Interview de M. Gerald Darmanin, ministre de l'intérieur, à BFM TV le 24 mars 2021 sur l'épidémie de Covid-19, les tensions avec la Turquie et la dépénalisation des drogues au Portugal.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN, bonjour.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Conseil de défense sanitaire tout à l'heure. Combien de départements vont-ils être ajoutés à la liste des 16 départements déjà soumis à des restrictions sanitaires ?

GERALD DARMANIN
Je ne sais pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
De nouveaux départements ?

GERALD DARMANIN
Je ne sais pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne savez pas.

GERALD DARMANIN
On a un conseil de défense. Dans ce conseil de défense, on en discute, éclairés par les avis de chacun et puis le président…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que les chiffres sont inquiétants dans de nouveaux départements.

GERALD DARMANIN
On s'aperçoit, et chacun le voit, chacun le voit par ses amis, par ses proches, le lit dans la presse locale évidemment, le voit à la télévision, chacun voit que le Covid prend de nouveau une sorte d'expansion et c'est très inquiétant. Moi je vois à Tourcoing par exemple, tous les jours les médecins relayent le fait qu'il n'y a plus de lits de réanimation de libres. Et donc ça, ça nous inquiète tous collectivement en effet.

JEAN-JACQUES BOURDIN
" Freiner sans enfermer ", c'était le slogan de la semaine dernière. Le nouveau c'est " dedans avec les miens, dehors en citoyen ". Week-end de Pâques, est-ce qu'il y aura un allégement des mesures de restriction pendant le week-end de Pâques ?

GERALD DARMANIN
Non, en tout cas pas dans les départements concernés. Les offices religieux pourront se tenir dans les horaires qui sont prévus avant le couvre-feu donc avant 19 heures. Le Premier ministre a eu l'occasion de préciser ce matin que dans les églises notamment, on devait avoir évidemment deux chaises entre deux entités familiales, entre deux personnes pour éviter les contaminations. Mais ces offices religieux peuvent se tenir, c'est une bonne chose, et on encourage les citoyens, nos compatriotes à ne pas se regrouper pour ce week-end malheureusement pendant quelques jours qui viennent, parce que cette lutte contre le Covid chacun en a une petite victoire au bout de son comportement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les repas familiaux, comment devront-ils se dérouler ?

GERALD DARMANIN
Il faut les limiter. Il faut que ça reste dans la stricte intimité familiale de la maison, de l'appartement, et ne pas recevoir ses amis, ne pas recevoir sa famille, ne pas se déplacer. Je sais que c'est particulièrement frustrant, particulièrement fatigant, particulièrement triste pour une grande partie des familles françaises - notamment des grands-parents qui veulent voir leurs enfants…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc impossible de partir en week-end si je suis dans l'un des 16 départements concernés par les restrictions actuelles.

GERALD DARMANIN
Ce n'est pas motif impériaux ou professionnels. On a encore devant plusieurs semaines difficiles. Chacun le sait. Par ailleurs, la vaccination prend de l'essor et ça, c'est un point très important : la lumière, elle est au bout du tunnel. Mais on sait tous, et on a vécu la même chose l'année dernière et tous les pays vivent la même chose, tous les pays européens vivent la même chose, tous nos voisins vivent la même chose : on a plusieurs semaines encore difficiles et nous devons absolument, par nos comportements, éviter la propagation du virus. Parce que ce virus il tue et il tue tous les jours.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le comportement, vous en parlez. Le carnaval clandestin organisé à Marseille, des responsables poursuivis ?

GERALD DARMANIN
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quels responsables ? Les organisateurs de cette manifestation ?

GERALD DARMANIN
Oui, sous l'autorité du procureur de la République en ce moment même il y a une enquête. Evidemment les services policiers sont à ses ordres pour identifier ces responsables. Et j'espère pouvoir les faire poursuivre par l'action publique du procureur de la République parce que cette responsabilité, elle est immense. Et puis par ailleurs, il y a eu dans ce carnaval - je mets des guillemets - assez funeste dont nous espérons tous qu'il n'aura pas été un lieu de contamination accélérée…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On n'en sait rien pour l'instant.

