Texte intégral
MATTHIEU ROUAULT
Marlène SCHIAPPA. Bonjour.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
MATTHIEU ROUAULT
Ministre déléguée à la Citoyenneté. Merci d'être avec nous, nous allons parler du harcèlement scolaire, des violences conjugales, mais d'abord, un mot, vous avez vu ce documentaire, je ne suis pas une salope, je suis journaliste, Pierre MENES mis en cause, réagit hier soir : je regrette, mais on ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire dans le logiciel 2021.
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien, écoutez, si par-là, il entend qu'on ne peut plus agresser sexuellement des femmes en 2021, tant mieux, je m'en réjouis, c'est une bonne évolution, il n'y a pas de droit à agresser sexuellement ses collègues de travail, y compris quand on est un journaliste connu, donc moi, je voudrais saluer le courage des femmes journalistes sportives qui ont parlé de ce qu'elles vivaient, rappeler que ça s'inscrit dans un harcèlement sexiste systémique, c'est-à-dire, l'idée, c'est de dire qu'une femme n'est pas légitime pour parler de sport, et que, donc, on doit lui faire comprendre par tout moyen qu'elle est une intruse et qu'on la domine, y compris physiquement en l'agressant sexuellement, attraper les fesses d'une femme, comme cela a été dit, ou l'embrasser sur la bouche de force, en droit, c'est caractérisé par une agression sexuelle qui est caractérisée et qui doit être sanctionnée par des années de prison, des dizaines de milliers d'euros d'amende, c'est une peine grave…
MATTHIEU ROUAULT
Sauf que dans ce cas précis, Marlène SCHIAPPA, il n'y a pas eu de dépôt de plainte, est-ce que vous, au nom du gouvernement, vous exigez des sanctions, le départ de Pierre MENES ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, il y a deux choses, d'abord, il y a la sanction dite disciplinaire de l'employeur, l'employeur est responsable, et il doit créer des conditions de travail sereines pour les femmes sur le lieu de travail, et donc là, il y a une responsabilité de l'employeur d'une part, mais d'autre part, il y a effectivement une possibilité de déposer plainte, et dans ces cas-là, c'est aux victimes de décider si elles souhaitent déposer plainte, elles peuvent le faire via la plateforme " arrêtonslesviolences.gouv.fr " ou en se rendant dans un commissariat ou dans une gendarmerie, qu'elles soient connues ou pas, au demeurant, je me permets de le dire, parce qu'on a eu des femmes journalistes connues qui ont parlé, et c'est très bien, mais dans le monde de la télévision, il y a aussi des techniciennes, il y a aussi des maquilleuses, il y a aussi des programmatrices qui peut-être se disent que parce qu'elles ne sont pas connues, elles ne seront pas entendues, je veux leur dire qu'elles seront également bien reçues par la police et la gendarmerie si elles souhaitent déposer des plaintes.
MATTHIEU ROUAULT
Est-ce que vous exigez des sanctions ou le départ de Pierre MENES, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, moi, je ne suis pas directrice de chaîne, ni directrice de programme, je n'ai pas à exiger le départ de qui que ce soit, en revanche, j'appelle à une véritable prise de conscience dans le monde sportif et dans monde de la télévision en général, ce n'est pas parce qu'on est dans une émission en direct qu'on ne peut se permettre de tout faire et qu'il n'y a plus de loi, plus de règles, donc moi, j'appelle le monde de la télévision à une véritable prise de conscience sur les limites qui existent. Je crois qu'il y a des jeunes, on va parler de la violence entre les plus jeunes tout à l'heure, il y a des jeunes qui regardent ces émissions…
MATTHIEU ROUAULT
Oui, dans un instant…
MARLENE SCHIAPPA
C'est un modèle terrible qui leur est proposé par ce type d'action.
MATTHIEU ROUAULT
La direction de Canal + qui a tenté d'étouffer, en tout cas, ou qui a coupé certains extraits de ce documentaire qui concernaient Pierre MENES, ils sont complices, les dirigeants de Canal + ?
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien, moi, je trouve que c'est un petit peu injuste, si vous voulez, parce que Canal + a quand même été lanceur d'alerte, c'est-à-dire, c'est Canal + qui a décidé de diffuser ce documentaire, en connaissant parfaitement les répercussions qui pouvaient exister en ne tronquant pas les faits, et les extraits sont sortis ensuite, donc après, c'est vraiment encore une fois à chacun de prendre ses responsabilités, mais moi, je pense qu'il y a d'autres Pierre MENES, donc là, on parle aujourd'hui de Pierre MENES parce qu'il y a des vidéos et parce qu'il y a des femmes qui ont parlé, et parce qu'il y a eu… c'est-à-dire, des extraits ont été coupés, donc on en parle encore plus. Il y a d'autres Pierre MENES dans le monde de la télévision, et je souhaite qu'ils sachent que leur notoriété ne les protège pas, effectivement, quand Pierre MENES dit en 2021, on ne peut plus faire ça, oui, effectivement, je souhaite qu'en 2021, les personnes, les personnalités, les journalistes célèbres ne soient plus protégés par leur notoriété, la notoriété, ce n'est pas un pass et un permis d'agresser sexuellement ses collègues de travail.
