Interview de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à Public Sénat le 22 avril 2021, sur les étapes du déconfinement, la vaccination contre le covid-19, la réforme de la haute fonction publique et les élections régionales et départementales.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ALEXANDRE POUSSART
Notre invitée politique ce matin c'est Amélie de MONTCHALIN, la ministre de la Transformation et de la Fonction publique. Bonjour Amélie de MONTCHALIN.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.

ALEXANDRE POUSSART
Alors, nous sommes ensemble pendant 20 minutes, pour une interview en partenariat avec la Presse régionale, qui est représentée aujourd'hui par Eric RICHARD, journaliste à La Nouvelle République. Bonjour Eric.

ERIC RICHARD
Bonjour Alexandre, bonjour Amélie de MONTCHALIN.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.

ALEXANDRE POUSSART
Alors, vous vous en doutez, on va commencer par parler de la crise sanitaire avec le calendrier du déconfinement qui se précise : à la mi-mai les terrasses des bars et des restaurants pourraient rouvrir, le couvre-feu va être allégé, les restrictions de déplacements levées. Quand on voit le niveau du virus actuellement, notamment dans les hôpitaux en Ile-de-France, est-ce que c'est le moment de déconfiner ?

AMELIE DE MONTCHALIN
La première chose c'est qu'effectivement nous faisons tous des efforts, qui sont payants, puisque les résultats sont plutôt encourageants, mais ils restent insatisfaisants et pas suffisants, puisque la baisse aujourd'hui est 2 fois moins rapide que celle que nous avons connue par exemple à l'automne. Donc le premier des messages, je crois que c'est extrêmement important de rappeler à tous que quand le télétravail, les gestes barrières, un certain nombre de précautions, doivent absolument être tenus, parce que les échéances qui ont été fixées par le président sont la base de travail sur laquelle effectivement nous nous préparons, mais il faut bien être conscient que nous parlons toujours de vie, malheureusement de mort, de décès, nous avons une arme de plus dans notre arsenal de bataille qui est le vaccin, mais il faut qu'on reste extrêmement vigilant. Je crois qu'il est déjà très important de nous assurer que tout le monde comprend bien, que oui il y a des échéances, oui il y a des étapes qui seront précisées, échelonnées. Nous, nous travaillons comme le président de la République l'a dit, à ce que les enfants des écoles primaires et maternelles, pour qui on le sait la conséquence éducative de cette crise peut être très lourde, et c'est un choix politique, un choix collectif, démocratique, je crois que nous portons, c'est une spécificité française et que nous assumons, mais pour que tout cela tienne il faut qu'on soit encore tous très vigilants. C'est très long, c'est très pénible, personne ne rêve, voyez, d'imposer toutes les restrictions qui sont aujourd'hui sur la table, mais c'est dans ces méthodes-là que nous travaillons. Transparence, confiance, des étapes, des échéances, le président a été très clair dans son discours le 31 mars, c'est notre base de travail, mais ça ne tient que si chacun, en responsabilité, fait ce que chacun je crois maintenant a bien compris qui était dangereux ou moins dangereux.

ALEXANDRE POUSSART
Mais vous le dites, les chiffres sanitaires ne baissent pas assez vite, est-ce que ce calendrier de rouvrir les terrasses à la mi-mai ça peut tenir ? Ce n'est pas gagné.

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est pour ça que je vous dis : il y a des échéances, il y a des étapes qu'on franchit, il y a une méthode, il y a beaucoup de transparence. On ne gère pas cette crise par surprise, on se fixe des caps, il est donc très important je crois que les Français soient associés aux échéances qu'on se fixe, mais qu'on rappelle bien à chacun que tout ça ne tient que si chacun, en responsabilité, eh bien agit en cohérence avec encore une épidémie que l'on voit partout en Europe. Le nombre de cas en Allemagne était à peu près le même hier qu'en France, donc on voit bien que partout la vigilance, la responsabilité, sont là aussi nos meilleurs atouts.

ALEXANDRE POUSSART
Donc ce cap de la mi-mai il n'est pas certain.