GERALD DARMANIN
Il y a eu des interpellations. On n'en sait rien. Il y a eu de nombreuses interpellations. Il y a des gens qui aujourd'hui sont en privation de liberté en attendant des comparutions immédiates qui vont arriver aujourd'hui et puis des verbalisations. Et moi je voudrais dire à quel point j'ai été choqué, comme tous les Français, par ces images et je voudrais remercier les policiers. Parce que vous savez les policiers et les gendarmes, tous les jours ils sont sur le terrain. Ils essaient de faire des contrôles pédagogiques, de protéger nos concitoyens et ils sont eux-mêmes touchés par le Covid.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir aussi.

GERALD DARMANIN
Il y a un gardien de la paix - j'ai appris ça hier par exemple - qui est décédé du Covid. Je pense à sa famille et je pense que tous ces comportements comme ce carnaval sont irresponsables. Et chacun doit, alors qu'on a tous envie de revivre comme avant, être responsable.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai que vous êtes opposé à la mise en place d'attestation obligatoire de sortie dans le périmètre de 10 kilomètres ? C'est vrai ou pas ?

GERALD DARMANIN
Non ce n'est pas vrai.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai lu cela.

GERALD DARMANIN
Oui, vous savez, on lit beaucoup de choses.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, c'est faux.

GERALD DARMANIN
Moi j'accompagne toutes les décisions prises par le Premier ministre et par le gouvernement. L'attestation a été simplifiée, c'est une bonne chose. Ce week-end a surtout été un week-end de pédagogie par les forces de l'ordre. Je les en remercie. J'ai demandé aux préfets, notamment dans les 16 départements concernés, pédagogie dans la journée, fermeté après 19 heures pour le couvre-feu - ce qu'ils arrivent à faire et je les en remercie - et désormais il y a eu 50 000 contrôles ce week-end.

JEAN-JACQUES BOURDIN
50 000 contrôles ce week-end.

GERALD DARMANIN
Il y a 6 500 verbalisations par les forces de police, mais dans la journée il faut évidemment beaucoup de pédagogie et il a fallu effectivement s'adapter à cette nouvelle attestation qui est très simplifiée. A plus de 10 kilomètres on a une attestation ; à moins de 10 kilomètres on a un justificatif de domicile. Quand on va chercher son pain, quand on va au marché, quand on va chercher ses enfants à l'école, quand on va se promener - parce que vous avez vu qu'il n'y a plus d'horaires désormais qui est limité - on a besoin juste de sa carte d'identité ou d'un justificatif de domicile. Ça aide tout le monde à comprendre ces règles.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Si je travaille à plus de 10 kilomètres, j'ai besoin d'un justificatif de mon employeur. Si je n'ai pas d'employeur, je remplis moi-même une attestation. C'est cela ?

GERALD DARMANIN
Exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est comme ça que ça fonctionne. Trajet entre domicile-école, même chose. Si je suis étudiant, je demande à mon université une attestation. C'est bien cela ?

GERALD DARMANIN
C'est ça. On doit avoir au maximum le justificatif de ses déplacements.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le problème c'est que je peux aller à Madrid mais je ne peux pas sortir de ma région.

GERALD DARMANIN
Oui. On en discute aujourd'hui avec le cabinet du Premier ministre, avec le ministère de l'Intérieur et le ministère des Transports. On doit garder des motifs impérieux pour un certain nombre de personnes, notamment professionnels, et on ne doit pas pouvoir - en tout cas moi je pense - faire des déplacements internationaux en effet.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'on va limiter les déplacements internationaux ?

