Interview de Mme Marlène Schiappa, ministre de la citoyenneté, à RTL le 29 mars 2021, sur les réunions non mixtes organisées par l'UNEF, la polémique autour de la subvention accordée par la mairie écologiste pour la construction d'une mosquée à Strasbourg et sur le harcèlement sexuel.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ALBA VENTURA
Bonjour Marlène SCHIAPPA.

MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.

ALBA VENTURA
Est-ce qu'il y a des moments où les blancs doivent se taire ? Je vous pose cette question, vous le savez, c'est la nouvelle polémique provoquée par Audrey PULVAR, candidate PS à la région Ile-de-France, à propos des réunions non mixtes organisées par l'UNEF, le syndicat étudiant. " Un blanc qui assisterait à ces réunions ne doit pas être jeté dehors – a dit Audrey PULVAR – mais on peut lui demander de se taire ou de rester spectateur ".

MARLENE SCHIAPPA
Moi je crois que la République elle est une et indivisible, et je crois que la citoyenneté c'est un ensemble de droits et de devoirs qui ne varie pas en fonction de notre couleur de peau. Donc il me semble que là, Audrey PULVAR et une partie d'ailleurs de l'UNEF, une partie du Parti socialiste, une partie de différentes organisations sont à la remorque des idées indigénistes en souhaitant qualifié les personnes en fonction de leur couleur de peau. Je crois qu'on apporte une mauvaise solution à un vrai problème. Le vrai problème c'est la lutte contre le racisme, mais la solution ça ne peut pas passer par de l'exclusion, d'ailleurs Martin LUTHER KING n'a pas dit je souhaite que les blancs se taisent, il a dit dans son discours " I have a dream ", il a dit que son rêve c'était que les gens soient pas considérés en fonction de leur couleur de peau. Donc qu'il y ait des groupes de parole et que des victimes de racisme ou de sexisme s'expriment, oui, c'est important, mais à aucun moment on ne doit demander à quelqu'un de se taire ou de sortir en fonction de sa couleur de peau, quelle que soit la couleur de peau.

ALBA VENTURA
On vous opposera que la parole et peut-être libre quand les gens sont « entre eux ».

MARLENE SCHIAPPA
Mais ça, c'est un sujet que je connais bien pour avoir dirigé une association de femmes pendant 10 ans, et la question se posait, mais évidemment on voit qu'il y a des groupes de paroles par exemple de femmes enceintes qui sont des groupes de parole spécifique, mais là ce qui me dérange et ce qui est incompatible, à mon humble avis, avec les valeurs de la République, c'est de qualifier les gens en fonction de ce qu'ils sont et pas en fonction de ce qu'ils ont vécu. Si on vous dit : on va faire un groupe de parole avec des victimes de racisme dans lequel vous pouvez avoir par exemple des métis, d'autres personnes, la meilleure question qui a été posée en réponse est celle de Jeannette BOUGRAB qui a dit : alors moi, qu'est-ce que je peux faire dans un groupe de parole contre le racisme ? Je ne suis pas une personne noire, je ne suis pas une personne blanche non plus, est-ce que je dois me taire aussi ? Qui me donne l'autorisation de parler et en fonction de quel nuancier de couleur de peau ? Je trouve que c'est une question intéressante.

ALBA VENTURA
Anne HIDALGO devrait recadrer celle qui incarne le socialisme à la région Ile-de-France ?

MARLENE SCHIAPPA
Je crois qu'il y a une ligne de fracture au Parti socialiste, et on voit que le Parti socialiste n'a pas de ligne claire sur ces questions, sur les questions d'universalisme. Vous avez d'un côté des personnes comme Audrey PULVAR et comme les gens qui sont en campagne à la région Ile-de-France, qui sont à la remorque des idées indigénistes de l'UNEF, par exemple, et de l'autre côté vous avez des gens parfaitement républicains, Carole DELGA, Stéphane LE FOLL, et d'autres se sont exprimés de façon très claire pour l'universalisme.

ALBA VENTURA
Vous dénoncez la même manière, Marlène SCHIAPPA, l'intrusion des militants d'extrême droite au conseil régional d'Occitanie...

MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr.

