Interview de Mme Nadia Hai, ministre de la ville, à Sud Radio le 19 mars 2O21, sur la lutte contre l'épidémie de Covid-19, les affrontements entre bandes rivales, la mise en valeur des personnalités issues de l'immigration et sur les réunions organisées par l'UNEF interdites aux Blancs.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

PATRICK ROGER
Bonjour Nadia HAI.

NADIA HAI
Bonjour.

PATRICK ROGER
Sortie sans limitation de durée dans un rayon de 10 kilomètres. Je disais qu'il faut avoir un compas, écoles toujours ouvertes. Est-ce qu'on peut parler véritablement de reconfinement en région parisienne avec les décisions hier soir ?

NADIA HAI
On parle effectivement d'un confinement. Mais avec un confinement qui est pragmatique avec cette attestation de sortie qui est demandée. Dès lors qu'il y a attestation de sortie, il y a effectivement confinement. Mais nous avons cette approche pragmatique des choses en autorisant un certain nombre d'activité et notamment des activités en plein air parce que nous savons aussi que la circulation du virus est beaucoup plus active dans un milieu clos, fermé, plutôt qu'un lieu ouvert. Donc c'est toujours cet équilibre à trouver entre le besoin de protéger les Français et celui de permettre aussi une certaine liberté de sortie pour s'aérer et pour profiter aussi de moment avec ses enfants.

PATRICK ROGER
Oui c'est cela, c'est ce qui change par rapport à il y a un an. Alors, il y a des commerçants et des petites entreprises qui ne comprennent pas, qui disent « voilà, nous on a des jauges, on pouvait limiter les gens qui venaient chez nous et demain on va autoriser les attroupements dehors alors qu'on en voulait pas il y a quelques temps et là on va pouvoir les autoriser ». C'est quand même un peu incohérent à ce niveau-là non ?

NADIA HAI
On n'autorise pas les attroupements dehors. Je crois que le Premier ministre a été très clair hier.

PATRICK ROGER
Il a encouragé les gens à être dehors, à sortir.

NADIA HAI
Non pas encouragé, à autoriser les sorties dans un rayon de 10 kilomètres. Au contraire, il a dit qu'on n'allait pas déplacer les attroupements qui avaient lieu à la maison ou dans un centre commercial à l'extérieur. C'est de permettre des activités à l'extérieur, de permettre aux enfants de se dépenser, d'avoir une activité sportive à l'extérieur, mais de ne pas procéder à des attroupements. Et d'ailleurs, je crois très sincèrement que nous avons aujourd'hui une certaine connaissance du virus et elle est collective c'est-à-dire qu'aujourd'hui plus personne ne peut dire " je ne sais pas " ou " je ne sais pas ce qu'il faut mettre en place " ou " je ne connais pas les mesures barrières " et donc on appelle à la responsabilité aussi de chacun. Le Gouvernement aujourd'hui ne peut pas aller dicter les comportements des uns et des autres. Avoir une certaine autorisation d'allées et venues mais on appelle à la responsabilité aussi des comportements.

PATRICK ROGER
Est-ce que justement il va y avoir davantage de patrouilles pour faire respecter et ne pas avoir d'attroupements dans les quartiers ? Vous êtes Ministre de la Ville, vous connaissez, vous savez qu'il y a des endroits où cela flambe un petit peu plus. Malheureusement en Seine-Saint-Denis, dans le Val-d'Oise… Comment faire face à cela ?

NADIA HAI
A Paris également. Parce que les attroupements devant les cafés, vous savez, mon ministère est dans le 7ème arrondissement et je vois aussi tous ces comportements.

PATRICK ROGER
Bien sûr. Mais quand on regarde le taux d'incidence, il est quand même plus élevé dans certains endroits que d'en d'autres ?

NADIA HAI
Oui, parce qu'en fait justement quand vous avez une concentration de population et donc évidemment que le taux va être plus important que là où vous avez un petit moins de personnes qui habitent à certains endroits. Vous savez, les habitants des quartiers sont tout autant responsables que le reste de la population. Je ne pense pas qu'il faut stigmatiser ou montrer du doigt, tel ou tel endroit.