GERALD DARMANIN
Ecoutez, nous l'étudierons notamment ce matin dans ce conseil de défense. Et il faut à la fois prendre en compte les motifs professionnels, les motifs estudiantins, les motifs impérieux de famille. Parfois on se rend dans un pays étranger notamment pour des raisons de défunts, notamment pour des raisons d'accompagnement d'une famille et donc il faut qu'on puisse là encore pouvoir réglementer les choses pour éviter ces déplacements. Moi je dis aux Français que sur les quelques jours, les quelques semaines qui viennent, nous avons encore un effort, un petit effort à faire et je sais qu'il est difficile. Vous savez, les gens qui vivent dans des petits appartements, dans des petites maisons avec de nombreux enfants, qui n'ont pas vu leurs parents ou leurs grands-parents depuis très longtemps, qui se posent la question de savoir quand est-ce qu'ils vont retrouver cette chaleur familiale qui est indispensable pour chacun d'entre nous, je comprends leurs difficultés et je comprends l'énervement. Je comprends les étudiants qui ne connaissent pas la vie étudiante que nous avons connue, qui ne connaissent pas la faculté telle que nous n'avons connue, qui ne peuvent pas travailler, trouver de stage, mais c'est une question de vie ou de mort pour la plupart de nos concitoyens de ne pas propager ce virus. Et donc quelques semaines d'efforts et, nous l'espérons et nous le savons, la vie redeviendra comme avant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais Gérald DARMANIN, est-ce qu'il n'y a pas un peu d'infantilisation quand même de notre société, franchement, des citoyens français ? Avec ces histoires d'attestation. Franchement, franchement, on ne peut pas faire confiance. On ne peut pas faire confiance aux Français ?

GERALD DARMANIN
Mais moi je comprends ce que vous dites et on peut toujours faire confiance évidemment à nos concitoyens.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne faites pas confiance ?

GERALD DARMANIN
Mais si, nous faisons confiance aux Français ! Mais en même temps, monsieur BOURDIN, regardez ce qui s'est passé à Marseille. Est-ce que vous trouvez normal…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas une attestation qui empêchera 6 000 personnes ou moins ou 4 000…

GERALD DARMANIN
En l'occurrence on est d'accord qu'à Marseille, il n'y avait pas les mesures prises pour les restrictions avec cette attestation mais regardez quand même : plus de 6 000 personnes spontanément qui se regroupent et qui se contaminent les uns les autres, avec des familles. Voilà, franchement on peut considérer tous que ça ruine le travail des soignants dont je rappelle qu'une partie d'entre eux quand même sont morts à l'hôpital. Des policiers et des gendarmes, les agents du service public qui sont contaminés lorsqu'ils font ces contrôles. Et vous savez, quand on a la chance d'être bien portant et jeune - même si le Covid touche évidemment les plus jeunes d'entre nous et touche d'abord les plus fragiles ; d'abord les personnes âgées, des personnes qui ont des comorbidités, des personnes qui ont déjà des difficultés de l'espérance de vie – c'est un geste égoïste que de vivre en se foutant des autres. Voilà. Donc je pense qu'il faut à la fois un bon équilibre entre la nécessaire gravité et donc l'attestation, et donc les mesures, et en même temps la liberté laissée à nos concitoyens. Ce que nous avons fait : nous ne limitons plus dans le temps la sortie du dehors. C'est quand même une avancée considérable de dire désormais on a le droit à autant de temps que l'on veut dans la mesure de 19 heures dehors.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Heureusement ! Heureusement que vous avez changé cette attestation calamiteuse de samedi dernier, Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Mais monsieur BOURDIN, que font nos voisins autour de nous ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, que font-ils ?

GERALD DARMANIN
Nos voisins autour de nous, si je regarde, ils vaccinent un peu moins que nous. Ils ont fermé les écoles.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout dépend des voisins.