ALBA VENTURA
Vous parliez de Carole DELGA, alors ils ont tenté la semaine dernière de déployer une banderole sur laquelle était inscrite : " Islamo-gauchistes, traîtres à la France ". La présidente d'ailleurs, Carole DELGA, a dit : on est en train de créer une société d'ennemis. On est en train de crocs de créer une société d'ennemis ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi, ce que j'observe, c'est qu'il est évidemment inadmissible de voir que la démocratie s'exprime maintenant davantage par la violence ou la menace, et aucun désaccord ne justifie d'envahir un espace de démocratie, et bien évidemment je condamne fermement cette intrusion de la part d'organisations d'extrême-droite, qui montrent là qu'elles souhaitent la violence et le rapport de force physique, l'intimidation, qui n'ont pas leur place dans une enceinte démocratique bien évidemment.

ALBA VENTURA
Alors, autre polémique, celle qui entoure cette fois la mosquée de Strasbourg. Les Verts vous demandent des excuses après avoir déclaré que le parti Ecolo flirtait avec les thèses de l'islamisme radical. Cela fait suite je rappelle à la décision de la mairie verte de Strasbourg d'accorder une subvention pour relancer le chantier de la mosquée. Vous vous excusez ?

MARLENE SCHIAPPA
Certainement pas. Moi ce que je vais vous dire c'est que c'est même plus que ça. C'est-à-dire qu'ils déposent plainte contre le ministre de l'Intérieur et moi-même pour...

ALBA VENTURA
Diffamation.

MARLENE SCHIAPPA
Voilà, pour des motifs assez nébuleux. Moi, vous savez, j'étais dans un centre de vaccination avec le Premier ministre à Valence, lorsque j'ai reçu cette information samedi, et je voudrais avant tout adresser évidemment un mot de soutien à tous ces soignants qui sont mobilisés pour vacciner les personnes les plus âgées et les plus fragiles, ça nous permet de relativiser un certain nombre de choses. Ensuite, Europe Ecologie-Les Verts dans la méthode, là ils sont en train de faire du Charles PASQUA bas de gamme, c'est-à-dire qu'ils créent une affaire dans l'affaire, dans l'affaire, pour qu'on ne se souvienne plus de l'affaire initialement. L'affaire initiale qu'elle est-elle ? L'affaire initiale c'est cette délibération de la municipalité de Strasbourg qui veut donner 2,5 millions d'euros à un groupe qui a des accointances manifestes avec les sphères d'ERDOGAN, qui refuse de s'engager...

ALBA VENTURA
Le président turc.

MARLENE SCHIAPPA
Exactement. Qui refuse de s'engager pour reconnaître les valeurs de la République, et qui refuse de reconnaître la prévalence des lois de la République sur les lois religieuses. Alors moi la question que je pose, et à laquelle on n'a toujours pas de réponse depuis des jours, c'est : pourquoi Europe Ecologie-Les Verts s'entend à financer des groupes qui ont des accointances avec l'islam politique ? C'est une vraie question, et derrière, moi je demande à la maire de Strasbourg de renoncer à ce projet délétère.

ALBA VENTURA
Certains se retranchent derrière le concordat, puisque cette région est soumise au concordat, c'est-à-dire que la loi de 1905 de séparation de l'Eglise et de l'Etat ne s'applique pas.

MARLENE SCHIAPPA
Mais là, il y a une méconnaissance à la fois du droit et des règles politiques. Moi j'ai été élue locale, ça fait 4 ans maintenant que je suis ministre, un budget c'est un outil politique. Avec 2,5 millions d'euros on financerait des places en crèche pour 200 familles pendant un an, ou on financerait 3 ans de fonctionnement d'une association qui accueillerait des femmes victimes de violences conjugales. Les règles concordataires ne disent à aucun endroit : vous devez donner 2,5 millions d'euros à une mosquée qui va promouvoir l'islam radical. Ça n'est pas vrai.

ALBA VENTURA
Alors, vous dites, vous, Gérald DARMANIN et même le président de la République, qu'il y a tentative d'ingérence, cette organisation est à la solde du président turc. Vous nous dites que cette association a refusé de signer la charte de l'islam de France, qu'elle ne respecte pas la charte des valeurs de la République. Qu'est-ce que vous attendez pour faire stopper définitivement ce chantier de la nouvelle mosquée ?