AMELIE DE MONTCHALIN
Le président de la République travaille, nous nous préparons, nous préparons tout. Je n'ai pas d'annonces à vous faire sur le fait qu'il y aurait un recule ou pas. Je vous dis juste : ce que nous préparons ne tient que si chacun, en responsabilité, continue de faire ce qu'il a à faire.

ALEXANDRE POUSSART
Un mot sur le couvre-feu Eric.

ERIC RICHARD
Oui, peut-être qu'on se rend compte désormais, après plus d'un an de crise, que les Français en quelque sorte ont besoin d'air. Alors, est-ce qu'il y a malgré tout des mesures d'allégements possibles ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Déjà, vous avez remarqué que la manière dont nous vivons cette période, n'est pas la manière dont on l'a vécue il y a un an ni à l'automne. Le fait que nous puissions tous nous aérer dans les 10 km autour de chez nous, sans attestation, bien sûr en respectant le fait qu'on n'est pas plus que 6, qu'on respecte les gestes barrières, qu'on porte son masque, c'est en soi une évolution, le fait que nous autorisons là aussi un certain nombre d'activités sportives de plein air pour les enfants. Donc on a bien sûr adapté, mais à nouveau je le redis, nous ne prenons pas ces mesures par dogmatisme ou par envie. Le principe de réalité c'est que c'est un sujet de vie et de mort, et qu'il nous faut donc être très vigilant. La vaccination progresse à un rythme désormais très rapide, plus de 2,5 millions de vaccinations par semaine, on est au-dessus des 13 millions aujourd'hui de personnes qui ont déjà reçu une première dose, et ça c'est aussi une course contre la montre qui d'ailleurs se déploie avec un engagement, où je voudrais vraiment saluer à la fois des personnels soignants, des élus, des agents des collectivités locales. Il y a aussi une très grande mobilisation. Derrière ces chiffres parfois on oublie qu'il y a des hommes et des femmes dans nos hôpitaux, des hommes et des femmes qui s'organisent pour la vaccination, et des hommes et des femmes malheureusement qui sont malades et à qui je crois nous devons, collectivement, beaucoup de vigilance dans chacun de nos actes.

ALEXANDRE POUSSART
Et justement, sur la vaccination, le gouvernement communique de façon assez positive, Emmanuel MACRON dit « On est sur la bonne voie », mais quand on regarde les classements mondiaux, Amélie de MONTCHALIN, vous aimez bien les évaluations, les baromètres, et justement quand on regarde les classements, eh bien la France elle est au-delà de la 30ème place mondiale. Est-ce que c'est acceptable ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui en Europe, nous avons fait un choix que tous les Européens reçoivent les doses, au même rythme selon leur population. Eh bien je peux vous dire qu'en Europe, la France est dans les tout premiers, voire parfois même la première, ça dépend des jours, en termes de vaccination par rapport à sa population. C'est un choix politique. Nous ne voulions pas organiser une guerre les doses, du plus offrant, sur voyez, la sortie des usines. C'est un choix que nous avons fait. Nous accélérons, nous produisons plus, nous produisons en France, et vous voyez qu'aujourd'hui nous vaccinons 2,5 millions de personnes par semaine. Effectivement, je ne vais pas vous dire qu'il n'y a pas eu des calages, des choses à ajuster, c'est d'ailleurs en tant que ministre une méthode que je défends. Nous avons d'abord et avant tout à ne jamais nous entêter. Quand il y a des choses qui ne fonctionnent pas, quand ça ne part pas comme ça devrait, quand ça ne va pas assez vite, nous nous ajustons, c'est la responsabilité du politique et c'est la responsabilité du politique avec son administration, c'est en tant que ministre, vous voyez, de la Fonction publique et de la Transformation publique…

ALEXANDRE POUSSART
On va en parler.

AMELIE DE MONTCHALIN
… avec le Premier ministre et le président ce que nous cherchons à faire, c'est pour ça qu'on veut gagner en efficacité, gagner en capacité, avoir les bonnes compétences au bon endroit, et c'est pour ça qu'on mène aussi une réforme de la Haute fonction publique très profonde, parce qu'on voit bien qu'il nous faut, en toutes circonstances, être capable de nous adapter, de trouver de la rapidité, les bonnes compétences au bon endroit. Et donc je ne vais pas ici, vous voyez, on n'est pas dans l'autosatisfaction, on est très réaliste et on s'adapte à chaque moment pour que cette épidémie soit derrière nous le plus vite possible. C'est notre souhait, c'est le souhait je crois de l'ensemble des Français, de l'ensemble des habitants de notre planète, et donc on y travaille.