MATTHIEU ROUAULT
Marlène SCHIAPPA, nous nous souvenons tous, c'était le 8 mars dernier, la mort d'Alisha, 14 ans, frappée, noyée dans la Seine par deux élèves de son établissement à Argenteuil, vous réunissez des associations, une association de lutte contre le harcèlement en ligne, des professionnels, la préfecture, des militants pour mettre en place un comité de parents, parce que, dites-vous, les parents sont démunis, mais doivent être responsables ; à quoi va servir ce comité de parents, est-ce qu'il sera suffisant pour éviter de nouveaux drames ?
MARLENE SCHIAPPA
D'abord, vous avez raison de rappeler ce qui s'est passé pour la jeune Alisha, c'est un acte ignoble, et en tant que mère, je veux évidemment adresser des pensées de solidarité et de soutien à ses proches. Et en tant que ministre, je veux leur dire…
MATTHIEU ROUAULT
Vous avez des nouvelles ?
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien, la jeune Alisha, elle est décédée, elle a été tuée…
MATTHIEU ROUAULT
Des proches…
MARLENE SCHIAPPA
Et les proches, en ce qui les concerne, oui, les services de l'Etat sont en contact avec eux, mais je veux dire surtout en tant que ministre que je veux que la sanction soit exemplaire vis-à-vis du ou des assassins de cette jeune fille de 14 ans. Et donc nous devons tout faire pour mieux protéger la jeunesse face au fléau du harcèlement et face au fléau des violences. Et donc il y a beaucoup d'initiatives qui existent, pour répondre à votre question, et moi, je veux créer ce matin un comité des parents contre le harcèlement qui s'inscrit au ministère de l'Intérieur, dans le cadre de notre stratégie de prévention de la délinquance, qui est une stratégie orchestrée par les services de l'Etat, la police, la gendarmerie, le CIPDR, etc, et je réunis donc des associations…
MATTHIEU ROUAULT
Concrètement, Marlène SCHIAPPA, parce que je lis : proposer de nouveaux outils, concrètement ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, concrètement, je vais vous expliquer ce qui va se passer, ce matin, je réunis des associations comme e-Enfance, l'UNAF, Génération numérique et d'autres, et des personnalités qualifiées, notamment par exemple un expert en neurosciences qui va nous expliquer ce qui se passe dans la tête d'un enfant qui participe à un phénomène de harcèlement. Et concrètement, ce comité des parents contre le harcèlement, il a vocation à outiller les parents, parce que, moi, j'observe, j'ai présidé pendant 10 ans une association de mères de famille, et moi, j'observe que les parents parfois sont dépassés et voudraient bien faire, mais méconnaissent les phénomènes de harcèlement ; vous savez, on se projette toujours en disant : j'espère que mon enfant n'est pas harcelé à l'école, mais on ne se pose jamais la question ou rarement de savoir si notre enfant participe à des phénomènes de harcèlement ou harcèle d'autres enfants, et donc on va aborder aussi ces questions tabous et créer des outils pour aider les parents…
MATTHIEU ROUAULT
D'autant plus, Marlène SCHIAPPA, avec l'essor des réseaux sociaux, je vois encore Facebook qui envisage une version d'Instagram pour les enfants, j'ai vu cette proposition d'un collectif de parents, vous parliez des parents d'élèves, interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans, est-ce que c'est une bonne idée, est-ce que c'est une solution, est-ce que ça vous parait réaliste ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi, vous savez, je dis, alors, d'abord, les enfants et les ados, à notre époque, ils trouvent toujours un moyen de contrer les interdictions technologiques, parce qu'ils sont bien meilleurs que nous technologiquement, il faut quand même se le dire et se l'avouer. Moi, je voudrais vous dire, j'étais en déplacement avec Brigitte MACRON, la semaine dernière, nous sommes allés à l'Office central qui lutte contre les pédocriminels, et nous avons eu une démonstration en ligne glaçante d'un officier de police qui a créé un profil disant qu'il était une petite fille de 12 ans, et il nous a dit maintenant vous allez voir ce qui va se passer, et ce qui se passe, c'est que la petite fille de 12 ans sur un chat, un chat destiné aux adolescents, eh bien, elle est sans cesse sollicitée, y compris par des adultes, y compris par d'autres jeunes qui lui demandent des photos dénudées, donc moi, je le dis aux parents, parents, intéressez-vous à ce qui se passe dans les écrans de vos enfants, allez voir les historiques, mettez des contrôles parentaux, regardez dans les téléphones les messages qui sont échangés…