PATRICK ROGER
Non mais c'est de faire respecter les règles.

NADIA HAI
Comme sur tout le territoire national.

PATRICK ROGER
Mais ce n'est pas toujours le cas partout quand même.

NADIA HAI
Mais évidemment, parce que vous avez toujours des comportements… Comme je vous le disais, j'ai encore assisté à des scènes où des personnes prenaient des cafés, devant ceux qui font de la vente à emporter, sans masques et dans le 7eme arrondissement de Paris. Donc je pense que là c'est vraiment un appel à la responsabilité de chacun, quelque soit son territoire et oui nous savons que c'est une situation qui n'est pas facile, que nous vivons depuis un an, c'est une situation malheureusement qui n'est pas qu'en France. Elle est partout dans le Monde. Certains pays reconfinement mais de manière beaucoup plus stricte que nous. Jusque-là, aujourd'hui, je pense très sincèrement que la gestion de la crise avec les paramètres dont on dispose et les informations dont on dispose, elle n'est vraiment pas si mauvaise que cela.

PATRICK ROGER
La France, pour la vaccination, est bien repartie. Cela est vrai. Maintenant, on verra s'il y a une confiance avec ce qui s'est passé avec ASTRAZENECA. Juste un dernier mot, parce que vous êtes francilienne, vous êtes Ministre de la Ville, puisqu'on dit que c'est à l'intérieur qu'il y a contamination, pourquoi on ne limite pas par exemple aussi une jauge dans les transports ? Les gens vont être bondés dans les trains aujourd'hui ? Ils sont dans des transports en commun, et c'est là ou il y a un risque de contamination très fort. C'est impossible à prendre de telles mesures ?

NADIA HAI
On appelle à la responsabilité encore une fois des uns et des autres et notamment des chefs d'entreprises, des responsables d'équipes pour tous ceux qui peuvent mettre en place le télétravail.

PATRICK ROGER
Pardon, ce ne sont pas les chefs d'entreprises, ce sont en fait les gens qui organisent les transports, la SNCF, la RATP… Les rames sont bondées.

NADIA HAI
Justement empêchons les allées et venues et aujourd'hui avec le confinement il faut avoir une très bonne raison pour se trouver dans les transports en commun.

PATRICK ROGER
Oui, il y en a beaucoup qui sont en train de quitter la région parisienne ou qui vont au travail.

NADIA HAI
Oui, aussi. Et ceux qui quittent pour des raisons professionnelles sont évidemment concernés par ces autorisations de sortie.

PATRICK ROGER
Nadia HAI, ces dernières semaines, cela a été le théâtre d'affrontement dans les quartiers entre bandes rivales ou contre les forces de l'ordre, on a vu des émeutes même avant-hier à Blois. Qu'est-ce que pouvez faire, vous avez annoncé le recrutement de 600 médiateurs ? Est-ce que c'est une réponse, une première réponse face à des difficultés justement sur le plan pénal et de la répression ?

NADIA HAI
D'abord, il faut rappeler que nous assistons là à une augmentation des actes et des niveaux de violences en tout cas qui sont liés à différents groupes. Cela a toujours existé, ces bandes rivales sur fond de trafic de stupéfiants. Aujourd'hui, on assiste à une violence qui est nouvelle, parfois une constitution de groupe de circonstances sur les réseaux sociaux pour s'adonner justement à des actes de violences. Il y a une féminisation aussi de ces actes de violences, un rajeunissement. Donc, on ne peut pas décorréler de tout ce qu'il se passe, c'est-à-dire qu'il y a un véritable phénomène d'isolement des jeunes qui se rabattent sur les réseaux sociaux, sur des jeux-vidéo de plus en plus violents. Donc, face à cela, la réponse elle ne peut pas être simple. Elle ne peut pas être tout-sécuritaire, c'est-à-dire de dire qu'on met beaucoup plus de forces de police supplémentaires. D'ailleurs, nous le faisons, nous mettons plus de forces de police sur le terrain, je rappelle qu'aujourd'hui il y a 62 quartiers de reconquête républicaine. Nous en avons annoncé sept supplémentaires, le 29 janvier dernier, ce qui représente 1 200 forces de police supplémentaires dans les quartiers prioritaires. Nous mettons en place des effectifs de police mais il faut aussi avoir cette démarche de prévention et de la prévention de la délinquance juvénile. On ne peut pas avoir cette réponse à la situation que nous connaissons sans ces deux jambes, si je puis dire, la prévention d'un côté et la sanction de l'autre. Donc voilà, c'est ce que nous faisons avec le déploiement de ces 600 médiateurs et éducateurs spécialisés.