ALEXANDRE POUSSART
Un mot sur le télétravail les fonctionnaires.

ERIC RICHARD
Le télétravail qui est devenu la règle en effet, partout où c'est possible, y compris dans la Fonction publique. Alors il s'il semblerait que dans certaines collectivités territoriales, c'est la Fonction publique aussi, il y ait quelques élèves dissipés. Est-ce qu'à vos yeux c'est à l'Etat…c'est au gouvernement de rappeler les consignes ou est-ce que les présidents de ces collectivités et les élus doivent le faire ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, première chose, tous les employeurs notre pays, parce que le télétravail est efficace, parce que quand on travaille on réduit significativement le risque de se contaminer et de contaminer les autres, tous les employeurs qui soient publics, privés, de collectivités, l'Etat, de petites entreprises ou très grands groupes industriels, sont tenus depuis maintenant des mois à faire appliquer ce télétravail, et je peux vous dire qu'il y a une mobilisation générale. Je vous donne quelques chiffres, dans l'Etat, 58% des agents de l'Etat ont télétravaillé la semaine dernière, et c'est 78% dans les ministères parisiens. Donc on a fait un effort énorme. Quand on parle des collectivités, d'abord une grande majorité, des élus, des collectivités, ont pris également ce chemin, comme tous les employeurs, c'est aussi la responsabilité de l'employeur de le faire quel que soit son statut. Après, je vous rappelle que dans la Constitution, les collectivités sont libres et indépendantes de gestion et d'administration, et que donc la balle est dans le camp des élus, dans la manière dont ils mettent en place les recommandations. Les recommandations sont très claires, l'Etat est d'ailleurs aux côtés des collectivités, par le plan de relance, par un certain nombre de partages de bonnes pratiques, avec des préfets qui sont aux côtés des entreprises et des collectivités pour faciliter le travail. Maintenant je tiens à dire une chose : quand on est employeur public, qu'on soit l'Etat ou qu'on soit une collectivité, on a un devoir d'exemplarité. Et donc c'est ce que je vous dis ce matin : les élus sont responsables et ils doivent être exemplaires.

