Déclaration de Mme Florence Parly, ministre des armées, sur la loi de programmation militaire, à l'Assemblée nationale le 5 mai 2021.

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Circonstance : Débat à l'Assemblée nationale sur la loi de programmation militaire et ses conséquences pour l'indépendance de la France

Texte intégral

M. le président.
L'ordre du jour appelle le débat sur la loi de programmation militaire et ses conséquences pour l'indépendance de la France.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement, et nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

(…)

M. le président.
La parole est à Mme la ministre des armées.

Mme Florence Parly, ministre des armées.
Avant d'aborder le sujet qui est au coeur de notre débat, je voudrais rendre hommage à la mémoire d'un de nos policiers dont nous avons appris ce soir qu'il avait été mortellement blessé en intervention à Avignon. J'adresse mes pensées à sa famille, à ses proches et à ses collègues de la police nationale, à nouveau endeuillée.
Il y a près de trois ans, ici-même, vous avez approuvé à une très large majorité la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025. Ensemble, nous avions choisi l'ambition de la remontée en puissance de nos armées, conscients qu'il s'agissait de la seule voie pour garantir la défense des Français demain. Nous construisons les armées des cinquante prochaines années.
Vous le savez aussi bien que moi, bâtir et entretenir un outil militaire est un travail de long terme. C'est aussi un acte éminemment politique vis-à-vis de nos concitoyens comme de nos partenaires ou de nos adversaires. Le Président de la République a posé en 2017 les fondements de cet acte politique, qui s'est traduit et incarné dans le budget de la défense voulu par le Gouvernement et que, chaque année, vous avez confirmé.
Depuis trois ans, ressources et objectifs de la programmation sont respectés. C'est suffisamment rare pour être souligné. Depuis trois ans, vous avez adopté des budgets conformes à la loi de programmation militaire à la lettre. C'est inédit. Depuis quatre ans, nous avons exécuté chaque budget conforme à la loi de finances initiale à l'euro près. C'est historique. Aujourd'hui nos armées disposent de 18 milliards d'euros de plus qu'en 2017. Cela n'était jamais arrivé au XXIe siècle, pour ne pas dire depuis plus de cinquante ans.
Respect de la LPM et de ses objectifs : c'est cette volonté que je veux réaffirmer ce soir et que j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer hier devant vos collègues de la commission de la défense nationale et des forces armées.
En investissant comme nous l'avons fait et comme nous continuerons à le faire, nous faisons le choix, souhaité par beaucoup de nos concitoyens, de la souveraineté industrielle, de la recherche et de l'innovation. Nous faisons aussi le choix de l'emploi et de la cohésion sociale car nos armées sont un formidable générateur de compétences pour notre pays, capable d'ouvrir des chemins à des dizaines de milliers de jeunes. Nous faisons enfin le choix de la sécurité des Français et de la sécurité collective.
Pour atteindre ces objectifs jusqu'au bout, la loi de programmation militaire doit pouvoir s'adapter à l'évolution des menaces et se nourrir des enseignements que nous tirons des conflits les plus récents. C'est pourquoi, à la suite de l'actualisation de la revue stratégique ou, pour le dire plus simplement, après avoir mis à jour notre appréciation des menaces, nous avons entamé un travail de réflexion sur les pistes d'ajustement de la LPM.
Mais, avant de vous en dire davantage, je veux réaffirmer devant vous que l'ambition de la LPM est intacte. Les ajustements auxquels nous travaillons s'inscrivent pleinement dans les priorités que nous avions identifiées ensemble en 2018 : poursuivre la remontée en puissance de nos armées, approfondir la construction de l'autonomie stratégique et de la souveraineté européenne, consolider notre base industrielle et technologique de défense, bâtir un modèle d'armée complet et, enfin, poursuivre les réformes à hauteur d'homme pour améliorer les conditions de vie et d'engagement des femmes et des hommes de ce ministère. Le capital humain de nos armées est inestimable et mérite une attention soutenue. Le cap sera fermement conservé, soyez-en assurés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Je veux aussi réaffirmer devant vous que les ressources sont et seront préservées. Ce sont celles qui ont été déterminées par la LPM, soit 198 milliards d'euros sur la période 2019-2023, avec, en 2023, une hausse prévue de 3 milliards par rapport à 2022. Comme le Président de la République l'a affirmé à Brest le 19 janvier lors de ses voeux aux armées, cet effort de remontée en puissance sera donc maintenu dans les conditions prévues jusqu'en 2023 par la loi de programmation militaire, avec pour objectif l'ambition opérationnelle fixée pour nos armées à l'horizon 2030.
D'aucuns pourraient regretter – certains d'entre vous l'ont fait, d'ailleurs – l'absence d'actualisation de la LPM elle-même, qui devait prévoir la consolidation des ressources après 2023 pour les porter à 2% du PIB en 2025. Mais que se serait-il alors passé ?
Nous aurions fait ensemble deux constats : le premier, c'est qu'arithmétiquement, du fait des conséquences économiques de la crise sanitaire, nous en sommes déjà à 2% du PIB, et le second, c'est qu'étant donné les incertitudes actuelles, on peut se demander qui pourrait déterminer précisément aujourd'hui quelle sera notre croissance à l'horizon 2024-2025. Faudrait-il considérer pour autant que l'objectif est atteint alors que, on le sait bien, beaucoup reste à faire ? Évidemment non ! Dès lors, concentrons-nous d'abord sur la relance de notre économie avant de réévaluer nos perspectives de croissance à l'horizon 2025.
Pour surmonter les conséquences économiques de la crise sanitaire, le Président de la République a décidé de mobiliser 470 milliards d'euros afin de soutenir certains secteurs parmi ceux qui ont le plus souffert comme, par exemple, l'aéronautique, l'automobile, le tourisme ou la culture, et le Gouvernement a mis en oeuvre un fonds de solidarité pour prévenir les cessations d'activité. Cette réponse française a été l'une des plus puissantes parmi les pays développés, et elle fut exemplaire. En complément, le Gouvernement met en oeuvre un plan de relance qui permettra d'injecter 100 milliards d'euros supplémentaires dans notre économie au cours des mois à venir ; rapporté à notre richesse nationale, c'est l'un des plans de relance les plus ambitieux de l'Union européenne. Et il se fait avec l'Europe, avec la solidarité des États membres, puisque l'Union européenne y contribue à hauteur de 40 %.
Pour notre défense, je rappelle que la LPM est un plan de relance à elle seule. Nous menons en effet un effort volontariste dans ce domaine. Dès le mois de juin de l'année dernière, le ministère s'est engagé pour soutenir la filière aéronautique, avec des conséquences concrètes : le 15 avril dernier, j'étais avec quelques-uns d'entre vous à Marignane, et j'ai notifié à Airbus Helicopters la commande de huit hélicoptères Caracal qui permettront de soutenir l'activité et les emplois non seulement sur ce site, mais également chez les sous-traitants qui ont, eux aussi, souffert de la crise. Parallèlement, le ministère bénéficie du plan de relance de l'économie pour accélérer sa transition énergétique à travers la rénovation thermique de nos bâtiments et ainsi contribuer aux économies des territoires. Au total, fin avril, le ministère était en mesure d'engager plus de 370 millions d'euros au-delà des crédits prévus par la LPM.
C'est seulement quand nous aurons relancé l'économie, au terme de cette crise, qu'il sera pertinent de reposer la question de la consolidation des ressources pour nos armées en 2024 et en 2025. Pour le moment, nous avons identifié de premiers ajustements capacitaires dans trois grands domaines qui renforceront notre aptitude à agir dans les conflits à venir : la détection, la protection et la préparation.
Le premier axe, intitulé " Mieux détecter et contrer ", vise à renforcer la priorité que nous donnons aux renseignements en développant notamment nos capacités défensives et offensives dans le champ du cyber et du numérique. Nous allons, pour renforcer notre cyberdéfense, doubler les moyens de calcul et les capacités de stockage de données en masse, nous appuyant largement sur l'intelligence artificielle pour le traitement des données, et investirons pleinement le champ de la lutte d'influence à grande échelle en multipliant par trois notre effort en ce domaine. Le mot d'ordre est : plus vite et plus fort. Nous allons donc accélérer l'ensemble de ces commandes en prenant deux ans d'avance sur la programmation. Nous allons également, pour renforcer les moyens de surveillance, accélérer la montée en puissance de nos capacités de renseignement d'origine électromagnétique. Ce qu'il faut en retenir c'est que, demain, notre pays pourra ainsi déceler et surveiller un ennemi potentiel, et agir partout, sur terre, sur les mers, sous les mers jusqu'aux grands fonds marins, dans l'air, dans l'espace exo-atmosphérique et dans l'univers numérique.
J'en viens maintenant au deuxième axe d'ajustement, intitulé " Mieux se protéger ". Il consiste à accélérer l'effort porté sur la résilience et sur la protection de nos forces et des Français sur le territoire national, et concerne trois domaines en particulier : les risques dits NRBC – nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques –, la santé et la lutte anti-drones. La crise sanitaire que nous traversons a mis en lumière des secteurs qui nécessitent davantage d'investissements, notamment face aux risques NRBC. À titre d'exemple, dès 2022, nous commanderons plus de 20 000 masques supplémentaires de protection pour nos forces contre les menaces de type NRBC et plus de 60 000 cartouches filtrantes, sachant que des attaques chimiques ont été menées ces dernières années, en Syrie notamment. Ces équipements seront délivrés à nos armées dès 2023, soit avec quatre ans d'avance par rapport à la cible initiale de 2027.
Dans le domaine de la santé, nous améliorerons les capacités d'évacuation sanitaire des armées en commandant notamment vingt kits supplémentaires MEDEVAC – évacuation médicale par voie aérienne – pour les hélicoptères et en améliorant la prise en charge des évacuations médicales par les avions de transport tactique tels que les A400M ou bien les CASA CN-235.
Pour ce qui est de la lutte anti-drones qui, je le rappelle, fait partie de la stratégie d'innovation du ministère des armées et qui s'est affirmée comme un domaine opérationnel clef dans le conflit du Haut-Karabagh, nous travaillons sur deux fronts : d'une part, dans la recherche et développement, afin de préparer les futurs systèmes d'identification et de neutralisation des drones, et, d'autre part, sur le court terme, par l'acquisition à très brève échéance de moyens existants pour sécuriser davantage nos installations sensibles, les événements nationaux majeurs ainsi que nos forces déployées. Les moyens qui ont déjà fait leurs preuves pour protéger le G7 et le 14 juillet vont être étendus, ce qui permettra de renforcer la sécurité, notamment lors de la coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