GERALD DARMANIN
Je peux en parler. Donc si je prends par exemple l'Italie, si je prends l'Espagne, si je prends l'Allemagne. Si je regarde, monsieur BOURDIN, les écoles : ça fait des semaines parfois des mois que l'école est fermée chez quasiment tous nos voisins. La France est le pays qui a laissé ses écoles ouvertes. Je crois qu'à la fois pour les parents bien évidemment, pour le monde du travail, mais pour les enfants c'est une victoire éducative extraordinaire et je remercie les enseignants. Regardons monsieur BOURDIN, le soutien économique que nous apportons aux commerces et aux entreprises de France. Je sais qu'elles souffrent mais le chômage partiel est payé. Les commerçants ont des aides tous les jours. Il n'y a pas eu aujourd'hui les grandes faillites que nous connaissons dans d'autres pays à l'étranger. Alors oui, nous ne faisons pas tout bien. Bien sûr qu'on peut améliorer la communication, éviter plus l'infantilisation, ne pas trouver des mots blessants. On peut toujours faire mieux et moi le premier, mais regardez ce que fait la France. Soutien économique dont beaucoup - quasiment tout le monde - nous envient l'action économique. Soutien, je voudrais le dire à un point extrêmement important, éducatif : les écoles sont restées ouvertes quand tous nos voisins les fermaient. Et une vaccination qui pourrait toujours aller plus vite évidemment, mais qui est supérieure à celle de nos voisins. 12 % de la population majeure a été vaccinée en première dose en France.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot quand même sur ce qui s'est passé samedi parce que je tiens et nous tenons à la transparence, Gérald DARMANIN. Colère d'Emmanuel MACRON lorsqu'il a découvert ce fameux formulaire d'attestation. Qui est à l'origine de l'attestation d'ailleurs ? Qui l'a rédigée ?

GERALD DARMANIN
C'est l'ensemble du gouvernement. Moi je prends ma part également de responsabilité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous saviez ? Vous saviez ? Vous l'avez découverte samedi ?

GERALD DARMANIN
Jeudi le Premier ministre a annoncé des mesures d'urgence. Vendredi le décret a été publié et il fallait bien que des gens dans la nuit de vendredi à samedi écrivent une attestation. Donc nous aurions dû tous regarder les choses sans doute bien en amont. Dès 9 heures du matin, les modifications étaient en cours d'être apportées et les contrôles qui ont été faits - moi je le dis à tous les Français : j'ai moi-même appelé les 16 préfets qui étaient concernés - étaient des contrôles pédagogiques. Voilà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas sanctionnés.

GERALD DARMANIN
Et dans l'après-midi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Compte tenu du texte, vous n'avez pas sanctionné samedi.

GERALD DARMANIN
De manière générale dans le week-end, nous n'avons pas sanctionné sauf quand manifestement les gens étaient de mauvaise foi. Donc moi je donne des consignes de pédagogie. Et après, je le redis, dans des conditions d'extrême urgence notre travail à tous c'est d'expliquer à nos concitoyens, faire confiance à nos concitoyens, que chacun des comportements peut empêcher la propagation de la maladie.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN, parlons de la vaccination. Quand vont ouvrir les 35 vaccinodromes annoncés ?

GERALD DARMANIN
Alors dans les jours qui viennent. Moi en ce qui concerne les pompiers qui sont sous l'autorité du ministre de l'Intérieur et des présidents de département que je voudrais remercier, nous allons ouvrir 38 vaccinodromes qui pourront…

JEAN-JACQUES BOURDIN
38 ?

GERALD DARMANIN
38, dans le mois d'avril qui arrive, dans les toutes prochaines heures, tout prochains jours. Chacun pourra avec 25 000 sapeurs-pompiers et les associations qui font de la sécurité civile vacciner jusqu'à 2 000 personnes par jour - par semaine, pardon - dans ces vaccinodromes, ce qui fait plus de 500 000 vaccinations par semaine. Rien que dans ces vaccinodromes, 10 pompiers – sécurité civile - et une centaine de lieux de vaccination mobiles pour aller notamment dans les territoires les plus ruraux. Donc nous avons une grande mobilisation à la demande du président de la République qui correspond à l'arrivée des vaccins, et nous formons - je l'ai dit - plus de 25 000 pompiers pour qu'ils puissent le faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors vous formez des pompiers. Les pompiers vont donc pouvoir vacciner et certains pompiers iront à la rencontre des personnes de plus de 75 ans qui sont isolées, qui n'ont pas de médecin référent…

GERALD DARMANIN
Exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui qui ne peuvent pas se rendre dans un centre de vaccination. C'est bien cela ?

GERALD DARMANIN
Alors ils le font déjà mais là ce sera généralisé.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera généralisé. Mi-avril avril, fin avril pourront être vaccinées les personnes ayant un métier exposé. C'est ce qu'a dit le président de la République. Alors les enseignants et les forces de l'ordre et les policiers et les gendarmes. J'ai lu les demandes des syndicats de policiers qui demandent à être vaccinés prioritairement. Seront-ils vaccinés ?