MATTHIEU ROUAULT
Ce sont les seuls à pouvoir agir, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce ne sont pas les seuls, mais je trouve que souvent, on attend beaucoup de l'Education nationale, et l'Education nationale est très mobilisée, je veux saluer Jean-Michel BLANQUER, mon collègue, qui fait un gros travail là-dessus, mais les parents ont aussi un rôle, je crois que l'école, elle instruit, les parents, ils éduquent, et donc, il faut utiliser les familles et les parents pour qu'ils puissent pleinement jouer leur rôle, s'intéresser au sujet, par exemple, on va créer une grille d'évaluation du harcèlement sur le modèle de la grille d'évaluation du danger, que nous avons créée pour les violences conjugales ; ce sera une série d'une trentaine de questions, un guide pédagogique, que les parents pourront utiliser pour interroger leurs enfants sur ce qui se passe à l'école, parce que si vous dites à votre enfant : est-ce que tu es harcelé ou est-ce que tu es un harceleur, il va vous répondre non dans les deux cas, mais un enfant qui harcèle et un enfant qui est harcelé, ce sont des enfants qui sont entre souffrance et qu'il faut prendre en charge, et ça, ça se fait en amenant des questions subtiles…
MATTHIEU ROUAULT
Marlène SCHIAPPA, vous parliez de Jean-Michel BLANQUER, de l'Education, accueillons une enseignante, Sylviane nous appelle depuis la Savoie, Sylviane, bonjour.
SYLVIANE
Oui, bonjour.
MATTHIEU ROUAULT
Vous êtes enseignante, un autre débat au sein du Conseil scientifique, au sein du gouvernement, je reposerai la question à Marlène SCHIAPPA dans un instant, est-ce qu'il faut vacciner en priorité les enseignants, qu'en dites-vous, Sylviane ?
SYLVIANE
Oui, moi, personnellement, j'ai malheureusement contracté la Covid avant les vacances de février, et je suis maintenant considérée Covid long, j'ai beaucoup de conséquences dues à mon infection par la Covid, et je suis totalement pour la vaccination en priorité des enseignants, parce qu'on a beau dire qu'on n'est pas plus à risque que les autres, on est en contact permanent, et particulièrement dans les lycées, donc je pense qu'il est urgent qu'on nous prenne en considération vraiment et qu'on s'occupe de nous.
MATTHIEU ROUAULT
Marlène SCHIAPPA, est-ce qu'il faut vacciner en priorité les enseignants ou d'autres professions exposées comme les forces de l'ordre, dont vous avez la charge, au ministère de l'Intérieur ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, à ce stade, ce qui a été décidé en termes de stratégie de vaccination, c'est de vacciner en priorité les plus âgés et les plus fragiles, mais bien sûr qu'il faut vacciner les enseignants. Alors, je réponds à votre question, bien sûr qu'il faut vacciner les enseignants, et cela arrive, puisque nous voulons avoir vacciné d'ici la mi-avril au moins 10 millions de personnes, c'est-à-dire la totalité des personnes vulnérables qui ont envie d'être vaccinées, et ensuite, d'ici mi-mai, au moins 20 millions de personnes, et donc à mi-juin, nous arriverons aux deux tiers de la population de plus de 18 ans évidemment avec les enseignants, on ne trie pas les gens…
MATTHIEU ROUAULT
A ce stade, le gouvernement n'envisage pas de revoir sa stratégie vaccinale ?
MARLENE SCHIAPPA
On ne trie pas les gens en fonction de leur profession, il y a une priorisation sur les personnes fragiles, mais, moi, je voudrais saluer en tant que ministre et en tant que mère, je voudrais saluer les enseignants qui sont tous les matins au front et qui viennent continuer à enseigner, à prendre en charge les enfants, à faire leurs missions, et ça, c'est très positif, et je voudrais adresser aux enseignants un message de soutien pour le travail qui sont en train de mener.
MATTHIEU ROUAULT
Marlène SCHIAPPA, ministre déléguée à la Citoyenneté, merci beaucoup d'avoir été avec nous sur RMC et avoir répondu à toutes nos questions.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 mars 2021