J'en viens enfin au troisième axe, intitulé " Mieux se préparer ". Il concerne l'entraînement et la préparation opérationnelle. Les conflits d'aujourd'hui montrent que nos armées doivent être prêtes à pouvoir riposter dans tous les champs de conflictualité, qu'ils soient matériels ou immatériels. Cela demande un entraînement plus conséquent et plus sophistiqué, notamment dans ces nouveaux espaces de conflictualité. L'effort en cours sur la disponibilité des matériels sera poursuivi pour permettre de multiplier les entraînements au quotidien et de perfectionner les scénarios de préparation. Il faudra aussi renforcer notre recours à la simulation et la rendre aussi réaliste et ambitieuse que possible.
Le travail de déclinaison des ajustements selon les trois axes que je viens de décrire n'est pas encore achevé, les exemples que je viens de vous donner n'en sont que les premières illustrations. Il s'agit maintenant de préciser exactement les besoins et d'identifier les compensations tout en assurant la cohérence de notre modèle et l'atteinte de nos objectifs.
Aujourd'hui, dans tous les domaines, la LPM se poursuit. Le Président de la République, je le rappelle, a confirmé sa trajectoire budgétaire jusqu'en 2023. Malgré la crise, les commandes ne s'arrêtent pas, les livraisons continuent et les réformes portent leurs fruits. Rien que depuis le début de cette année, pour soutenir notre base industrielle et technologique de défense dans un contexte que l'on sait difficile, nous avons accéléré la commande de deux frégates de défense et d'intervention, ce qui se traduit concrètement par la pérennité de 1 200 emplois chez Naval Group et ses sous-traitants, et aussi anticipé la commande des huit hélicoptères Caracal que je mentionnais tout à l'heure ainsi que d'un système de drones aériens pour la marine, préservant ainsi 1 000 emplois pendant trois ans à travers tout le pays. Enfin, l'export de Rafale pour la Grèce se traduira par la commande de dix-huit avions neufs à Dassault – y compris de la part de nos forces –, à laquelle s'ajouteront bientôt les trente Rafale destinés à l'Égypte.
Ayons bien en tête qu'une cadence d'un Rafale par mois, cela représente 7 000 emplois chez Dassault bien sûr, mais aussi au sein de près de 500 PME implantées partout en France. Avec les commandes grecque et égyptienne, il s'agit de la pérennité de milliers d'emplois français jusqu'à la fin de l'année 2025. Au total et en ne comptabilisant que les seules commandes de Rafale passées en 2021, le ministère des armées assure près de 10 000 emplois et fait vivre autant de familles pour les cinq années à venir.
Évidemment, l'ensemble du tissu industriel, dans toutes les régions de France, continue de bénéficier des commandes au titre de la loi de programmation militaire passées ces trois dernières années. Je voudrais appeler votre attention sur quelques exemples : les commandes liées à la loi de programmation militaire engendrent dans des secteurs de pointe 12 000 emplois industriels directs en Centre-Val de Loire, 27 000 en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, 18 000 en Bretagne et jusqu'à 62 000 en Île-de-France : ce sont autant de personnes talentueuses impliquées, avec beaucoup d'engagement, pour livrer le meilleur de la technologie et du savoir-faire d'aujourd'hui à nos forces. Et j'en viens maintenant à celles-ci : quels sont les effets concrets de la LPM sur leur quotidien ?
Le premier contact d'un jeune militaire avec son institution s'accomplissant d'abord au travers de son équipement personnel, je commencerai par vous parler des livraisons d'équipements à hauteur d'homme. Le ministère a considérablement progressé en la matière. Le dernier objectif atteint à ce jour touche à une activité indissociable de la condition d'un militaire : le sport. Désormais, 100% des militaires de l'armée de terre sont équipés d'une nouvelle tenue de sport. C'est un atout important pour leur préparation opérationnelle. De même, 100% des militaires déployés en OPEX – opérations extérieures – disposent du treillis nouvelle génération dit F3, qui résiste au feu et, en métropole, 26 500 soldats des unités FELIN – fantassin à équipements et liaisons intégrés – de l'armée de terre sont, eux aussi, équipés de ce treillis performant, soit 20% de la cible fixée pour 2025.
Les trois quarts des forces terrestres et plus du tiers de l'armée de l'air et de l'espace sont aujourd'hui équipés de nouveaux gilets pare-balles. Nous avons aussi déjà atteint 54% de la cible sur la livraison des jumelles de vision nocturne O-NYX et, d'ici à la fin de cette année, nous aurons livré la totalité des 6 500 paires de ces jumelles qui font la différence sur le terrain. Enfin, pour ce qui est des fusils HK416, qui remplacent les FAMAS, plus de 48 000 ont déjà été livrés sur la cible de 117 000 que nous devons atteindre d'ici à 2028, ce qui signifie que le tiers de l'armée de terre et 38% de l'armée de l'air et de l'espace en sont actuellement équipés.
Je vous parlais du premier contact d'un jeune militaire avec son équipement : cela se fait pour la première fois au magasin du corps, au comptoir de son régiment ou bien à l'antenne locale des services de soutien. Et, comme vous le savez, nous avons décidé de révolutionner le soutien des militaires mais aussi de faciliter leurs démarches quotidiennes, qu'il s'agisse de l'habillement, des demandes administratives – comme le renouvellement d'une carte SNCF – ou encore de l'accès au courrier.
Aujourd'hui, l'ensemble de ces services est accessible au sein des espaces ATLAS – accès en tout temps, en tout lieu au soutien. Depuis 2017, ce sont 146 espaces ATLAS qui ont ouvert pour servir près de 170 000 militaires et agents du ministère, sur une population totale de 268 000 personnes. Cela signifie donc que près des deux tiers des militaires et des agents du ministère ont un espace ATLAS sur leur lieu de travail ou à proximité. Et 2021 sera l'année de l'accélération car nous allons ouvrir une quarantaine d'espaces ATLAS supplémentaires. Ces espaces sont une véritable réussite ; certains envisagent d'ailleurs d'y ouvrir l'accès à d'autres services administratifs de l'État comme les démarches liées aux caisses d'allocations familiales, à la manière de ce qui se fait dans les maisons France services.
L'espace ATLAS est le fruit du plan famille. J'avais pris un engagement simple vis-à-vis des femmes et des hommes de notre défense, celui de changer leur quotidien. Cet engagement est tenu. Le plan famille continue de se déployer et de s'adapter aux spécificités de chaque régiment et de chaque base. L'un des enjeux essentiels pour les familles de ce ministère, c'est la faculté à se déplacer facilement, que ce soit pour les célibataires géographiques ou pour leurs familles qui construisent leur vie aux quatre coins de la France, au gré des mutations. En mars 2021, nous avons remis la cent cinquante millième carte famille SNCF. Nous avons aussi négocié, auprès de la compagnie Transavia, l'ouverture, en avril 2021, d'une ligne aérienne directe à prix bas entre Toulon et Brest. Pour les familles de marins, c'est une révolution : c'était un trajet qui, jusqu'alors, était très long à réaliser en train et même en avion, faute de liaison directe.
En matière de solutions de garde d'enfants, sujet de préoccupation essentiel pour les familles où l'un des conjoints est souvent amené à être déployé quatre mois par an, nous avons aussi beaucoup progressé. Depuis le début de l'année, nous avons ouvert deux crèches, à Calvi et à Mérignac, et nous en ouvrirons prochainement deux nouvelles, à Cayenne et à Mont-de-Marsan. L'objectif d'augmenter de 20% le nombre de places en crèche d'ici à 2022 a été atteint dès la fin 2020. Fin 2022, nous l'aurons largement dépassé puisqu'un peu plus de 1 800 places dans des crèches ministérielles seront proposées grâce à l'ouverture de nouveaux établissements à Évreux, à Creil, à Cherbourg, à Varces, à Solenzara et à Suippes. Enfin, nous avons innové : dès le mois de juin prochain, l'ensemble des personnels du ministère auront accès à une plateforme de services de garde d'enfants à domicile.
À chacun de mes déplacements auprès de nos forces, y compris en opération, je mesure à quel point l'attention portée aux familles de militaires est un facteur de performance opérationnelle. C'est, à mes yeux, aussi important que les équipements capacitaires.
J'en viens à un rapide – je vous rassure – tour d'horizon du matériel de nouvelle génération, qui se déploie au sein de nos trois armées.
L'armée de terre dispose déjà de 240 Griffon et doit en recevoir encore 137 supplémentaires cette année. Le premier déploiement au Sahel de ce nouveau véhicule du programme SCORPION – synergie du contact renforcée par la polyvalence et l'infovalorisation – aura lieu cet été, pour un emploi opérationnel dès l'automne, conformément aux objectifs fixés.
De son côté, la marine nationale continue de se doter de nouveaux bâtiments de combat, notamment de frégates, comme la FREMM – frégate multi-missions – Alsace, et d'avions de patrouille maritime Atlantique 2 rénovés. Vous le savez également, la marine a reçu le Suffren, premier sous-marin nucléaire d'attaque de nouvelle génération, qui sera admis au service actif cette année.
Enfin, l'armée de l'air et de l'espace continue de réceptionner des Mirage 2000 rénovés, des MRTT – multi role tanker transport – Phénix, au nombre de trois pour l'année 2021, ainsi qu'un avion A400M de plus. Nous avons aussi commandé, en janvier, de nouvelles stations utilisateurs pour les satellites de communication nouvelle génération Syracuse 4.
Il y a le matériel, bien sûr, mais il y a aussi sa disponibilité : un Griffon qui ne roule pas ou un avion qui ne décolle pas, c'est comme une coquille vide. J'ai donc placé cet enjeu au coeur de mon action en engageant d'importantes réformes du maintien en condition opérationnelle (MCO) dans les trois milieux, le plus grand chantier étant celui du MCO aéronautique. Dans ce domaine aussi, les progrès sont sensibles. Par exemple, en 2017, seuls trois avions A400M étaient en moyenne disponibles. Aujourd'hui, la moyenne se situe à six, soit deux fois plus, et nous avons même constaté des pics journaliers de disponibilité à onze avions prêts pour voler, ce qui était absolument inédit. Un autre exemple : en 2017, la disponibilité moyenne des Caracal – un des hélicoptères qui interviennent dans les missions les plus sensibles des forces spéciales, mais aussi pour sauver des personnes lors de tempêtes ou de catastrophes naturelles, ou encore pour transporter des patients en réanimation, comme ce fut le cas dans le cadre de la crise sanitaire – ne dépassait pas cinq appareils. Aujourd'hui, plus de huit sont prêts à décoller chaque jour.
Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais j'ai parfaitement confiance en nous pour avancer plus vite et plus fort car, chaque jour, je vois, comme vous, des équipes passionnées, des agents engagés et des militaires déterminés à travailler avec acharnement pour offrir aux Français le plus haut niveau de protection. Nous écrivons ensemble une page importante de l'histoire de nos armées. Les objectifs qui ont été fixés par la loi de programmation militaire sont tenus et continueront de l'être. Je sais que je peux compter sur vous pour y veiller de très près. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