GERALD DARMANIN
Il faut être juste. Jusqu'à présent nous avons réservé les vaccins aux personnes les plus sensibles, notamment les personnes très âgées, les personnes qui avaient des comorbidités. J'avais dit à l'époque, comme Jean-Michel BLANQUER l'avait dit aux enseignants, il n'y a pas de filière métier, il n'y a que par âge et par comorbidité. Un policier qui avait une comorbidité pouvait se faire vacciner à ce moment-là. Le président de la République hier à Valenciennes a ouvert la voie qu'à la fin du mois d'avril, lorsque nous aurons les vaccins en nombre, on pourra faire des filières métiers particulièrement exposés - les enseignants - et il y aura bien évidemment les forces de l'ordre, les policiers et les gendarmes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
A la fin du mois d'avril, les policiers et gendarmes seront vaccinés.

GERALD DARMANIN
Ils pourront faire partie des métiers qui seront concernés parce qu'ils sont particulièrement exposés. Je l'ai déjà dit.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel que soit leur âge, Gérald DARMANIN ?

GERALD DARMANIN
Mais le ministère de l'Intérieur ne va pas porter particulièrement une mesure. Ce sera la même que pour tout le monde. Que pour les enseignants et que pour tous les métiers dits exposés. Donc le président de la République hier a effectivement évoqué les métiers exposés : il y a les enseignants et il y a des forces de l'ordre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a les enseignants, il y a les forces de l'ordre, policiers et gendarmes donc.

GERALD DARMANIN
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que je regardais, rien que dans les Alpes-Maritimes, 30 policiers nationaux qui sont touchés par le virus.

GERALD DARMANIN
Il y en a beaucoup.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien en France ? Est-ce qu'on sait le pourcentage ? Non ?

GERALD DARMANIN
C'est un chiffre que je ne souhaiterais pas vous donner.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord.

GERALD DARMANIN
Mais ce qui est certain, c'est qu'ils sont nombreux et je voudrais remercier d'ailleurs tous ceux qui travaillent, si j'ose dire, avec les difficultés de pouvoir se dire qu'ils peuvent ramener le Covid chez eux. Moi je voudrais vraiment remercier les policiers et gendarmes pour leur abnégation, leur sens du service public et puis les collègues qui travaillent pour remplacer ceux qui sont aujourd'hui covidés. Il y a des commissariats - je pense par exemple à Asnières en ce moment même - où il y a des difficultés très fortes, où on doit obliger… La préfecture de police réorganise le service et c'est le cas dans tous les services du ministère de l'Intérieur. Je leur ai donné des consignes encore hier de télétravail pour toutes les administrations qui peuvent le faire, et aussi de dédoublement des services de commandement pour que, si jamais il y a quelqu'un en responsabilité qui est covidé, on connaisse le chef ou la cheffe qui peut le remplacer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN, est-ce que les élections régionales et départementales, auront lieu les 13 et 20 juin ?

GERALD DARMANIN
Aujourd'hui, le décret de convocation des électeurs est pris, et la loi de la République prévoit qu'elles se tiennent les 13 et 20 juin. Le Comité scientifique rend, et c'est la loi, elle a été voté cette disposition, au 1er avril un rapport, c'est dans quelques jours, qui expliquera si nous pouvons, chacun se rappelle des élections municipales, monsieur BOURDIN, si nous pourrons tenir ou pas ces élections dans des conditions sanitaires. Et le Premier ministre ce matin dans Le Parisien a eu l'occasion de dire que, une fois que l'on aura ce rapport, nous ferons une consultation des forces de politiques, et le Parlement monsieur BOURDIN, le Parlement prendra la décision…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui décide ?

GERALD DARMANIN
Mais c'est le Parlement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les scientifiques ou les politiques ? C'est le Parlement qui décidera ?