MARLENE SCHIAPPA
Moi j'ai entendu, alors d'abord Gérald DARMANIN a saisi le préfet et la justice administrative aura à se prononcer en ce qui concerne ce dossier-là particulièrement. Moi je voudrais vous dire ce que j'entends aussi Europe Ecologie-Les Verts qui dit : ah mais on ne nous avait pas prévenus que l'islam politique c'était dangereux. Alors moi j'ai regardé un petit peu les débats à Strasbourg, et j'ai vu par exemple les élus du Parti communiste, que je voudrais saluer pour leur courage ont alerté la maire de Strasbourg, la préfète, Madame la Préfète qui est une serviteur de l'Etat chevronnée, elle a dit qu'à deux reprises elle avait alerté la maire de Strasbourg. Ça a été le cas aussi d'un certain nombre d'élus. Fabienne KELLER, Aurélie FILIPPETTI s'est exprimée également...

ALBA VENTURA
C'est une collectivité complaisante ? Strasbourg c'est une collectivité complaisante ?

MARLENE SCHIAPPA
Mais, Europe Ecologie-Les Verts est un parti qui est complaisant avec l'islamisme radical. Ce n'est pas la première fois qu'il y a une affaire de cet ordre. A Grenoble, le maire Europe Ecologie-Les Verts s'est aperçu qu'il avait malencontreusement financé le CCIF, organisation que nous avons dissoute en Conseil des ministres à la demande du président de la République et du ministre de l'Intérieur, qui ont le courage d'agir contre l'islamisme. Si vous voulez, on ne peut pas avoir des gens qui défont tout le travail qui est mené par des parlementaires courageux, par un président, par un gouvernement, pour mieux lutter contre le terreau du terrorisme. Ce n'est plus acceptable.

ALBA VENTURA
Mais donc cette association cultuelle, turque, que vous estimez problématique, est-ce que vous allez la dissoudre, est-ce qu'elle est illégale, légale ? Qu'est-ce qu'on fait ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors la question de la dissolution, maintenant j'ai l'impression que c'est la réponse à tout, dès lors qu'il y a une polémique, il y a une volonté de dissolution de part et d'autre.

ALBA VENTURA
En tout cas tout porte à croire, dans ce que vous dites, que c'est problématique.

MARLENE SCHIAPPA
Mais, peut-être déjà ne pas la financer. Ne pas la financer, pardon, mais qu'est-ce qui oblige...

ALBA VENTURA
Mais vous avez les moyens de l'interdire ?

MARLENE SCHIAPPA
Mais, alors, la dissolution...

ALBA VENTURA
Ou est-ce que c'est la maire de Strasbourg qui doit renoncer à cette subvention ?

MARLENE SCHIAPPA
La maire de Strasbourg doit renoncer à ce financement, et d'ailleurs il y a un certain nombre d'éléments qui ont été mis au débat public qui sont faux. La municipalité, le groupe Europe Ecologie-Les Verts de Strasbourg prétend que dans sa délibération ils auraient conditionné la subvention au respect des valeurs de la République. Ça n'est pas vrai. Moi j'ai la délibération, que j'ai eue par des élus, parce que curieusement elle n'est toujours pas arrivée en préfecture pour se faire enregistrer cette délibération. Dans cette délibération il n'est fait mention à aucun moment des valeurs de la République, il est fait mention d'un plan de financement, point.

ALBA VENTURA
Est-ce qu'avec le projet de loi séparatisme qui arrive demain au Sénat, vous aurez les moyens de faire arrêter un projet tel que celui de la grande mosquée, qui ne répond pas à nos valeurs républicaines ?

MARLENE SCHIAPPA
Oui, c'est un projet de loi qui va nous donner de nouveaux outils justement pour répondre à cela, notamment avec le contrat d'engagement républicain que je porte, et qui permettra de demander aux associations de s'engager pour les valeurs de la République, et lorsqu'elles ne les respecteront pas, on pourra cesse les financements...

ALBA VENTURA
Donc on s'évitera des polémiques.

MARLENE SCHIAPPA
On pourra cesser les financements et se faire rembourser, ce sera utile par exemple au maire EELV de Grenoble qui a financé le CCIF, si le contrat d'engagement républicain était déjà mis en place, il pourrait exiger le remboursement de l'argent public, de l'argent des impôts qui a été donné à cette organisation.

ALBA VENTURA
En attendant la loi, combien de contrôles, combien il y a eu de fermetures, Marlène SCHIAPPA, de lieux où on a constaté des phénomènes de radicalisation, de séparatisme ? On peut les chiffrer là ? Je sais que vous le faites assez souvent au ministère.