M. le président.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes sans droit de réplique.
La parole est à M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud (FI).
Je regrette, madame la ministre, que vous n'ayez pas traité la question de l'indépendance de la France, qui faisait également partie du thème de cette séance de contrôle.
La pandémie de covid-19 a suscité une crise économique sans précédent depuis celle de 1929. Cette crise affecte les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Vous nous avez déjà dit, et vous venez de répéter, qu'une cellule de veille et d'aide aux entreprises a été constituée au sein du ministère des armées ; en revanche, vous soutenez avec constance, depuis plusieurs mois – vous venez de le refaire à la tribune –, qu'aucun plan de relance n'est nécessaire dans le domaine de la défense parce que, selon vous, les dépenses planifiées lors du vote de la LPM valent comme un plan de relance.
Ce raisonnement est astucieux, mais il est faux. Les dépenses prévues pour être effectuées dans une conjoncture ordinaire ne constituent pas un plan de relance. Par définition, elles n'ont pas été pensées pour contrer les effets de la crise économique, c'est pourquoi s'en tenir à la LPM dans le contexte actuel est manifestement une erreur, et vous le savez. Vous ne manquez pas une occasion de dire combien l'investissement dans la BITD est utile pour l'emploi ni de rappeler que le coefficient multiplicateur dans ce secteur est le plus élevé. Nous sommes également d'accord pour dire que les industries de ce secteur sont susceptibles de développer des biens utiles dans le domaine civil. Elles pourraient participer, d'une façon ou d'une autre, à la relocalisation et à la réindustrialisation du pays ; bref, à son indépendance.
Alors pourquoi ne pas agir en ce sens avec un vrai plan de relance ? Pourquoi ces atermoiements ? Ainsi, l'usine de Tarbes Industry est à l'arrêt, alors qu'une nationalisation temporaire permettrait de relancer l'activité et d'organiser la reprise. Au lieu de laisser quelques très grands verser des dividendes aux actionnaires grâce à l'aide dont ils bénéficient, il est temps d'aider ceux qui en ont vraiment besoin. Toute la société en bénéficiera.