GERALD DARMANIN
Non mais nous sommes éclairés par les scientifiques, et c'est une disposition législative, ce sont les parlementaires qui pourront s'ils le souhaitent modifier les dates des élections régionales et départementales.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Par un vote.

GERALD DARMANIN
Par définition, les parlementaires votent…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, par un vote. Et pour changer les dates ?

GERALD DARMANIN
Après une consultation de l'avis médical, on l'aura le 1er avril…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'aurez, vous l'aurez. Je peux vous dire que le Conseil scientifique va émettre des réserves, c'est ce que je disais hier Arnaud FONTANET qui était à votre place, et qui est membre du Conseil scientifique.

GERALD DARMANIN
Ecoutez, vous êtes plus renseigné que le ministre de l'Intérieur, ce qui ne m'étonne pas de vous, mais on verra bien. En tout cas, moi je pense qu'il faut le faire calmement, il faut le faire évidemment en respectant les…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous êtes favorable au maintien des élections ?

GERALD DARMANIN
… forces démocratiques. Moi je n'ai pas d'avis à donner…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'avez pas d'avis.

GERALD DARMANIN
Parce que je suis le ministre en charge de l'organisation des élections, qu'est-ce qu'on dirait si à votre plateau je donnai mon avis personnel sur ce point ? Ce qui est certain, c'est qu'il faut le faire dans des conditions à la fois démocratiques. Ce qui est important, ce n'est pas tellement le vote, que la campagne, on sait, toutes les villes de France et tous les maires de France, et je les en remercie, savent organiser un vote dans des conditions sanitaires me semble-t-il acceptables, même s'il y a un double vote, vous le savez aujourd'hui, départementales et régionales.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ce n'est pas plus dangereux que d'aller acheter son pain.

GERALD DARMANIN
Mais c'est la campagne électorale monsieur BOURDIN, c'est la campagne électorale, mais indépendamment de ça à moi je me rappelle les élections municipales. J'étais candidat à l'époque, beaucoup de gens ont dit : mais pourquoi vous n'avez pas eu d'avis scientifique, pourquoi vous n'avez pas empêché de reporter des élections ? Donc il y a toujours une volonté dans ce pays sans doute de dire l'inverse de ce que souhaite faire sans doute un gouvernement, c'est normal ; c'est la vie démocratique. Le président de la République et le Premier ministre ont dit une chose claire : rapport scientifique le 1er avril, prévu par la loi, discussions avec les forces politiques dans les heures, dans les jours qui suivront. Et s'il y a modification des dates des élections, elle ne peut avoir lieu que par le Parlement, par un vote.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Parlement, d'autres pays ont réussi à organiser des élections, je pense au Portugal, je pense aux Pays-Bas…

GERALD DARMANIN
Mais d'autres les ont reportées, l'Italie, l'Italie vient de les reporter…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, l'Italie les a report »es. Bien. Si elles sont reportées à l'automne, ce qui est possible, Gérald DARMANIN, est-ce qu'elles seront couplées à un éventuel référendum sur le climat ?

GERALD DARMANIN
Non mais là vous partez assez loin, monsieur BOURDIN, voilà, donc je n'en sais rien. Aujourd'hui, là l'état actuel du droit c'est que les 13 et 20 juin les Français seront appelés aux urnes pour voter pour les départementales et les régionales. J'ai pris un texte de loi avec Marlène SCHIAPPA, qui a été adopté par le Parlement, avec ces dates, et j'ai convoqué à la demande du président de la République, les électeurs comme font tous les ministres de l'Intérieur quelques semaines avant, pour le 13 et 20 juin. Et s'il y a modification, ce n'est pas le ministre de l'Intérieur qui décidera tout seul, ce n'est pas le gouvernement qui décidera tout seul, c'est le Parlement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN, j'ai lu les déclarations d'Emmanuel MACRON faites hier à la télévision : « Il y aura des tentatives d'ingérence de la Turquie dans l'élection présidentielle française », c'est ce qu'a dit le président de la République. Pourquoi est-il si affirmatif ?

GERALD DARMANIN
Parce que nous avons des informations, nous savons que des gouvernements, singulièrement le gouvernement turc, peut avoir des tentatives fort d'ingérence, politiques, mais aussi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ? Quelles ingérences ? Au profit de qui ?