ALEXANDRE POUSSART
Amélie de MONTCHALIN, vous l'avez dit, vous menez la réforme de la Haute fonction publique qui a été dévoilée par le président de la République, avant de parler de la suppression de l'ENA, l'Ecole Nationale d'Administration, un mot sur cette réforme, concrètement qu'est-ce que ça va changer pour nos Hauts fonctionnaires ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, ça va changer des choses pour les fonctionnaires, ça va aussi changer des choses pour les Français. On a aujourd'hui un devoir d'efficacité et un devoir de confiance, recréer de la confiance entre les Français et leurs administrations. Et cette confiance on peut la recréer si on retrouve collectivement cette capacité à être efficace, à être rapide, à être beaucoup plus simple, à apporter des solutions sur le terrain, adaptées à chaque territoire. Les préfets par exemple, vous savez, c'est une petite révolution. En ce moment sont, et c'est une grande nouveauté depuis les années 60, tenus de proposer au Premier ministre, une liste de priorités, pour qu'ils fassent du sur mesure sur leur territoire. C'est une révolution parce que c'est aussi une révolution démocratique. Les priorités qu'ils vont se fixer vont partir des sujets où peut-être que dans leur département les choses sont peut-être plus difficiles, les résultats ne sont pas encore là, et ce n'est pas des priorités qui vont être définies en Chambres, ce sont des priorités qui sont fondées sur les résultats de nos politiques publiques, qui sont publiées sur le site du gouvernement et que chaque Français peut consulter dans son département. Sur le site du gouvernement, nos téléspectateurs peuvent entrer leur code postal et donc ce baromètre des résultats leur montre ce qui a progressé dans leur département et ce qui aussi n'a pas assez progressé. Dans la réforme de la Haute fonction vu qu'est-ce qu'on veut faire ? Comme pour les préfets, on veut cette révolution de l'efficacité, du terrain, de la capacité de manière démocratique aussi à avoir une bien meilleure évaluation, une révolution du pilotage, et donc nous assurer que les hommes et les femmes qui ont des responsabilités, ont des objectifs clairs, des objectifs territorialisés, et qui sont évalués dans leur carrière sur les résultats qu'ils fournissent. Cette réforme la Haute fonction publique aujourd'hui, ce que je vois après, voyez, 15 jours après le discours du président, c'est que les Français ils ont bien vu deux choses qui sont au coeur de cette réforme : d'abord que tout le monde va commencer sa carrière sur le terrain. Parce qu'on ne peut pas avoir une Haute administration qui juge, qui inspecte, qui contrôle, qui produit de la norme, sans être allé voir d'abord la manière dont les politiques publiques se déploient, les difficultés, la réalité du terrain. Tout le monde commencera sa carrière sur le terrain. La deuxième chose que cette réforme permet de faire aussi, c'est que nous allons faire évoluer la formation, qu'il y ait une école des cadres de formation continue, parce qu'on a besoin de connecter nos Hauts fonctionnaires davantage au terrain, mais aussi davantage aux enjeux du XXIème siècle, au monde dans lequel on vit. Et sur ces deux sujets, les Français sont extrêmement en soutien. Ce n'est pas démagogique, j'en entend qui me disent « c'est démagogique », ce qui serait démagogique c'est de considérer que tout irait bien, que la confiance serait là, que les carrières des Hauts fonctionnaires se feraient sur leurs résultats, et donc on a besoin pour ces Hauts fonctionnaires dont je suis la ministre et dont je suis fière, parce que c'est des hommes et des femmes qui s'engagent chaque jour, leur redonner de la formation continue, de la visibilité sur les carrières, de nous assurer qu'on met les bonnes compétences au bon endroit, qui puissent être formés et que donc à la fin les Français, sur leur terrain, voient que les choses avancent. C'est pour ça qu'on a été élu. Nous les politiques on n'est pas élu pour faire des discours, on est élu pour que sur le terrain les choses changent. Et donc pour ça il y a une administration, qu'il faut qu'on soit capable de piloter, avec des bons recrutements, avec de la bonne formation, avec de l'évaluation, et que de manière démocratique, notamment avec ces nouveaux outils, que les Français puissent juger par eux-mêmes aussi, département par département, de l'action que nous menons.

ALEXANDRE POUSSART
Parlons de la formation de nos Hauts fonctionnaires justement, Amélie de MONTCHALIN, puisque la mesure phare de cette réforme c'est la suppression de l'ENA, l'Ecole Nationale d'Administration. Eric.

ERIC RICHARD
Oui, vous l'avez dit, cette réforme supprime l'ENA, je dirais que toutes les grandes écoles doivent à un moment se remettre en question, remettre en question les profils, remettre en question les contenus de formation ? Est-ce qu'il n'y avait pas moyen je dirais de réformer l'ENA de l'Intérieur ? Là on a un peu l'impression qu'on casse le thermomètre pour faire tomber une fièvre que l'on connaît bien, on dénigre facilement la Haute fonction publique, l'ENA on sait un petit peu ce qu'il en est. Est-ce qu'il n'y a pas moyen de s'y prendre autrement ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Rien dans ma bouche n'est de dénigrement…

ERIC RICHARD
Bien sûr.