M. le président.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre.
Pardonnez-moi de ne pas partager votre point de vue. Si, la LPM est un plan de relance à elle seule. En effet, en tenant les objectifs qui ont été fixés dans la loi de programmation militaire, nous avons non seulement garanti un potentiel de commandes mais, comme j'ai eu l'occasion de le détailler hier en commission, nous avons aussi, tout au long de l'année 2020, géré de manière agile l'ensemble des crédits. Du fait de la crise sanitaire, certains programmes ont pris du retard : comme vous le constaterez dans les travaux de commission, il peut y avoir des décalages ici ou là. Si nous n'avions pas agi, à la fin de l'année 2020, vous auriez constaté avec désespoir, et moi avec vous, que nous n'avons pas exécuté la totalité des crédits prévus dans la loi de finances initiale.
Nous avons donc procédé à des redéploiements massifs de crédits qui n'auraient pas été consommés d'ici la fin de l'année, pour les réaffecter à des programmes qui étaient capables non seulement d'avancer mais d'accélérer. Ces redéploiements de crédits entre différents programmes ont porté sur plusieurs centaines de millions d'euros. En anticipant des commandes, nous avons également contribué à soutenir des entreprises et toute leur chaîne de sous-traitance : nous avons permis le versement d'acomptes, nous avons assuré la trésorerie de ces entreprises, mais, surtout, nous avons assuré de la visibilité sur les carnets de commandes, décisive pour les employés et les salariés de ces entreprises. Enfin, je l'ai dit, nous avons, comme les autres ministères, soumissionné à des appels à projets pour obtenir, par exemple dans le cadre du volet transition écologique du plan de relance, des crédits pour notre ministère.
Enfin, un mot sur Tarbes Industry. Nous avons récemment procédé à une commande qui assure le carnet de commandes de l'entreprise pour dix ans. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

M. le président.
La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne (GDR).
S'interroger sur l'indépendance de notre défense, objet du débat, ne doit pas conduite à occulter ce que j'appellerais l'effet ciseaux.
Le premier aspect est la dépendance de plus en plus forte vis-à-vis des entreprises privées, notamment pour le maintien en condition opérationnelle de notre matériel, avec des objectifs artificiels – par exemple, 40% de la maintenance industrielle à l'échéance 2025 pour l'armée de terre. Non seulement cela revient-il à dépendre des entreprises privées, mais en plus les résultats ne se révèlent pas à la hauteur : main-d'oeuvre moins formée et moins performante que nos ouvriers d'État et agents techniciens fonctionnaires ; pièces de rechange de piètre qualité ; contrôles alourdis ; malfaçon récurrente ; risque accru de panne en opération. Les délais sont peut-être plus courts et la disponibilité améliorée, mais à quel prix ? On parle de performance, mais de quelle performance s'agit-il ?
Second aspect : la dépendance vis-à-vis des États-Unis à travers l'OTAN, une domination des États-Unis arc-boutés sur leurs intérêts industriels et commerciaux et mettant tout en oeuvre pour que leur marché captif de l'armement ne leur échappe pas. Vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, madame la ministre : " Il ne faut pas être naïf : si les États-Unis demandent que les alliés dépensent plus, ils aimeraient aussi beaucoup que ceux-ci dépensent plus encore pour acheter des équipements américains. " J'ajouterai qu'ils nous accusent de protectionnisme car nous osons parler de politique européenne de défense, alors qu'une loi fédérale en vigueur depuis 1933 impose à leur gouvernement de n'acheter en direct que des biens produits sur le sol américain. Dans le même temps, ils imposent une intégration de la défense transatlantique en édictant des normes, comme la réglementation ITAR – international traffic in arms regulations –, qui conduisent à privilégier leur propre production.
Entreprises privées, OTAN et États-Unis : n'est-il pas temps, madame la ministre, de desserrer ce double étau qui affaiblit notre indépendance, objet du débat d'aujourd'hui ?

M. le président.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre.
Tout d'abord, concernant la réforme du maintien en condition opérationnelle, vous connaissez l'état de départ, qui était profondément insatisfaisant – j'en ai pris tout à l'heure quelques exemples.
Ce que nous avons voulu, c'est responsabiliser les différentes parties prenantes, déresponsabilisées par une grande multiplicité des contrats qui faisait que personne ne se sentait finalement responsable des problèmes que nous rencontrions. En verticalisant ces contrats, nous avons identifié un maître d'oeuvre, et c'est celui qui a conçu le système. C'est donc la garantie d'une meilleure efficacité et nous le faisons main dans la main avec ceux qui, dans nos armées, sont chargés de l'entretien des matériels.
J'ai eu l'occasion comme vous de me rendre à l'AIA – atelier industriel de l'aéronautique – de Clermont-Ferrand ; je ne partage pas tout à fait le point de vue que vous avez défendu, mais je suis prête à y retourner…

M. André Chassaigne.
Je ne parle pas de l'AIA ! J'ai à ce sujet une question orale sans débat mardi.

Mme Florence Parly, ministre.
Alors je me suis trompée. Nous en reparlerons, très bien.
Vis-à-vis des États-Unis, je partage vos propos et vous m'avez même citée. J'avais dit qu'il ne fallait pas transformer l'article 5 du traité de l'Atlantique nord, celui qui fonde la solidarité entre alliés, en " article F-35 " qui ferait de l'achat américain une sorte d'obligation. Je l'ai dit souvent sous la présidence de M. Trump, et je ne peux que me réjouir que le président Biden ait énoncé très clairement dès sa prise de fonction qu'il voyait les Européens comme des alliés et des partenaires.
Cela dit, je continue de penser qu'il faut renforcer la sécurité des Européens et que les Européens doivent compter de plus en plus sur eux-mêmes, et cela doit passer par une plus grande indépendance sur le plan industriel et technologique. Je n'ai pas le moindre débat avec vous à ce sujet, je partage tout à fait ce point de vue.

M. le président.
La parole est à M. Fabien Gouttefarde.

M. Fabien Gouttefarde (LaREM).
Je considère qu'avec le vote en 2018 de la loi de programmation militaire, nous avons sauvé notre modèle d'armée, ni plus, ni moins.

M. Ian Boucard.
Quelle modestie !

M. Fabien Gouttefarde.
Sans cette loi, ce modèle complet d'armée, qui implique une capacité de projection de puissance, se serait écroulé : c'est la stricte vérité. Il y a donc bien un lien entre loi de programmation militaire et indépendance nationale : c'est là une réponse à la question posée tout à l'heure.
Cette loi, c'est aussi le signal politique que nos armées ont besoin de femmes et d'hommes pour la faire vivre. C'est mettre fin à la trajectoire de déflation des effectifs au sein du ministère. C'est fondamentalement donner de la visibilité à nos armées, donc des perspectives.
Pourriez-vous, madame la ministre, rappeler à la représentation nationale en quoi la LPM a contribué à résorber la dépendance capacitaire de la France à l'égard des matériels militaires étrangers, donc à renforcer l'indépendance de notre nation ? En quoi la réalisation future de la LPM, dans les années à venir, accentuera-t-elle encore ce phénomène d'autonomisation et de plus grande liberté d'action ?

