Entretien de M. Franck Riester, ministre du commerce extérieur et de l'attractivité, avec RFI le 23 mars 2021, sur les relations avec la Chine, le commerce extérieur et l'épidémie de Covid-19.

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Intervenant(s) : 
  • Franck Riester - Ministre du commerce extérieur et de l'attractivité

Média : Radio France Internationale

Texte intégral

Q - Bonjour, Franck Riester.

R - Bonjour, Frédéric Rivière.

Q - L'ambassadeur de Chine en France va être convoqué au ministère français des affaires étrangères, après ses propos très peu diplomatiques à l'encontre d'un chercheur français jugé trop critique à l'égard de la Chine, il est notamment qualifié - je cite - de "petite frappe" ou de "hyène folle". La France pourrait-elle demander le renvoi de cet ambassadeur ?

R - Effectivement, l'ambassadeur de Chine en France est convoqué, ce matin, au Quai d'Orsay, pour des insultes et des menaces à l'encontre d'ailleurs, pas simplement d'un chercheur français, mais aussi de parlementaires...

Q - De parlementaires aussi.

R - C'est absolument inacceptable évidemment, en contradiction avec la Convention de Vienne, et les choses seront clarifiées auprès de lui, et toutes décisions peuvent être prises ; pour l'instant les décisions ne sont pas prises, nous aurons l'occasion avec Jean-Yves Le Drian de faire le point, dans la journée.

Q - Oui. Ça n'est pas la première fois que cet ambassadeur s'emporte, il y avait déjà eu un premier cas, notamment en avril dernier.

R - Oui, il n'est pas coutumier du fait, mais vraiment je crois que c'est en contradiction avec la volonté de créer des relations honnêtes, claires, directes, avec la Chine, d'entretenir des bonnes relations diplomatiques avec la Chine. On peut être, avec la Chine, déterminé à affirmer nos convictions, faire respecter l'Etat de droit, les droits de l'Homme ; vous avez vu hier que l'Union européenne a décidé un certain nombre de sanctions envers des dirigeants chinois, dans le cadre du non-respect des droits de l'Homme dans le Xinjiang. Pour autant, il semble nécessaire que les relations diplomatiques au quotidien avec l'ambassade de Chine se passent pour le mieux, ce n'est pas le cas, c'est la raison pour laquelle l'ambassadeur a été convoqué.

Encore une fois, c'est en contradiction avec toutes les pratiques diplomatiques, et cela doit être rappelé à cet ambassadeur.

Q - Est-ce qu'il est trop tôt pour parler de crise diplomatique avec la Chine, ou est-ce que nous sommes au début d'une crise ?

R - Je me méfie des mots. Ce qui est clair, c'est que nous affirmons avec la Chine, nos convictions. Nous les affirmons sur les droits de l'Homme, nous les affirmons sur le commerce, nous voulons un commerce qui soit beaucoup plus équitable, qui soit beaucoup plus réciproque, nous voulons que ce que nous permettons aux entreprises chinoises, en Europe, soit permis aux entreprises européennes en Chine ; nous nous battons contre les pratiques déloyales, notamment en matière de subventions et de dumping réalisées par la Chine.

Bref, nous voulons avec la Chine, des relations claires, directes, et avancer sur les différents sujets de contentieux, que nous avons avec la Chine, c'est important pour l'avenir de ces relations avec ce grand pays qu'est la Chine.

Q - Le commerce extérieur de la France n'est pas en très grande forme. Le déficit commercial de notre pays a augmenté de 7 milliards, en 2020. Est-ce que la crise sanitaire est en partie responsable de ce mauvais résultat ?

R - Oui, il est, bien sûr, responsable de ces résultats. Je rappelle qu'en 2019 les résultats étaient en amélioration, nous augmentions nos exportations, et réduisions notre déficit commercial, du fait des réformes engagées par le président de la République depuis 2017. Aujourd'hui c'est vrai que la situation est revenue à la normale début 2021, mais en 2020 nous avons été impactés par la crise sanitaire, notamment sur deux secteurs qui sont très importants pour nous à l'international : l'aéronautique sur les biens, avec un chiffre d'affaires divisé par deux quand même sur l'aéronautique, et puis pour les services, le tourisme qui a été impacté, la France est la première destination touristique du monde et quand il s'agit de tourisme, on comprend bien que la France est particulièrement impactée étant donné l'impact sur le tourisme.