GERALD DARMANIN
Aussi religieuses. Je crois que là l'alerte du président de la République pour dire que nous ne sommes pas naïfs, est une alerte évidemment bienvenue. Evidemment bienvenue.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous avez aujourd'hui, je ne sais pas, des indices, des preuves, montrant que le gouvernement turc veut influer sur la présidentielle française ?

GERALD DARMANIN
Nous avons en tout cas un certain nombre d'indices, très clairs, qui montrent que le gouvernement turc ou ce qu'on pourrait appeler le nationalisme turc, pas toujours le fait que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Monsieur ERDOGAN.

GERALD DARMANIN
Pas toujours le fait que du gouvernement, souhaite notamment s'ingérer dans les histoires françaises, et notamment je voudrais le dire, les histoires religieuses.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir, mais sur le terrain politique…

GERALD DARMANIN
Mais les deux…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les deux sont liés.

GERALD DARMANIN
Les deux sont souvent liés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, sur le terrain politique, au profit de qui ? Influer comment sur la présidentielle ? Parce que là président de la République, " il y aura des tentatives d'ingérence de la Turquie ", c'est quand même clair et affirmatif.

GERALD DARMANIN
Mais oui, il faut que la France soit souveraine et que le peuple français choisisse librement ses représentants…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais au profit de qui ? Au profit d'adversaires d'Emmanuel MACRON ?

GERALD DARMANIN
Manifestement, vu les propos peu amènes que le président ERDOGAN a sur le gouvernement français, sur le président de la République lui-même, on se souvient du discours des Mureaux et la façon dont le président de la République a été insulté, parfois menacé, parfois les intérêts français menacés, des inquiétudes effectivement sont fortes et ce n'est pas en faveur d'Emmanuel MACRON, c'est sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. La mairie de Strasbourg, la mairie de Strasbourg, majorité municipale Europe Ecologie les Verts, a voté une subvention de plus de 2,5 millions d'euros pour la construction d'une mosquée, la plus grande mosquée d'Europe, dans le quartier de la Meinau, quartier populaire de Strasbourg. 2,5 millions d'euros c'est à peu près 10 % du montant des travaux, mosquée gérée par une fédération, justement, proche de la Turquie. Tiens, on retrouve la Turquie dans cette affaire. Vous avez demandé à la préfète de la région Grand Est de saisir la justice administrative. Pourquoi ?

GERALD DARMANIN
D'abord, il faut que les Français comprennent : en France, on ne peut pas subventionner les cultes, sauf en Alsace-Moselle et quelques territoires ultramarins, du fait du concordat, sinon les gens ne comprennent pas pourquoi ce qui est possible à Strasbourg n'est pas possible à Nantes ou à Lille. Bon. Mais effectivement nous avons vu cette délibération votée par le Conseil municipal de Strasbourg, et j'ai eu l'occasion de dire à Madame la Maire de Strasbourg, la préfète l'avait dit avant moi et je me suis exprimé publiquement, que nous ne trouvions pas ça pour le moins amical avec des intérêts français, pour ne pas dire plus. Pourquoi ? Parce que cette fédération que vous évoquez, pro-turcs, n'a pas voulu signer la charte des valeurs de la République, celle que nous avons évoquée avec le président de la République, n'a pas voulu condamner les condamnations contre l'apostat, contre l'homosexualité, contre l'égalité entre les femmes et les hommes, reconnaître que la République était laïque, que la loi de la République s'imposait évidemment sur la loi des églises ou de la loi de Dieu, et nous considérons nous que cette association, cette fédération, n'est plus capable d'être dans leur monde représentatif de l'islam de France. Et il y a particulièrement à Strasbourg depuis longtemps, moi je suis allé à Strasbourg il y a quelques mois, j'en ai à la fois averti des élus locaux, ils pourraient en témoigner, et les services de la préfecture, des tentatives d'ingérence extrêmement fortes dans notre pays, de la part notamment de la Turquie. Et nous considérons qu'elle n'aurait pas dû, cette collectivité, financer, d'ailleurs je crois que la région Grand-est ne le fera pas, je crois que la Collectivité l'Alsace ne le fera pas, et je les remercie de nous avoir écoutés, d'avoir écouté le ministère de l'Intérieur, financer une ingérence étrangère sur notre sol.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la maire de Strasbourg explique que le préfet mais ne lui a rien dit. C'est ce qu'elle disait ce matin sur RMC.