PATRICK ROGER
Cela va commencer dans les jours qui viennent. Sur un plan psychologique, j'ai vu qu'il y avait une volonté d'accompagner les gens qui ont des difficultés dans les quartiers notamment et puis avec ce confinement qui peut d'ailleurs accroître la violence. Qu'est-ce que vous voulez déployer à ce niveau-là ?

NADIA HAI
Alors nous faisons à travers, au Ministère de la Ville, tout notre tissu associatif. Aujourd'hui, nous avons un tissu associatif extrêmement riche qui prend aussi certaines situations et qui répond justement à certaines situations. Donc, à ces associations, nous avons annoncé déjà il y a quelques mois, des fonds supplémentaires, je le rappelle, 20 millions d'euros à travers ce fonds Quartiers solidaires. Et dans quelques jours, quelques semaines, je vais aussi annoncer un deuxième fonds d'urgence pour les associations. Reste évidemment à déterminer le montant en fonction des besoins sur le territoire.

PATRICK ROGER
Ce sera quoi ? Ce seront des psys qui vont être déployés ?

NADIA HAI
Alors vous avez aujourd'hui des associations qui justement agissent. Mais on n'est pas encore sûr de l'aspect psychiatrie, on est encore sur la question de la santé mentale et comment on aère les esprits et comment aujourd'hui on libère les esprits de tout ce que nous connaissons aujourd'hui et de tout ce qui nous est imposé. Donc pour cela, vous avez des personnes qui agissent très bien. J'étais encore avec le monde culturel, les associations culturelles qui font ce travail aussi de prévention dans la santé mentale et donc c'est un ensemble d'acteurs qui agit pour répondre à ces situations. Le Gouvernement aujourd'hui soutient ces acteurs en plus de ce que nous faisons sur la question du ressort de la psychologie et là le ministère de la Santé a annoncé, il y a quelques semaines, le déblocage du fonds de 60 millions d'euros. Pour les quartiers, nous agissons aussi à travers le milieu associatif.

PATRICK ROGER
Nadia HAI, on a beaucoup parlé, il y a quelques jours, de « Portraits de France », c'est la promesse notamment d'avoir une liste de héros issus de la diversité, que les maires puissent piocher dans cette liste, il y a eu des polémiques autour de cela. Quels sont véritablement les critères ? Est-ce qu'il faut avoir « honoré », fait quelque chose d'honorable pour la France ?

NADIA HAI
Alors déjà, ce recueil, ce projet ne devrait donner lieu à des polémiques parce que s'il a bien un objectif, c'est celui de consolider notre unité nationale. L'objectif du recueil c'est de mettre à l'honneur des visages que nous n'avons pas forcement l'habitude de voir. Alors, il y a des visages très connus, il y en a d'autres que nous connaissons même pas du tout mais de dire que ces visages ont participé à l'histoire de France et donc on se doit aussi de mettre à l'honneur ces témoignages, ces parcours, qui à travers leurs engagements, à travers leurs arts, et parfois même jusqu'au péril de leur vie, ce sont engagés pour la France ou pour ses valeurs. Et donc ce recueil aujourd'hui, je mets au défi vraiment d'aller là aussi s'attaquer à tous les militaires qui ont donné leur vie et qui sont dans ce recueil. Aujourd'hui, il est temps je crois de les honorer, de faire en sorte que chaque citoyen de notre pays puisse se reconnaître dans ces visages qui aujourd'hui représentent aussi la République.