AMELIE DE MONTCHALIN
Et je crois que vous m'avez entendu le dire, c'est une réforme positive, pour les Hauts fonctionnaires, pour les Français. Vous savez, ce sujet de la réforme de la Haute fonction publique, et le sujet de l'ENA il est posé depuis 25 ans dans notre pays. En 1995, Jacques CHIRAC annonce qu'il veut mener cette réforme, mais il ne va pas au bout. Quelques années plus tard Nicolas SARKOZY commence sa réforme, et puis il est empêché juridiquement parce qu'il n'avait pas les bons outils pour les aller au bout. Et puis François HOLLANDE remet sur le métier le sujet, mais en fait il n'avait pas envie vraiment de faire la réforme, et donc en fait elle s'est perdue dans les limbes. Aujourd'hui on a un président de la République qui a pris des engagements en 2017, qu'il a réaffirmés en 2019, qui ont fait l'objet d'un débat démocratique, ici au Sénat, à l'Assemblée, très approfondi, qui a donc habilité, comme on dit, le gouvernement à travailler sur le sujet, et aujourd'hui vous avez un président qui tient ses engagements, il m'a chargé de mener cette réforme, et de la mener à terme. C'est quoi cette réforme ? C'est de passer d'un modèle où l'ENA était une école qui classait 80 élèves dont les 15 premiers du classement choisissaient une carrière à vie, puisque c'était ça qui se passait, parfois sans jamais vraiment passer sur le terrain, à un institut donc du service public, qui va former non seulement ceux qui étaient au coeur de l'Etat, mais aussi avec un tronc commun, les directeurs d'hôpitaux, les administrateurs des collectivités territoriales, les commissaires de police, les directeurs des administrations pénitentiaires, et surtout une école de la formation continue, que nos cadres de l'Etat, nos cadres supérieurs de l'Etat se forment au début de leur carrière mais se forment beaucoup plus souvent dans la carrière. Donc c'est une réforme qui n'est pas qu'un changement de nom, c'est une réforme profonde. Et ensuite, moi je crois dans un pays, qu'il faut être capable à un moment donné de dire : voilà, depuis 75 ans les choses n'ont pas changé, ça a créé des forces, ça a aussi créé des choses qu'il faut corriger et donc nous prenons avec beaucoup de courage et de détermination le sujet.

ALEXANDRE POUSSART
La dernière question autour de l'ENA. Sur la variété des profils justement qui vont alimenter ce nouvel Institut du service public, le gouvernement lance ce qu'il appelle des Prépas talent, c'est-à-dire aider les étudiants notamment défavorisés à préparer l'entrée dans cette école. Mais il y a une petite polémique sur ce sujet puisqu'au début, Amélie de MONTCHALIN, vous avez souhaité exclure les étudiants de Sciences-Po, et le tribunal administratif a retoqué cette décision au nom de l'égalité entre les étudiants. Quel est le problème avec Sciences-Po ? Pourquoi les exclure ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Il n'y a aucun problème, et évidemment je ne vais pas, sur le dos des préparationnaires, mener un combat juridique ou judiciaire, donc évidemment, bien volontiers, les étudiants boursiers de Sciences Po, et de la Sorbonne, sont aujourd'hui tout à fait admis à postuler, mais quel est l'enjeu ?

ALEXANDRE POUSSART
Mais au début vous souhaitiez les exclure.

AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, mais parce que l'enjeu aujourd'hui c'est que l'immense majorité de ceux qui rentrent dans les écoles de la haute fonction publique, aujourd'hui, sont passés par Sciences Po Paris et par Paris Sorbonne, et dans la promesse républicaine de notre pays, dans la France d'aujourd'hui, il n'y a nulle part écrit que, par chance ou par hasard, il faut que vous soyez passé par ces deux institutions pour devenir un serviteur de l'intérêt général. notre objectif, avec le président, c'est de nous assurer qu'aujourd'hui, au XXIème siècle, l'ensemble de notre jeunesse, talentueuse, méritante, qui est à l'université, qui vient des zones rurales, quel que soit le milieu dans lequel vous avez grandi, quel que soit le territoire dans lequel vous avez grandi, si c'est votre projet, si vous en avez les talents et les mérites, vous pouvez avoir accès à une préparation pour préparer ces concours dans vos universités, partout sur le territoire, c'est un objectif que nous nous sommes fixés, que 1700 élèves des universités puissent préparer ces concours sans avoir à passer par les grandes institutions parisiennes. Il n'y a rien contre les institutions parisiennes, mais notre enjeu aujourd'hui c'est d'ouvrir le jeu. Moi je voudrais vous dire quelque chose. aujourd'hui, dans le débat politique sur cette réforme la haute fonction publique, j'entends deux choses qui me gêne, j'entends d'un côté des anciens ministres, des anciens responsables, qui sont aujourd'hui membres de l'opposition, et qui avec parfois beaucoup de mauvaise foi, ou beaucoup de facilité, sont contre la réforme alors qu'ils ont eux-mêmes essayé de la mener et qu'ils n'y sont pas parvenus, qui ont parfois des regrets ou des remords, et qui du coup sont contre. Et puis j'entends, et ça, ça me gêne beaucoup plus, des anciens hauts fonctionnaires, des gens qui sont partis dans le privé il y a 25 ans, des personnes qui sont des observateurs avisés du système et qui critiquent la réforme sur la base de choses que je trouve assez indécentes, parfois ils ont vécu dans le système, parfois ils ont bénéficié du système, et parfois d'un certain nombre de ses dévoiements, et je pense qu'il est aujourd'hui, dans le débat public, très important que ceux qui s'expriment sur le sujet le fassent avec bonne foi, le fassent aussi dans un esprit démocratique. Notre pays, les Français, attendent une administration plus efficace, c'est ça que nous devons faire évoluer, et la ministre que je suis n'est pas dans le dénigrement, n'est pas dans la démagogie, est dans une réforme d'abord où nous voulons faire émerger une nouvelle génération de hauts fonctionnaires, qui viennent de tous nos territoires, de tous nos villages ,de tout notre pays, qui puissent se préparer, notamment à l'université, qui puissent être formés aux enjeux du XXIe siècle, qui puissent être formés avec une culture commune, où chacun pourra travaillé avec des gens qui sont dans les collectivités, dans les hôpitaux, dans tout ce qui fait aujourd'hui l'action publique, et qui puissent ensuite être évalués, pour que nous gagnons là aussi en capacité à faire du sur-mesure et que tous les Français, dans tous les départements, voient des résultats sur tous les sujets, c'est ça notre enjeu.

ALEXANDRE POUSSART
Amélie de MONTCHALIN on va finir, le temps presse, on va finir par quelques questions politiques, on va parler des élections départementales et régionales. D'abord, sur les élections départementales, vous êtes une figure de la majorité présidentielle dans l'Essonne, vous avez été élue députée dans l'Essonne, est-ce que vous avez l'envie d'être tête de liste de la majorité présidentielle dans l'Essonne aux départementales ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, moi je m'engage pour les élections régionales, je m'engagerai aux côtés de Laurent SAINT-MARTIN, qui est notre candidat, et je m'engage dans ce territoire parce que c'est un territoire où nous avons absolument besoin de faire valoir des idées, un projet, c'est une mini France aux portes de Paris, avec tout ce que la France comporte à la fois d'opportunités, mais aussi de défis, parfois de difficultés. Et dans ces élections régionales, en Ile-de-France, comme partout ailleurs dans le pays, nous avons un objectif, porter des idées, présenter un projet, et faire un peu cartes sur table, avoir un discours de réalité et de vérité, parce qu'on a beaucoup d'opposants, aujourd'hui, qui ont trouvé que leur projet c'est se battre contre l'Etat, et que dire que l'Etat ne fait pas, l'Etat fait ceci, l'Etat ne ferait pas cela, ce serait un projet politique. Notre projet ce n'est pas qu'on fasse la guerre des collectivités et de l'Etat, ce n'est pas il y a le méchant Etat, la gentille collectivité, ou l'inverse, il y a des hommes et des femmes qui ont des responsabilités différentes, qui doivent travailler chaque jour ensemble, ensemble entre les maires, les départements, les régions, chacun travaille ensemble, avec des idées, des projets, et donc c'est ce que nous mettrons sur la table, en Ile-de-France, mais également dans l'ensemble du pays. La majorité présidentielle elle a déjà beaucoup agi, elle a des résultats, qui sont publics, des bons résultats, parfois des résultats un peu moins bons, et on l'assume pleinement, on doit accélérer, et pour accélérer, eh bien je peux vous dire une chose, si c'est la guerre des collectivités contre l'Etat et le projet c'est vous dire qu'en fait quand c'est bien c'est vous et puis quand ce n'est pas bien c'est les autres, ça ne marche pas, et les Français d'ailleurs se détournent de la politique pour ça, parce qu'ils voient bien que c'est totalement politicien et que ça ne correspond pas à la réalité.