Nous sommes pour autant encore une fois satisfaits de voir que les entreprises françaises à l'international ont été résilientes, mois après mois. Depuis la fin de la première vague, enfin, le pic de la première vague, les entreprises sont revenues à l'international, pour revenir aujourd'hui en janvier 2021 à l'étiage de janvier 2020, à 98% du chiffre d'affaires à l'export de 2020, avec un nombre d'entreprises similaire à celui qui était à l'export, en début d'année 2020.

C'est sûrement le fait, aussi, du plan de relance export que nous avons mis en place depuis l'automne qui vise à accompagner les entreprises à l'international, les inciter à, malgré la crise, saisir les opportunités qu'il y a sur les marchés mondiaux.

Q - La crise sanitaire n'explique pas tout cependant, puisque, par exemple, au sein de la zone euro, l'Allemagne, l'Espagne ou l'Italie, en 2020 ont maintenu leur position, en matière de déficit commercial.

R - Non, ils ont été impactés aussi. Ils ont été impactés aussi en volume d'export, mais effectivement, en termes de...

Q - Beaucoup moins.

R - D'équilibre commercial, ils ont été beaucoup moins impactés, pour les raisons que je viens de vous dire, essentiellement c'est...

Q - Le tourisme notamment.

R - Parce que l'on a des secteurs d'activité qui ont été particuliers, qui sont très fort à l'international et qui ont été particulièrement impactés par la crise, à commencer par l'aéronautique et le tourisme. Pour autant, on regardera, on continue de regarder avec lucidité la situation des différentes filières, et avec les différents professionnels concernés, avec des différents acteurs de la Team France Export, Business France, Bpifrance, les Chambres de commerce et l'industrie, nos représentations diplomatiques, les conseillers du commerce extérieur de la France, des Chambres de commerce et d'industrie françaises à l'international, de mettre en place des plans d'action spécifiques pour pouvoir retrouver de bonnes performances à l'international. Il n'y a pas de raison à ce que la France reste moins performante que d'autres pays à l'international.

Q - La ministre du Travail Elisabeth Borne est hospitalisée pour cause de Covid, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot a été testée positive, Bruno Le Maire, le ministre de l'économie a eu le Covid, vous-même vous avez attrapé la maladie, vous avez été, d'ailleurs, l'un des premiers au gouvernement, c'était lors de la toute première vague, en mars 2020...

R - Oui, il y a un an.

Q - C'est ça, et d'ailleurs vous avez eu une forme relativement sévère, est-ce que les membres du gouvernement sont trop exposés ?

R - Non, on n'est pas trop exposé, mais c'est vrai que nous avons des responsabilités qui nous amènent à voir du monde, et même si on respecte les consignes de sécurité, les gestes barrières, étant donné le volume de personnes que nous voyons, le nombre de personnes que nous voyons, c'est vrai que l'on est peut-être, comme d'autres d'ailleurs professions, plus exposés que certaines personnes qui ont la possibilité, soit dans leurs fonctions, soit dans leur situation personnelle, de pouvoir être plus isolées. Voilà, mais cela montre bien que ce virus touche tout le monde, personne n'est à l'abri de ce virus et qu'il faut donc absolument essayer de respecter au mieux toutes les consignes de sécurité. Le Premier ministre a rappelé hier les principes qui sont préconisés, après un an d'analyse du fonctionnement du virus, et qui permettent de mieux lutter contre la contamination du virus. Elles ont été rappelées hier, elles vont être rappelées, ces consignes, dans les jours qui viennent, parce qu'il y a évidemment, la solution principale, la vaccination...

Q - Franck Riester, vous trouvez que ces mesures sont totalement cohérentes ? Vous trouvez que ce qui a été annoncé est parfaitement cohérent ?

R - Ecoutez, ce week-end il y a eu quelques contradictions qui ont été bien expliquées hier et qui vont être précisées dans les jours qui viennent. Nous avons besoin de faire beaucoup de pédagogie, nous avons pris des décisions de restriction des déplacements de nos compatriotes pour limiter la circulation du virus, en nous appuyant sur ce que nous avons appris du virus, en territorialisant les mesures et en faisant en sorte de ne pas bloquer le pays, c'est-à-dire de continuer à envoyer nos enfants à l'école, en continuant de travailler, même si on préconise évidemment, et on demande que les entreprises mettent leurs salariés en télétravail, et en faisant en sorte de rappeler les gestes barrières et les mesures, tout simplement, de protection individuelle et collective.

Q - Merci, Franck Riester. Bonne journée.

R - Merci à vous.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 mars 2021