M. le président.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre.
C'est une question extrêmement pertinente et sensible. Je commencerai par les éléments les moins positifs pour expliquer ensuite en quoi la LPM nous permet d'avancer.
Il reste un certain nombre de capacités sur lesquelles la dépendance européenne est forte. Prenons l'exemple tout simplement des drones, ou celui des capacités de transport stratégique. Bref, il existe un certain nombres de capacités pour lesquelles nous restons dépendants, notamment des États-Unis, mais, si j'ose dire, nous nous soignons.
Il y a des domaines dans lesquels notre souveraineté est nationale. Elle le demeure et nous y travaillons. Je veux parler tout d'abord de la dissuasion. Nous avons engagé la réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) de troisième génération, nous poursuivons la livraison des sous-marins nucléaires d'attaque de nouvelle génération, nous lançons le standard 4 du Rafale, qui contribue lui aussi à la dissuasion, et nous avons acquis, et continuons de le faire à un rythme accéléré, des avions ravitailleurs, qui sont l'une des conditions de la réalisation des missions nucléaires. Il y a enfin le porte-avions de nouvelle génération.
Nous avons également travaillé dans le domaine du renseignement, qui est un domaine de souveraineté nationale par essence, et j'ai indiqué tout à l'heure que nous avions l'intention de renforcer encore ce qui était déjà une priorité de la LPM.
Au-delà, on le sait, certains sujets relèvent d'un travail entre Européens. C'est le cas des grands programmes de coopération sur lesquels nous sommes investis en ce moment : le nouvel avion de combat, le char de combat du futur, le programme MALE – moyenne altitude et longue endurance –, c'est-à-dire l'Eurodrone… Tout cela doit nous permettre de réduire notre dépendance vis-à-vis de sociétés comme General Atomics, qui nous fournit aujourd'hui les drones qui survolent le théâtre sahélien par exemple. Nous n'avons pas terminé ce travail, et ce n'est pas une LPM à elle seule qui pourra le faire, mais nous sommes en bonne voie.

M. le président.
La parole est à M. Jean-Michel Jacques.

M. Jean-Michel Jacques (LaREM).
Dans un monde de plus en plus bouleversé et dans lequel les boucles technologiques sont de plus en plus courtes, il est nécessaire que notre pays soit à la pointe de l'innovation, pour plusieurs raisons majeures : d'une part, pour renforcer l'autonomie stratégique et la souveraineté de la France, d'autre part, pour doter nos armées d'équipements à la hauteur des exigences de leurs missions et leur permettre de conserver l'avantage sur nos adversaires. Il est donc indispensable de capter l'innovation rapidement et efficacement si nous ne voulons pas que d'autres le fassent à notre place pour in fine nous revendre ces innovations, voire les utiliser contre nous.
C'est pourquoi la loi de programmation militaire que nous avons adoptée en 2018 a fait de l'innovation une priorité absolue. En seulement trois ans, le ministère des armées a créé l'Agence de l'innovation de défense (AID), mis en place des fonds dédiés à l'innovation ou encore développé de nombreux laboratoires d'innovation au sein des forces armées. D'ailleurs, en 2021, l'innovation de défense ne sera pas en reste puisque près de 900 millions d'euros lui sont consacrés.
Nous le savons, l'innovation est aussi une question d'audace. Et d'audace, nos PME n'en manquent pas.
Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous préciser comment s'articule le maillage territorial du ministère des armées afin de soutenir, accompagner et capter les projets innovants portés par les PME pépites de notre pays ? D'autre part, quels sont les dispositifs d'aide financière déployés par le ministère pour soutenir nos PME, PMI et start-up innovantes ?

M. le président.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre.
L'innovation est la clef du succès, la clef de la supériorité opérationnelle de nos armées dans le futur. Le risque que nous courons est justement de passer à côté d'innovations essentielles. Comme vous le savez, l'innovation se déploie de manière différente aujourd'hui qu'il y a vingt ou trente ans, elle est très fortement centrée sur le numérique, donc sur des cycles extrêmement courts, et il faut être capable de faire travailler ensemble des innovateurs issus de mondes différents. Nous avons l'habitude de travailler sur des programmes d'armement s'étalant sur des décennies, et il nous faut intégrer des innovations qui parfois se renouvellent à l'échelle de quelques semaines ou de quelques mois.
C'est pour cela que nous avons créé l'Agence de l'innovation de défense : pour assurer la rencontre entre cette innovation qui est celle des grands industriels de l'armement et de la DGA – direction générale de l'armement – et ces nouveaux innovateurs.
Pour cela, il faut un maillage territorial, et c'est la raison pour laquelle l'AID a créé des pôles territoriaux. Nous avons ainsi sept pôles territorialisés qui nous permettent de travailler, par exemple, en lien avec les associations professionnelles ou les pôles de compétitivité, parce que c'est cet ensemble-là qui constitue notre BITD au plan territorial.
S'agissant du financement des PME, qui est lui aussi essentiel, le ministère des armées a accordé une forte priorité à ces entreprises par des politiques en matière d'achats publics qui permettent de les payer, comme les plus grandes d'ailleurs, en dix-huit jours, ce qui est un record quand on pense aux délais qui sont en général ceux de l'État : cela a été particulièrement précieux pendant cette crise sanitaire. Nous avons aussi des dispositifs de financement de type ASTRID – accompagnement de recherches et d'innovations défense – ou encore des programmes rapides très appréciés par les PME.
Enfin, vous l'avez rappelé, 900 millions d'euros de crédits de recherche amont sont consacrés en 2021 à l'innovation. Et l'année prochaine – il n'y a pas de raison que nous ne tenions pas nos objectifs puisque nous le faisons depuis quatre ans maintenant –, nous atteindrons le milliard.

M. le président.
La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel (LR).
La pandémie liée à la covid-19 a mis en lumière le fait que, très vite, la France pouvait manquer de médicaments comme les anesthésiants, les sédatifs, les curares ou encore certains antibiotiques. Cela a mis en lumière un problème d'indépendance et de souveraineté de la France en la matière. D'une part, votre ministère dispose de stocks stratégiques de médicaments gérés par les forces armées et, d'autre part, la division pharmacie des armées doit pouvoir produire des médicaments dont les chaînes d'approvisionnement classiques peuvent être rompues.
À l'aune de l'année qui vient de s'écouler, quelles conséquences le ministère des armées tire-t-il pour faire évoluer ses investissements humains et financiers en termes de sécurisation et de production de médicaments stratégiques en vue de faire face à des situations de crise ? Ne me dites pas que cela ne relève que du ministère de la santé car, il y a quelques mois, c'est bien le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale qui était à la recherche d'opiacés sur les marchés étrangers pour combler la pénurie française.
D'ailleurs, que pensez-vous, madame la ministre, d'un possible élargissement de la liste des produits stratégiques du code de la défense, car les médicaments, voire les équipements de santé, sont au moins aussi importants, du point de vue de notre souveraineté, que les produits pétroliers, lesquels figurent sur la liste actuelle ? Je pense par exemple au manque de masques sur le porte-avion Charles de Gaulle : cela vous a conduit à devoir rapatrier l'ensemble de l'équipage, dont une partie avait contracté la covid. Que comptez-vous donc faire sur ce sujet ?