ALEXANDRE POUSSART
Amélie de MONTCHALIN, là vous avez évoqué les régionales, notamment avec Laurent SAINT-MARTIN, je vous repose ma question sur les élections départementales dans l'Essonne, est-ce que vous souhaitez, vous, participer à la bataille ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je m'engage… déjà, vous savez, une bataille pour les régionales c'est une sacrée bataille, il y a des gens qui sortent, il y a des gens qui rentrent, il y a des idées, il va falloir qu'on défende nos convictions, donc des départementales se passent le même jour, je peux vous dire qu'un certain nombre de personnes, de notre majorité, vont s'engager, pour là aussi porter des idées, porter des idées pour le territoire, et donc on n'est pas en train de faire du « dégagisme », on est en train de proposer un projet, parce que je crois qu'en démocratie c'est le point de départ, si on est là pour se faire la bataille les uns les autres, du département contre l'Etat, la région, ça ne marche pas, et donc c'est ça qu'on pose, évidemment je serai pleinement au soutien de ceux et celles qui s'engagent avec nos idées, avec notre projet, et également pleinement engagée moi-même dans cette campagne, pour une région qui doit être une région où on a envie de vivre, une région qui apporte de l'emploi, qui aide ses jeunes à préparer l'avenir, qui se bat pour l'égalité des chances. Tout ce que je vous ai dit sur la haute fonction publique, vous savez, aujourd'hui on a une classe préparatoire aux concours de la haute fonction publique à Evry, eh bien c'est…voyez, beaucoup de jeunes, qui parfois s'étaient beaucoup autocensurés, se préparent actuellement, d'ailleurs je les encourage et j'espère qu'ils auront aux concours les résultats qu'ils souhaitent, qui se préparent à des concours et à des métiers, à des fonctions, qui étaient jusqu'à maintenant perçues comme réservées à d'autres.

ALEXANDRE POUSSART
Dernière question Amélie de MONTCHALIN, il nous reste quelques secondes. Le grand adversaire de La République en marge de la majorité présidentielle aux régionales en Ile-de-France c'est Valérie PECRESSE, vous avez travaillé avec Valérie PECRESSE, est-ce que vous pourriez vous allier à elle dès le premier tour ou dès le second tour ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui, je vous dis, les logiques d'alliances, d'appareils, etc., n'intéressent pas ni les Franciliens, ni les Français, donc nous on a des idées, on est très serein, on a plein de propositions à faire, des choses assez novatrices, sur notamment la manière dont les Franciliens peuvent soutenir leur économie, la manière dont nous voulons travailler sur la sécurité, la manière dont nous voulons aussi aménager autrement notre région, je pense que les Français ils attendent de nous des idées, des projets, de l'engagement, de l'authenticité, et sûrement pas qu'on aille parler accords d'appareils et, voyez, des choses qui se passent plutôt dans les couloirs que face aux Français.

ALEXANDRE POUSSART
Donc sur une alliance avec Valérie PECRESSE vous ne me répondez pas ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, aujourd'hui, je m'engage pourquoi ? pour siéger dans un conseil régional, pour porter des idées, pour former un groupe, pour défendre des idées, on n'est pas là pour chercher des places, donc on est engagé de manière authentique, et là aussi les choses doivent se passer face aux Français, c'est pour ça qu'il y a des élections, parce que s'il n'y avait pas d'élections, on se mettrait d'accord entre nous, il y a des élections, on se présente, on va au bout de la bataille, on va au bout des élections, et on sera, là aussi, engagé sur un projet, des idées.

ALEXANDRE POUSSART
Et on va en parler, de ces élections, dans notre « Club des territoires » dans quelques minutes, merci beaucoup Amélie de MONTCHALIN d'avoir été notre invitée politique, merci beaucoup Eric pour c'est cette interview en partenariat avec la Nouvelle République.

AMELIE DE MONTCHALIN
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 avril 2021