois d'avril, j'ai publié pour la Fondation Jean Jaurès un rapport international, en français et en anglais, sur l'impact négatif de la pandémie sur les droits des femmes partout dans le monde, dès le mois d'avril de l'année dernière, et effectivement je suis contente qu'on réalise maintenant qu'il y a un impact très fort sur les droits des femmes, en France et dans d'autres pays, je pense notamment aux pays d'Afrique dans lesquels il y a un vrai risque de voir des grossesses précoces, des mariages forcés, etc., notamment pour les jeunes femmes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A propos du Covid, la vie post-Covid vous inquiète, je le sais, c'est vrai, ça vous inquiète ?
MARLENE SCHIAPPA
Je pense que vous faites référence à un « off » qui est sorti dans la presse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai ou pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, alors les propos…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, c'est faux ?
MARLENE SCHIAPPA
Les propos sont totalement déformés. On me fait dire, peut-être pour les gens qui nous regardent et qui ne savent pas de quoi on est en train de parler…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, qu'est-ce qu'on vous faire dire ?
MARLENE SCHIAPPA
On me fait dire dans la presse que j'aurais dit « après le Covid ce sera le chaos, un cataclysme, les gens vont être violents », etc., ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit c'est que j'ai mis le doigt sur un phénomène bien connu des psychologues qui est le phénomène de décompensation, quand des êtres humains traversent une période, une épreuve collective comme celle que nous sommes en train de traverser, notamment avec le confinement, le couvre-feu, etc., il y a un risque de période de décompensation où chacun va vouloir sortir au maximum, et oui, nous sommes vigilants sur les éventuelles violences sexuelles, ou violences de rue, qui pourraient survenir après le Covid, mais ne dramatisons pas non plus, les Français sont un peuple responsable, intelligent, vigilant, et c'est notre rôle, au ministère de l'Intérieur, d'avoir cette vigilance contre les violences.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'autant plus, Marlène SCHIAPPA, que les violences de rue on les constate, malheureusement, trop souvent, en ce moment.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument, les violences de rue, les violences sexuelles, le harcèlement de rue, ne s'est pas arrêté avec le couvre-feu, c'est pourquoi nous donnons des instructions aux policiers et aux gendarmes, pour qu'ils continuent à verbaliser dans le sens de la loi que j'ai fait voter en 2018.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN affirme que s'il y a tant de violences, notamment en région lyonnaise ces derniers jours, mais ailleurs en France, c'est parce que la police intervient beaucoup aujourd'hui et essaie de démanteler tous les trafics de stupéfiants dans certains quartiers, le trafic de stupéfiants. Est-ce que vous êtes favorable, parce que la pression est forte, j'ai vu des députés La République en marche qui sont favorables à la dépénalisation du cannabis, vous y êtes favorable ou pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, je n'y suis pas favorable et je…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Toujours pas, vous n'avez pas changé d'avis ?
MARLENE SCHIAPPA
Et j'ai envie de vous dire je le regrette, parce que je sais que je vais avoir des milliers de coups de téléphone pour me dire " mais comment, c'est ringard ", etc.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ringard ou pas ?
MARLENE SCHIAPPA
La dernière fois que je l'ai dit on m'a dit « mais enfin, c'est ringard, et réactionnaire, toi qui es de gauche, progressiste », etc., non, et moi je l'ai déjà dit, moi j'ai vu les dégâts du cannabis sur des personnes qui étaient très proches de moi quand j'étais plus jeune, et je ne suis pas favorable à dépénaliser le cannabis, et tant pis si c'est ringard, je l'assume, c'est ma position, maintenant il y a des débats, s'il y a une loi, il y aura un vote, et c'est la démocratie qui l'emportera, mais je ne crois pas que ce soit positif, non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je termine avec un peu de politique. Marine LE PEN/ Emmanuel MACRON au second tour, « je ne choisis pas » dit Jean-Luc MELENCHON - il faut dire que les consignes des hommes politiques ne servent plus à grand-chose, ou des femmes politiques, ne servent plus à grand chose - mais si par hasard Jean-Luc MELENCHON se retrouvait face à Marine LE PEN, qui choisiriez-vous ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je crois qu'il est un peu tôt pour faire des pronostics de deuxième tour. Souvenez-vous, on est au mois de mars, au mois de mars 2016…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas un pronostic, ce n'est pas du tout un pronostic.
MARLENE SCHIAPPA
Quand certains d'entre nous disaient " je crois au candidat Emmanuel MACRON et je pense qu'il sera le prochain président de la République ", les gens n'y croyaient pas, nous disaient que c'était impossible de bousculer la vie politique comme cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais je ne fais pas un pronostic, je vous dis simplement si on se retrouvait dans cette situation-là, que feriez-vous ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je voterai pour le candidat ou la candidate qui sera en face de Marine LE PEN, donc je voterai pour Jean-Luc MELENCHON…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sans hésiter ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, je voterai pour Jean-Luc MELENCHON sans scrupules, néanmoins je serai très vigilante sur la politique qui sera mise en oeuvre, parce que je ne crois pas non plus que ce soit une politique bonne pour le pays, mais c'est mon avis personnel, je souhaite qu'Emmanuel MACRON se présente et fasse un deuxième mandat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et aux régionales, est-ce que les listes la République en marche doivent se maintenir quand elles le peuvent au second tour, quitte à prendre le risque de laisser, je ne sais pas, un candidat ou une candidate du Rassemblement national être élu ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je ne veux pas partir perdante, par respect pour nos candidats, et dire que nos candidats, de toute façon, n'arriveront pas en tête. Moi je soutiens, pour la région Ile-de-France, Laurent SAINT-MARTIN, qui est un excellent candidat, qui réunit derrière lui une équipe, qui a un vrai projet pour la région Ile-de-France, et je souhaite que nos candidats puissent l'emporter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Marlène SCHIAPPA d'être venue nous voir ce matin sur RMC et sur BFM TV.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 mars 2021