M. Ian Boucard.
Très bien !

M. le président.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre.
Il faut être humble, nous avons tous beaucoup appris de la crise sanitaire que nous avons traversée. Nous avons beaucoup appris, en particulier, s'agissant de nos dépendances, lesquelles se sont révélées dans de très nombreux secteurs. Celui des médicaments en est un parmi d'autres.
Nous avons aussi éprouvé ce que signifiait la dépendance par rapport aux masques. Vous faites allusion au retour anticipé du porte-avions Charles de Gaulle au mois d'avril de l'année dernière ; il n'y avait pas plus de masques sur le porte-avions qu'il n'y en avait ailleurs : tout le monde était à la recherche de masques. C'est pour cela que j'ai demandé le retour anticipé du porte-avions, afin de limiter la propagation de l'épidémie qui avait lieu à bord.
Nous avons beaucoup appris, disais-je, si bien que le Charles de Gaulle, qui est parti en mission, est désormais dans une situation sanitaire tout autre qu'il y a un an. Il n'y a pas de cas de covid à son bord.
Les exemples de cette nature sont nombreux. Je ne dis pas qu'il est de la responsabilité du ministère de la santé d'assurer les approvisionnements du ministère des armées en produits sanitaires ; c'est la responsabilité du service de santé des armées que de commander en quantité suffisante les produits qui paraissent nécessaires. Et, en effet, cette pandémie nous a appris que ce qui n'était pas envisageable doit aussi pouvoir être envisagé, car cela peut arriver.

M. Patrick Hetzel.
Et la liste ? Pas d'élargissement ?

M. le président.
La parole est à M. Ian Boucard.

M. Ian Boucard (LR).
Notre pays traverse une crise sanitaire sans précédent. Lors de cette crise, nombre d'élus locaux et d'observateurs ont réclamé une plus grande mobilisation du service de santé des armées pour aider notre pays à faire face. Nos armées ont d'ailleurs répondu immédiatement présent dès qu'elles ont reçu l'ordre du Gouvernement de se mobiliser. Nous avons tous en tête le montage en quelques jours de l'hôpital de campagne de Mulhouse, qui a permis d'accueillir une cinquantaine de patients alors que le centre hospitalier de la ville était complètement saturé.
On connaît la mobilisation et l'efficacité de nos militaires pour aider les transferts de patients lorsque la solidarité nationale a dû se mettre en place et que les régions les moins touchées par la covid-19 accueillaient des patients de régions en saturation. Depuis le début du mois d'avril, les hôpitaux militaires sont pleinement mobilisés dans la campagne de vaccination et permettent à 50 000 Français d'être vaccinés chaque semaine. Ces éléments nous démontrent qu'une fois encore, chaque fois que notre pays, chaque fois que les Français ont eu besoin d'elles, nos forces armées ont répondu immédiatement présent et ont su se mobiliser pour aider nos soignants à sauver des vies.
Pourtant, cette crise a également mis en avant de manière criante le manque de moyens dont dispose le service de santé des armées, le SSA, du fait de coupes budgétaires importantes et de réductions d'effectifs. Ainsi, l'ancienne loi de programmation militaire a vu la suppression, entre 2014 et 2019, de 1 600 effectifs sur les 16 000 que comptait le SSA au début du mandat du président Hollande. La loi de programmation militaire que nous avons adoptée au début de la législature a mis fin à ces baisses de budget, ce dont je me félicite, mais la crise sanitaire et surtout les nombreuses OPEX auxquelles notre pays participe nécessitent un SSA renforcé.
Ainsi, alors que des élus locaux et nationaux demandaient le concours de l'armée pour coordonner la campagne de vaccination, notamment sa partie logistique, on s'est rendu compte que les moyens du SSA ne le permettaient pas. Au vu du déroulement du début de la campagne de vaccination, il est pourtant certain que nos armées, grâce à leur organisation et à leur sens de la logistique, auraient permis d'aller beaucoup plus vite et d'éviter nombre de problèmes que nous avons rencontrés.
Aussi, au vu des menaces que nous connaissons sur la scène internationale et dont nous savons tous qu'elles sont multiples et particulièrement dangereuses, au vu aussi du risque du déclenchement de plus en plus fréquent de nouvelles épidémies, je souhaite savoir, madame la ministre, si vous avez prévu de renforcer notablement les moyens alloués au SSA, au-delà de la rallonge budgétaire prévue cette année, pour permettre de reconstituer les stocks, notamment de masques et de respirateurs. (M. Patrick Hetzel applaudit.)

M. le président.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre.
Je vous remercie d'avoir rappelé la contribution de nos armées pendant la crise sanitaire pour venir au secours des Français. Rappelons que le service de santé des armées a été conçu et dimensionné pour répondre à une mission première et essentielle : répondre aux besoins de nos soldats, veiller à leur santé de façon préventive, en organisant toutes les visites médicales nécessaires, mais aussi assurer la médecine de l'avant et le suivi des blessés. Telle est la mission de ce service, qui n'exclut cependant pas, lorsque des besoins surgissent en cas de crise, de venir à la rescousse des Français, ce que le SSA a donc fait pendant la crise sanitaire.
Le SSA représente seulement 1% du système de santé public. Dans le cadre de la campagne de vaccination, qui constitue une grande cause nationale, le choix a donc été fait de s'appuyer sur la colonne vertébrale du système de santé public, c'est-à-dire les médecins libéraux, les pharmacies et désormais les grands centres de vaccination constitués grâce à la mobilisation de divers médecins, infirmiers et secouristes. Aussi, lorsqu'on nous a demandé de contribuer à la campagne de vaccination, soit par la mobilisation de nos hôpitaux d'instruction militaires, soit en aidant à l'organisation des centres de vaccination, nous avons répondu présent. Nous n'aurions évidemment pas pu nous substituer aux 1 700 centres de vaccination ouverts dans toute la métropole.
Vous avez rappelé que le SSA avait subi de graves déflations d'effectifs et la diminution de ses moyens. C'est ensemble que nous avons arrêté l'hémorragie dans le cadre de la dernière loi de programmation militaire. Depuis, les moyens du SSA ont recommencé à croître progressivement, mais l'année dernière, afin de tirer les leçons de la crise sanitaire, j'ai souhaité que l'on change de braquet et que l'on redonne de l'oxygène au SSA en renforçant ses effectifs et en prévoyant un nouveau plan d'investissement, rehaussé de 160 millions d'euros.
Je veux souligner, enfin, que nous marchons main dans la main avec le système de santé public. En effet, l'hôpital d'instruction des armées Laveran bénéficiera d'investissements en provenance du plan de relance, qui permettront d'améliorer le cadre dans lequel nos équipes travaillent et accueillent la population des quartiers nord de Marseille. (M. Hervé Berville applaudit.)

M. le président.
La parole est à M. Stéphane Baudu.

M. Stéphane Baudu (Dem).
Hier soir, au sein de la commission de la défense nationale et des forces armées, nous avons déjà longuement évoqué la loi de programmation militaire 2019-2025, qui continuera d'être rigoureusement respectée, comme elle l'est depuis plus de deux ans – je salue ce soir cet engagement renouvelé, madame la ministre.
Toutefois, vous nous avez aussi annoncé que, en raison des événements survenus pendant la crise sanitaire et surtout des évolutions stratégiques constatées dans le cadre des conflits actuels, la loi de programmation militaire devait être ajustée. Or, jeudi dernier, le comité d'éthique de la défense, dont je salue par ailleurs l'existence depuis 2020, à votre initiative, s'est prononcé sur la potentielle adaptation de nos armes dans les conflits futurs et a rendu un avis sur l'intégration de l'autonomie dans les systèmes d'armes létaux. Dans cet avis, le comité d'éthique de la défense rejoint le Gouvernement sur la nécessité de renoncer à l'emploi des systèmes d'armes létaux totalement autonomes, dits SALA, mais reconnaît les avantages opérationnels que présentent les systèmes d'armes létaux intégrant de l'autonomie, dits SALIA, comme les drones, et considère que " la recherche dans les domaines de l'intelligence artificielle de défense et des automatismes dans les systèmes d'armes doit se poursuivre ".
Hier soir, en commission, vous avez précisé que des investissements seraient consacrés à la recherche et développement. J'en viens donc à ma première question : ces investissements concerneront-ils la recherche sur l'intelligence artificielle de défense et l'intégration d'automatismes dans les systèmes d'armes tels que les drones ? Notre souveraineté scientifique et technique et notre capacité à nous défendre contre les drones autonomes sont ici en jeu.
Ensuite, au-delà des enjeux financiers, pensez-vous que le ministère des armées, en s'appropriant ce nouvel avis, doit faire évoluer sa doctrine sur l'intégration de l'autonomie dans les SALIA ? D'ailleurs, le Parlement serait-il consulté sur l'évolution de cette doctrine si elle avait lieu ?
Enfin, savez-vous, madame la ministre, si un débat éthique sur l'intégration de l'autonomie dans les systèmes d'armes s'est tenu avec nos homologues européens dans le cadre du programme Eurodrone ?