MARLENE SCHIAPPA
Absolument. Là nous avons fait fermer 533 endroits, qui étaient des foyers de séparatisme islamiste, ça veut dire que grâce à l'action des services du ministère de l'Intérieur, en moyenne une fois tous les deux jours il y a un endroit, commerce, débit de boissons, etc., qui est fait fermer parce que ce sont des foyers de l'idéologie séparatiste et de l'islamisme radical.

ALBA VENTURA
Donc ça, vous les faites fermer pour ces motifs-là ? Vous avez vraiment les moyens de mettre en avant ces motifs-là où vous êtes obligé de contourner un peu, problèmes de sécurité ou...

MARLENE SCHIAPPA
Mais oui, vous avez raison, il y a un travail de terrain qui est menée par les CLIR, les Cellules de Lutte contre l'Islamisme et le Repli Communautaire, que nous présidons régulièrement Gérald DARMANIN et moi-même, et qui permettent dans tous les territoires de passer au peigne fin la situation de ces lieux pour lesquels nous avons des alertes. Mais avec le projet de loi pour les principes républicains, qui arrive au Sénat demain, nous aurons de nouveaux outils qui nous permettront plus facilement de faire fermer tous ces endroits qui sont encore une fois, qui entravent la citoyenneté et qui font de l'apologie du terrorisme ou très simplement qui sont le terreau du terrorisme, parce qu'ils s'organisent contre les lois de la République pour promouvoir l'islam politique.

ALBA VENTURA
Alors, on sait que la question du voile divise un peu tout le monde, les sénateurs veulent durcir les dispositions concernant les accompagnatrices de sorties scolaires. Où est-ce qu'on en est exactement ? Vous allez leur donner raison ?

MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord le Parlement c'est une chambre de débats et c'est aussi une forme de décisions, donc le mot de la fin revient au Parlement. Et à l'Assemblée nationale, les parlementaires majoritairement se sont prononcés contre cette disposition, à plusieurs reprises, comme d'ailleurs le Conseil d'Etat, en disant qu'il s'agit là de liberté de conscience et que donc les adultes ont le droit d'exercer leur liberté de conscience quand ils sont dans leur vie personnelle, qu'ils ne sont pas fonctionnaires et qu'ils ne représentent pas l'Etat.

ALBA VENTURA
Une dernière question Marlène SCHIAPPA : qu'attendez-vous de l'enquête interne lancée par Canal + à la suite du documentaire de Marie PORTOLANO qui met en cause notamment le journaliste sportif Pierre MENES pour son comportement sexiste ? Alors lui, dit c'est l'époque qui a changé. Et des personnalités disent : on ne doit pas lui le montrer du doigt, mais dénoncer tout un système.

MARLENE SCHIAPPA
Je crois que tout cela est vrai. D'abord sur « l'époque a changé », c'était il y a 4, 5 ans, on peut dire « l'époque a changé », les moeurs ne sont plus les mêmes, quand on parle des années 50. Là on parle de quelque chose il y a 4, 5 ans, c'était déjà des agressions sexuelles, ce qui a été commis il y a 4 ou 5 ans en vertu de la loi. En revanche effectivement, moi je crois qu'on aime bien avoir une personne qui incarne le sujet et qui est parfois l'arbre qui cache la forêt. Bien sûr, le cas Pierre MENES est important et il est fondamental qu'il y ait des prises de décisions. Mais derrière il y a tout un système qui est mis au jour par le documentaire de Marie PORTOLANO, de façon très concrète, et je crois que c'est systémique, on doit se souvenir qu'il n'y a pas d'endroit de débat qui soit interdit aux femmes. Le foot, la politique et d'autres domaines, les femmes sont toutes aussi compétentes que les hommes et je crois que d'ailleurs c'est un homme qui s'est très bien exprimé, Thierry GILARDI, en disant : moi je suis un homme, si je fais une erreur les gens diront c'est un lapsus, toi tu es une femme, si tu fais une erreur les gens diront « Ah, vous voyez, elle n'y connaissait rien ».

ALBA VENTURA
Merci Marlène SCHIAPPA. Merci à vous.

YVES CALVI
Merci infiniment. Marlène SCHIAPPA qui demande à la maire de Strasbourg de ne pas verser les 2,5 millions à l'association de la nouvelle mosquée de Strasbourg, c'est 3 ans de soutien par exemple à un foyer de femmes battues, nous avez-vous dit. Merci infiniment.

MARLENE SCHIAPPA
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 mars 2021