PATRICK ROGER
Mais ils doivent avoir fait quelque chose pour la France ou pas ?

NADIA HAI
Oui.

PATRICK ROGER
Habituellement, on donnait des noms de rue pour des personnes qui avaient fait quelque chose pour le pays.

NADIA HAI
Mais ils ont fait quelque chose à travers encore une fois leur engagement, à travers aussi la défense des valeurs françaises. Si je prends par exemple, juste Joséphine BAKER, qui dit : « j'ai deux amours, l'Amérique et Paris » et qui à travers son art est arrivée à Paris, en fuyant aussi une certaine privation de liberté, qui arrive ici et qui s'engage pour la France, pour défendre la liberté de la France. Si je prends Ouassini BOUARFA, ce jeune infirmier algérien, qui voit la France occupée et qui vit cela comme une véritable défaite pour la France et qui passe par les Antilles pour rejoindre l'équipe du Général DE GAULLE et mener l'offensive à travers et aux côtés du commando KIEFFER, je me dis, cela est un visage que la France doit connaître et que la France doit honorer, de cet engagement qui risquait sa vie pour la liberté de la France.

PATRICK ROGER
Donc vous dites que c'est une fausse polémique créée par exemple aussi par Bruno RETAILLEAU, le sénateur, qui dit que vous faites le jeu des coloniaux.

NADIA HAI
Vous savez, il y a ceux qui portent l'étendard de la division et Bruno RETAILLEAU, visiblement, vient de montrer qu'il était un de ceux-là et il y a ceux qui prônent l'unité nationale à travers ces différents parcours pour que chaque citoyen de la République puisse se reconnaître. Vous savez, il y a 318 portraits, moi je suis persuadé que n'importe quel citoyen aujourd'hui Français en ouvrant ce recueil trouvera un des portraits qui éveillera en lui un sentiment, un intérêt, une émotion et donc je pense que c'était aussi cela le but de ce recueil.

PATRICK ROGER
Dernière question avec Cécile DE MENIBUS.

CECILE DE MENIBUS
Oui, la présidente de l'UNEF a admis que son syndicat organisait des réunions interdites aux Blancs pour évoquer les discriminations entre personnes racisées donc forcément plusieurs personnalités de la droite réclament la démission de la présidente. Est-ce qu'aujourd'hui on peut faire des réunions entre Blancs ou des réunions entre personnes racisées sans être inquiétés ?

NADIA HAI
Dès lors que nous excluons, moi je ne suis absolument pas d'accord avec cela. Je prône justement une République inclusive. Là visiblement nous ne sommes pas dans des actes inclusifs et donc ceux qui prônent la division, moi justement je leur réponds par non seulement un message d'unité comme le fait le Président de la République, des actes aussi qui justement prônent cette unité nationale.

CECILE DE MENIBUS
Est-ce que du coup elle doit démissionner ?

NADIA HAI
Je n'ai à juger. Je crois qu'elle a été élue démocratiquement au sein de cette structure. A charge à eux de prendre cette décision. Mais en tout cas, si vous voulez vraiment mon avis personnel, je ne suis pas d'accord avec ce type de comportement qui là aussi prône la division et ce n'est pas tolérable aujourd'hui dans notre société.

CECILE DE MENIBUS
Et qui va à l'encontre de l'unité nationale.

NADIA HAI
Cela va complètement à l'encontre du message d'unité. Encore une fois, dès lors que vous excluez, nous ne sommes pas dans l'inclusion, nous ne sommes pas dans l'unité. Donc voilà, vous avez Bruno RETAILLEAU, visiblement d'un côté et vous avez la présidente de l'UNEF de l'autre.

PATRICK ROGER
Merci Nadia HAI, Ministre déléguée en charge de la Ville, qui était l'invitée, ce matin de SUD RADIO.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2021