M. le président.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre.
Je vous remercie d'avoir soulevé la question très importante de l'éthique dans l'utilisation des systèmes d'armes, monsieur Baudu. À la faveur du développement de l'intelligence artificielle, que le ministère des armées n'a pas voulu brider, nous avons ressenti le besoin de nous appuyer sur les réflexions de personnalités indépendantes, réunies au sein du comité d'éthique de la défense. À ma connaissance, un tel organe n'existe pas dans les ministères de la défense des autres pays européens.
De manière évidente, les premières réflexions du comité d'éthique de la défense se sont portées sur les systèmes d'armes létaux et le niveau d'automatisme qu'ils doivent intégrer. Sur ce sujet, je veux redire, devant la représentation nationale, que nous nous interdisons de nous en remettre à des systèmes totalement autonomes pour engager le feu. Néanmoins, un certain niveau d'autonomie doit pouvoir être ménagé, ce que permettent les SALIA, sur lesquelles le comité d'éthique de la défense s'est prononcé favorablement dans son avis. Dès lors, je souhaite que le ministère des armées précise maintenant la doctrine d'emploi de ces systèmes d'armes.
Sur de tels sujets, si nous refusons par principe d'explorer des champs de recherche technologique, nous risquons de mettre en péril la supériorité opérationnelle et technologique de nos armées. Or notre mission est de la garantir aux Français. Encore faut-il disposer d'un cadre adéquat pour conduire ces recherches avec la sérénité qui s'impose, sans franchir les limites éthiques que nous nous sommes fixées du fait d'une découverte technologique non maîtrisée.

M. le président.
La parole est à M. David Habib.

M. David Habib (SOC).
Cet après-midi, un collaborateur de la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées m'a demandé sur quel thème je souhaitais vous interroger, madame la ministre. Comme il ne s'agissait pas d'un exercice piégeux et que je n'avais pas la volonté politicienne de vous mettre en cause – puisque, par ailleurs, je vous respecte –, je lui ai transmis ma question. Cependant, il est minuit vingt-cinq. Et je ne peux pas m'empêcher de m'interroger : alors que nous sommes cette semaine dans une semaine de contrôle, que contrôlons-nous réellement ce soir ?
De toute évidence, nous atteignons ici les limites de l'exercice. Mme la ministre des armées est intervenue pendant quarante-cinq minutes, ce qui est son droit, mais les parlementaires n'ont que deux minutes pour s'exprimer, sur des questions aussi essentielles que l'indépendance de la France et la loi de programmation militaire, pour lesquelles ils reçoivent des réponses de deux minutes seulement… Nous n'avons apparemment pas trouvé le juste équilibre entre l'exécutif et le législatif.
Dans ma question, je souhaitais évoquer la souveraineté nationale au sortir de la crise sanitaire et vous interroger, madame la ministre, sur les cyberattaques et sur les différents budgets de la défense des pays européens. J'y renonce : comment pourriez-vous me répondre en deux minutes sur des sujets aussi importants ?
Je veux en revanche utiliser mon temps de parole pour appeler à un sursaut démocratique et institutionnel. Nous ne pouvons pas continuer à avoir un exécutif qui, matin, midi et soir oublie – c'est bien le terme – le Parlement. À quelques mois d'une échéance électorale, nous avons besoin de repenser tous ensemble – parce que nous sommes tous républicains – notre ordre institutionnel, faute de quoi la politique se fera ailleurs que dans cet hémicycle.
Une remarque pour conclure. Tachons de ne pas mettre M. Le Drian en difficulté : de nombreux députés du groupe La République en marche ont dénoncé l'obscurité qui existait avant 2017 ; n'oubliez pas, chers collègues, qui était alors ministre de la défense !

M. le président.
Souhaitez-vous répondre, madame la ministre ?

Mme Florence Parly, ministre.
Non, monsieur le président.

M. le président.
La parole est à M. Thomas Gassilloud.

M. Thomas Gassilloud (Agir ens).
Je rappelle à notre collègue David Habib que l'Assemblée nationale décide de sa propre organisation et que Mme la ministre des armées n'est en rien responsable. Je vous accorde que les semaines de contrôle ne sont pas entièrement satisfaisantes, mais essayons de faire au mieux avec les outils dont nous disposons.

M. David Habib.
Changeons-les !

M. Thomas Gassilloud.
Lors de la guerre du Golfe, la France a subi un certain choc au plan stratégique, son armée ayant été pensée pour contrer les forces soviétiques et ne répondant plus réellement aux enjeux de l'époque. Depuis, nos forces se sont professionnalisées et organisées, passant progressivement d'une logique de stock à une logique de flux.
Le retour d'un conflit majeur est désormais une hypothèse crédible. Je me pose donc la question de la capacité de nos armées à faire face à des pics d'engagement opérationnel. Les récentes tensions à l'est de l'Ukraine ont montré que la Russie était capable de déployer 100 000 hommes en quelques semaines. La Turquie, pour sa part, a déployé 80 000 soldats en Syrie. Or, dans notre contrat opérationnel, l'hypothèse d'engagements majeurs s'accompagne du déploiement de seulement 24 000 soldats en six mois. Nous le savons tous, la dissuasion ne couvre pas tous les scénarios possibles.
La loi de programmation militaire est certes un outil extraordinaire de remontée en puissance, mais les moyens qu'elle prévoit sont bien souvent captés par des programmes coûteux. Malgré toute son ambition, nous aurons en 2030 moins de blindés, moins d'avions et moins de bateaux. Ainsi, la marine nationale sera passée de 24 à 15 frégates entre 2008 et 2030. De même, pour l'armée de l'air, qui verra le nombre d'avions baisser de 420 à 185 sur la même période. Quant aux régiments de l'armée de terre, ils comptent cinq compagnies de combat, mais seulement une compagnie sur cinq pourrait partir en opération si cela s'avérait nécessaire étant donné le nombre de véhicules disponibles.
Il est donc de mon devoir, madame la ministre, de vous demander de fournir un effort particulier sur les équipements de base de notre armée, notamment en matière de mobilité terrestre. Quelles actions pouvez-vous engager pour revenir sur les efforts initiaux prévus par la PEGP ?