GERALD DARMANIN
Eh bien écoutez, moi je sais que Madame la Préfète le lui a dit, et je sais que je l'ai eue hier au téléphone, monsieur BOURDIN, Madame la Maire de Strasbourg, et je lui ai dit très clairement que les services de renseignements, que nos informations, que les preuves que nous pouvons mettre à disposition, montrent que cette association dont monsieur BOURDIN je voudrais rappeler ici, rappelons-le, elle a été chercher de l'argent ailleurs, notamment au Qatar par exemple, mais pas simplement, cette association a refusé, elle fait partie de ces fédérations qui ont refusé de signer avec les autres fédérations musulmanes, le fait qu'en République, la République était laïque, que les femmes étaient l'égal des hommes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Cette fédération défend un islam politique, quoi, c'est clair.

GERALD DARMANIN
Mais à coup sûr. A coup sûr, en tout cas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est du séparatisme identitaire.

GERALD DARMANIN
En tout cas c'est une ingérence nationaliste, et nous considérons nous que nous ne pouvons plus traiter avec ces associations qui sont contre les valeurs de ce que nous pouvons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas de subventions.

GERALD DARMANIN
En tout cas la collectivité locale est libre de le faire. Donc qu'est-ce que nous avons fait monsieur BOURDIN ? Nous avons fait trois choses. La première c'est que j'ai prévenu Madame la Maire, en la rappelant pour voir s'il n'y avait pas de quiproquos. Donc je l'ai très clairement désormais informée de ce que le ministère de l'Intérieur pense de cette relation avec cette association. Deuxièmement j'ai demandé à Madame la Préfète de déférer l'acte devant le juge administratif, le juge administratif jugera pour savoir si ces 2 millions d'euros, monsieur BOURDIN, 2 millions d'euros, ces 2 millions d'euros pouvaient continuer à être financés. Et troisièmement, heureusement que la loi dite séparatisme arrive, parce que ça, ça ne sera plus possible demain grâce à la loi proposée par le président de la République. Demain nous pourrons connaître bien en amont les financements étrangers sur notre sol, nous y opposer, c'est très important, et puis nous pourrons surtout, et ça c'est un point très important, nous opposer à la vente de lieux cultuels à l'étranger et notamment à des pays comme la Turquie.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un dernier mot. C'est un auditeur qui m'a envoyé ce petit mail. Vous étiez au Portugal il y a quelques jours…

GERALD DARMANIN
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
… je crois savoir. Au Portugal ils ont dépénalisé la consommation de toutes les drogues, il y a 20 ans, on n'y est toujours pas en France, on n'y est toujours pas favorable, à une dépénalisation du cannabis ?

GERALD DARMANIN
Ah non. Non, parce que la drogue c'est la mort.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou une légalisation.

GERALD DARMANIN
Non, parce que moi je pense à la dame qui a 3 enfants, qui élève seule ses 3 enfants, peut-être dans une barre HLM de Tourcoing, et qui essaie de leur expliquer qu'à 14 ans on ne fume pas du chichon, parce qu'on est déscolarisé, parce qu'il y a des accidents de voiture, parce qu'on doit malheureusement payer sa dose et qu'on a une dépendance extrêmement forte aux drogues dites douces. Mais aujourd'hui monsieur BOURDIN, ce serait totalement de ma part irresponsable et j'allais dire un peu criminel, de décourager cette mère de famille très courageuse qui lutte pour mettre des interdits dans sa famille. Et moi je crois que profondément, c'est un débat de société très important, mais que la dépénalisation c'est surtout faire baisser ses bras devant les trafics, et il ne faut jamais baisser les bras devant les trafics.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Gérald DARMANIN d'être venu nous voir ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 mars 2021