M. le président.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre.
Lorsqu'il y a trois ans, dans cet hémicycle, nous avons posé les fondements de la loi de programmation militaire, nous avons tous été très clairs sur les choix qui nous guidaient et sur les raisons de ces choix. Un important travail de réparation était alors nécessaire dans nos armées après de nombreuses années au cours desquelles la France et tous les autres pays avaient souhaité " tirer les dividendes de la paix ", comme on disait après la chute du mur de Berlin.
Avant de pouvoir évoquer un quelconque nouveau format, encore fallait-il, à l'intérieur du format existant, disposer d'équipements en état de marche et modernisés. Tel était précisément l'objectif de la présente loi de programmation militaire. Alors que nous entrevoyons aujourd'hui la possibilité d'un retour d'un conflit de haute intensité, nous devons intégrer cette dimension dans les scénarios de préparation et d'entraînement.
C'est ce à quoi nos trois armées s'emploient. L'armée de terre a récemment réalisé un exercice d'état-major de haute intensité aux États-Unis avec les armées américaine et britannique ; l'armée de l'air et de l'espace pratique de la même façon des entraînements de haute intensité avec d'autres partenaires ; la marine nationale s'y emploie également dans le cadre de très nombreuses interactions avec des marines de haut niveau.
Vous le voyez, deux aspects sont au coeur de notre action : il s'agit d'une part d'assurer sur le plan capacitaire la réparation et la modernisation de ce dont nous disposons, et d'autre part d'intégrer dans nos scénarios de planification la possibilité d'un conflit de haute intensité, donc de réaliser des exercices qui nous amèneront à tirer de nombreuses leçons.

M. le président.
La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot.

M. Yannick Favennec-Bécot (UDI-I).
Madame la ministre, le 16 avril dernier, Naval Group a livré à la marine nationale la frégate multi-missions à capacité de défense aérienne (FREMM DA) Alsace, qui remplacera la frégate anti-aérienne T70 Cassard, retirée du service en mars 2019. La Lorraine, seconde FREMM DA, doit quant à elle être livrée l'année prochaine.
De fait, l'Alsace, qui est notre septième frégate multi-missions, sera en mesure d'opposer une bulle d'interdiction de vol de plus de 100 kilomètres de rayon à l'aide de ses trente-deux missiles Aster. Si je me réjouis bien sûr de ce nouveau pas significatif dans le renforcement des capacités opérationnelles de la marine nationale, je m'interroge, eu égard au développement effréné d'autres puissances militaires et aux tensions se développant en Méditerranée, en Europe, au Moyen-Orient et dans la zone indo-pacifique, sur le format qui sera celui de la marine en 2030, tel qu'il est actuellement défini.
La France sera-t-elle en mesure de maîtriser la mer, d'avoir la main sur les flux qui irriguent le monde, de protéger sa ZEE, dont nous connaissons le potentiel incroyable, tout en s'engageant dans des conflits de haute intensité ?
Face à ces interrogations, le groupe UDI-I croit qu'il est important d'augmenter le nombre de frégates qui soient réellement de premier rang, de même que leur armement. Si je sais que ce voeu est très certainement partagé sur plusieurs bancs de cet hémicycle, il n'en demeure pas moins que sa réalisation représente un coût important, mais il s'agit d'une assurance-vie dont nous ne pouvons nous passer.
Aussi, pourriez-vous nous donner, madame la ministre, votre avis sur cette réflexion stratégique et nous indiquer les coûts que représenterait par exemple l'achat de trois frégates supplémentaires de type FDI – frégate de défense et d'intervention – et une augmentation des capacités offensives et défensives des bâtiments dont nous disposons déjà ?

M. le président.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre.
Vous avez rappelé l'arrivée des bâtiments de très haute technicité que sont ces frégates multi-missions de défense anti-aérienne, qui vont donc compléter nos FREMM et les porter au nombre de huit. Si l'on ajoute les cinq frégates de défense et d'intervention qui ont vocation à entrer dans notre flotte dans les prochaines années, ainsi que nos deux autres frégates de défense anti-aérienne, cela porte à quinze le nombre de nos frégates de premier rang.
Si l'on devait faire plus, cela aurait forcément un coût ; ce serait le fruit d'arbitrages politiques et stratégiques qui ne relèvent pas de cette loi de programmation militaire. Celle-ci intègre les commandes de plusieurs frégates, les FREMM qui sont en cours de livraison, bien sûr, mais aussi des FDI. Vous l'avez sans doute noté : j'ai annoncé il y a quelques semaines que nous allions anticiper nos commandes de FDI et j'ai ainsi anticipé la commande des deuxième et troisième frégates de défense et d'intervention.
Il faut aussi avoir en tête qu'étant numériques, ces frégates ont une capacité nouvelle, celle de pouvoir bénéficier au fur et à mesure de technologies nouvelles sans que la structure du navire lui-même nécessite d'être modifiée. Nous avons donc là aussi des capacités d'évolution technologique, mais il est vrai que si le contexte d'il y a quelques années pouvait souffrir que nous utilisions des bateaux relativement légers, le durcissement auquel nous faisons face en ce moment nous incite plutôt à employer désormais des navires plus fortement armés et plus lourds.

M. le président.
La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle (LT).
Je me réjouis de voir notre pays, pourtant si déchiré, se rassurer et se rassembler autour des enjeux de défense. C'est en effet un élément très important.
Parmi les paramètres qui pèseront dans les dispositifs de dissuasion à venir, je crois que la cohésion des peuples deviendra un élement essentiel. De ce point de vue, le service national et civique pourrait être le ciment de cette cohésion retrouvée. Lorsque vous aviez présenté votre projet de service universel, madame la ministre, j'avais salué cette initiative, et j'ai déjà proposé à plusieurs reprises le rétablissement de la conscription. Le service universel est piloté par le ministère de l'éducation nationale ; quant à vous, madame la ministre, vous avez rapidement quitté le front sur ce sujet.
Le Gouvernement propose désormais un séjour de deux semaines suivi d'une mission d'intérêt général de quatre-vingt-quatre heures. Comment une période aussi courte pourrait-elle conduire à une plus grande cohésion et à un plus grand sens de l'engagement civique chez nos jeunes ? Je pense que nous devons réfléchir ensemble – c'est un immense chantier – à trouver les moyens nécessaires au retour du service civique et militaire. Le service pour tous, filles et garçons, long d'une année scolaire, permettrait à nos jeunes de se retrouver, à nos banlieues de se réunir avec nos villes et nos campagnes. Comment voulez-vous redresser une situation aussi difficile si nous ne mettons pas l'ensemble de nos jeunes au travail ensemble ?

M. le président.
La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre.
Le service national universel, vous l'avez fort bien dit, est un facteur d'unité et de cohésion de notre nation. Il s'adresse à nos jeunes qui ont besoin d'engagement, qui sont à la recherche de sens et qui ont souvent, plus que d'autres, envie d'exprimer leur solidarité. C'est un projet très fédérateur.
Nous avons été un peu brisés dans notre élan par la crise sanitaire puisque c'est à l'été 2019 que nous avons déployé de façon très expérimentale le tout premier embryon de service national universel. Un peu moins de 3 000 jeunes ont bénéficié pendant quinze jours d'une vie en collectivité, ce qui n'est pas fréquent par les temps qui courent ; ils ont appris à se connaître, à s'apprécier et à cohabiter.
D'autres développements avaient été prévus mais, du fait de la crise sanitaire, nous n'avons malheureusement pas pu multiplier le nombre de jeunes participant au service national universel en 2020. Nous reprenons le processus et, cette année, à l'été, le dispositif sera ouvert à un nombre de jeunes plus important. Si le ministère des armées n'en est pas le maître d'oeuvre, il y contribue fortement ; ce service national n'est pas militaire – cela n'a jamais été sa vocation –, mais mon ministère participe à sa structuration par l'animation de nombreuses sessions, et je crois pouvoir dire que son module figure parmi ceux qui ont été les plus appréciés par la première génération ayant expérimenté le programme. Nous allons donc poursuivre en ce sens.

M. le président.
Madame la ministre, il me reste à vous remercier. Le débat est clos.


Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 7 mai 2021